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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_75/2022  
 
 
Arrêt du 30 juillet 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Jametti, Présidente, Hohl, Kiss, Rüedi et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, 
représentée par Me Serge Patek, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
représentés par Me Romolo Molo, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
bail à loyers indexés; importantes réparations; hausse de loyer, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2022 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/15183/2018, ACJC/34/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 13 avril 1983, A.________ AG (ci-après: la bailleresse) et C.________ (ci-après: le locataire) ont conclu un bail à loyer portant sur un appartement de 5 pièces dans un immeuble sis à l'avenue... à Genève, propriété de la bailleresse. Le loyer annuel de l'appartement s'élevait à 9'060 fr., charges en sus. Le contrat a été conclu pour une durée initiale de 18 mois, du 1 er avril 1983 au 30 septembre 1984, et était ensuite renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance.  
Par avenant au bail à loyer, B.________ (ci-après: la locataire; ensemble avec C.________ : les locataires) est devenue, à compter du 1 er octobre 2006, locataire de l'appartement conjointement et solidairement avec C.________, les autres clauses du bail demeurant inchangées.  
 
A.b. L'immeuble a été construit en 1920 et comprend 24 appartements. Il a subi des travaux de rénovation en 2000 (rénovation des façades, fenêtres, volets roulants et installation d'un chauffage à mazout) et en 2009 (modernisation de l'ascenseur).  
 
A.c. Par avis de majoration de loyer du 22 février 2012, la bailleresse a déclaré porter le loyer annuel de l'appartement à 10'860 fr., charges de 2'563 fr. en sus, dès le 1 er octobre 2012 et a proposé une nouvelle échéance du bail au 30 septembre 2017.  
Cet avis est motivé comme suit : "Adaptation aux loyers usuels du quartier selon l'art. 269a CO - Proposition d'un nouveau bail de 5 ans au loyer indexé (art. 269b CO) renouvelable de 5 ans en 5 ans indice janvier 2012 base 2010. En cas de prestations supplémentaires au sens des art. 269a let. b CO et 14 OBLF, le bailleur se réserve expressément le droit de majorer le loyer en cours de bail, en sus de l'adaptation de celui-ci à l'évolution de l'ISPC. Il est pris note entre les parties que le locataire peut résilier son bail dès la 2ème année, moyennant un préavis de résiliation de 3 mois pour une échéance annuelle. En annexe: clause d'indexation." 
Cette hausse de loyer n'a pas été contestée. 
 
A.d. Le 25 février 2015, l'Office des autorisations de construire a délivré à la bailleresse une autorisation portant sur la rénovation de l'immeuble et des installations sanitaires des 24 appartements et sur la création d'un exutoire de fumée. Une partie des travaux effectués concernait une mise aux normes (électricité, garde-corps, portes anti-feu), l'assainissement des cuisines, locaux sanitaires, conduites. Les cuisines et salles de bains étaient vétustes et de nombreuses fuites avaient eu lieu en raison de l'état de vieillissement préoccupant des conduites sanitaires.  
Les travaux se sont déroulés du 24 août 2015 au 30 novembre 2016 et ont consisté plus particulièrement en la rénovation des cuisines, des sanitaires et des colonnes sanitaires de l'immeuble. 
Le décompte final établi par la bailleresse le 25 octobre 2017 fait état d'un coût total du chantier de 2'498'247 fr.70, dont 2'449'069 fr.40 correspondent aux travaux de rénovation. 
 
A.e. L'état locatif de l'immeuble au 31 juillet 2015 s'élevait à 349'920 fr.  
 
A.f. La bailleresse a adressé deux avis de majoration du loyer, le premier - en date du 1 er juin 2018 - au locataire seul et le second - le 29 janvier 2019 - aux deux locataires. Elle y déclarait vouloir porter le loyer à 17'025 fr. par année, charges de 2'280 fr. en sus, à compter du 1 er octobre 2018, respectivement à compter du 1 er octobre 2019. Les deux avis contenait la motivation suivante: " DCTI selon art. 269a CO let. b prestations supplémentaires du bailleur ".  
 
B.  
 
B.a. Le 28 juin 2018, les locataires ont contesté la première hausse de loyer devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Ils ont simultanément sollicité une réduction du loyer à 9'960 fr. par an (charges en sus) dès le 1 er octobre 2018, en raison de la baisse du taux hypothécaire de référence de 2,25 % à 1,5 %.  
Non conciliée, la demande a été portée devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève par les locataires. 
Dans sa réponse, la bailleresse a opposé à la demande de baisse de loyer, d'une part, l'augmentation de l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC) et, d'autre part, les loyers usuels du quartier. Lors de l'audience du 3 septembre 2019, elle a produit des exemples de loyer comparatif de cinq appartements. 
 
B.b. Le 5 février 2019, les locataires ont contesté la seconde hausse de loyer devant la Commission de conciliation. Simultanément, ils ont sollicité une réduction du loyer à 9'960 fr. par an dès le 1 er octobre 2019 en raison de la baisse du taux hypothécaire de référence de 2,25 % à 1,5 % depuis la dernière fixation du loyer en octobre 2012.  
Non conciliée, la demande de hausse a été portée devant le Tribunal des baux et loyers, la bailleresse concluant à la fixation du loyer annuel de l'appartement concerné à 14'052 fr., charges non comprises, dès le 1 er octobre 2019.  
Dans leur réponse, les locataires ont conclu, préalablement, à ce qu'il soit ordonné à la bailleresse de produire les décomptes de charges courantes d'entretien des années 2012 à 2017 et, principalement, au déboutement de la bailleresse de toutes ses conclusions et à la fixation du loyer à 9'960 fr. par an dès le 1 er octobre 2018.  
 
B.c. Les deux causes ont été jointes.  
Par jugement du 12 février 2021, le Tribunal des baux et loyers a fixé à 13'404 fr., charges en sus, le loyer annuel de l'appartement dès le 1 er octobre 2019 (chiffre 2) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (chiffre 3).  
 
B.d. Contre ce jugement, les locataires ont déposé un appel, suivi d'un appel joint de la bailleresse.  
Par arrêt du 17 janvier 2022, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le chiffre 2 du dispositif et fixé le loyer annuel de l'appartement en cause à 11'820 fr., charges en sus, dès le 1 er octobre 2019, le jugement entrepris étant confirmé pour le surplus. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt.  
 
C.  
La bailleresse forme un recours en matière civile. Elle conclut à ce que le loyer annuel soit fixé à 13'404 fr., charges en sus, dès le 1 er octobre 2019.  
Dans leur réponse, les locataires concluent principalement au rejet du recours, subsidiairement à ce que le loyer soit ramené à 12'199 fr.20 par année, charges en sus, dès le 1 er octobre 2019.  
La bailleresse a déposé une réplique, confirmant ses conclusions initiales, sans susciter de duplique de ses adverses parties. 
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la bailleresse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur appel par un tribunal cantonal supérieur (art. 75 LTF) dans une affaire de contestation d'une hausse de loyer (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en matière de bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traitera toutefois que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Dès lors qu'une question est discutée, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).  
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
3.  
Les parties sont liées par un bail à loyers indexés pour cinq ans, renouvelable de cinq ans en cinq ans; il est constant que la bailleresse s'est réservé le droit d'augmenter le loyer en cours de bail sur la base de l'exécution de prestations supplémentaires. La recourante ne fonde plus ses prétentions sur l'avis initial de majoration censé déployer ses effets à compter du 1 er octobre 2018, mais sur celui qu'elle a notifié aux deux locataires l'année suivante pour le 1 er octobre 2019. Comme les locataires disposent du droit de résilier le contrat avec un préavis de trois mois pour une échéance annuelle, la majoration du loyer leur a été signifiée en temps utile, l'art. 269d al. 1 CO s'appliquant également à une hausse de loyer consécutive à des investissements apportant une plus-value lors d'une rénovation (cf. ATF 142 III 375).  
A ce stade, le litige porte sur l'augmentation du loyer s'élevant en dernier lieu à 10'860 fr. par an (charges non comprises), que la bailleresse recourante voudrait voir fixé à 13'404 fr. par an à partir du 1 er octobre 2019. Les locataires n'ont pas recouru contre l'arrêt cantonal arrêtant le loyer annuel à 11'820 fr., de sorte que la baisse de loyer supplémentaire à laquelle ils prétendaient n'est plus en jeu.  
 
3.1. La bailleresse a invoqué les travaux de rénovation entrepris pour augmenter le loyer, alors que les locataires se sont fondés sur la baisse du taux hypothécaire de référence pour en réclamer la réduction. Pour les départager, la cour cantonale a raisonné en trois temps.  
Elle a tout d'abord examiné si la bailleresse avait, par le biais des travaux entrepris, apporté une prestation supplémentaire (art. 269a let. b CO et art. 14 al. 1 OBLF) de nature à lui permettre d'augmenter le loyer, ou s'il s'agissait de travaux d'entretien courant selon l'art. 256 al. 1 CO, non répercutables. En s'aidant de la présomption posée à l'art. 14 al. 1 OBLF, selon laquelle les frais causés par d'importantes réparations sont considérés à raison de 50 à 70 % comme des investissements créant des plus-values, les juges cantonaux ont considéré que la moitié du coût des travaux entrepris, soit 1'224'534 fr.70 (2'449'069 fr.40 / 2), correspondait à une plus-value. 
Dans un deuxième temps, la cour cantonale a examiné, à l'aune de l'art. 14 al. 4 OBLF, si la hausse de loyer fondée sur ces investissements créant une plus-value était abusive. Pour ce faire, elle a additionné trois éléments sur une base annuelle: (1) l'intérêt du capital investi, compte tenu du taux hypothécaire de référence au moment de la notification de la hausse de loyer (1,5 %) majoré de 0,5 % et divisé par deux vu l'amortissement progressif dudit capital; (2) l'amortissement du capital sur la durée de vie présumable des nouvelles installations, qu'elle a fixée à 23 ans étant donné la nature des travaux effectués et conformément à la tabelle d'amortissement commune aux associations de bailleurs et de locataires; (3) l'entretien à venir des nouvelles installations estimé à 10 % du total du poste "intérêts et amortissements". 
En chiffres, ceci s'est traduit ainsi: 
Intérêt du capital: [1'224'534 fr.70 x 2 %] / 2 = 12'245 fr.35 
Amortissement: 1'224'534 fr.70 / 23 = 53'240 fr.60 
Entretien: [12'245 fr.35 + 53'240 fr.60] x 10 % = 6'548 fr.60 
Total annuel: 59'789 fr.20 (sic) 
L'autorité précédente a rapporté le résultat de ce calcul à l'état locatif de l'immeuble avant travaux (59'789 fr.20 / 349'920 fr.), ce dont elle a déduit qu'une hausse de loyer de 17,1 % était justifiée. 
Il convient de relever d'office que le résultat de l'addition opérée dans l'arrêt attaqué est entaché d'une erreur manifeste puisqu'il ne tient pas compte de l'intérêt du capital par 12'245 fr.35. Après rectification, le total annuel des éléments de calcul déterminants serait de 72'034 fr.55, dont le rapport avec l'état locatif avant travaux justifierait une hausse de loyer de 20,59 % (72'034 fr.55 / 349'920 fr.). 
Dans une ultime étape, la cour cantonale a examiné si les locataires pouvaient prétendre à une réduction de loyer fondée sur la baisse du taux hypothécaire de référence. S'agissant d'un bail indexé à l'ISPC, lequel constituait le mode exclusif de fixation du loyer, aucune des parties ne pouvait revendiquer d'autres motifs de hausse ou de baisse du loyer, à moins que le bailleur ne se soit réservé le droit d'augmenter le loyer en cours de bail sur la base de l'exécution de prestations supplémentaires, ce qui était le cas en l'espèce. Cette prérogative était fondée sur un critère relatif de fixation du loyer, au même titre que l'adaptation à l'ISPC ou à l'évolution des taux hypothécaires. Or, de tels critères pouvaient, de manière générale, être compensés entre eux. Partant, aucun motif ne justifiait de priver les locataires de la faculté d'invoquer la baisse du taux hypothécaire de référence pour compenser la hausse de loyer réclamée par la bailleresse, indépendamment du fait que le motif de cette hausse ne résidait pas dans une augmentation de l'ISPC. In casu, le taux hypothécaire de référence avait évolué de la manière suivante: il se montait à 2,25 % lors de la dernière fixation du loyer en octobre 2012 et n'était plus que de 1,5 % le 1 er octobre 2019. Dès lors, les locataires pouvaient prétendre à une baisse de loyer de 8,26 %.  
En définitive, la cour cantonale a opposé la hausse de loyer de 17,1 %, justifiée par les prestations supplémentaires de la bailleresse, à la baisse de loyer de 8,26 % réclamée légitimement par les locataires en raison de la diminution du taux hypothécaire de référence, ce qui l'a conduite à admettre une hausse de loyer de 8,84 %. Le dernier loyer annuel étant de 10'860 fr., il pouvait ainsi être porté à 11'820 fr. au maximum. 
Il est à noter que si la cour cantonale n'avait pas commis l'inadvertance relevée plus haut, la hausse de loyer admissible selon l'arrêt attaqué aurait été de 12,33 % (20,59 % - 8,26 %), le loyer pouvant s'élever au plus à 12'199 fr. par an. 
 
3.2. Selon la recourante, le calcul figurant dans l'arrêt attaqué viole le droit fédéral sur deux points.  
En ce qui concerne tout d'abord le rendement des fonds investis pour les rénovations lors du calcul prescrit par l'art. 14 al. 4 OBLF, le supplément au taux hypothécaire de référence ne serait pas limité à 0,5 % (cf. consid. 3.1 § 3 supra). À l'instar du Tribunal des baux et loyers, la cour cantonale aurait dû appliquer un taux de 2 % en sus du taux hypothécaire de référence de 1,5 % déterminant en l'espèce (soit ne dépassant pas 2 %), conformément à la nouvelle jurisprudence rendue dans le cadre d'un calcul du rendement net selon l'art. 269 CO (ATF 147 III 14). Ce premier grief sera examiné au consid. 4 ci-dessous. 
Par ailleurs, s'agissant d'un bail à loyers indexés, il serait exclu de permettre aux locataires, à l'occasion d'une hausse de loyer liée à des prestations supplémentaires, d'obtenir une diminution de loyer fondée sur la baisse du taux hypothécaire de référence (cf. consid. 3.1 § 6 supra). Ce second grief fera l'objet du consid. 5 infra. 
 
4.  
 
4.1. Aux termes de l'art. 269a let. b CO, les loyers qui sont justifiés par des prestations supplémentaires du bailleur ne sont en règle générale pas abusifs. D'après l'art. 14 al. 1 1ère phrase OBLF, les investissements qui aboutissent à des améliorations créant des plus-values sont réputés prestations supplémentaires au sens de l'art. 269a let. b CO. L'art. 14 al. 3 OBLF précise par ailleurs que seule la part d'un investissement qui excède les coûts de rétablissement ou de maintien de l'état initial de la chose louée est considérée comme prestation supplémentaire.  
Le bailleur peut donc majorer le loyer lorsqu'il procède à des travaux de rénovation (cf. art. 260 al. 1 CO) qui améliorent la qualité de la chose louée et en accroissent la valeur (cf. arrêt 4A_531/2016 du 11 avril 2017 consid. 3.1), au contraire des travaux d'entretien qui ne visent qu'à maintenir la chose louée dans un état conforme à l'usage convenu (cf. art. 256 al. 1 CO). 
Lorsque de gros travaux de rénovation sont entrepris dans un immeuble, il est souvent difficile de distinguer entre les travaux d'entretien couverts par le loyer actuel et les améliorations à plus-value justifiant une hausse de loyer (cf. ATF 118 II 415 consid. 3a). L'art. 14 al. 1 2ème phrase OBLF dispose qu'en règle générale, les frais causés par d'importantes réparations sont considérés, à raison de 50 à 70 %, comme des investissements créant des plus-values. Les importantes réparations tendent à prolonger la durée de vie de l'immeuble et à le moderniser. Elles consistent en travaux extraordinaires qui dépassent les réparations habituelles et l'entretien courant d'un point de vue quantitatif; elles se caractérisent par le fait qu'elles touchent plusieurs parties essentielles de l'immeuble et génèrent un coût considérable en comparaison de l'état locatif (arrêt 4A_531/2016 précité consid. 3.1; arrêts 4A_102/2012 du 30 mai 2012 consid. 2.3; 4A_495/2010 du 20 janvier 2011 consid. 6.1). 
Aux termes de l'art. 14 al. 4 OBLF, les hausses de loyer fondées sur des investissements créant des plus-values et sur des améliorations énergétiques sont réputées non abusives lorsqu'elles ne servent qu'à couvrir équitablement les frais d'intérêts, d'amortissement et d'entretien résultant de l'investissement. 
 
4.2. Il n'est pas contesté que les travaux ici en cause constituent d'importantes réparations, ni que la part de leur coût total fixée forfaitairement à 50 % représente un investissement à plus-value au sens de l'art. 14 al. 1 et 4 OBLF. Parmi les trois éléments de calcul de la majoration non abusive du loyer selon l'art. 14 al. 4 OBLF, l'amortissement sur 23 ans du capital investi ainsi que l'entretien à venir à hauteur de 10 % des intérêts et de l'amortissement ne sont pas non plus remis en cause. Seule la répercussion sur le loyer des intérêts du capital créateur de plus-value doit être examinée par la cour de céans.  
Selon la jurisprudence, le taux de rendement admissible correspond au taux hypothécaire de référence en vigueur au moment de la notification de la hausse de loyer, augmenté d'un certain pourcentage; jusqu'à présent et de longue date, le Tribunal fédéral a jugé admissible un supplément de 0,5 %. Tout le capital investi est pris en compte, sans distinction entre fonds propres et fonds étrangers. Mais seule la part non amortie de l'investissement doit être rémunérée; pour ce faire, il est possible d'appliquer le taux plein sur la moitié des investissements à plus-value ou, ce qui conduit au même résultat, de prendre en considération la totalité du capital à rémunérer, mais seulement la moitié du taux (ATF 118 II 415 consid. 3c/aa). 
 
4.3. Est litigieux le pourcentage en sus du taux hypothécaire de référence.  
La cour cantonale s'est référée au supplément de 0,5 % ressortant de l'ATF 118 II 415 susmentionné, qui arrêtait finalement le taux d'intérêt applicable à (la moitié de) l'investissement à plus-value à 6,5 % (taux hypothécaire de référence de 6 % + 0,5 %) (consid. 3c/aa). Alors que le taux hypothécaire de référence à la date déterminante est de 1,5 % en l'espèce, les juges précédents ont refusé d'appliquer la nouvelle jurisprudence - soit 2 % en sus du taux hypothécaire de référence lorsque celui-ci est égal ou inférieur à 2 % - fixant le rendement admissible des fonds propres réévalués lors d'un calcul du rendement net opéré dans le contexte d'une contestation du loyer initial (ATF 147 III 14 consid. 8.4). 
 
4.3.1. Ce dernier arrêt, rendu en 2020, modifie une jurisprudence remontant à 1986. À cette époque-là, un taux de 0,5 % en sus du taux hypothécaire de référence s'élevant alors à 5,5 % avait été jugé admissible pour le rendement des fonds propres (ATF 112 II 149), soit un supplément identique à celui appliqué en 1992 dans l'ATF 118 II 415 en matière d'investissements créateurs de plus-value, durant une période où le taux hypothécaire de référence était encore plus élevé. Plus de trente ans plus tard, pour justifier le taux de 2 % en sus du taux hypothécaire de référence lorsque celui-ci est égal ou inférieur à 2 %, le Tribunal fédéral a relevé que ce dernier taux avait continuellement baissé depuis 1995 jusqu'à atteindre 1,25 % à la date de son arrêt, de sorte que le rendement, calculé en ajoutant 0,5 % audit taux, aboutissait à un loyer qui n'était plus en rapport avec la mise à disposition de l'usage de l'habitation et qui se révélait insuffisant pour les caisses de pension devant servir des rentes à leurs assurés ainsi que pour les propriétaires immobiliers exposés aussi à des risques (défaut de paiement du loyer, locaux demeurant vides, etc.) (ATF 147 III 14 consid. 8.4). Dans l'affaire en question, le taux hypothécaire de référence était de 1,5 % à la date déterminante, de sorte que le rendement admissible des fonds propres investis était de 3,5 % (consid. 8.5).  
 
4.3.2. A la suite de cet arrêt, la doctrine s'est demandé si la nouvelle jurisprudence devait être transposée au rendement du capital créateur de plus-value dans le calcul prescrit à l'art. 14 al. 4 OBLF.  
Certains auteurs ont répondu par la négative. Montalto et Rubli relèvent que, dans ce cas-là, le taux d'intérêt s'applique à l'intégralité du capital investi, sans distinction suivant qu'il s'agit de fonds propres ou de fonds étrangers, au contraire de ce qui se passe dans le calcul du rendement net où seuls les fonds propres sont rémunérés en ajoutant un pourcentage au taux hypothécaire de référence. Ils estiment également que le revirement de jurisprudence opéré par le Tribunal fédéral tend à éviter la fixation de loyers extrêmement bas et, partant, à aider les propriétaires institutionnels qui financent leurs biens uniquement en fonds propres, et non à favoriser encore davantage les investissements créant des plus-values (CÉSAR MONTALTO/XAVIER RUBLI, Loyers abusifs et rendement net, Revue de l'Avocat 2/2021 p. 59 ss). Un commentaire publié dans mp-flash 7/2020 (p. 3) souligne que l'intérêt sur le capital créateur de plus-value est fixé sur la (longue) période de l'amortissement dans le cadre de travaux de rénovation, ce qui serait incompatible avec le revirement de jurisprudence opéré dans l'ATF 147 III 14 lequel serait fondé sur de pures raisons conjoncturelles (période de taux bas). Pour sa part, Stastny évoque, outre les motifs précités, encore d'autres arguments qui militeraient contre la transposition de l'ATF 147 III 14 aux rénovations. Cet auteur insiste notamment sur les différences entre les modes de calcul considérés, lesquelles justifieraient des taux de rendement distincts: le calcul de rendement net est actuel et concret en ce qu'il tend à définir la rentabilité de fonds propres effectivement investis, réévalués à un moment donné, et comporte ainsi une dimension conjoncturelle, alors que le calcul de répercussion sur le loyer de l'investissement à plus-value vise à fixer un taux de refinancement pour une dépense préfinancée par le bailleur et prend en compte des éléments standardisés (part des frais arrêtée dans la fourchette de l'art. 14 al. 1 OBLF, amortissement selon des tabelles de longévité, entretien futur capturé à un taux standard), que la conjoncture ne saurait influencer (PIERRE STASTNY, Travaux de rénovation de la chose louée; quel taux d'intérêt pour le capital créateur de plus-value ? plaidoyer 4/2022 p. 36 s.; LE MÊME, Jurisprudence fédérale relative au rendement net de la chose louée, plaidoyer 1/2021 p. 26 s.) 
A l'inverse, d'autres auteurs se sont prononcés en faveur d'une transposition de l'ATF 147 III 14 aux investissements créateurs de plus-values, soutenant pour l'essentiel qu'il n'y avait aucune raison d'avoir deux taux de rendement admissibles, l'un dans le cadre d'un calcul de rendement net des fonds propres et l'autre dans le cadre de travaux à plus-value (NICOLAS DAÏNA, La détermination du loyer admissible, 2023, n. 211 p. 39 [même si cet auteur prône une méthode fondée sur la valeur réelle des immeubles]; PETER HIGI/CHRISTOPH WILDISEN, in Zürcher Kommentar, 5 e éd. 2022, n° 379 ad art. 269a CO note de pied 374; PHILIPPE CONOD, Protection contre les loyers abusifs, Droit du bail N° 33/2021 note 63 p. 48; LE MÊME, Rendement net art. 269 CO; réévaluation des fonds propres; taux de rendement des fonds propres, Newsletter Bail.ch décembre 2020 p. 7; BEAT ROHRER, Konsequenzen aus der Änderung der Rechtsprechung des Bundesgerichts betreffend die zulässige Nettorendite, MRA 3/21 p. 113 ss spéc. p. 122 [traduction en français CdB 2022 p. 34 ss spéc. p. 42]; LE MÊME, Zulässige Nettorendite, MRA 4/20 p. 181; nuancé, EMMANUEL PIAGET, Le rendement net de la chose louée, 22e Séminaire sur le droit du bail, 2022, n. 62 à 64 p. 119 s.).  
Selon l'arrêt attaqué, faute d'une volonté claire du Tribunal fédéral, l'ATF 147 III 14 n'a pas vocation à émettre une règle générale déterminant également le taux d'intérêt applicable en matière de prestations supplémentaires du bailleur, mais se limite à arrêter le rendement admissible des fonds propres dans le cadre de la fixation du loyer initial. Au demeurant, la cour cantonale est d'avis que, en cas d'investissements à plus-value, l'absence de clarté quant aux fonds visés (fonds propres ou non) ou l'existence d'une longue période d'amortissement possible s'opposent à la reprise de la nouvelle jurisprudence. 
 
4.3.3. Dans l'ATF 147 III 14 (consid. 8.4), le Tribunal fédéral s'est prononcé sur le taux de rendement admissible d'un capital investi par le bailleur en portant de 0,5 à 2 le point de pourcentage en sus du taux hypothécaire de référence lorsque celui-ci est égal ou inférieur à 2 %.  
A priori rien ne justifie de ne pas appliquer cette nouvelle jurisprudence - sur laquelle il n'y a pas lieu de revenir ici - au rendement du capital créateur de plus-value lors du calcul de la majoration non abusive du loyer selon l'art. 14 al. 4 OBLF. En effet, qu'il s'agisse de la rémunération des fonds propres lors de la fixation du loyer selon la méthode absolue ou de celle de l'investissement à plus-value (à hauteur de la moitié) dans le cadre de la méthode relative, le Tribunal fédéral avait jugé admissible un taux de 0,5 % en sus du taux hypothécaire de référence à une période où celui-ci était élevé, ce qui correspondait alors à un rendement de 6 %, respectivement 6,5 % (consid. 4.3 et 4.3.1 supra). Or, à cette époque-là, les deux calculs de rendement se distinguaient déjà par leurs méthodes et comportaient les mêmes différences qu'aujourd'hui dans les critères à prendre en compte (origine du montant à renter déterminante ou non, amortissement ou non). C'est dire que le parallélisme qui prévalait alors en matière de majoration du taux hypothécaire de référence reste logiquement valable après le changement de jurisprudence consacré à l'ATF 147 III 14
Cette conclusion est confortée par le fait que ce même taux de rendement avait été appliqué précédemment, dans le cadre d'un calcul de rendement net, y compris aux fonds propres affectés à des travaux à plus-value (cf. ATF 147 III 14 consid. 7.2.1; 141 III 245 consid. 6.5 in initio). 
À cet égard, il convient de souligner que, depuis la première définition donnée à la notion de loyer admissible, dans l'arrêté du Conseil fédéral du 9 avril 1920 concernant les baux à loyer et la pénurie des logements, le législateur n'a jamais opéré de distinction entre, d'une part, le capital utilisé pour le fonds et pour la construction, ou pour l'achat du bâtiment et, d'autre part, les sommes affectées aux transformations et rénovations (cf. rapport du Conseil fédéral du 18 mai 1920 à l'Assemblée fédérale sur l'arrêté en question, FF 1920 III 357 ss, p. 367), ce qui plaide contre un taux d'intérêt différencié selon le type d'investissement réalisé (DAÏNA, op. cit., n. 211 p. 39; PIAGET, op. cit., n. 62 p. 120). 
Sur le fond, il convient de se demander si un taux augmenté de 0,5 % à 2 % en sus du taux hypothécaire de référence lorsque celui-ci est égal ou inférieur à 2 % se justifie également pour le rendement du capital créateur de plus-value. 
L'art. 269a let. b CO et l'art. 14 OBLF tendent à favoriser les prestations supplémentaires du bailleur et singulièrement les améliorations créant des plus-values. Plus spécifiquement, par son caractère à la fois simplificateur et incitatif, la règle de l'art. 14 al. 1 2ème phrase OBLF, applicable en cas d'importantes réparations, vise à encourager les bailleurs à rénover les anciens bâtiments, ou du moins à ne pas les en dissuader. En arrêtant la part d'investissement à plus-value entre 50 % et 70 % du coût total des travaux, cette présomption (certes réfragable) évite au bailleur d'avoir à déterminer la part exacte des travaux à plus-value, ce qui lui sera souvent favorable, et l'encourage à entreprendre des travaux allant au-delà de l'entretien strictement nécessaire (ATF 118 II 415 consid. 3a et 3b; arrêts précités 4A_531/2016 consid. 3.1; 4A_102/2012 consid. 2.3; 4A_495/2010 consid. 6.1). C'est le lieu de souligner que l'idée à la base de l'art. 14 OBLF est d'inciter les bailleurs à réaliser régulièrement les travaux d'entretien intervenant selon des cycles longs et à procéder en même temps à des rénovations, les économies de coûts réalisées grâce aux synergies ainsi créées bénéficiant du reste également aux locataires (arrêt 4A_409/2022 du 19 septembre 2023 consid. 7.3.2). 
Dans cette perspective, une augmentation du rendement possible en cas de travaux à plus-value est assurément de nature à inciter davantage les propriétaires bailleurs à entretenir leurs immeubles et à effectuer des travaux de rénovation. Elle apparaît ainsi conforme au but visé par le législateur. Par ailleurs, cette augmentation reste modérée si l'on admet un supplément de 2 % plutôt que de 0,5 % au taux hypothécaire de référence lorsque celui-ci est égal ou inférieur à 2 %, dès lors notamment que l'intérêt du capital investi pour les travaux à plus-value est divisé par deux dans le calcul fondé sur l'art. 14 al. 4 OBLF
Il s'ensuit que le taux de rendement jugé admissible dans l'ATF 147 III 14 dans le cadre d'un calcul de rendement net s'applique également dans le cadre du calcul visant à déterminer jusqu'à quel point le bailleur peut augmenter le loyer en raison de prestations supplémentaires. 
 
4.4. Fondé sur un taux de rendement de 0,5 % en sus du taux hypothécaire de référence, le calcul de la cour cantonale aboutissant à une hausse de loyer maximale de 20,59 % (après correction; cf. consid. 3.1 supra) ne peut être confirmé. Le recours doit être admis sur ce point.  
Il y a lieu de se référer au calcul que le Tribunal des baux et loyers a effectué sur la base d'un rendement de 3,5 % (supplément de 2 % au taux hypothécaire de référence de 1,5 % en vigueur lors de la notification de la hausse de loyer), soit : 
Intérêt du capital (1'224'534 fr.70 x 3,5 %) / 2 21'429 fr.35 
Amortissement 1'224'534 fr.70 / 23 53'240 fr.60 
Entretien (21'429 fr.35 + 53'240 fr.60) x 10 % 7'467 fr.  
Total annuel arrondi 82'137 fr. 
Le rapport entre ce montant et l'état locatif de l'immeuble avant travaux (82'137 fr. / 349'920 fr.) autorise une hausse de loyer maximale de 23,5 % au titre des travaux de rénovation entrepris par la bailleresse. 
 
5.  
Le second grief soulevé par la recourante pose la question de savoir si, en cours d'un bail à loyers indexés, lorsque le bailleur procède de manière autorisée à une hausse du loyer liée à des prestations supplémentaires, le locataire peut invoquer une baisse du taux hypothécaire de référence, c'est-à-dire un autre facteur relatif, pour réclamer une réduction de loyer. 
 
5.1. Conformément à l'art. 269b CO, les parties peuvent conclure un bail à loyers indexés, en convenant d'une clause d'indexation, à deux conditions: a) le bail est conclu pour cinq ans au moins; b) la référence est l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC). Selon la jurisprudence, il est exclu de par la loi de prévoir d'autres facteurs d'adaptation du loyer, à moins que la majoration ne soit justifiée par des prestations supplémentaires du bailleur et que le contrat de bail n'ait réservé expressément cette possibilité (ATF 147 III 32 consid. 3.1; 124 III 57 consid. 3a; 123 III 76 consid. 4c).  
Durant la durée fixe (d'au moins cinq ans) d'un bail à loyers indexés ("période d'indexation"), le loyer ne dépend, sous réserve d'une contestation du loyer initial, que de la variation de l'ISPC (art. 270c CO); en particulier, l'évolution du taux hypothécaire de référence ne peut donner lieu à aucune adaptation du loyer (ATF 150 III 71 consid. 3.1; 147 III 32 consid. 3.2. et 3.3). 
A l'expiration de la durée initiale (d'au moins cinq ans) d'un bail indexé, que celui-ci prévoie une reconduction tacite pour cinq ans ou pour une durée inférieure, chaque partie peut, en respectant le délai de résiliation, demander une adaptation du loyer en invoquant la méthode relative, en particulier une réduction (art. 270a CO) ou une augmentation (art. 269d CO) fondées sur la variation du taux hypothécaire de référence (ATF 150 III 71 consid. 3.2; 147 III 32 consid. 3.4 et 3.4.1). 
 
5.2. Pour trancher la question spécifique posée dans le présent cas, il faut bien se représenter que, en cours d'un bail à loyers indexés, l'indexation à l'ISPC est un mode exclusif de fixation du loyer. Les parties renoncent donc à se prévaloir d'autres facteurs, tels que l'évolution des charges, notamment financières, pendant toute la durée du bail. Ceci vaut autant pour le bailleur que pour le locataire. Il y a une exception dégagée par la jurisprudence: dans la mesure où les parties ont expressément prévu cette possibilité, le loyer peut être augmenté si le bailleur fournit une prestation supplémentaire (art. 269a let. b CO); tel est le cas de travaux à plus-value (art. 14 al. 1 OBLF). Cette exception n'équivaut toutefois pas à une brèche. Elle ne permet pas à tous les facteurs relatifs de s'engouffrer dans un système que le législateur a voulu calqué sur l'ISPC seul (cf. art. 270c CO). En d'autres termes, le locataire peut parfaitement opposer au bailleur que la hausse de loyer liée à des prestations supplémentaires est abusive; l'augmentation en cause (et l'augmentation seule) est alors scrutée pour déterminer si le rendement qu'en tire le bailleur est excessif, selon les principes dégagés ci-dessus (consid. 4). En revanche, le locataire ne peut pas invoquer en réaction des facteurs relatifs tels que l'évolution du taux hypothécaire de référence pour réclamer une réduction de loyer compensant voire dépassant la hausse querellée; de telles adaptations, étrangères à l'ISPC, ont été exclues par les parties lorsqu'elles ont convenu d'un bail à loyers indexés. C'est à l'expiration de la durée du bail indexé qu'une telle possibilité sera à nouveau ouverte aux parties. La doctrine ne semble d'ailleurs guère envisager les choses autrement, même si c'est plutôt le silence sur la possibilité querellée qui est éloquent (cf. entre autres DAVID LACHAT/FRANÇOIS BOHNET, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3 e éd. 2021, n° 1 ad art. 269b CO; DAVID LACHAT/PIERRE STASTNY, Le bail à loyer, 2019, p. 644 ch. 2.1.4.).  
 
5.3. En l'espèce, la bailleresse a notifié l'avis de majoration de loyer motivé par les travaux à plus-value en janvier 2019 avec effet au 1 er octobre 2019, soit pendant la deuxième période d'indexation du bail à loyers indexés reconduit pour cinq ans en octobre 2017. En réaction à cette hausse de loyer, les locataires ont invoqué la diminution du taux hypothécaire de référence depuis le 1 er octobre 2012 pour obtenir une baisse de loyer à partir du 1 er octobre 2019. Conformément aux principes rappelés plus haut, cette possibilité ne leur était alors pas ouverte. Ce n'est, le cas échéant, qu'au terme de la période d'indexation qu'ils disposeront de la faculté d'invoquer ce facteur relatif.  
Mis en avant par la cour cantonale, l'argument pris de l'égalité des parties n'est guère de nature à dicter une autre solution. Pas plus que les situations dépeintes par les locataires dans leur mémoire de réponse, notamment les baux de longue durée et la baisse du taux hypothécaire durant le bail indexé suivie d'une hausse à son terme. La situation contraire est tout aussi envisageable. L'injustice qu'ils décrivent n'a rien d'évident et, contrairement à ce qu'ils affirment, ils ne sont pas privés de tout argument face à une hausse de loyer motivée par des travaux à plus-value. 
C'est donc à tort que la cour cantonale a compensé en partie la hausse de loyer justifiée par les travaux à plus-value entrepris par la bailleresse avec la baisse liée à la diminution du taux hypothécaire de référence. Le recours est fondé également sur ce point. 
 
6.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être entièrement admis. 
La recourante a conclu à ce que le loyer hors charges soit fixé à 13'404 fr. par an, soit 1'117 fr. par mois, à compter du 1 er octobre 2019, ce qui correspond au loyer arrêté par le Tribunal des baux et loyers sur la base de la majoration non abusive de 23,5 % (10'860 fr. x 23,5 % = 2'552 fr.10; 10'860 fr. + 2'552 fr.10 = 13'412 fr.10, dont 13'404 fr. est le montant le plus proche divisible par 12). L'arrêt attaqué sera réformé dans ce sens.  
 
7.  
Les intimés, qui succombent, prendront à leur charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et verseront des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La procédure cantonale étant gratuite, il n'y a pas lieu de procéder à un renvoi pour nouvelle décision sur les frais et dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé dans le sens suivant : 
Le loyer annuel de l'appartement de 5 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis avenue... à Genève est fixé à 13'404 fr., charges non comprises, dès le 1 er octobre 2019.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des intimés solidairement entre eux. 
 
3.  
Les intimés, débiteurs solidaires, verseront à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 30 juillet 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Godat Zimmermann