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[AZA 7] 
M 2/00 Sm 
 
Ière Chambre 
 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön, 
Borella, Meyer et Ferrari; Frésard, Greffier 
 
Arrêt du 30 novembre 2000 
 
dans la cause 
D.________, recourant, ayant élu domicile, c/o Maître Yves Magnin, avocat, rue de la Rôtisserie 2, Genève, 
 
contre 
Office fédéral de l'assurance militaire, Berne 
 
et 
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève 
 
A.- D.________ est entré à l'école de recrues le 16 juillet 1979. Il a été licencié prématurément le 1er août suivant pour des troubles qui ont été qualifiés par le médecin de troupe de dermatomycose et de névrose d'angoisse consécutive à une panique aux premiers tirs. 
A partir de 1988, D.________ a suivi un traitement de psychothérapie, en raison d'une angoisse diffuse, d'une idée de dépersonnalisation, d'idées de persécution et d'hallucinations. Son médecin traitant de l'époque a posé le diagnostic de schizophrénie paranoïde. 
 
Le 15 mai 1990, le cas fut annoncé à l'assurance militaire. 
Par décision du 11 juin 1992, l'Office fédéral de l'assurance militaire (OFAM) a refusé de reconnaître la responsabilité de la Confédération pour cette affection, considérant que celle-ci n'était pas en relation avec le service militaire accompli en 1979. 
Statuant sur recours de l'assuré le 29 février 1996, la Cour de justice du canton de Genève, se fondant sur une expertise du docteur V.________, a condamné l'assurance à prendre en charge les suites de la schizophrénie paranoïde dont souffrait l'assuré. 
A la suite de ce jugement, l'OFAM a rendu une décision, le 25 octobre 1996, par laquelle il a accordé à D.________ une rente d'invalidité avec effet au 1er août 1985. Cette prestation était fondée sur une responsabilité totale de la Confédération, un taux d'indemnisation de 95 pour cent et un degré d'invalidité de 100 pour cent (depuis 1987). 
Saisi d'une opposition de l'intéressé, l'OFAM l'a rejetée par une nouvelle décision, du 8 juillet 1997. Le recours formé par l'assuré contre cette décision a été déclaré irrecevable pour cause de tardiveté. 
 
B.- Par une nouvelle décision, du 28 octobre 1997, l'OFAM a alloué à l'assuré une rente pour une atteinte à l'intégrité de 17,5 pour cent dès le 1er janvier 1990, pour une durée indéterminée. Selon cette décision, la rente devait être versée sous forme de mensualités de 421 fr. dès le 1er janvier 1990, de 433 fr. dès le 1er janvier 1995 et de 442 fr. 10 dès le 1er janvier 1997. La rente était rachetée. 
Sa valeur de rachat au 1er novembre 1997 s'élevait à 113 472 fr. 90. Elle était capitalisée selon l'indice 21.39 de la table de Stauffer/Schaetzle no 30 (mortalité). 
L'assuré a formé une opposition que l'OFAM a partiellement admise en portant à 20 pour cent le taux de l'atteinte à l'intégrité. Le versement rétroactif des arrérages de rentes du 1er janvier 1990 au 31 octobre 1997 s'élevait à 45 794 fr. 90, alors que la rente rachetée et capitalisée dès le 1er novembre 1997 se montait à 129 683 fr. 30 (décision du 18 août 1998). 
 
C.- D.________ a recouru devant le Tribunal administratif du canton de Genève. Il a contesté la date d'ouverture du droit à la rente (qui devait selon lui être fixée au 27 avril 1985), le taux de l'atteinte à l'intégrité (il concluait à la reconnaissance d'un taux de 100 pour cent), ainsi que les modalités de la capitalisation du rachat de sa rente. 
Statuant le 26 octobre 1999, le tribunal administratif a partiellement admis le recours et il a renvoyé la cause à l'OFAM pour complément d'instruction au sens des motifs. 
Selon ces motifs, l'OFAM était chargé de mettre en oeuvre une expertise afin de déterminer si l'atteinte assurée entraînait, de façon certaine, vraisemblable ou seulement possible, "une incapacité à entretenir des relations sexuelles (impotentia coeundi), ou à entretenir des relations sexuelles stables avec une personne de l'autre sexe (impotentia generandi)". Pour le surplus, le tribunal a confirmé les modalités du calcul du rachat de la rente appliquées par l'OFAM dans sa décision. 
 
D.- Par écriture du 24 mars 2000, remise à un bureau de poste à Genève le même jour, D.________ interjette contre ce jugement un recours de droit administratif dans lequel il prend les conclusions suivantes : 
 
(recevabilité formelle) 
 
Préalablement 
 
2. Ordonner l'apport de l'arrêt prononcé le 11 mai 
1999 par la Ière Cour de droit civil du Tribunal fédéral 
en la cause Beretta C/Zürich Versicherungs-Gesellschaft 
(4C. 249/1997) ainsi que l'expertise ordonnée 
préalablement par ladite Cour; 
 
3. Ordonner la traduction desdits documents; 
 
4. Communiquer les dits documents aux parties et leur 
impartir un délai suffisant pour compléter leur écriture; 
 
Cela fait : 
 
5. Renvoyer la cause à l'OFAM pour nouvelle décision 
et dire que la rente pour atteinte à l'intégrité devra 
être capitalisée conformément aux principes suivants : 
 
- Le taux d'escompte est fixé à 1 %, subsidiairement 
à 1.5 %; 
 
- le coefficient de capitalisation est celui des 
tables S/S 5ème éd., subsidiairement celui des 
tables S/S 4ème édition majorée de 4 %, plus 
subsidiairement, de dire que l'OFAM devra procéder 
à la détermination du coefficient de capitalisation 
en se fondant sur les données relatives 
à l'espérance de vie telles que déterminées 
en 1997 par l'OFAS; 
 
- Le coefficient de capitalisation est celui 
retenu pour les femmes; 
 
- Le coefficient de capitalisation est majoré de 
17.64 % pour tenir compte de l'exonération fiscale de la rente. 
 
 
(dépens). 
 
L'OFAM conclut au rejet du recours, pour autant qu'il soit recevable. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Dans son mémoire de recours, le recourant indique qu'il a pris connaissance du jugement attaqué le 23 février 2000, lors d'un passage en Suisse, en se présentant au greffe du Tribunal administratif du canton de Genève. Dans sa réponse, l'office intimé émet des doutes sur le respect par le recourant du délai de 30 jours pour interjeter recours devant le Tribunal fédéral des assurances (art. 106 al. 1 OJ). L'OFAM fait valoir à ce propos que le recours a été interjeté plus de 30 jours après que le jugement cantonal lui eut été notifié. 
Il ressort des pièces produites devant le Tribunal fédéral des assurances après l'échange des écritures que le jugement attaqué a été notifié au recourant par la voie diplomatique; par cette voie, il lui a été remis en mains propres par l'intermédiaire du consulat suisse de S.________ le 17 avril 2000. C'est en principe cette notification qui fait partir le délai de recours. Mais, comme le recourant affirme qu'il a eu connaissance du jugement cantonal le 23 février 2000 déjà et étant donné qu'il a posté son recours le 24 mars 2000, on doit admettre qu'il a agi en temps utile. 
 
2.- Devant le Tribunal fédéral des assurances, le recourant n'attaque pas le jugement cantonal dans la mesure où les premiers juges ont renvoyé la cause à l'OFAM pour complément d'instruction sur le taux de l'atteinte à l'intégrité. 
Sont uniquement litigieuses les modalités du rachat de la rente qui devra, le cas échéant, être à nouveau fixée en fonction d'un taux d'atteinte à l'intégrité éventuellement supérieur à 20 pour cent. 
 
3.- Le recourant demande la traduction en français d'un arrêt en langue allemande, rendu par le Tribunal fédéral le 11 mai 1999 et auquel se réfèrent les premiers (depuis lors cet arrêt, sur lequel on reviendra, a été publié au recueil officiel [ATF 125 III 312]). Il demande aussi la traduction d'avis d'experts consultés par le Tribunal fédéral au cours de la procédure qui a donné lieu à cet arrêt (cf. ATF 125 III 315 consid. 4). 
On ne voit toutefois pas sur quelle règle ou principe général la prétention du recourant pourrait se fonder. En règle ordinaire (et c'est le cas en ce qui concerne le jugement attaqué) les citations de jurisprudence ne sont pas reprises telles quelles dans la langue originale de l'arrêt cité, mais elles sont restituées dans la langue (en l'occurrence le français) du jugement qui s'y réfère. D'ailleurs, le recourant ne prétend même pas qu'une traduction de l'arrêt en question servirait à sa bonne compréhension de la procédure. Bien au contraire, il commente abondamment cet arrêt, démontrant par là qu'il a des connaissances suffisantes de la langue allemande pour en saisir parfaitement le sens et la portée. Quant aux avis des experts consultés par le Tribunal fédéral, ils n'ont pas été exprimés dans la présente procédure, de sorte que le problème de leur traduction éventuelle ne se pose pas. 
Pour le reste, il n'y a pas lieu de donner suite à la requête du recourant tendant à l'apport au dossier de ces avis, ainsi que de l'arrêt (d'ailleurs publié) du 11 mai 1999. 
 
4.- a) Selon l'art. 49 al. 3 LAM, la rente pour atteinte à l'intégrité est octroyée pour une durée indéterminée. 
En règle générale, elle est rachetée. 
La loi ne prévoit pas une obligation générale de rachat (message concernant la loi fédérale sur l'assurance militaire du 27 juin 1990, FF 1990 III 209). Il appartient à l'administration de l'assurance militaire de décider, en vertu de son pouvoir d'appréciation, s'il y a lieu, exceptionnellement, de renoncer à un tel rachat. On y renoncera, en pratique, quand la capacité de gain de l'assuré n'est pas réduite (et donc que l'intéressé ne perçoit pas de rente d'invalidité) ou lorsque l'assuré se prévaut de motifs particuliers à l'encontre d'un rachat (Jürg Maeschi, Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG] vom 19. Juni 1992, note 32 ad art. 49; voir aussi Franz Schlauri, Die Militärversicherung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 174). Comme le relève l'intimé, l'administration se montrera toutefois peu exigeante quant à la valeur de ces motifs, puisque, dans l'ensemble, le versement de rentes n'apparaît pas plus coûteux que le rachat. 
Selon la jurisprudence, le rachat de la rente s'effectue sur la base du revenu annuel déterminant au 1er janvier de l'année entière de rente (année qui suit la naissance du droit). Si la décision sur le rachat est rendue postérieurement à cette année, il faut se fonder sur le revenu annuel déterminant au moment de la décision (cf. aussi l'art. 27 OAM). La somme de rachat est capitalisée selon la table 30 (mortalité; taux de 3,5 pour cent) de Stauffer/Schaetzle, 4ème édition, 1989 (ATF 117 V 92 consid. 6). 
En l'occurrence, le revenu annuel déterminant est de 6062 fr. 80. Le recourant était âgé de 37 ans en novembre 1997. La table no 30 indique (pour les hommes) un facteur de 21.39, ce qui donne - sous réserve d'une éventuelle augmentation du taux de l'atteinte à l'intégrité (cf. supra consid. 2) - un montant en capital de 129 683 fr. 30. 
 
 
b) Contrairement à ce que voudrait le recourant, il n'y a pas de raison de remettre en cause le taux de capitalisation de 3,5 pour cent. Le Tribunal fédéral a maintenu ce taux de capitalisation, dans un arrêt de principe récent (auquel il a déjà été fait allusion; supra consid. 3) qui concernait la capitalisation des dommages-intérêts pour la perte de gain future et cela après un examen des prises de position de la doctrine à ce sujet, ainsi que du contexte économique (ATF 125 III 312). Le Tribunal fédéral a notamment considéré que les motifs qui s'opposaient à la jurisprudence suivie jusqu'alors et favorables à une nouvelle conception en ce domaine devaient dans l'ensemble l'emporter sur les effets défavorables d'un changement de jurisprudence, en particulier en regard de la sécurité du droit. 
En l'occurrence, il fallait prendre en considération le besoin particulièrement impérieux de sécurité juridique requis dans le domaine du calcul du dommage. La jurisprudence en vigueur depuis de nombreuses années ne devait par conséquent être modifiée qu'en présence d'indices certains qu'une indemnité en capital ne permet pas de réaliser un rendement réel de 3,5 pour cent dans un avenir prévisible et qu'il s'avère avec une certitude suffisante que le taux d'intérêt de la capitalisation valable depuis 1946 n'est plus compatible avec le principe de la réparation intégrale du dommage. Ces conditions n'étaient en l'occurrence pas remplies (ATF 125 III 321 consid. 7). 
On ajoutera, comme le relève à juste titre l'OFAM, que la remise en cause par la doctrine du taux d'escompte de 3,5 pour cent concerne principalement la capitalisation du dommage futur découlant de la perte de gain, qui, de l'avis de nombreux auteurs, ne tient pas suffisamment compte du taux d'inflation et de la croissance des salaires réels enregistrés en Suisse depuis la fin de la seconde guerre mondiale (voir par exemple Pierre Giovannoni, Les nouvelles tables de capitalisation de Stauffer/Schaetzle, Revue jurassienne de jurisprudence, 1991, p. 7 sv.). Or, la rente pour atteinte à l'intégrité, qui vise à indemniser un dommage immatériel (Maeschi, op. cit. , notes 1 ss ad art. 48-50), n'est pas calculée en fonction de la perte de gain future. 
 
c) Le recourant soutient certes que la jurisprudence de l'arrêt ATF 125 III 312 n'est pas transposable au rachat d'une rente selon l'art. 49 al. 3 LAM, car, en matière de perte de gain futur, le lésé a la possibilité de réclamer, en lieu et place d'une indemnité en capital, une rente indexée. 
En ce domaine, le lésé n'est donc pas obligé d'accepter l'indemnisation en capital selon un taux de capitalisation de 3,5 pour cent. 
Le fait qu'en droit des obligations le lésé a le choix, en cas d'invalidité permanente, entre une indemnisation sous la forme d'un capital ou sous la forme d'une rente indexée (ATF 125 III 320 consid. 6c) ne représente toutefois pas un des éléments décisifs qui a conduit le Tribunal fédéral à maintenir le taux de 3,5 pour cent. Au demeurant, dans le cas particulier, le recourant n'a pas contesté le rachat opéré par l'assurance militaire en demandant que celle-ci l'indemnise sous la forme d'une rente, ce que la loi - on l'a vu - n'exclut nullement. 
 
d) Le recourant se prétend victime d'une discrimination fondée sur le sexe, dans la mesure où le tribunal administratif a appliqué le coefficient de la table 30 valable pour les hommes. Un tel procédé serait prohibé par l'art. 4 al. 1 aCst. et par l'art. 14 CEDH. Mais cet argument est dépourvu de toute pertinence. L'application de ce coefficient et la distinction invoquée trouvent un fondement objectif dans le fait que l'espérance de vie de la femme est plus longue que celle de l'homme (voir ATF 116 II 108 consid. 2e/bb). A défaut d'éléments plus concrets, on ne peut que recourir aux indications fournies par les tables statistiques. 
 
e) Le recourant invoque aussi le caractère, selon lui désuet, de la 4ème édition des tables de Stauffer/ Schaetzle. Toutefois, dans la mesure où une 5ème édition de ces tables n'est pas encore publiée (la publication est annoncée pour le début de l'année 2001), on ne peut que s'en tenir aux valeurs statistiques actuellement disponibles. 
Il y a d'autant moins de raison de s'en écarter en l'occurrence, que la table de mortalité de la 4ème édition de Stauffer/Schaetzle, qui se fonde sur la table de mortalité AVS VI bis (1987), est extrapolée, c'est-à-dire qu'elle tient compte de l'évolution prévisible de la durée moyenne de la vie au cours des 30 années futures (Giovannoni, loc. cit. , p. 5). 
f) Enfin, c'est à tort que le recourant se prévaut d'une inégalité de traitement en affirmant que le capital versé en lieu et place de la rente n'est pas exonéré des impôts directs, alors que la rente pour atteinte à l'intégrité le serait. D'une part, comme on l'a relevé, le recourant n'a pas demandé le versement d'une rente au lieu du rachat. D'autre part, l'affirmation du recourant apparaît inexacte. L'art. 12 al. 4 LAM prévoit une exonération fiscale pour toute indemnisation du dommage immatériel, sans égard à la forme (rente ou capital) du paiement (Maeschi, op. cit. , note 30 ad art. 12). 
 
5.- Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
prononce : 
 
I. Le recours est rejeté. 
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice. 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
Lucerne, le 30 novembre 2000 
 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la Ière Chambre : 
 
Le Greffier :