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[AZA 0/2] 
 
4C.325/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
7 février 2001 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et 
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo. 
 
_________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
X.________ S.à r.l., défenderesse et recourante, représentée par Me Anne Giovannini, avocate à Fribourg, 
 
et 
 
1. B.________, demandeur et intimé, représenté par Me Pierre 
Perritaz, avocat à Fribourg, 
2. la Caisse publique de chômage du canton de Fribourg, rue 
du Nord 1, à Fribourg, intervenante; 
 
(contrat de travail; résiliation immédiate injustifiée) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Le 14 juillet 1995, X.________ S.à r.l. 
(ci-après: X.________), représentée par K.________, a engagé B.________ comme maître d'allemand à compter du 1er août 1995. 
 
A partir de fin février 1997, une caméra vidéo de surveillance a été installée au secrétariat de l'école en raison de différences constatées depuis longtemps dans une caisse à monnaie. Dans le courant du mois d'avril 1997, un associé de X.________ a cru constater que quelqu'un avait fait une copie du disque dur de l'ordinateur de l'école. 
 
Le 21 avril 1997, B.________ a été convoqué à une séance par la direction de l'école, à laquelle a participé tout le personnel, soit les enseignants, la secrétaire et même la femme de ménage de l'école. Au cours de cette réunion, l'employé a été accusé d'avoir perpétré des vols dans la caisse de l'établissement et d'avoir intégralement copié le disque dur de l'école. Il a reçu son congé avec effet immédiat. 
 
B.- Le 15 mai 1997, B.________ a ouvert action contre X.________ en réclamant le paiement de 45 585 fr.20, intérêts en sus, soit 11 301 fr.30 à titre de salaire pour les mois de mai et juin 1997, 380 fr. à titre d'allocations familiales pour ces deux mois et 33 903 fr.90, représentant six mois de salaire, à titre d'indemnité pour résiliation immédiate injustifiée. 
 
La Caisse publique de chômage du canton de Fribourgest intervenue au procès pour faire valoir la subrogation à concurrence des indemnités versées au demandeur. 
La défenderesse a conclu à libération. 
 
Par jugement du 6 juillet 1999, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a condamné la défenderesse à verser au demandeur 2799 fr.80 plus intérêts à 5% dès le 6 juin 1997 à titre de salaire brut, ainsi que le montant net de 28 253 fr.25 plus intérêts à 5% dès le 6 juin 1997, à titre d'indemnité. Il a en outre condamné la défenderesse à verser le montant net de 8941 fr.55 à l'intervenante. 
 
Saisie par la défenderesse, la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a confirmé ce jugement par arrêt du 21 juin 2000. 
 
C.- La défenderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement au rejet des conclusions du demandeur et, subsidiairement, à ce qu'elle soit condamnée à payer à ce dernier le montant de 2799 fr.80 plus intérêts à 5% dès le 6 juin 1997, à titre de salaire brut, et le montant net de 8941 fr.55 à l'intervenante. 
 
Le demandeur et l'intervenante concluent au rejet du recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO). 
 
Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, ainsi que le type et l'importance des manquements (ATF 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou inversement lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 119 II 157 consid. 2a in fine, 118 II 50 consid. 4, 116 II 145 consid. 6a). 
 
2.- La défenderesse se plaint d'une violation, par la cour cantonale, de l'art. 337 CO. Selon elle, le licenciement immédiat du demandeur était justifié, dès lors que l'attitude plus que douteuse du demandeur l'avait convaincue que ce dernier perpétrait des vols; en effet, le 12 mars 1997, l'intéressé avait pénétré dans un local où se trouvait une cassette à monnaie, prétendument pour y prendre la clé de la machine à café; or, depuis quelque temps, cette clé était rangée ailleurs; de plus, un enregistrement vidéo montrerait que le défendeur, à la même occasion, aurait ouvert la cassette sans y être autorisé. D'autre part, le demandeur aurait effectué une copie non autorisée du disque dur de l'ordinateur de la société. 
A suivre la défenderesse, ces deux circonstances, prises ensemble, ne permettaient pas d'exiger d'elle la continuation des rapports de travail. 
 
a) Il est admis que le licenciement immédiat est justifié lorsque l'employeur qui a résilié le contrat sur la base de soupçons parvient à établir les circonstances à raison desquelles le rapport de confiance entre les parties doit être considéré comme irrémédiablement rompu. En revanche, si les soupçons se révèlent mal fondés, l'employeur supporte les conséquences de l'absence de preuve, de sorte que le licenciement immédiat doit être considéré comme injustifié, à moins que le travailleur n'ait fait obstacle de manière déloyale à leur éclaircissement (arrêt non publié du Tribunal fédéral du 16 juillet 1998 reproduit partiellement in Jahrbuch des Schweizerischen Arbeitsrechts [JAR] 1999 p. 277 ss, consid. 2b; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 10 ad art. 337 CO; Vischer, Der Arbeitsvertrag, 2e éd., in Schweizerisches Privatrecht, VII/1, p. 179; Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 13 ad art. 337 CO; Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n. 8 ad art. 337 CO; Rehbinder, Commentaire bernois, n. 12 ad art. 337 CO; Decurtins, Die fristlose Entlassung, p. 24 s.; Aubert, Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, p. 144, n. 250; d'un autre avis, sous certaines réserves: Staehelin, Commentaire zurichois, n. 23 ad art. 337 CO; Rapp, Die fristlose Kündigung des Arbeitsvertrages, in BJM 1978, p. 172). 
 
La cour cantonale a constaté que la défenderesse n'avait pas prouvé les vols qu'elle reproche au demandeur. En outre, il ne résulte nullement de ses constatations que le demandeur aurait fait obstacle déloyalement à l'éclaircissement des soupçons. Les juges précédents n'ont donc pas abusé du large pouvoir d'appréciation que leur reconnaît la jurisprudence en statuant que les soupçons de la défenderesse ne justifiaient pas le licenciement immédiat du demandeur. 
 
Au demeurant, la défenderesse reproche en vain au demandeur d'avoir cherché la clé de la machine à café dans le local sous surveillance alors que cette clé ne s'y trouvait plus depuis quelque temps. En effet, selon les constatations définitives de la cour cantonale, il n'a pas été établi que le demandeur savait que cette clé avait été déplacée. En outre, selon les constatations souveraines de la cour cantonale, il ne ressort pas de l'enregistrement vidéo que le demandeur aurait ouvert la cassette le matin du 12 mars 1997. On ne voit donc pas en quoi la cour cantonale aurait eu tort de considérer que le demandeur n'avait eu aucun comportement particulièrement suspect. 
 
b) La cour cantonale a constaté définitivement que, contrairement aux allégations de la défenderesse, le demandeur n'a pas établi une sauvegarde complète du disque dur de l'ordinateur de l'école. Les fichiers sauvegardés contiennent essentiellement du matériel didactique, comme le demandeur l'a toujours affirmé. Ils contiennent aussi des listes d'élèves, mais, selon la cour cantonale, cette circonstance n'a rien de surprenant, puisque le demandeur était aussi chargé de fonctions administratives qu'il accomplissait parfois à la maison, notamment le complètement de questionnaires à l'intention de l'office régional du travail. Enfin, les disquettes contiennent une copie d'une unique facture concernant des cours donnés par K.________. 
 
Devant le Tribunal fédéral, la défenderesse conteste avoir autorisé le demandeur à copier des listes d'élèves. 
Cette allégation est irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ), car elle se heurte à la constatation de la cour cantonale, selon laquelle l'employeur a donné au salarié l'autorisation de copier le matériel, notamment des listes d'élèves, dont il avait besoin pour remplir sa tâche à la maison. 
 
Quant à l'unique facture concernant K.________, même s'il faut admettre qu'elle était par nature confidentielle, on ne voit pas en quoi les juges précédents, sur la base des faits établis par eux, auraient erré en considérant que sa seule présence parmi les documents sauvegardés par le demandeur n'était pas d'une gravité telle qu'elle justifiât un licenciement immédiat. 
 
c) En définitive, le comportement du demandeur dans le local où il cherchait la clé de la machine à café n'avait rien de suspect. En outre, la copie de fichiers se trouvant sur le disque dur de l'ordinateur de l'école n'était pas contraire à l'obligation de fidélité et de discrétion du demandeur, si ce n'est celle de la facture concernant K.________. 
 
On ne discerne pas en quoi la cour cantonale aurait mésusé du large pouvoir d'appréciation que lui reconnaît la jurisprudence en considérant que ces circonstances, même prises ensemble, ne justifiaient pas un licenciement immédiat. 
 
Les griefs formulés par la défenderesse doivent donc être rejetés dans la mesure où ils sont recevables. 
 
3.- a) La cour cantonale a confirmé le jugement du Tribunal d'arrondissement de la Sarine en tant qu'il condamnait la défenderesse à payer au demandeur une indemnité de 28 253 fr.25 net, correspondant à cinq mois de salaire, à titre d'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO
 
La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé cette disposition, car c'est en raison du comportement plus que douteux du demandeur et de la copie non autorisée de données du disque dur qu'elle l'a licencié avec effet immédiat. 
 
b) Selon l'art. 337c al. 3 CO, en cas de licenciement immédiat injustifié, le juge peut condamner l'employeur à verser au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, compte tenu de toutes les circonstances, parmi lesquelles figurent notamment la situation sociale et économique des deux parties, la gravité de l'atteinte à la personnalité de la partie congédiée, l'intensité et la durée des relations de travail antérieures au congé, la manière dont celui-ci a été donné, ainsi que la faute concomitante du travailleur; aucun de ces facteurs n'est décisif en lui-même (ATF 123 III 391 consid. 3b/bb, 121 III 64 consid. 3c, 120 II 243 consid. 3e p. 248, 119 II 157 consid. 2b p. 161). L'indemnité, qui ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur, a une double finalité punitive et réparatrice (ATF 123 III 391 consid. 3c). Sauf circonstances particulières, elle est due dans tous les cas de licenciement immédiat injustifié (ATF 120 II 243 consid. 3e p. 247, 116 II 300 consid. 5a). 
 
 
Qu'il s'agisse du principe ou de l'ampleur de cette indemnité, le juge cantonal possède, de par la loi (art. 4 CC), un large pouvoir d'appréciation, qui conduit le Tribunal fédéral à ne substituer sa propre appréciation à celle de l'instance inférieure qu'avec une certaine retenue. Il n'interviendra que si la décision s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou encore lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un tel pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 121 III 64 consid. 3c, 119 II 157 consid. 2a in fine, 118 II 50 consid. 4 p. 55 s., 116 II 145 consid. 6a). 
 
 
Selon les constatations définitives de la cour cantonale, la seule violation de son contrat commise par le demandeur consiste dans la copie de la facture relative aux enseignements donnés par K.________. Les autres griefs formulés par la défenderesse n'ont pas été établis. En outre, le demandeur a été congédié d'une façon infamante, puisqu'il a été accusé publiquement de piratage informatique et de vol, en dépit de la légèreté des indices censés le confondre. Les soupçons de malhonnêteté qui en ont résulté parmi les anciens collègues de travail du demandeur constituent un important tort moral. 
 
La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir écarté ses accusations concernant le vol d'argent et la copie de documents informatiques. Ce grief est irrecevable, puisqu'il se heurte aux constatations de fait souveraines des juges précédents (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
 
Au demeurant, la défenderesse ne formule aucun autre grief d'où il résulterait que la cour cantonale aurait abusé de son large pouvoir d'appréciation. 
 
Il sied de relever, en particulier, que la cour cantonale a eu raison d'attribuer une importance particulière au tort moral qu'ont causé au demandeur les accusations de vol et de piratage de données électroniques, proférées contre lui publiquement par la défenderesse. 
 
Le recours doit donc être rejeté également sur ce point. 
 
4.- S'agissant d'une affaire résultant du contrat de travail dont la valeur litigieuse dépasse 20 000 fr. (art. 343 al. 3 CO a contrario), il y a lieu de percevoir un émolument judiciaire. La défenderesse, qui succombe, devra le supporter intégralement (art. 156 al. 1 OJ). Il lui appartiendra, en outre, de verser des dépens au demandeur en application de l'art. 159 al. 1 OJ
 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme l'arrêt attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la charge de la recourante; 
 
3. Dit que la recourante versera à l'intimé une indemnité de 3000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux parties et à la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
__________ 
Lausanne, le 7 février 2001 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, Le Greffier,