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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.123/2004 /ech 
 
Arrêt du 12 août 2004 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre. 
Greffière: Mme de Montmollin. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Michel De Palma, 
 
contre 
 
X.________ Sàrl, 
intimée, représentée par Me Philippe Loretan, 
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2. 
 
Objet 
Recevabilité; arbitraire, 
 
recours de droit public contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, du 19 avril 2004. 
 
Faits: 
A. 
Du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, A.________ a travaillé comme collaborateur à temps partiel, puis à plein temps, de X.________ Sàrl, pour un salaire brut mensuel de 3'436 fr. 20. Le contrat de travail prévoyait une clause de prohibition de concurrence, contenant une peine conventionnelle maximale de 25'000 fr. pour chaque violation. 
 
Le 5 mars 2002, X.________ Sàrl a déposé devant le Tribunal du travail du canton du Valais une demande tendant notamment au paiement de cette somme, au motif que son ancien employé exerçait une activité concurrente dans des magasins de jeux video. Le 22 octobre 2002, le Tribunal du travail a partiellement admis la demande et condamné A.________ à payer 6'000 fr. avec intérêt à 5% dès le 5 mars 2002, étant précisé que ce dernier avait reconnu devoir 2'000 fr. de ce chef. 
 
Le 4 février 2003, ce dernier a appelé de ce jugement devant la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. Par jugement du 19 avril 2004, cette juridiction a prononcé l'irrecevabilité de l'appel. Elle a retenu que la valeur litigieuse de 4'000 fr, représentant la différence entre le montant combattu (6'000 fr.) et le montant reconnu (2'000 fr.), était inférieure à la limite prévue à l'art. 46 OJ, à laquelle se réfère l'art. 32c al. 1 de la loi cantonale sur le travail, du 16 novembre 1966 (ci-après: LCT). La Cour civile II a estimé que la valeur litigieuse régissant la recevabilité de l'appel devait être déterminée sur la base des prétentions contestées devant elle. 
B. 
A.________ interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral contre la décision du 19 avril 2004. Invoquant une violation arbitraire de l'art. 32c al. 1 LCT, et se rapportant au système de l'art. 46 OJ, qui a inspiré la disposition cantonale, A.________ soutient que la valeur litigieuse doit se déterminer sur la base des prétentions contestées devant le Tribunal du travail. Ainsi, la valeur litigieuse est de 23'000 fr. (25'000. fr. moins 2'000. fr.), de sorte que le prononcé d'irrecevabilité est arbitraire. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée. 
 
L'intimée n'a pas pris position sur le recours. 
 
Le Tribunal cantonal se réfère à ses considérants. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). 
 
L'arrêt attaqué, même s'il ne tranche pas le fond du litige, est final dans la mesure où la cour cantonale a mis terme à une procédure concernant une demande pécuniaire par une décision qui n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, s'agissant du grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). 
 
Le recourant est personnellement touché par la décision entreprise, qui écarte ses conclusions, de sorte qu'il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pour recourir (art. 88 OJ) doit lui être reconnue. 
 
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le présent recours est en principe recevable. 
2. 
Le litige porte sur l'interprétation de l'art. 32c al. 1 LCT, qui dispose que les jugements du tribunal du travail peuvent faire l'objet d'un appel auprès du Tribunal cantonal lorsque la valeur litigieuse résultant des dernières conclusions prises permet la recevabilité du recours en réforme auprès du Tribunal fédéral. Dans les autres cas, le jugement est définitif au niveau cantonal. 
2.1 Conformément à la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (ATF 130 II 49 consid. 3.2.1, p. 53, 65 consid. 4.2 et les arrêts cités, p. 71). 
2.2 La première démarche consiste donc dans l'interprétation grammaticale. 
 
L'art. 32c al. 1 LCT se réfère à la valeur litigieuse retenue pour le recours en réforme au Tribunal fédéral, qui, selon l'art. 46 OJ, est atteinte si "les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignent une valeur d'au moins 8'000 francs". L'art. 32c al. 1 LCT se borne quant à lui à parler des "dernières conclusions prises". La compréhension littérale du texte démontre que ces "dernières conclusions prises" sont celles formulées devant le tribunal du travail, et non pas devant le Tribunal cantonal, qui est mentionné uniquement comme l'autorité habilitée à connaître de l'appel, en raison de la compétence fonctionnelle instituée par cet art. 32c al. 1 LCT. Autrement dit, la valeur litigieuse déterminante n'est pas celle existant à l'introduction du procès, mais celle qui subsiste au moment où le tribunal du travail, statuant en première instance, retient l'affaire à juger, après d'éventuelles amplifications ou réductions de la demande. Si les "dernières conclusions prises" étaient celles articulées par l'appelant devant le Tribunal cantonal comme instance d'appel, il suffirait que sa partie adverse reconnaisse certaines conclusions de celui-ci pour rendre irrecevable le reste des conclusions en appel, vidant de son sens l'art. 32c al. 1 LCT. 
 
L'interprétation historique et systématique conduit au même résultat. Par le renvoi exprès à la condition de recevabilité du recours en réforme au Tribunal fédéral, en ce qui concerne la valeur litigieuse, le législateur cantonal (BGC/VS, novembre 1994, p. 447/448; février 1995, p. 427 ss), a voulu un système analogue à celui fondé par l'art. 46 OJ. Selon cette disposition, dont l'interprétation ne prête pas à discussion, on tient compte de toutes les fluctuations de la valeur litigieuse devant la juridiction cantonale, mais pas de celles qui interviennent postérieurement au jugement cantonal de dernière instance (Poudret, COJ II, n. 1.5 ad art. 46). Le même raisonnement doit être appliqué en ce qui concerne l'art. 32c al. 1 LCT, ainsi que le Tribunal de céans l'a admis dans un arrêt du 9 septembre 1998 (4P.39/1998), publié dans la RVJ 1999, p. 194/195: dans les deux cas, la voie de droit considérée n'est ouverte devant l'autorité judiciaire supérieure que si la valeur litigieuse arrêtée dans les dernières conclusions prises devant l'instance inférieure atteint au moins 8'000 fr. 
 
La cour cantonale s'est appuyée vainement sur un arrêt non publié du Tribunal fédéral du 22 septembre 1998 (4P.181/1998). Cette décision ne discute pas des rapports entre les art. 46 OJ et 32c al. 1 LCT, mais considère comme non arbitraire le fait de ne pas tenir compte, dans la valeur litigieuse, du montant reconnu par l'appelant (consid. 4a, p. 4/5). Cette question n'a aucune pertinence dans la présente cause. 
2.3 L'application de ces principes dans le cas d'espèce aurait conduit à admettre la recevabilité de l'appel. En effet, la demanderesse réclamait devant le tribunal du travail (instance inférieure) 25'000 fr. au titre d'une clause de prohibition de concurrence, alors que le défendeur reconnaissait de ce chef la somme de 2'000 fr. En définitive, au moment où le tribunal du travail devait statuer, la valeur litigieuse s'élevait encore à 23'000 fr. Comme ce montant est supérieur à la somme de 8'000 fr., l'appel aurait dû être déclaré recevable devant la Cour civile II du Tribunal cantonal, aucune autre cause d'irrecevabilité n'étant soulevée ou n'apparaissant dans le dossier. 
 
La cour cantonale a interprété arbitrairement l'art. 32c al. 1 LCT, au sens de la jurisprudence constamment répétée en la matière (ATF 129 I 8 consid. 2.1 et les arrêts cités), commettant par là un déni de justice matériel qui doit être sanctionné. En conséquence, le jugement attaqué sera annulé, la procédure étant replacée dans l'état où elle se trouvait avant son prononcé. 
3. 
La procédure est gratuite (art. 343 al. 3 CO). Néanmoins, la partie qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité à titre de dépens (ATF 115 II 30 consid. 5c, p. 42). Dans le cas présent, la demanderesse a renoncé à se déterminer sur le recours. Le Tribunal cantonal a créé une certaine insécurité juridique en s'écartant de la jurisprudence publiée et accessible (Recueil CEDH 2002-VIII, p. 83 ss, n. 41). Dans ces conditions, il paraît équitable de mettre à la charge du canton du Valais une indemnité de dépens en faveur du défendeur (art. 159 al. 1 OJ), en raison de la décision prise par le Tribunal cantonal. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis. 
2. 
Le jugement attaqué est annulé. 
3. 
II n'est pas perçu de frais judiciaires. 
4. 
Le canton du Valais versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II. 
Lausanne, le 12 août 2004 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: