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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.259/2004 /aby 
 
Arrêt du 10 mars 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Chaix, juge suppléant. 
Greffière: Mme Aubry Girardin. 
 
Parties 
Fondation A.________, 
recourante, représentée par Me José Zilla, avocat, 
 
contre 
 
O.________, 
intimée, représentée par Me Shokraneh Habibi Amini, avocate, 
 
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois, rue du Pommier 1, case postale 1161, 2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
art. 9 et 29 Cst. (procédure civile), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois 
du 5 octobre 2004. 
 
Faits: 
A. 
A partir du 1er novembre 1995, O.________ a été engagée par la Fondation A.________ (ci-après: A.________) pour travailler dans un home médicalisé. Elle a d'abord exercé la fonction d'infirmière à 50 % puis, dès le 1er janvier 1996, celle d'ergothérapeute à 60 %. Son travail a toujours donné satisfaction. 
 
Dès l'été 1999, O.________ a présenté d'importants troubles du comportement, prenant notamment la forme de perte d'énergie, de désintérêt, de détachement émotionnel et de laisser-aller. Son médecin traitant a mis ces troubles sur le compte d'un état dépressif et a organisé, de juin à juillet 1999, un séjour dans une clinique. Pour la période du 9 juin au 31 juillet 1999, cette clinique a établi un certificat médical attestant d'une incapacité de travail à 100 % pour cause de maladie. 
 
Au retour de ce séjour, O.________ n'a pas repris son travail. Par lettre recommandée du 31 août 1999, la directrice de l'établissement lui a rappelé qu'elle n'avait pas de certificat médical justifiant son absence depuis le 1er août 1999, qu'elle considérait cette absence comme injustifiée et qu'elle la mettait en demeure de reprendre son travail dès le lundi 6 septembre 1999, sous peine de la licencier avec effet immédiat. 
 
Le 6 septembre 1999, O.________ s'est déplacée au home, où elle a rencontré le médecin consultant de l'établissement, mais n'a ni repris son travail, ni rencontré la directrice. Elle n'a pas non plus fourni un certificat médical dans les trois jours comme elle s'y était engagée auprès du médecin consultant, qui a rapporté la teneur de cet entretien à la directrice du home. 
 
Par lettre recommandée du 10 septembre 1999, A.________ a licencié O.________ avec effet immédiat. 
 
Le 17 octobre 1999, le médecin traitant de O.________ a établi un certificat attestant d'une incapacité de travail totale du 1er juillet au 1er novembre 1999 pour raisons médicales. Ce document a été transmis au début du mois de novembre 1999 à A.________, qui n'a pas annoncé le cas à son assurance collective perte de gain. 
Lors d'une consultation médicale qui s'est tenue le 16 février 2000, il s'est avéré que les troubles du comportement dont souffrait O.________ étaient d'origine organique et provenaient d'une tumeur cérébrale du lobe frontal. Opérée le 22 mai 2000 en neurochirurgie, O.________ a par la suite entièrement recouvré ses facultés. 
B. 
Contestant la réalité d'un juste motif de licenciement avec effet immédiat, O.________ a introduit, le 18 février 2003, une demande auprès du Tribunal des prud'hommes du district de La Chaux-de-Fonds, requérant la condamnation de A.________ à lui payer le montant total de 34'627 fr. et à lui délivrer un certificat de travail. A.________ s'est opposée à la demande, sous réserve de l'acceptation de délivrer un certificat de travail. 
 
Par jugement du 12 janvier 2004, le Tribunal des prud'hommes a retenu en substance qu'à l'époque du licenciement, O.________ était dans l'incapacité totale, non seulement de travailler, mais aussi d'effectuer les démarches nécessaires pour se faire délivrer un certificat attestant de son état et/ou de le remettre à son employeur. Le tribunal a dès lors considéré qu'en l'absence d'un manquement fautif de O.________ à ses obligations, son licenciement avec effet immédiat n'était pas possible, ce qui fondait la prétention en paiement de 4'231 fr. pour solde de salaire. Le tribunal a cependant refusé à l'employée l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO, au motif que A.________ n'avait commis aucune faute à la date où elle avait prononcé le licenciement. Il a par ailleurs estimé que les frais et les retards supportés par O.________ pour faire valoir ses droits auprès de l'assurance perte de gain constituaient un dommage en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la carence de l'employeur d'aviser cette assurance, qu'il convenait d'indemniser à raison de 5'073,55 fr. au total. 
 
Par arrêt du 5 octobre 2004, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours formé par A.________, retenant que O.________ avait été empêchée sans sa faute, non seulement de travailler, mais également d'exécuter son obligation contractuelle de présenter un certificat médical; elle a ajouté que l'employeur savait, ou pouvait savoir, que l'attitude de son employée était objectivement non fautive, dans la mesure où, dès l'été 1999, A.________ connaissait les troubles du comportement et de la personnalité présentés par O.________ et était au courant que son employée avait été hospitalisée durant deux mois pour cette raison, sans que son état ne se soit amélioré. L'autorité cantonale a en revanche admis le recours joint formé par O.________ et condamné A.________ à lui verser une indemnité de 8'000 fr. au sens de l'art. 337c al. 3 CO, retenant que l'employeur avait commis une faute en prononçant un licenciement avec effet immédiat, alors qu'il ne pouvait ignorer les indices de maladie présentés par son ancienne employée, qui avaient perduré malgré son séjour en clinique. 
C. 
Parallèlement à un recours en réforme, A.________ interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 5 octobre 2004, en concluant à son annulation. Elle reproche principalement à l'autorité cantonale une appréciation arbitraire des faits pour avoir retenu que l'employeur ne pouvait ignorer les signes de maladie présentés par O.________. Elle invoque également une violation arbitraire de l'art. 415 du code de procédure civile neuchâtelois. 
 
O.________ propose le rejet du recours. 
 
La cour cantonale s'est, pour sa part, référée aux considérants de son arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer tout d'abord sur le recours de droit public. 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 226 consid. 1). 
2.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). 
L'arrêt attaqué est final dans la mesure où la cour cantonale a statué sur le fond du litige par une décision qui n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, s'agissant du grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). 
La recourante est personnellement touchée par l'arrêt entrepris, qui la condamne à paiement. Elle a donc un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en violation de ses droits constitutionnels, de sorte que la qualité pour recourir (art. 88 OJ) doit lui être reconnue. 
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable. 
2.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128 III 50 consid. 1c et les arrêts cités). Il base son arrêt sur les faits constatés dans la décision attaquée, à moins que le recourant ne démontre que la cour cantonale a retenu ou omis certaines circonstances déterminantes de manière arbitraire (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 
3. 
Invoquant une violation de l'art. 9 Cst., la recourante se plaint de l'appréciation arbitraire des preuves par la cour cantonale. 
3.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 128 I 81 consid. 2, 273 consid. 2.1). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3.1; 128 I 273 consid. 2.1). 
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1). Il appartient au recourant d'établir la réalisation de ces conditions en tentant de démontrer, par une argumentation précise, que la décision incriminée est insoutenable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1, 185 consid. 1.6). Le grief tiré de l'appréciation arbitraire des preuves ne peut être pris en considération que si son admission est de nature à modifier le sort du litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une constatation de fait n'ayant aucune incidence sur l'application du droit (cf. ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41). 
3.2 La recourante critique principalement l'appréciation des preuves de la cour cantonale s'agissant de savoir si elle pouvait ou non avoir connaissance de l'incapacité de travail de son employée au moment de la licencier avec effet immédiat. 
Pour les motifs exposés dans la procédure sur recours en réforme introduite parallèlement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.413/2004 du 10 mars 2005 consid. 2.3), cette question est sans pertinence pour l'issue du litige. 
Par conséquent, en tant qu'il vise ce point, le grief est sans objet. 
3.3 La recourante reproche également à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu que l'intimée présentait des troubles qui l'empêchaient de justifier son absence. A la lire, aucun médecin n'aurait confirmé que l'incapacité de fournir un certificat médical était liée à la maladie de l'intimée. 
Le recours ne mentionne cependant pas quels seraient les motifs déterminants qui auraient justifié que l'on s'écarte de l'appréciation de l'autorité cantonale, ni ne décrit le contenu des pièces et/ou des témoignages auxquels il se réfère. Il s'agit d'une argumentation essentiellement appellatoire, qui n'a pas sa place dans un recours de droit public (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 I 295 consid. 7a). Au surplus, la position de la recourante se trouve en contradiction flagrante avec les pièces de la procédure. En effet, les deux médecins traitants de l'intimée ont indiqué que l'incapacité de leur patiente à prendre toute initiative, ainsi que son inaptitude totale à agir étaient directement liées à la présence et au développement de la tumeur cérébrale. Dans de telles conditions, la conclusion qu'en a tirée l'autorité cantonale pour retenir que l'intimée était incapable, sans sa faute, de présenter un certificat médical à son employeur ne souffre d'aucune critique. 
 
Le grief doit donc être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
4. 
La recourante invoque enfin d'une violation arbitraire du droit de procédure cantonal. 
4.1 En matière d'application du droit cantonal, l'arbitraire et la violation de la loi ne sauraient être confondus; une violation de la loi doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 128 II 259 consid. 5; 127 I 54 consid. 2b et les arrêts cités). 
Aux termes de l'art. 415 al. 1 du Code de procédure civile neuchâtelois du 30 septembre 1991 (ci-après : CPCN), le recours en cassation peut être formé pour fausse application du droit matériel (lit. a), pour arbitraire dans la constatation des faits ou abus du pouvoir d'appréciation (lit. b), ou encore pour violation des règles essentielles de la procédure (lit. c). Cette voie de recours extraordinaire permet aux parties de se plaindre de vices particulièrement graves. Elle n'a pas d'effet dévolutif, de sorte que l'autorité de recours ne revoit que les griefs énumérés de manière limitative dans la loi; elle interdit également aux parties d'invoquer des faits nouveaux. L'autorité se prononce ainsi au vu du dossier, en l'état où il se trouvait au moment du jugement attaqué (Hohl, Procédure civile, tome II, Berne 2002, p. 276 n. 3067-3072). La notion d'arbitraire dans la constatation des faits correspond en principe à celle développée en matière de recours de droit public. 
4.2 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir ajouté des faits par rapport à ceux retenus par les premiers juges, sans motiver ce changement d'argumentation. A la suivre, ce procédé contreviendrait à l'art. 415 al. 1 let. b CPCN. 
La différence entre les deux décisions cantonales réside dans le fait que les premiers juges ont écarté l'existence d'une faute à charge de l'employeur au moment du licenciement, alors que les juges de cassation sont arrivés à la conclusion inverse. Or, savoir s'il y a faute ne relève pas des faits, mais constitue une question de droit (cf. ATF 115 II 283 consid. 1a in fine) qu'une cour de cassation cantonale peut revoir librement (Bohnet, CPCN, Code de procédure civile neuchâtelois commenté, 2e éd. Bâle 2003, N 6 ad art. 415 CPCN p. 636). Dès lors, la cour cantonale était parfaitement habilitée à arriver à une conclusion juridique différente de celle des premiers juges. 
Pour le surplus, la recourante ne démontre pas que la cour cantonale se serait écartée des faits retenus par les premiers juges. Certes, afin de parvenir au résultat critiqué dans le recours, la cour de cassation a peut-être accordé plus d'importance à certains éléments du dossier que ne l'avait fait le tribunal des prud'hommes. 
Cependant, même si une autre solution aurait pu être concevable, cela ne suffit pas encore pour retenir une application arbitraire de l'art. 415 CPCN. Dans tous les cas, la solution consacrée par la cour cantonale dans sa décision apparaît défendable. D'ailleurs, selon la doctrine, s'appuyant sur l'art. 23 de la loi cantonale sur la juridiction des prud'hommes, la cour de cassation civile neuchâteloise dispose d'un plein pouvoir d'examen des faits lorsque, comme en l'espèce, le litige peut être déféré par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral (Bohnet, op. cit., N 10 ad art. 415 CPCN p. 639 s.). 
Le grief tiré d'une application arbitraire du droit cantonal s'avère donc également infondé. 
Dans ces circonstances, le recours ne peut qu'être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
5. 
Bien qu'elle ait trait à un différend relevant du contrat du travail, la procédure fédérale n'est pas gratuite en l'occurrence, puisque la valeur litigieuse déterminante, calculée au moment du dépôt de la demande (ATF 115 II 30 consid. 5b), dépasse le plafond de 30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO
 
Compte tenu de l'issue du litige, la recourante supportera l'émolument de justice et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. 
Lausanne, le 10 mars 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: