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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.191/2005 /frs 
 
Arrêt du 30 septembre 2005 
IIe Cour civile 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Nordmann et Hohl. 
Greffier: M. Fellay. 
 
Parties 
A.________, 
B.________, 
recourantes, toutes deux représentées par Me Gregory J. Connor, avocat, 
 
contre 
 
Masse en faillite de X.________ SA, 
intimée, représentée par Maîtres Pascal Marti et Jean-Yves Schmidhauser, avocats, 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 Cst. (action révocatoire selon l'art. 286 al.1 LP), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 15 avril 2005. 
 
Faits: 
A. 
A.a X.________ SA à Genève était détenue à 100 % par C.________ à Miami (USA), société qui regroupait une centaine de sociétés actives dans la distribution de matériel électronique. Au sein du groupe, X.________ SA jouait le rôle de banque, chargée de rechercher et d'accorder des financements, de gérer la trésorerie et de couvrir les risques de change. Pour ce faire, elle sollicitait des crédits auprès des banques, lesquels étaient garantis par C.________. L'une de ses sources de revenus était le différentiel d'intérêts, les intérêts créditeurs perçus au sein des sociétés du groupe étant supérieurs aux intérêts débiteurs dus aux banques. X.________ SA n'avait aucun pouvoir décisionnel et suivait les instructions qui lui étaient données par C.________. 
 
Le groupe X.________ était dominé par D.________, fondateur et directeur de C.________. Celui-ci a également été administrateur vice-président de X.________ SA en 1998 et 1999, société qu'il engageait par sa seule signature. 
 
Entrée en bourse en 1997 (NASDAQ) et 1998 (NYSE), C.________. a amorcé son déclin dès 1998 et a requis en avril 2000 l'application du chapitre 11 du Code des faillites des Etats-Unis. La faillite de X.________ SA a été prononcée le 22 mai 2000 à Genève. 
A.b Le 14 mai 1998, C.________. et les actionnaires des sociétés turques B.________ et A.________, ont conclu un accord d'échange d'actions, à teneur duquel C.________. s'engageait à payer le prix d'achat du capital-actions de ces sociétés par un versement au comptant et en actions de C.________. En outre, C.________. s'engageait à fournir un financement à B.________ et A.________. 
A.c Le 14 août 1998, sur instruction de C.________. et en application de l'accord précité, X.________ SA a accordé à chacune des deux sociétés turques un prêt pour une durée d'une année, se montant respectivement à 1'200'000 USD pour B.________ et 800'000 USD pour A.________, avec intérêts à 7,75 % l'an. Ces sommes ont été versées aux sociétés turques. 
A.d En octobre 1998, C.________ a négocié et obtenu le droit de s'acquitter du solde du prix par versements en liquide et non plus en actions, parce que la dévaluation de ses actions l'aurait obligée à en livrer un nombre considérable. Par avenants du 30 octobre 1998, elle a convenu avec les actionnaires de B.________ et A.________ que, d'une part en contrepartie de leur renonciation à recevoir des actions à titre de paiement et, d'autre part, en cas d'inexécution de sa propre obligation d'acquitter le solde du prix, B.________ et A.________ seraient libérées de leurs obligations respectives de remboursement envers C.________. X.________ SA n'était ni partie à ces avenants, ni mentionnée dans ceux-ci. La libération précitée a été confirmée par avenants du 13 août 1999, auxquels X.________ SA n'était pas non plus partie. Toutefois, ces derniers avenants mentionnaient explicitement la libération de B.________ et de A.________ envers X.________ SA. 
A.e Le 4 octobre 1999, par la signature de D.________, X.________ SA s'est engagée à abandonner le remboursement des sommes prêtées à B.________ et à A.________ en cas d'inexécution contractuelle de C.________ à leur égard. Devenue effective le 16 février 2000, cette inexécution contractuelle a entraîné l'abandon desdites créances par X.________ SA, qui a comptabilisé ces abandons de créances dans son compte de pertes et profits avec effet rétroactif au 1er octobre 1999. 
A.f B.________, qui a admis n'avoir fourni aucune contre-prestation à X.________ SA, a comptabilisé la libération de sa dette comme revenu dans un premier temps, puis a inscrit provisoirement la somme due dans les comptes "autres dettes à court terme", aussi longtemps que son caractère de libéralité demeurait litigieux. B.________ a comptabilisé la libération de sa dette comme bénéfice extraordinaire. 
 
Ni B.________ ni A.________ n'ont établi avoir subi un dommage à la suite du manquement de C.________. 
B. 
Le 17 mai 2002, la masse en faillite de X.________ SA a introduit devant le Tribunal de première instance du canton de Genève deux actions révocatoires et en paiement, dirigées l'une contre B.________ et l'autre contre A.________. 
 
Ordonnant la jonction des deux causes et faisant droit aux conclusions de la demanderesse, le Tribunal de première instance a, par jugement du 23 septembre 2004, révoqué tous les actes conclus par ou au nom de X.________ SA comportant renonciation à demander le remboursement des prêts que celle-ci avait consentis aux défenderesses le 14 août 1998. Il a en outre condamné ces dernières à rembourser lesdits prêts à la masse, soit 1'200'000 USD à charge de B.________ et 800'000 USD à charge de A.________, plus intérêts à 7,75 % dès le 14 août 1998, avec suite de frais et dépens. 
 
Sur appel des défenderesses, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance par arrêt du 15 avril 2005, communiqué le 19 du même mois aux parties. 
C. 
Agissant le 20 mai 2005 par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire, les défenderesses concluent à l'annulation de l'arrêt de la cour cantonale, avec suite de frais et dépens des instances fédérale et cantonales. 
 
Une réponse n'a pas été sollicitée. 
 
Les défenderesses ont interjeté simultanément un recours en réforme. 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Conformément à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de droit public. 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60; 130 II 65 consid. 1 p. 67). 
2.1 Le recours de droit public et le recours en réforme sont motivés de manière pratiquement identique. Ils ne sont pas irrecevables pour autant. Le Tribunal fédéral ne refuse d'entrer en matière que si, en raison du mélange des griefs soulevés, la motivation des recours n'apparaît pas suffisamment claire et, de ce fait, ne répond pas aux exigences légales. En présence de deux recours dont la motivation est similaire, il convient ainsi d'examiner si, pour chaque acte de recours, les moyens invoqués sont recevables dans le cadre de cette voie de droit et satisfont aux exigences de motivation qui lui sont propres. En cas de réponse affirmative, le recours est recevable, quand bien même le recourant reprend textuellement le même grief dans l'autre acte de recours (ATF 118 IV 293 consid. 2a p. 294 et les arrêts cités). Au vu de cette jurisprudence, il y a lieu d'admettre, en principe, la recevabilité des deux recours interjetés. 
2.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public est de nature cassatoire. Les conclusions des parties sont dès lors irrecevables dans la mesure où elles visent à autre chose qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 124 I 327 consid. 4a p. 332; 120 Ia 256 consid. 1b). Ainsi, le chef de conclusions concernant les frais et dépens des instances cantonales est irrecevable. 
2.3 Les recourantes dénoncent la violation de l'art. 186 al. 1 LPC GE, selon lequel la partie qui allègue un fait, que ce soit pour en déduire son droit ou sa libération, doit le prouver, à moins que l'autre partie ne déclare l'admettre ou que la loi permette de le tenir pour avéré. Cette disposition ne s'applique qu'en matière de droit cantonal et de droit étranger, à l'exclusion du droit fédéral qui est régi par l'art. 8 CC (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève, n. 1 ad art. 186 et la jurisprudence citée, notamment ATF 84 I 15 et 108 III 112). L'action révocatoire relevant du droit fédéral, l'art. 186 al.1 LPC GE n'est pas applicable en l'espèce et le grief de la violation de cette disposition tombe donc à faux. 
3. 
3.1 Dans un recours de droit public pour arbitraire, les moyens de fait ou de droit nouveaux sont irrecevables (ATF 119 II 6 consid. 4a; 118 III 37 consid. 2a p. 39 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral s'en tient dès lors aux faits constatés par l'autorité cantonale, à moins que le recourant ne démontre que ces constatations sont arbitrairement fausses ou incomplètes (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). Les compléments ou précisions que celui-ci entend apporter au déroulement des faits sont donc irrecevables, sous réserve des moyens qui font l'objet d'un grief de violation de la Constitution motivé conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Les nombreux faits nouveaux allégués par les recourantes ne font pas l'objet de griefs de violation de la Constitution motivés conformément à la disposition mentionnée; la cour de céans n'en tiendra donc pas compte. 
3.2 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas qu'une autre solution apparaisse concevable, voire préférable; pour que la décision soit annulée, encore faut-il qu'elle s'avère arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1, 173 consid. 3.1 p. 178). 
3.3 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste cette violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnels invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux. Le justiciable qui exerce un recours de droit public pour arbitraire ne peut dès lors pas se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut en particulier se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit tenter de démontrer, par une argumentation précise, que la décision incriminée repose sur une application de la loi ou une appréciation des faits manifestement insoutenable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189; 125 I 492 consid. 1b p. 495). La critique de nature purement appellatoire est irrecevable. 
3.4 Aux termes de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est recevable que si la prétendue violation ne peut être soumise par une action ou par un autre moyen de droit quelconque au Tribunal fédéral. L'action paulienne de l'art. 286 LP est une action du droit des poursuites qui a un effet réflexe sur le droit matériel; il ne s'agit pas d'une contestation civile. Toutefois, la jurisprudence admet la recevabilité du recours en réforme en cette matière pour autant que la valeur litigieuse de l'art. 46 OJ soit atteinte (ATF 130 III 235 consid. 1; 93 II 436 consid. 1 p. 437; Pra 2002 n° 89 p. 508). Tel est le cas en l'espèce, puisque la valeur litigieuse dépasse 2 millions de francs, de sorte que le grief, soulevé par les recourantes, d'application arbitraire du droit fédéral, soit des art. 8 CC et 286 LP, est irrecevable. 
4. 
4.1 La cour de justice a retenu qu'en l'espèce il y avait donation au sens de l'art. 286 al. 1 LP, puisque les sociétés C.________ et X.________ SA étaient indépendantes juridiquement et que l'abandon des créances de X.________ SA aux deux sociétés turques s'était fait sans contre-prestation. Selon la cour, l'absence de contre-prestation était établie par l'aveu des sociétés turques et la comptabilité de X.________ SA, qui avait porté l'abandon des créances dans son compte de pertes et profits comme perte. De ce dernier fait, la cour a déduit qu'il n'y avait pas eu d'avance de C.________ à X.________ SA, et donc pas de prêt fiduciaire ni de remboursement par compensation inter-sociétés. 
4.2 Dans un premier grief, les recourantes se plaignent d'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.), reprochant à la cour cantonale d'avoir retenu que X.________ SA était titulaire du droit au remboursement des prêts, alors qu'il a été prouvé qu'il y avait fiducie entre ladite société et C.________. A leur avis, c'est donc cette dernière qui était titulaire. 
 
Leur critique est appellatoire. Les recourantes se bornent en effet, pour l'essentiel, à reprendre leur thèse selon laquelle l'abandon des créances a été consenti par C.________, qui aurait été la réelle prêteuse, ce qui ressortait de la comptabilité, puisque le montant figurait au passif du compte de dépôt de C.________ et à l'actif du compte "prêt" de B.________ et A.________, l'opération étant donc blanche pour X.________ SA. Elles contestent certes que cette dernière ait été indépendante juridiquement, reprochant à la cour cantonale de leur avoir imputé contre le sentiment de la justice et de l'équité qu'elles auraient renoncé à contester ce point dans leur appel. Mais, à supposer qu'elles aient compris le sens de l'indépendance juridique, elles ne démontrent pas en quoi il y aurait arbitraire à admettre un tel fait. Que X.________ SA ait agi sur instructions de C.________ ne la privait pas d'une existence juridique indépendante. 
 
Les recourantes ne s'en prennent pas aux aveux pris en considération pour retenir l'absence de contre-prestation. Elles ne s'en prennent pas non plus au fait que X.________ SA a comptabilisé une perte dans son compte de pertes et profits. Elles se bornent à affirmer de manière toute générale que C.________ aurait eu pour pratique d'avancer les fonds ou de les emprunter elle-même auprès des établissements bancaires et de les prêter par le biais de X.________ SA, dont les comptes seraient ainsi "blancs". Or, elles ne démontrent nullement, pièces à l'appui, qu'il y aurait eu avance de C.________ dans le cas des deux prêts litigieux. On ne saurait, comme le font les recourantes, voir la preuve d'une telle avance dans l'aveu que X.________ SA a fait d'avoir comptabilisé l'abandon des prêts dans son compte de pertes et profits. Si l'argent a été emprunté à une banque, la thèse des comptes "balancés" ne tient pas, puisque X.________ SA serait personnellement débitrice à l'égard de la banque. 
4.3 Dans un second grief, les recourantes font valoir que la Cour de justice a apprécié arbitrairement les faits en retenant que X.________ SA ne se serait engagée à abandonner ses créances que le 4 octobre 1999. Selon elles, la naissance de cet engagement serait l'avenant du 30 octobre 1998, attendu que la société précitée ne disposait d'aucun pouvoir décisionnel et suivait les instructions de C.________. 
 
Ce grief concerne le respect du délai d'un an prévu par l'art. 286 al. 1 LP. Portant ainsi sur une question de droit, il relève du recours en réforme. 
4.4 Dans leur troisième et dernier grief, les recourantes se plaignent d'appréciation arbitraire des preuves, reprochant à la cour cantonale d'avoir nié l'existence d'une contre-prestation à l'abandon des créances. Elles se plaignent en réalité du fait que la cour cantonale n'a pas déduit des faits que X.________ SA avait "effectué une prestation qu'elle était tenue d'accomplir". Cette question relève également du droit, partant du recours en réforme. 
5. 
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable et les recourantes, qui succombent, condamnées au paiement des frais de justice solidairement entre elles (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 30 septembre 2005 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: