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Urteilskopf

127 III 219


39. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 24 avril 2001 en la cause Département fédéral de l'économie publique contre Commission de recours pour les questions de concurrence, ainsi que Rhône-Poulenc SA et Merck & Co. Inc. (recours de droit administratif)

Regeste

Art. 2 und 9 KG; Unternehmenszusammenschluss.
Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde im Bereich des Wettbewerbsrechts und Beschwerdelegitimation des Departements (E. 1).
Art. 2 Abs. 2 KG: Das Kartellgesetz ist nach dem so genannten "Auswirkungsprinzip" anwendbar; massgeblich sind die potenziellen Auswirkungen, die ein Unternehmenszusammenschluss voraussichtlich auf den schweizerischen Markt haben könnte (E. 3).
Art. 9 Abs. 1 KG: Auslegung dieser Norm und Vergleich mit dem europäischen Recht; ein Zusammenschlussvorhaben muss gemeldet werden, sofern die Schwellenwerte gemäss Art. 9 Abs. 1 KG erreicht werden, selbst wenn die betroffenen Unternehmungen ihren Sitz im Ausland haben (E. 4a und b). Eingriffskompetenzen der Wettbewerbskommission (E. 4c). Anwendung im vorliegenden Fall (E. 5).

Sachverhalt ab Seite 220

BGE 127 III 219 S. 220
Le 23 mai 1997, la société française Rhône-Poulenc SA et la compagnie américaine Merck & Co Inc. ont regroupé leurs secteurs "santé animale" et "génétique avicole" au sein d'une nouvelle entreprise commune dénommée Merial. En 1996, Rhône-Poulenc SA avait réalisé en Suisse un chiffre d'affaires de 315 millions, dont environ 3'170'000 fr. pour les secteurs concernés par le regroupement, alors que Merck & Co Inc. avait obtenu respectivement des chiffres d'affaires de 155 millions et 715'000 fr. environ. Sur le plan mondial, le chiffre d'affaires de Rhône-Poulenc s'élevait à 13,217 milliards ECU (85,818 milliards de FF) et celui de Merck & Co Inc. atteignait 15,616 milliards ECU (19,819 milliards de US$).
Le 2 juillet 1997, la Commission des Communautés européennes a déclaré que le regroupement en cause était compatible avec le marché commun, sur la base du Règlement N/4064/89 du Conseil (ci-après: le Règlement CEE; voir décision du 02.07.1997 in Journal officiel no C312 du 14/10/1997 p. 0015). Le 8 juillet suivant, Rhône-Poulenc SA et Merck & Co Inc. ont notifié l'opération Merial au Secrétariat de la Commission de la concurrence, en précisant qu'elles désiraient réaliser la concentration au 1er août 1997.
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Après un échange de correspondances, notamment pour compléter les informations fournies, le Secrétariat a, par courrier du 5 août 1997, fixé au 1er août le point de départ du délai d'attente d'un mois prévu dès l'ouverture de la procédure d'examen, conformément à l'art. 32 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (loi sur les cartels, LCart; RS 251).
Le 18 août 1997, la Commission de la concurrence a conclu que l'opération Merial ne créerait pas et ne renforcerait pas davantage une position dominante sur le marché des parasiticides et de la génétique avicole. Rhône-Poulenc SA et Merck & Co Inc. ont toutefois réalisé l'opération de concentration le 1er août 1997, tout en déclarant avoir suspendu leurs ventes vers la Suisse.
Par décision du 16 février 1998, la Commission de la concurrence a, sur la base de l'art. 51 al. 1 LCart, infligé aux entreprises Rhône-Poulenc SA et Merck & Co Inc. une amende de 60'000 fr. chacune pour avoir réalisé l'opération Merial pendant le délai d'interdiction provisoire de l'art. 32 al. 2 LCart. Elle est cependant revenue sur cette décision le 21 décembre 1998 et a réduit les amendes pour tenir compte des chiffres d'affaires annuels respectifs réalisés en Suisse par chacune des entreprises. L'amende de Rhône-Poulenc SA a ainsi été fixée à 23'625 fr. et celle de Merck & Co Inc. à 11'625 fr.
Statuant le 4 juillet 2000 sur le recours déposé par Rhône-Poulenc SA et Merck & Co Inc., la Commission de recours pour les questions de concurrence a admis le recours et annulé la décision du 21 décembre 1998. Elle a retenu en bref que les règles sur la notification des opérations de concentration (art. 9 LCart) n'étaient pas applicables, dès lors que rien ne permettait d'admettre que le regroupement en cause serait en mesure d'influencer de manière sensible la concurrence en Suisse. Dans ces conditions, elle a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'examiner s'il y avait eu contravention à l'interdiction provisoire prévue à l'art. 32 al. 2 LCart et si, le cas échéant, les sanctions prononcées étaient justifiées.
Le Département fédéral de l'économie publique a formé un recours de droit administratif contre cette décision, en faisant notamment valoir que la loi sur les cartels s'applique dès qu'un effet se produit en Suisse, sans égard à son intensité et à sa nature.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Erwägungen

Extrait des considérants:

1. a) Le présent litige porte sur les mesures administratives que la Commission de la concurrence a la compétence de prendre en
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vertu des art. 18 ss LCart. La décision de la Commission de recours pour les questions de concurrence est donc bien une décision au sens de l'art. 97 al. 1 OJ, en relation avec l'art. 5 al. 1 PA (RS 172.021), prise par une commission fédérale (art. 98 lett. f OJ), qui est susceptible d'être attaquée auprès du Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par la Commission de recours, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).
b) Selon l'art. 103 lett. b OJ, le département fédéral compétent dans le domaine en cause a qualité pour former un recours de droit administratif contre les décisions émanant des commissions fédérales de recours, lorsque, comme en l'espèce, il défend un intérêt public à l'application correcte du droit fédéral (ATF 127 II 32 consid. 1b p. 35 et les références citées).
c) Il y a lieu dès lors d'entrer en matière sur le recours de droit administratif qui a en outre été déposé en temps utile et dans les formes requises.

2. Les entreprises Rhône-Poulenc et Merck & Co Inc. ont leur siège respectif en France et aux Etats-Unis et ne possèdent pas d'établissements ou de filiales en Suisse. Après avoir notifié leur opération de concentration à la Commission des Communautés européennes (ci-après: la Commission CEE), selon l'art. 4 du Règlement CEE, elles ont obtenu un avis positif, le 2 juillet 1997. Elles ont ensuite notifié l'opération en cause au Secrétariat de la Commission de la concurrence, conformément à l'art. 9 al. 1 LCart, en déclarant vouloir réaliser la concentration au 1er août 1997. Pour expliquer leur démarche, les intimées ont soutenu devant la Commission de recours pour les questions de concurrence que la décision de la Commission CEE revêtait un caractère préalable pour la notification en Suisse, car il s'agissait de savoir si l'opération Merial devait ou non être considérée comme une entreprise commune de nature "concentrative" soumise à notification (voir recours du 28 janvier 1999). Après la procédure de notification, elles ont toutefois prétendu, comme dans leur réponse au présent recours, que la loi sur les cartels n'était pas applicable à la concentration en cause, du moment que celle-ci n'engendrait aucune modification structurelle, soit aucun effet qualifié sur le marché suisse, seul visé par l'art. 2 al. 2 LCart. Or, l'opération Merial ne produisait des effets que sur les ventes de produits non concurrents effectuées en Suisse et n'entrait donc pas dans le champ d'application de la loi. La Commission
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de recours a partagé ce point de vue et a, par conséquent, annulé la décision de la Commission de la concurrence du 21 décembre 1998.
Il s'agit dès lors d'examiner au préalable si la loi sur les cartels est ou non applicable à la concentration réalisée par les entreprises intimées.

3. a) Selon l'art. 2 LCart, la loi sur les cartels s'applique:
- "aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence, qui sont puissantes sur le marché ou participent à des concentrations d'entreprises
(al. 1);
- aux états de faits qui déploient leurs effets en Suisse, même s'ils se sont produits à l'étranger (al. 2)." (En allemand: "Das Gesetz ist auf Sachverhalte anwendbar, die sich in der Schweiz auswirken, auch wenn sie im Ausland veranlasst werden").
L'ancien droit se fondait déjà sur le principe dit des effets et admettait ainsi l'application du droit suisse lorsqu'une restriction de concurrence produisait ses effets sur le marché suisse (ATF 93 II 192 consid. 3 p. 196). La loi du 6 octobre 1995 innove en ce sens qu'elle précise expressément son champ d'application géographique et le définit en fonction du principe des effets sur le marché suisse, même si les restrictions à la concurrence se sont produites à l'étranger (art. 2 al. 2 LCart.; Message concernant la loi sur les cartels du 23 novembre 1994 in FF 1995 I 535/536). Avec l'art. 2 al. 2 LCart, le principe des effets ("Auswirkungsprinzip"), largement reconnu sur le plan international, est donc maintenant inscrit dans la loi. Il ne s'agit cependant que des effets sur le marché suisse prévisibles d'emblée, afin de réserver à l'autorité compétente la possibilité de procéder ensuite à un examen plus approfondi (JÜRG BORER, Schnittstellen der schweizerischen mit der europäischen Wettbewerbsordnung, in "Der Einfluss des europäischen Rechts auf die Schweiz, Festschrift für Professor Roger Zäch zum 60. Geburtstag", Zurich 1999, p. 221; ULRICH IMMENGA, Zur extraterritorialen Anwendung der europäischen Fusionskontrolle, ebenda, p. 349 ss). L'art. 2 al. 2 LCart est donc une règle de conflit qui fixe les conditions d'application de la loi suisse sur les cartels et oblige la Commission de la concurrence à exercer un contrôle préventif, en examinant l'influence de la concentration sur le marché suisse déjà au stade de la notification de l'opération en cause selon l'art. 9 al. 1 LCart (JÜRG BORER, Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz, Zurich 1998, n. 20 à 23 ad art. 2, p. 104 à 109).
b) Conscient des difficultés qui pouvaient survenir lorsqu'aucune des entreprises concernées ne relevait de la juridiction suisse et
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que tout leur patrimoine se trouvait à l'étranger, le Conseil fédéral avait certes introduit une règle de conflit spéciale qui visait à limiter l'application du principe des effets. L'art. 9 al. 4 du projet de loi prévoyait ainsi qu'une concentration d'entreprises n'était pas soumise au régime de l'autorisation lorsque toutes les entreprises participantes avaient leur siège à l'étranger et n'étaient pas affiliées à une entreprise en Suisse, ni ne disposaient d'un établissement en Suisse actif sur les mêmes marchés ou sur les marchés voisins (FF 1995 I 575/576). La Commission du Conseil national a cependant décidé de supprimer cette disposition, jugeant préférable de ne pas se priver de toute possibilité d'intervention. Le Parlement a ensuite approuvé sans discussion cette modification (voir BRUNO SCHMIDHAUSER, Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz, Zurich 1997, n. 43 ad art. 2, p. 17; DUCREY/DROLSHAMMMER, Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz, Zurich 1997, Vorbemerkungen zu Art. 9 bis 11, n. 12 à 18, p. 9 à 11 et n. 29 ad art. 9, p. 18).
Il s'ensuit que l'obligation d'annoncer les opérations de concentration selon le droit suisse peut déjà résulter des effets potentiels que lesdites opérations sont susceptibles de produire sur le marché suisse, même si les entreprises concernées ne sont pas physiquement présentes en Suisse (DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 30 ad art. 9, p. 19; ROLF BÄR, Das Auswirkungsprinzip im schweizerischen und europäischen Wettbewerbsrecht, in "Die neue schweizerische Wettbewerbsordnung im internationalen Umfeld", Berner Tage für die juristische Praxis 1996, p. 93).

4. a) L'obligation d'annoncer une concentration d'entreprises est réglée par l'art. 9 al. 1 LCart, qui en fixe les critères formels de la manière suivante:
"1. Les opérations de concentration d'entreprises doivent être notifiées avant leur réalisation à la Commission de la concurrence lorsque, dans le dernier exercice précédant la concentration:
a. les entreprises participantes ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires minimum de 2 milliards de francs ou un chiffre d'affaires en Suisse de 500 millions de francs, et
b. au moins deux des entreprises participantes ont réalisé individuellement en Suisse un chiffre d'affaires de 100 millions de francs."
A noter que ces montants ne s'appliquent pas aux entreprises de journaux et aux diffuseurs de programmes radio et télévision (art. 9 al. 2 LCart) et que d'autres critères sont prévus pour les assurances et les banques (art. 9 al. 3 LCart).
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L'art. 9 al. 1 LCart contient donc deux conditions cumulatives: la première concrétise le principe des effets (lettre a) et la seconde a pour but de soustraire au contrôle les concentrations entre petites entreprises ou entre des entreprises qui n'ont pratiquement pas d'activités en Suisse (lettre b, dénommée "clause bagatelle"; à propos de cette disposition, voir DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit. n. 1, 34 avec remarque, et 41 ad art. 9, p. 8, 21 et 24; JÜRG BORER, Kommentar, n. 15 ad art. 2, p. 101; PATRIK DUCREY, Unternehmenszusammenschlüsse im Kartellrecht, in Mergers & Acquisitions, Zurich 1998, p. 138; EUGEN MARBACH, Die Fusionskontrolle im schweizerischen und europäischen Wettbewerbsrecht, in "Die neue schweizerische Wettbewerbsordnung im internationalen Umfeld", Berner Tage für die juristische Praxis 1996, p. 122/123; ROLF WATTER/URS LEHMANN, Die Kontrolle von Unternehmenszusammenschlüssen im neuen Kartellgesetz, in. PJA 1996 p. 864). Les montants relativement élevés des valeurs seuils ont pour résultat de limiter le contrôle de la Commission de la concurrence aux entreprises qui ont une certaine puissance financière et sont à même d'acquérir une position dominante sur le marché suisse (FF 1995 I 572/573; JÜRG BORER, Kommentar, n. 2 ad art. 9, p. 229/230; ISABELLE CHABLOZ, Influence du droit européen sur le droit suisse des "cartels", in "La décartellisation en Suisse: influences européennes" p. 48, Fribourg 1999). Ainsi fixées dans la loi, les valeurs seuils offrent une certaine sécurité sur le plan juridique et permettent également aux entreprises de pouvoir évaluer plus facilement si elles ont l'obligation d'annoncer leur concentration (JÜRG BORER, Kommentar, n. 15 ad art. 2, p. 102). Les modes de calcul des valeurs seuils selon les chiffres d'affaires sont précisés aux art. 3 à 5 de l'ordonnance du 17 juin 1996 sur le contrôle des concentrations d'entreprises (OCCE; RS 251.4). Lorsque, comme en l'espèce, la concentration concerne deux secteurs de production, les chiffres d'affaires des entreprises participantes doivent être pris en compte globalement, pour tenir compte de leur puissance économique sur le marché suisse, et non pas seulement sur la base des secteurs directement concernés par l'opération (DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 14 et 47 à 53 ad art. 9, p. 14 et 27/28; EUGEN MARBACH, op. cit., p. 123).
b) La loi sur les cartels de 1962 ne faisait aucune allusion aux opérations de concentrations d'entreprises ou à leur contrôle; quant à la loi de 1985, elle permettait à l'ancienne Commission des cartels d'ouvrir une enquête, qui s'effectuait le plus souvent a posteriori, s'il paraissait qu'une fusion avait pour effet de créer ou de renforcer une
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position dominante. L'idée d'un contrôle des concentrations s'est en fait développée à la lumière du droit communautaire (FRANK SCHERRER, Das europäische und das schweizerische Fusionskontrollverfahren, thèse Zurich 1996, p. 312 ss; CHRISTIAN BOVET, Premières expériences dans le contrôle des concentrations, in Journée du droit de la concurrence, Genève 1998, p. 61/62). Fondé sur les art. 85 et 86 du Traité CEE, ainsi que sur le Règlement CEE, le droit européen de la concurrence joue en effet un "rôle locomotive" à l'égard des législations nationales et le Conseil fédéral s'en est également inspiré lorsqu'il a édicté le projet de loi, en particulier pour fixer les valeurs seuils permettant de soumettre les entreprises participantes au contrôle (FF 1995 I 530 et 532; THOMAS HUGGENBERGER, Die marktbeherrschende Stellung in der Fusionskontrolle der EG, Berne 2000, p. 47 ss; FRANK SCHERRER, op. cit., p. 335/336). Selon le Règlement CEE, toute opération de concentration est de dimension communautaire, lorsque le chiffre d'affaires réalisé sur le plan mondial représente un montant supérieur à 5 milliards d'écus (= environ 7,5 milliards de francs) et lorsque le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'écus (= environ 380 millions de francs; DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 96 à 100 ad art. 9, p. 50).
En comparaison, la Suisse a donc des valeurs seuils relativement élevées par rapport à la dimension de son marché. Ces valeurs ont cependant été voulues par le législateur pour des raisons politiques (FF 1995 I 573 et 579; DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 39 ad art. 9, p. 22; JÜRG BORER, Kommentar, n. 2 ad art. 9, p. 229/230; FRANK SCHERRER, op. cit., p. 342; ROLF DÄHLER, Die Fusionskontrolle, in "Das neue schweizerische Kartell- und Wettbewerbsrecht", Zurich 1996, numéro spécial de la Revue suisse du droit des affaires, p. 27). Les montants prévus par l'art. 9 al. 1 LCart excluent en principe que les entreprises qui réalisent ensemble un chiffre d'affaires de 500 millions (ou 2 milliards sur le plan mondial) et individuellement de 100 millions n'aient aucune influence sur le marché suisse. Il paraît dès lors peu probable qu'elles ne soient pas assujetties à la loi en vertu de l'art. 2 al. 2 LCart et qu'un éventuel conflit puisse survenir entre les deux dispositions (JÜRG BORER, Kommentar, n. 23 ad art. 2, p. 108/109; DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 29 et 39 ad art. 9, p. 18 et 22; Scherrer, op. cit., p. 336). Au contraire, en ce qui concerne l'obligation d'annoncer, les valeurs seuils ainsi fixées par l'art. 9 al. 1 LCart concrétisent le principe des effets ("Auswirkungsprinzip") contenu à l'art. 2 al. 2 LCart.
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Dans ces conditions, il y a lieu d'admettre que les entreprises dont les chiffres d'affaires atteignent les valeurs seuils de l'art. 9 al. 1 LCart sont assujetties à la loi sur les cartels et ont l'obligation d'annoncer leur opération de concentration, même si elles ont leur siège à l'étranger. C'est au demeurant la procédure qui a tout d'abord été suivie par les entreprises intimées, avant qu'elles ne soutiennent que la loi suisse n'était pas applicable dans leur cas.
c) La notification d'une opération de concentration selon l'art. 9 LCart entraîne automatiquement l'ouverture de la procédure d'examen selon les art. 32 ss LCart, procédure qui présente plusieurs similitudes avec celle du Règlement CEE, notamment en ce qui concerne la suspension de l'opération de concentration pendant la procédure d'examen: un mois selon l'art. 32 al. 2 LCart et trois semaines selon l'art. 7 du Règlement CEE, avec des possibilités de prolongation ou de dérogation semblables (FRANZ HOFFET, Unternehmenszusammenschlüsse - Materielles Fusionskontrollrecht, Art. 9-10 KG, in "Das Kartellgesetz in der Praxis", Zurich 2000; voir aussi tableau comparatif de JÜRG BORER, Erste Erfahrungen im Bereich der Fusionskontrolle, in "Das neue Kartellgesetz. Erste Erfahrungen in der Praxis", p. 156 ss). La violation de cette interdiction peut entraîner des sanctions administratives (art. 51 LCart: paiement d'un montant d'un million de francs au plus) et pénales (art. 55 LCart: amende de 20'000 fr. au plus). Faute de compétence de la Commission de la concurrence sur le plan international, ces sanctions restent certes difficiles à imposer aux entreprises qui n'ont aucune présence physique en Suisse (DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., ad art. 9 ch. 30, p. 19 et ch. 38, p. 22, voir aussi l'analyse de l'affaire Merial par CHRISTIAN BOVET, op. cit., p. 88/89). Toutefois, comme on l'a vu (supra consid. 3b), la volonté du législateur était clairement de donner à la Commission la possibilité d'intervenir, dans chaque cas, pour rétablir une concurrence efficace, plusieurs mesures étant prévues à cette fin (art. 37 LCart). Il paraît donc logique que la Commission de la concurrence puisse aussi intervenir déjà au stade de la procédure d'examen, en particulier pour faire respecter le délai d'attente de l'art. 32 al. 2 LCart. Au demeurant, le Tribunal fédéral, comme les instances fédérales compétentes en la matière, reste lié par cette réglementation aussi longtemps qu'il n'existe pas de normes internationales contraires (art. 191 Cst.). La Commission CEE connaît d'ailleurs des problèmes semblables lorsqu'il s'agit d'appliquer le Règlement CEE à des pays qui ne sont pas membres de la Communauté européenne. Fondamentalement, la véritable solution
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ne peut donc être trouvée qu'au travers des conventions internationales (FRANK MONTAG/CHRISTOPH LEIBENATH, Aktuelle Probleme in der Europäischen Fusionskontrolle, in "Neueste Entwicklungen im europäischen und internationalen Kartellrecht, Siebentes St. Galler Internationales Kartellrechtsforum 2000, p. 98 ss, spéc. p. 100; ULRICH IMMENGA, op. cit., in "Festschrift für Professor Roger Zäch zum 60. Geburtstag", Zurich 1999, p. 358).
d) Avec ses modalités fixées aux art. 11 ss OCCE, la procédure de notification reste donc une phase essentielle du contrôle des concentrations d'entreprises. Dans cette procédure, la Commission de la concurrence dispose d'un large pouvoir d'examen et a notamment la possibilité de préciser les conditions de la notification, ainsi que les informations à fournir en vertu de l'art. 11 OCCE. Par conséquent, elle peut également déterminer dans quelle mesure une notification déposée auprès d'une autorité étrangère est utilisable en Suisse, de sorte qu'il paraît souhaitable que le formulaire de notification tienne compte de l'évolution des procédures de notification à l'étranger (PHILIPPE GUGLER/BENOÎT MERKT, Considérations sur le formulaire de notification des concentrations d'entreprises, in Journée du droit de la concurrence, Genève 1998, p. 92 et 100). La procédure de notification pourrait notamment être simplifiée pour les entreprises ayant leur siège à l'étranger en leur donnant, par exemple, la possibilité de déposer simultanément leur formulaire devant la Commission CEE et la Commission de la concurrence. Il est en revanche exclu que les entreprises se fondent sur le résultat de leur démarche auprès de la Commission CEE pour déposer ou non leur demande en Suisse, ainsi que l'ont fait les intimées.

5. a) En l'espèce, il n'est pas contesté que les chiffres d'affaires des entreprises intimées doivent être pris en compte globalement (voir supra consid. 4a). Il est également admis que ceux-ci s'élèvent en Suisse à environ 315 millions de francs pour Rhône-Poulenc et 155 millions pour Merck & Co Inc. (respectivement 85 Mrd FF et 19,8 Mrd US$ sur le plan mondial), de sorte qu'ils dépassent les valeurs seuils de l'art. 9 al. 1 LCart; partant, ils ont en même temps des effets potentiels déterminants sur le marché suisse au sens de l'art. 2 al. 2 LCart. La Commission de la concurrence a donc admis à juste titre que l'opération de concentration des entreprises intimées était assujettie à la loi sur les cartels. Le fait qu'elle a reconnu par la suite la licéité de cette opération, ne modifie pas le bien-fondé de l'examen auquel elle a procédé. Dès lors, la décision de la Commission de recours pour les questions de concurrence, qui a
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annulé la décision de l'autorité de première instance en niant l'assujettissement des intimées à la loi, viole le droit fédéral. Le présent recours doit ainsi être admis et la décision attaquée annulée.
b) Dans sa décision du 4 juillet 2000, la Commission de recours pour les questions de concurrence ne s'est pas prononcée sur les sanctions infligées aux entreprises intimées pour violation de l'interdiction provisoire de l'art. 32 al. 2 LCart. Il se justifie dès lors de lui renvoyer l'affaire pour nouvelle décision sur ce point.

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BGE: 127 II 32, 93 II 192

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