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Urteilskopf

128 IV 53


13. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause A. et consorts contre X. et consorts ainsi que le Ministère public du canton du Valais (pourvoi en nullité)
6S.664/2001 du 14 mai 2002

Regeste

Art. 173, 64, 27 StGB, Art. 49 OR, Art. 271 Abs. 2 BStP, Art. 47 Abs. 1 OG; üble Nachrede, achtungswerte Beweggründe, Mediendelikt, Zivilansprüche, Genugtuung.
Wer eine Plakatkampagne anonym führt, kann sich nicht auf die Rechtsprechung berufen, wonach in der politischen Diskussion nur mit Zurückhaltung auf eine Ehrverletzung zu erkennen ist (E. 1d).
Die Art und Weise der Deliktsbegehung kann selbst noch so achtungswerte Beweggründe in den Hintergrund drängen (E. 3).
Wer im Rahmen der Herstellung und Verbreitung eines strafrechtlich relevanten Medienerzeugnisses ausschliesslich dessen Veröffentlichung übernimmt, ist für das Mediendelikt nicht subsidiär verantwortlich (E. 5e).
Legitimationsvoraussetzungen zur Nichtigkeitsbeschwerde im Zivilpunkt; Berechnung des Streitwerts (E. 6 und 8).
Genugtuung als Folge einer Ehrverletzung (E. 7).
Die Anwendung der medienrechtlichen Sonderregelung des Art. 27 StGB hat keine Auswirkungen auf die Zivilansprüche der Verletzten (E. 8).

Sachverhalt ab Seite 54

BGE 128 IV 53 S. 54

A.- En automne 1997, un débat public s'est engagé sur la modification des dispositions pénales sur l'avortement. X., vice-présidente de la commune de Sion, a pris publiquement position pour la "solution des délais" résultant d'un avant-projet de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ). Y. et Z., députées au Grand Conseil valaisan, se sont prononcées publiquement en faveur du modèle dit "Riklin". Ce modèle se distingue de l'avant-projet en ce que le délai durant lequel l'interruption de grossesse n'est pas punissable est ramené à douze semaines (au lieu de 14 comme le propose la CAJ) et qu'une consultation auprès d'un centre reconnu est obligatoire.
Le parti démocrate-chrétien (PDC) suisse a adopté fin août 1997 le modèle Riklin, ce qui a suscité de vives réactions au sein de la section valaisanne de ce parti. Le groupe de travail Pro-Vie du PDC valaisan considère que le modèle Riklin revient à légaliser l'avortement durant 12 semaines et a préconisé le maintien des dispositions légales actuelles en la matière. A. défend la position du groupe Pro-Vie. La question devait être débattue à fin novembre 1997 par l'assemblée du parti cantonal.
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Vers la mi-octobre 1997, A. a décidé de "faire bouger" le PDC sur sa position ambiguë au sujet de la solution des délais et de relancer, au moyen d'une campagne d'affichage, le débat en vue de la réunion de fin novembre. Sa stratégie consistait à cibler une attaque contre des femmes politiques, ces dernières étant, à ses dires, mises sur le devant de la scène politique par les partis pour faire accepter l'idée de l'avortement.
A. a demandé à B. de le documenter sur ce thème. Le second siège, sous la présidence du premier, au sein du comité de W., une association engagée dans la lutte contre la pornographie, l'occultisme et la drogue, où il est responsable du domaine de l'avortement. Il a fourni à A. la brochure "Ma chance d'exister et de vivre le don merveilleux de la vie" (ci-après: "La Vie"), éditée en 1985 par l'association française SOS futures mères, ainsi que, à sa demande, des coupures de journaux où figurent les photographies de X., de Y. et de Z.
A. a ensuite choisi les photographies et les textes, dont la traduction en allemand a été assurée par L. Il a remis le brouillon de l'affiche à C., caissier et responsable du Bulletin de W., qui a réalisé, au moyen de l'ordinateur et du scanner dont il disposait à domicile, la maquette de ce document, dont il connaissait la destination. A la demande de A., il a, en cours de composition, modifié le texte de l'affiche. Il était absent durant les trois semaines qui suivirent.
L'impression des affiches format 43 x 30 cm a été confiée par A. à M., éditeur, qui en a sous-traité l'exécution à son fils N., imprimeur. Deux milles affiches, dont huit cents en allemand, furent livrées à A. le 6 novembre 1997 pour le prix de 1'900 francs. Le haut de ces affiches en couleur était occupé par le texte "Elles veulent une culture de la mort en Suisse!"; en dessous figurait le terme "avortement". Au-dessus de la photographie centrale d'un foetus ensanglanté et dont l'âge de gestation est d'environ 20 semaines était écrit "Femmes du PDC ou du PS: même combat", puis sous l'image "L'empoisonner, le découper à la curette ou le laisser mourir dans une poubelle?". Enfin, une photographie, le nom et l'appartenance politique de Z., Y. et X. étaient suivis de la phrase "Chaque civilisation a l'ordure qu'elle mérite" en dessous de laquelle figurait le nom de P. Les affiches ne fournissaient aucune indication sur leur
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auteur et n'indiquaient pas non plus qui en était l'éditeur ou l'imprimeur.
Une fois en possession des affiches, A. a pris contact avec une vingtaine de personnes pour en assurer la pose. B., D., E., F., G., H., I., J. et K. ont donné suite à cette demande et se sont retrouvés le dimanche 9 novembre 1997, vers 21 h 30, à Riddes. Tous membres ou sympathisants de W., ils ont déclaré vouloir contribuer par leur action à la lutte contre l'avortement. A. a réparti les régions du canton entre les personnes présentes, auxquelles il a distribué les affiches. C'est à ce moment qu'elles ont pris connaissance des affiches et de leur contenu.
Munies de colle d'amidon et d'environ 200 affiches, elles se sont rendues, seules ou en groupe, dans les régions qui leur avaient été attribuées: B. placarda la région de Monthey, J. et D. celle de l'Entremont, de Martigny et de St-Maurice, K. et H. la région entre Martigny et Sion, les Mayens de Riddes et Conthey, G. placarda les vallées latérales et villages entre Sion et Sierre, O. et F. la région de Sierre et du Val d'Anniviers, I. les vallées de Loèche et de Tourtemagne, E. la région de Brigue et Naters et leurs vallées latérales, A. la vallée de Conches. Ils placardèrent les affiches sur des supports leur paraissant intéressants, notamment les panneaux de la Société générale d'affichage (SGA) ou des abribus appartenant à cette société.
Le 10 novembre, vers 3 heures, l'opération était terminée. Conformément aux instructions de A., l'affichage s'est effectué de manière anonyme, chacun évitant de se faire surprendre et restant discret après l'opération. Interrogé le 11 novembre par un journaliste, A. a joué la surprise, déclarant ne pas avoir connaissance de cette affaire. Le 10 novembre, la plupart des affiches ont été enlevées par la gendarmerie.

B.- X., Y. et Z. ont déposé plainte pour diffamation et calomnie. Elles se sont constituées parties civiles, concluant chacune au versement d'une indemnité pour tort moral de 3'000 francs. Différents propriétaires d'immeubles et d'installations sur lesquels les affiches avaient été apposées ont déposé plainte pour dommages à la propriété.
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La procédure pénale ouverte fut dirigée contre A., B., C., D., E., F., G., H., I., O., J., K., N., M. et L.

C.- Le 27 septembre 2000, le juge I du district de Sion a acquitté M. et N. ainsi que L.; il a reconnu A. coupable d'injure et de dommages à la propriété, C. de complicité d'injure et les autres accusés ainsi que O. de complicité d'injure et de dommages à la propriété. Il a prononcé des peines d'amende allant de 200 à 800 francs et condamné solidairement les accusés et O. à verser à la SGA un montant de 7'209.10 francs et à chacune des intimées une indemnité de 500 francs.

D.- Sur appel des plaignantes et appel joint des accusés, la Cour d'appel pénale II du Tribunal cantonal valaisan a, le 17 septembre 2001, condamné A. pour diffamation et dommages à la propriété à 10 jours d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à une amende de 2'000 francs. C. fut condamné pour complicité de diffamation à une amende de 1'000 francs. Les autres accusés furent condamnés pour complicité de diffamation et dommages à la propriété à une amende de 1'000 francs chacun. La Cour d'appel a par ailleurs maintenu la condamnation au versement d'une indemnité en faveur de la SGA et porté l'indemnité à verser à chacune des intimées à 4'000 francs. Elle a fixé le délai d'épreuve des amendes à une année et prononcé la confiscation des plaques d'aluminium séquestrées à l'imprimerie S..

E.- Les condamnés se pourvoient en nullité contre ce jugement, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision. Invitées à se déterminer sur le pourvoi, les intimées ont conclu à son rejet. Le Tribunal cantonal n'a pas formulé d'observations.
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le pourvoi en nullité sur l'action pénale et a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le pourvoi en nullité sur l'action civile.

Erwägungen

Considérants:

I. Pourvoi en nullité sur l'action pénale

A. Pourvoi en nullité de A. (ci-après: recourant 1)

1. a) L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle
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le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.
Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme.
Dans la discussion politique, l'atteinte à l'honneur punissable n'est admise qu'avec retenue (ATF 118 IV 248 consid. 2b p. 251) et, en cas de doute, doit être niée (ATF 116 IV 146 consid. 3c p. 150). La liberté d'expression indispensable à la démocratie implique que les acteurs de la lutte politique acceptent de s'exposer à une critique publique, parfois même violente, de leurs opinions (BERNARD CORBOZ, Les principales infractions, Berne 1997, n. 10 ad art. 173 CP). Il ne suffit pas d'abaisser une personne dans la bonne opinion qu'elle a d'elle-même ou dans les qualités politiques qu'elle croit avoir. Echappent ainsi à la répression les assertions qui, sans faire apparaître la personne comme méprisable, sont seulement propres à ternir la réputation dont elle jouit comme politicien ou à ébranler la confiance qu'elle a en elle-même par une critique la visant en tant que politicien (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47 et les arrêts cités). La critique ou l'attaque porte toutefois atteinte à l'honneur protégé par le droit pénal si, sur le fond ou dans la forme, elle ne se limite pas à rabaisser les qualités de l'homme politique et la valeur de son action, mais est également propre à l'exposer au mépris en tant qu'être humain (ATF 105 IV 194 consid. 2a p. 196; BERNARD CORBOZ, loc. cit.).
Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 121 IV 76 consid. 2a/bb p. 82; ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47; ATF 118 IV 248 consid. 2b p. 251; ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 29 s.). S'agissant d'un texte, il doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 30; ATF 115 IV 42 consid. 1c p. 44; MARTIN SCHUBARTH, Grundfragen des Medienstrafrechtes im Lichte der neueren bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in RPS 113/1995, p. 155). Les propos que tiennent des adversaires politiques dans le cadre d'un débat engagé ne doivent
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cependant pas toujours être pris au pied de la lettre, car ils dépassent souvent la pensée de leurs auteurs. Par ailleurs, le public concerné par le débat ne tire guère des tracts qu'il lit ou des discours qu'il entend de réels motifs de suspicion à l'endroit des personnes visées, à moins que ceux-ci soient énoncés avec clarté et fondés sur des accusations précises (ATF 105 IV 194 consid. 2a p. 196).
b) La décision attaquée retient que les termes de l'affiche ne se bornaient pas à critiquer l'activité politique des intimées, mais s'en prenaient à la réputation de celles-ci, en tant que femmes dignes de considération. Le texte en caractères gras "Elles veulent une culture de la mort en Suisse!" évoque, dans l'esprit d'un lecteur non prévenu, l'accusation de violence et de meurtre. Cette accusation est renforcée par l'image en grand format d'un avorton bien développé, baignant dans le sang, dont la mort est attribuée à des méthodes effroyables, décrites de manière précise. L'ensemble de l'affiche suggère au lecteur non prévenu que les intimées souscrivent à une solution où le foetus, à un stade proche du terme, est empoisonné, découpé ou abandonné dans une poubelle. La proximité entre la citation ayant trait à l'ordure et la désignation des intimées rappelle le comportement indigne reproché à celles-ci. Ces éléments pris dans leur ensemble font comprendre que les intimées encouragent des traitements dégradants et sont, partant, dépourvues de sens moral, les rendant ainsi méprisables comme êtres humains.
c) Le recourant 1 fait valoir que les affiches ne portent pas atteinte à l'honneur des intimées (exception faite du terme "ordure" qu'il reconnaît être injurieux). Les indications figurant sur l'affiche (identité, appartenance politique des intimées, affirmation que celles-ci mènent le même combat, que ce combat se rapporte à l'avortement, ce qu'illustrent la photo du foetus et le mot "avortement", la description des méthodes d'avortement) sont des allégations de fait, qui ne sont ni fausses ni diffamantes. Seule la référence à "une culture de la mort", peut, selon le recourant 1, donner lieu à discussion au regard d'une éventuelle atteinte à l'honneur des intimées. Elle ne tend toutefois pas à accuser les intimées de pratiquer elles-mêmes les méthodes d'avortement décrites, mais indique que celles-ci sont prêtes à tolérer une culture qui permet l'application de ces méthodes. Cette affirmation résulte des prises de position publiques des intimées qui sont favorables à une opinion qui ne défend plus la vie aussi inconditionnellement que le fait l'art. 120 CP. Si elle peut choquer, cette affirmation n'est pas diffamatoire, en particulier pas lorsqu'elle est prononcée dans le cadre d'un débat politique ayant précisément trait à la protection de la vie.
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d) Il a certes été établi que l'affiche s'inscrivait dans le cadre d'un débat politique, particulièrement animé en Valais, au sujet de la réglementation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le recourant 1 ne saurait toutefois, en l'espèce, se prévaloir de la jurisprudence qui ne sanctionne qu'avec retenue les excès de langage commis dans la discussion politique. Le débat public est l'âme de la démocratie directe. Il doit être mené de manière équitable ("fair"; cf. Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire lancée par Judith Stamm visant à instituer une autorité de recours en matière de campagnes de votations, FF 2002 p. 382). Le déroulement d'un débat politique équitable implique notamment que l'identité des auteurs de tracts ou d'affiches apparaisse sur ces écrits (cf. MAX IMBODEN, Helvetisches Malaise, Zurich 1964, p. 41). Celui qui ne se tient pas à cette règle élémentaire du débat public et mène une campagne en se retranchant intentionnellement derrière l'anonymat n'est ainsi pas fondé à se prévaloir de la jurisprudence imposant une retenue dans la sanction des atteintes à l'honneur commises dans le débat politique.
Le recourant 1 a joué la surprise lorsqu'il a été interrogé par un journaliste au sujet des affiches qu'il avait conçues et dont il avait organisé la pose. Il est ainsi évident que si les affiches ne portent aucune trace de leur(s) auteur(s), ce n'est pas par oubli ou inadvertance, mais intentionnellement. Il convient donc d'examiner, sans retenue particulière, si le contenu de l'affiche est attentatoire à l'honneur des intimées.
e) Selon la jurisprudence rappelée ci-dessus (cf. supra, let. a), un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble. La phrase "elles veulent une culture de la mort" ne peut ainsi être examinée isolément, comme le voudrait le recourant 1. Elle doit être mise en relation avec les autres éléments de l'affiche, notamment la photographie en couleur d'un foetus ensanglanté. Selon les constatations de fait cantonales, qui lient la Cour de céans (art. 277bis PPF [RS 312.0]), il s'agit d'un foetus âgé de 20 semaines. Or, il ne ressort pas de l'état de fait que les trois politiciennes se seraient prononcées pour des IVG pratiquées à la 20ème semaine. La photo choisie et le texte l'accompagnant véhiculent le message que les intimées souscrivent à une "culture de mort" dans laquelle des foetus en âge de gestation avancé sont mis à mort par empoisonnement, découpage ou abandon dans une poubelle. L'affiche évoque la violence, la cruauté et l'accusation de consentir
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à des traitements effroyables pratiqués sur des foetus bien développés. La référence à l'ordure souligne encore le caractère répugnant du comportement reproché. Ces accusations laissent apparaître les trois politiciennes comme des personnes cruelles et sans scrupule. Aussi, l'accusation de vouloir pour la Suisse une culture de la mort laisse-t-elle apparaître les intimées comme des personnes dépourvues de toute capacité ou volonté d'agir de manière responsable pour le bien commun. Affirmer, photographie d'un foetus sanguinolent à l'appui, qu'une politicienne mène un combat pour que soit instaurée une culture de la mort en Suisse, revient en effet à lui dénier tout sens de la responsabilité du bien commun dont la sauvegarde lui est confiée et à lui reprocher des tendances perverses, sinon meurtrières, la rendant certainement méprisable. Le contenu de l'affiche est par conséquent attentatoire à l'honneur des trois politiciennes visées.
f) Le recourant 1 estime que, dans l'hypothèse où l'atteinte à l'honneur devrait être retenue, le comportement reproché doit être qualifié d'injure et non de diffamation, l'affiche ne contenant pas d'allégations de fait attentatoires à l'honneur, mais tout au plus un jugement de valeur répréhensible.
aa) Alors que la diffamation ou la calomnie supposent une allégation de fait, un jugement de valeur, adressé à des tiers ou à la victime, peut constituer une injure au sens de l'art. 177 CP (ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 29 et les arrêts cités). Pour distinguer l'allégation de fait du jugement de valeur, il faut se demander, en fonction des circonstances, si les termes litigieux ont un rapport reconnaissable avec un fait ou sont employés pour exprimer le mépris (GÜNTER STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, Berne 1995, n. 19 ad § 11). La notion de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large; il s'agit d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots blessants, de gestes ou de voies de fait (MARTIN SCHUBARTH, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, vol. III, Berne 1984, n. 7 et 8 ad art. 177 CP). L'honneur protégé correspond alors à un droit au respect formel, ce qui conduit à la répression des injures dites formelles, tels l'expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives (PAUL LOGOZ, Partie spéciale I, Neuchâtel 1955, p. 255; ALAIN STEULLET, La victime de l'atteinte à l'honneur, thèse Neuchâtel 1983, p. 35).
bb) L'accusation de vouloir une culture de la mort, à l'appui de la photo figurant sur l'affiche, revient à alléguer que les intimées souscrivent au découpage, à l'empoisonnement ou à l'abandon dans une poubelle de foetus bien développés. Par ailleurs, l'expression
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"culture de la mort" ne contient pas d'invective et n'est pas non plus un terme grossier dont il conviendrait de déterminer s'il est propre à attaquer la victime dans son honneur. L'expression litigieuse constitue par conséquent une allégation de fait et non un jugement de valeur. Le recourant 1 reconnaît que les autres termes utilisés dans l'affiche sont des allégations de fait, à l'exception du terme "ordure" qu'il admet être injurieux. L'art. 177 CP étant subsidiaire par rapport à l'art. 173 CP (BERNARD CORBOZ, op. cit., n. 1 ad art. 177 CP), le terme injurieux d'ordure n'a pas de portée propre dans la diffamation commise en l'espèce.
g) Le Tribunal cantonal a, sans procéder à des enquêtes, fait état de documents scientifiques et gynécologiques pour décrire les méthodes d'IVG. Le recourant 1 en déduit qu'il s'agit d'éléments d'expérience générale de la vie, soit de questions de droit pouvant être revues par la Cour de céans. Selon lui, l'affiche ne contenait qu'une vulgarisation de termes scientifiques décrivant des méthodes d'avortement.
La question de savoir si la connaissance des différentes méthodes d'IVG fait partie des choses que l'expérience générale de la vie enseigne, peut rester indécise. D'une part, le recourant 1 n'expose pas en quoi les explications données à cet égard par l'arrêt querellé seraient erronées. D'autre part et vérification faite des ouvrages médicaux cités par l'autorité cantonale, il n'apparaît pas que les indications données par cette dernière soient incorrectes.

2. a) L'art. 173 ch. 2 CP dispose que l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. L'accusé apporte la preuve de sa bonne foi s'il démontre qu'il a accompli les actes que l'on pouvait exiger de lui pour contrôler la véracité de ce qu'il alléguait. Une prudence particulière doit être exigée de celui qui donne une large diffusion à ses allégations (ATF 124 IV 149 consid. 3b p. 151; ATF 116 IV 205 consid. 3b p. 208).
b) Le recourant 1 se réfère à la brochure "La Vie", qui relate les méthodes d'avortement figurant sur l'affiche; il fait valoir qu'il s'agit d'une revue sérieuse des opposants à l'avortement et qu'il pouvait, de bonne foi, tenir pour vrais les renseignements tirés de cette revue. Il se réfère également à la lettre encyclique du Pape Jean-Paul II "Evangelium Vitae" où l'expression "culture de la mort" est utilisée à plusieurs reprises et opposée à celle de "culture de vie"; il soutient que l'on ne saurait retenir, alors qu'il se fondait sur un document aussi important qu'une lettre encyclique papale, qu'il n'avait
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pas de raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vraies les expressions qui lui sont reprochées.
c) Il résulte de l'arrêt cantonal que l'affiche contenait des indications contraires à la vérité. Cette constatation de fait lie la Cour de céans saisie d'un pourvoi en nullité et ne peut être contestée dans le cadre de cette voie de droit (art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1 2ème phrase PPF). Le Tribunal cantonal retient également que le recourant 1 a choisi la photo et les textes parmi les plus violents de la brochure "La Vie". La photographie sélectionnée n'est en outre pas accompagnée d'une légende précisant l'âge du foetus.
Sur la base de ces constatations, aucune violation du droit fédéral ne peut être reprochée à l'autorité cantonale lorsqu'elle retient que le recourant 1 n'avait pas, de bonne foi, de raisons sérieuses de tenir les propos litigieux pour vrais.
Le recourant 1 erre en outre lorsqu'il estime avoir apporté la preuve de sa bonne foi en citant l'encyclique papale qui utilise l'expression de "culture de la mort". Il fait en effet abstraction du contexte dans lequel l'expression litigieuse est utilisée. Le terme "culture de la mort" a en effet un impact qui diffère selon qu'il est opposé à l'expression "culture de vie" dans un écrit à caractère religieux ou qu'il est associé à un foetus bien développé sanguinolent, pour lequel se pose la question de savoir s'il doit être découpé, empoisonné ou abandonné dans une poubelle, et que l'on y ajoute une référence à l'ordure.
La décision attaquée ne viole donc pas le droit fédéral en tant qu'elle considère que le recourant 1 n'a pas apporté la preuve de la vérité ni celle de sa bonne foi. Le grief, pour autant qu'il soit recevable, est par conséquent infondé.

3. Le recourant 1 soutient encore qu'il doit être mis au bénéfice de la circonstance atténuante d'avoir cédé à un mobile honorable au sens de l'art. 64 CP.
a) Déterminer les mobiles de l'auteur est une question de fait (ATF 107 IV 29 consid. 2a p. 30). Les constatations de l'autorité cantonale à cet égard lient donc la Cour de céans (art. 277bis al. 1 PPF). Savoir si les mobiles retenus sont honorables est en revanche une question de droit fédéral (art. 64 CP), qui peut être soulevée dans le cadre du pourvoi en nullité (ATF 107 IV 29 consid. 2a p. 30).
Le caractère honorable des mobiles s'apprécie d'après l'échelle des valeurs éthiques reconnues par la collectivité dans son ensemble (ATF 101 IV 387 consid. 2b p. 390 et les références citées). Pour être qualifié d'honorable, il ne suffit pas que le mobile ne soit pas critiquable sur le plan moral, il faut encore qu'il se situe dans la partie
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supérieure des valeurs éthiques. Le mobile politique n'est pas en soi un mobile honorable; il peut l'être, mais il peut aussi être éthiquement neutre ou condamnable (ATF 107 IV 29 consid. 2a p. 30). De toute façon, le mobile honorable n'est qu'un des éléments subjectifs de l'infraction; dans l'appréciation de la peine, il peut être rejeté complètement dans l'ombre par les autres circonstances de l'infraction comme, notamment, la manière dont celle-ci a été commise, le but visé, la perversité particulière. Le juge peut alors se borner à tenir compte du mobile honorable dans le cadre de l'art. 63 CP, sans appliquer l'art. 64 CP (arrêt Str. 311/1982 du 24 novembre 1982, reproduit in SJ 1983 p. 278).
b) Le recourant 1 soutient que son mobile était parfaitement honorable, puisqu'il s'agissait de défendre la vie prénatale. Aussi, son action n'était nullement disproportionnée au regard du meurtre d'innocents qu'il dénonce et de l'infraction qui lui est reprochée.
c) L'arrêt cantonal a exclu le bénéfice du mobile honorable au motif que le recourant 1 a agi de manière anonyme, procédant à une attaque ciblée sur les trois politiciennes et fondant sa campagne sur le mépris. Cette appréciation ne viole pas l'art. 64 CP. La manière d'agir relègue en l'occurrence à l'arrière-plan les mobiles, aussi honorables fussent-ils, ayant conduit le recourant 1 à entreprendre la campagne reprochée. Le fait de mener la campagne de manière anonyme révèle en effet une lâcheté qui rejette dans l'ombre les mobiles invoqués. Les personnes expressément visées par cette campagne étaient, de manière intentionnelle, privées de la possibilité de riposter à l'attaque, qui pourtant voulait s'inscrire dans le cadre du débat public; il est difficile de répondre à une personne ou à un groupement dont on ne connaît ni l'identité ni l'adresse. Le recourant aurait au demeurant pu interpeller l'opinion publique par des tracts choquants ou provocateurs sans y faire figurer ni le nom des intimées ni une photographie trompeuse laissant croire qu'il s'agissait d'un foetus de 12 ou 14 semaines. Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que l'autorité cantonale a refusé le bénéfice de la circonstance atténuante du mobile honorable.

B. Pourvoi en nullité des autres recourants (ci-après: recourants 2 à 11)

4. Ce qui a été exposé aux considérants 1 et 2 ci-dessus vaut mutatis mutandis pour les recourants 2 à 11, en ce qui concerne le caractère attentatoire à l'honneur des intimées et la réalisation des éléments constitutifs de la diffamation.
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5. a) De l'avis des recourants 2 à 11, auxquels il est reproché d'avoir collé les affiches incriminées, ils peuvent se prévaloir de l'art. 27 CP ainsi que de la doctrine et de la jurisprudence y relatives, qui admettent que les personnes indispensables à la diffusion d'un texte imprimé ne sont pas punissables.
Les intimées objectent qu'un délit de presse est consommé par la publication de l'écrit incriminé; l'atteinte à l'honneur n'a en l'espèce pas été réalisée par la seule publication des affiches; les colleurs d'affiches ont contribué de manière décisive à la réalisation de cette infraction et doivent ainsi être condamnés pour complicité de diffamation.
L'arrêt attaqué considère que l'art. 27 CP ne trouve pas application en l'espèce, dès lors que les recourants 2 à 11 ne travaillent pas au service d'une entreprise de presse et que l'infraction n'était pas consommée par la publication, mais par l'activité des colleurs d'affiches qui les ont diffusées dans le canton.
b) L'art. 27 CP, dans sa teneur applicable au moment des faits, prévoyait que "lorsqu'une infraction aura été commise par la voie de la presse et consommée par la publication elle-même, l'auteur de l'écrit en sera seul responsable, sous réserve des dispositions ci-après." Comme tant l'ancien que le nouvel art. 27 CP énoncent le principe d'un régime spécial de responsabilité pénale en matière de délits de presse (de media) et qu'il s'agit avant tout de déterminer si l'infraction en cause est soumise à ce régime, on peut se dispenser à ce stade d'examiner la question du droit le plus favorable aux recourants ayant collé les affiches.
c) Pour que l'art. 27 CP soit applicable, il faut que l'infraction en cause constitue un délit de presse, soit qu'elle ait été commise par la voie de la presse (par un media, selon le nouveau droit), qu'il y ait publication, puis que l'infraction soit consommée par la publication (ATF 125 IV 206 consid. 3b p. 211).
La notion de presse doit être comprise dans un sens large (cf. DENIS BARRELET, Droit de la communication, Berne 1998, p. 332). Elle englobe tout écrit reproduit par un moyen mécanique permettant d'établir facilement un grand nombre d'exemplaires (ATF 74 IV 129 consid. 2 p. 130). Des écrits tels que affiches, tracts, feuillets publicitaires et prospectus entrent dans cette définition (DENIS BARRELET, op. cit., p. 332; ATF 117 IV 364 consid. 2b p. 365).
Par publication, il faut entendre que l'écrit soit mis à disposition du public. Il n'est cependant pas nécessaire qu'il ait effectivement été répandu de manière large. Un écrit est déjà publié lorsqu'il n'est répandu que dans un cercle limité, à condition qu'il ne soit pas remis
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seulement à des personnes déterminées, mais, à l'intérieur du cercle, à quiconque s'y intéresse (ATF 74 IV 129 consid. 2 p. 131; ATF 82 IV 71 consid. 4 p. 80).
Les infractions commises par voie de presse ne constituent pas toutes un délit de presse. Seules les infractions consommées par la publication tombent sous le coup de l'art. 27 CP. Tel est notamment le cas de l'atteinte à l'honneur, qui est consommée au moment de la publication (ATF 125 IV 206 consid. 3b p. 211 et la jurisprudence citée).
d) En l'espèce, les affiches ont été réalisées sur la base d'une maquette établie au moyen d'un ordinateur et d'un scanner, puis imprimées en 2'000 exemplaires par un imprimeur professionnel. Il s'agit donc bien d'écrits répondant à la notion de presse au sens de l'art. 27 CP. Les affiches ont été posées sur des supports de la SGA ou sur des abribus, soit aux endroits le mieux exposés au regard du public. Elles s'adressaient à une grande partie des habitants du canton du Valais ou en tout cas au plus grand nombre possible d'entre eux. L'infraction a été consommée au moment où les affiches ont été collées sur les supports; c'est alors qu'elles ont été rendues publiques. Peu importe que le jour suivant la plupart de celles-ci aient été enlevées par les patrouilles de gendarmerie. L'art. 27 CP est donc applicable.
e) Reste à examiner quel rôle chacun des recourants a joué, afin de déterminer s'il a agi en tant qu'auteur ou participant au délit de presse.
L'auteur d'un écrit est notamment celui qui le conçoit et le rédige lui-même ou le fait rédiger par un tiers ou encore le transmet à la presse pour publication comme étant l'expression de sa pensée (ATF 73 IV 218 consid. 2 p. 220). Le traducteur, s'il ne modifie pas le sens du texte, n'est pas auteur (ATF 82 IV 71 consid. 1 p. 76). Si l'écrit est le fruit d'une collaboration entre plusieurs auteurs, ils seront tous poursuivis (DENIS BARRELET, op. cit., p. 331). En principe, lorsque le ou les auteurs d'une infraction commise et consommée sous forme de publication par voie de presse (ou par un media; art. 27 CP) sont connus, ils sont seuls punissables (art. 27 al. 1 CP).
Le législateur a choisi le système de responsabilité particulière de l'art. 27 CP pour, d'une part, permettre à la presse de publier des articles anonymes et, d'autre part, protéger le lésé contre les conséquences de cet anonymat (Message relatif au projet de code pénal suisse du 23 juillet 1918, FF 1918 IV 12). L'expression d'opinions par voie de presse ne devait pas être paralysée par l'application des règles du droit commun sur la participation au délit de presse et il fallait éviter des poursuites lourdes et compliquées pour déterminer la responsabilité individuelle de chaque personne étant intervenue
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dans la publication en cause (STEFAN TRECHSEL, Kurzkommentar, Zurich 1997, n. 1 ad art. 27 CP). Les poursuites devaient ainsi être concentrées sur une personne, qui répondrait seule et exclusivement. Si l'auteur n'était pas découvert, un coupable de remplacement était désigné par la loi; il était punissable indépendamment de sa faute (DENIS BARRELET, op. cit., p. 330; FRANZ RIKLIN, Schweizerisches Presserecht, Berne 1996, p. 150).
Selon l'art. 27 aCP, les personnes répondant ainsi en cascade étaient le rédacteur, l'imprimeur, la personne responsable des annonces ou l'éditeur. La révision a maintenu le principe de la responsabilité exclusive de l'auteur, mais abandonné le système de la victime "expiatoire"; en principe, le responsable subsidiaire n'est désormais punissable que s'il ne s'est pas, intentionnellement ou par négligence, opposé à la publication (cf. art. 322bis CP). Désormais, seuls le rédacteur ou le responsable de la publication peuvent être recherchés à titre subsidiaire. La personne responsable de la publication est celle qui, au sein de l'entreprise de media, exerce effectivement une responsabilité la mettant en mesure d'exercer une surveillance et d'intervenir si nécessaire (Message concernant la modification du code pénal suisse du 17 juin 1996, FF 1996 IV 560). Tant sous l'empire de l'ancien que du nouveau droit, celui qui se limite à distribuer dans le public un écrit constitutif d'une infraction comme le libraire, le kiosquier, le vendeur de journaux, le distributeur de tracts, le colleur d'affiches, le facteur, etc., ne saurait répondre à titre subsidiaire de l'infraction commise. Cela n'implique cependant pas que cette personne devrait répondre selon les règles de droit commun, comme le soutiennent certains auteurs (FRANZ RIKLIN, Kaskadenhaftung - Quo vadis?, in Medialex 2000 p. 207 et les références citées). L'art. 27 CP limite en effet la responsabilité pour infractions commises par voie de presse (de media) au seul auteur de la publication litigieuse et, à titre subsidiaire, à un cercle limité de personnes. La Cour de cassation a précisé que ce privilège s'appliquait aux personnes contribuant dans l'exercice de leurs fonctions à la production ou à la diffusion de l'écrit (ATF 73 IV 65 p. 67). Il n'est pas nécessaire qu'elles fassent partie d'une entreprise de media (ATF 74 IV 129 consid. 2 p. 131). Pour CARL LUDWIG (Schweizerisches Presserecht, Bâle 1964, p. 100, 108 s.), le privilège de l'art. 27 CP s'applique également à ceux qui rendent concrètement accessible au public un écrit ("Verbreiter"). HANS SCHULTZ (Strafrecht, Allgemeiner Teil, vol. I, Berne 1982, p. 310) voit dans le fait de distribuer un écrit constitutif d'une infraction une contribution à
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l'activité de la presse ("pressemässiges Mitwirken") qui, en tant que telle, n'est pas punissable. Ces opinions doivent être suivies; elles sont d'ailleurs conformes à la volonté du législateur de ne pas étendre les poursuites à tous ceux qui ont contribué au délit de presse (de media), mais au contraire de les restreindre à certaines personnes désignées à l'art. 27 CP. Demeure réservée la possibilité que celui qui agit en dehors du cadre de sa fonction dans la chaîne de production et de diffusion soit condamné comme coauteur, instigateur ou complice d'un délit de presse (ATF 86 IV 145 consid. 1 p. 147; ATF 73 IV 218 consid. 2 p. 221; ATF 73 IV 65 p. 68). Le nouveau droit ne diffère pas sur ce point de l'ancien (FF 1996 IV 560).
f) aa) Il est incontesté que le recourant 1 est l'auteur de l'affiche qu'il a composée et dont il a sélectionné les textes et les photographies. A ce titre, il répond de l'infraction commise par voie de presse, que l'art. 27 CP soit applicable dans son ancienne ou dans sa nouvelle teneur (cf. FF 1996 IV 559).
bb) Le recourant 3 a réalisé la maquette de l'affiche en suivant les instructions du recourant 1 qui lui avait remis les documents et les textes. Il n'est pas établi que le recourant 3 aurait participé à la conception de la maquette ni que son activité aurait dépassé ce qui était nécessaire pour réaliser techniquement l'affiche ou qu'il serait intervenu dans le contenu de celle-ci. Son activité était indispensable à la production technique de l'affiche; elle s'est limitée à celle d'une personne intervenant dans la production d'un écrit publié par voie de presse. Le recourant 3 n'est par conséquent pas punissable (art. 27 al. 1 CP). Son pourvoi est donc admis sur ce point.
cc) Le recourant 2 a fourni au concepteur de l'affiche et à la demande de celui-ci la brochure "La Vie" et des coupures de presse où figuraient les photographies des trois politiciennes. Se pose donc la question de savoir si le recourant 2 s'est rendu coupable de complicité de diffamation. Selon l'art. 25 CP, le complice est "celui qui aura intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un délit". La complicité, qui est une forme de participation accessoire à l'infraction, suppose que le complice apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation; il n'est toutefois pas nécessaire que l'assistance du complice soit une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction (ATF 119 IV 289 consid. 2c p. 292). Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le
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veuille ou l'accepte; à cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte (ATF 117 IV 186 consid. 3 p. 188). Le dol éventuel suffit pour la complicité (ATF 118 IV 309 consid. 1a p. 312).
L'arrêt cantonal ne contient pas de constatations de fait quant à ce que le recourant 2 acceptait ou savait de l'infraction que le recourant 1 entendait commettre à l'aide du matériel qu'il lui avait remis. L'arrêt attaqué ne permet donc pas de déterminer quelle était la volonté du recourant 2. Les constatations de fait cantonales sont ainsi insuffisantes pour que la Cour de céans puisse trancher la question de savoir si le recourant 2 s'est rendu complice de la diffamation. Sur ce point, le pourvoi doit par conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau après avoir complété l'état de fait de sa décision.
dd) Les poseurs d'affiches, tous membres ou sympathisants de "W.", sont intervenus au stade de la diffusion des affiches diffamatoires. Ils n'ont eu aucune emprise sur le contenu de celles-ci, qui leur ont été remises imprimées en 2'000 exemplaires. Sans leur intervention toutefois, les affiches n'auraient pas été portées à la connaissance de l'opinion publique. Leur rôle a été essentiel dans la publication des affiches: ils étaient partie intégrante de l'organisation mise en place par le recourant 1 et indispensables à la diffusion des affiches. Ainsi, quand bien même leur intervention est plutôt atypique de la diffusion habituelle d'un écrit, elle s'insère dans la chaîne de diffusion de celui-ci. Sans leur contribution, l'infraction n'aurait pas été consommée. Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal cantonal, le régime spécial de l'art. 27 CP leur est donc applicable. Les colleurs d'affiches se sont limités à la tâche qui leur était assignée (la pose d'affiches) et n'ont pas excédé le cadre de celle-ci. Ils ne sont par conséquent pas punissables et le pourvoi est, sur ce point, bien fondé.

II. Pourvoi en nullité sur l'action civile

A. Responsabilité civile de A.

6. a) Lorsque le pourvoi sur l'action pénale est rejeté, le pourvoi sur l'action civile n'est recevable que si la valeur litigieuse de la prétention civile atteint le montant exigé par les dispositions applicables au recours en réforme en matière civile (art. 46 OJ; art. 271 al. 2 PPF; ATF 127 IV 203 consid. 8 p. 208). La valeur litigieuse est
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fixée d'après les prétentions civiles encore contestées devant la dernière juridiction cantonale. Les divers chefs de conclusions formés dans une contestation pécuniaire par le demandeur ou les consorts sont additionnés s'ils ont effectivement été réunis en instance cantonale et ont fait l'objet d'une décision unique dans le cadre d'une même procédure (cf. art. 47 al. 1 OJ; ATF 116 II 587 consid. 1 p. 589 et les références citées). En cas de cumul subjectif d'actions, il faut en outre que les demandeurs ou les défendeurs aient qualité de consorts au sens de l'art. 24 al. 2 PCF (RS 273; ATF 103 II 41 consid. 1c p. 45; JEAN-FRANÇOIS POUDRET/SUZETTE SANDOZ-MONOD, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, Berne 1990, n. 1.4 ad art. 47 OJ; GEORG MESSMER/HERMANN IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, n. 63, p. 87/88). A teneur de l'art. 24 al. 2 let. b PCF, plusieurs personnes peuvent notamment agir comme demandeurs ou être actionnées comme défendeurs par la même demande si des prétentions de même nature et reposant sur une cause matérielle et juridique essentiellement de même nature forment l'objet du litige.
A moins que la valeur litigieuse puisse être déterminée aisément et avec certitude, le recourant doit fournir, sous peine d'irrecevabilité, les indications nécessaires pour que la Cour de cassation puisse déterminer si les droits contestés devant la dernière instance cantonale atteignent la valeur litigieuse requise (ATF 127 IV 141 consid. 1b p. 143). Dans un pourvoi en nullité sur les conclusions civiles, le recourant doit en outre prendre des conclusions concrètes; une conclusion tendant simplement à l'annulation de la décision attaquée est en règle générale insuffisante et entraîne l'irrecevabilité du pourvoi. Cela vaut également lorsque le pourvoi est dirigé en même temps contre l'action pénale (ATF 127 IV 141 consid. 1d p. 143). Si le recourant ne prend pas de conclusions chiffrées, le pourvoi en nullité est irrecevable, à moins que la motivation du pourvoi, en relation avec l'arrêt attaqué, permette de discerner de manière certaine quels sont les montants contestés par le recourant (ATF 127 IV 141 consid. 1c p. 143; ATF 125 III 412 consid. 1b p. 414).
b) Les intimées ont fait valoir en dernière instance cantonale, chacune, une indemnité pour tort moral de 5'000 francs. La cour cantonale a instruit les conclusions civiles des plaignantes dans le cadre de la même procédure qui a donné lieu à un seul jugement. Les conclusions des plaignantes ont le même fondement juridique: elles tendent à obtenir la réparation du tort moral subi à raison de la campagne d'affiches diffamatoire. Leurs prétentions ont donc la
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même cause matérielle. Le recourant 1 est ainsi recevable à diriger son recours contre les intimées, quand bien même leurs conclusions prises isolément n'atteindraient pas la valeur litigieuse de 8'000 francs. Cela étant, il ne ressort pas du pourvoi en nullité quelles sont les conclusions du recourant 1 sur le plan civil, de sorte que la recevabilité de ce grief est douteuse. L'on pourrait déduire de ses explications qu'il reconnaît les prétentions des trois politiciennes à concurrence d'un franc symbolique et conclut au rejet des 3'999 francs restant, voire qu'il s'en rapporte à justice pour la fixation d'un montant moins élevé que celui qui a été attribué à chaque intimée. Quoi qu'il en soit, le pourvoi en nullité du recourant 1 est, comme cela sera démontré ci-après, infondé.

7. a) Conformément à l'art. 49 CO (par renvoi de l'art. 28a al. 3 CC), celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. La gravité objective de l'atteinte doit être ressentie par le demandeur comme une souffrance morale. Pour apprécier cette souffrance, le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil, présentant les mêmes circonstances (ATF 120 II 97 consid. 2b p. 99).
La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application du droit fédéral que le Tribunal fédéral examine donc librement. Dans la mesure où cette question relève pour une partie importante de l'appréciation des circonstances, le Tribunal fédéral intervient avec retenue, notamment si l'autorité cantonale a mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de tenir compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée; comme il s'agit cependant d'une question d'équité, le Tribunal fédéral examine librement si la somme allouée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à la victime (ATF 125 III 269 consid. 2a p. 274 et les arrêts cités).
b) Selon les constatations de fait cantonales, les intimées ont toutes souffert de manière importante de la campagne d'affiches. X. a ressenti cette campagne comme une agression d'une extrême violence, qui a également mis sa famille à l'épreuve. Y. s'est montrée très affectée par cette opération, faisant état de sentiments de peur et de tristesse. L'attaque a multiplié
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le nombre d'appels anonymes la traitant d'assassin. Elle a également souffert des perturbations causées à sa famille et aux élèves du collège où elle enseigne. Z. a évoqué sa souffrance, particulièrement en raison des conséquences de cette campagne diffamatoire pour sa famille et dans l'exercice de sa profession d'infirmière.
Le Tribunal cantonal a retenu que l'atteinte était objectivement grave puisqu'elle était excessivement outrageante pour les trois femmes, que l'opération, menée de nuit et sous le couvert de l'anonymat, avait été massive, bien organisée et dirigée contre des personnes exerçant des professions (secrétaire, enseignante, infirmière) quotidiennement en contact avec ceux qui avaient pu prendre connaissance de l'affiche. L'arrêt cantonal tient également compte du fait que le large soutien que les intimées ont reçu, notamment par les médias qui leur furent généralement favorables, a quelque peu adouci la souffrance subie qui reste néanmoins sévère.
Au vu de ces considérations, le montant de 4'000 francs alloué à chaque intimée au titre d'indemnité pour tort moral ne viole pas le droit fédéral. L'autorité cantonale s'est en effet fondée sur des considérations prévues par l'art. 49 CO, a tenu compte de tous les éléments pertinents et le montant ne prête pas à la critique au regard de ceux qui ont été alloués dans des cas similaires (cf. HÜTTE/DUKSCH, Die Genugtuung, Zurich 1999, XII/6).
Pour autant qu'il soit recevable, le grief du recourant 1 est donc infondé.

B. Responsabilité civile des autres recourants

8. Le considérant 6 ci-dessus concernant la recevabilité de l'action civile du recourant 1 vaut également pour celle des recourants 2 à 11. Par ailleurs et quand bien même ils ont plaidé le bénéfice de l'art. 27 CP, qui leur a été reconnu, les recourants 2 à 11 n'en tirent aucune conclusion sur le plan de leur responsabilité civile. En vertu de l'art. 273 al. 1 let. b PPF, ils y étaient cependant tenus. Cette disposition prévoit en effet que le recourant doit exposer quelle règle de droit fédéral a été violée et en quoi consiste cette violation. La conclusion civile tendant uniquement à l'annulation de l'arrêt entrepris n'est recevable que lorsque le Tribunal fédéral admet le pourvoi en nullité, ne peut toutefois prononcer un jugement final, mais doit renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète l'état de fait (ATF 125 III 412 consid. 1b p. 414).
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Cela étant, le régime spécial institué par l'art. 27 CP concernant la responsabilité pénale en matière de délits de presse est sans incidence sur les prétentions civiles de la victime (ATF 124 IV 188 consid. 1b/bb p. 191). Le fait de ne pas être punissables n'exonère ainsi nullement les recourants 2 à 11 de leur responsabilité civile. La campagne d'affiche était illicite, puisque diffamatoire. Le dommage subi par les victimes (tort moral) a été exposé au consid. 6a ci-dessus. Le rapport de causalité tant naturelle qu'adéquate entre l'acte illicite et l'atteinte à la personnalité des victimes ne fait aucun doute. La faute doit également être retenue à charge des recourants 2 à 11. Le recourant 3, responsable du Bulletin de W. et à ce titre formé au contrôle des informations, n'a procédé à aucune vérification quant au contenu de l'affiche, bien qu'il eût quelques réserves à cet égard. Les colleurs d'affiches n'ont pas non plus démontré quels faits auraient fondé leur conviction que le contenu de l'affiche était conforme à la vérité et, partant, non attentatoire à l'honneur des intimées. Quand bien même ils ont tous reconnu la grossièreté de l'affiche et ont jugé son contenu un peu "dur", "fort", voire diffamatoire, ils ne se sont pas interrogés sur l'admissibilité de cette campagne anonyme et ont ainsi pris le risque qu'elle porte atteinte à l'honneur des intimées. Par conséquent, ils ont agi, à tout le moins, par dol éventuel. Les conditions de l'art. 49 CO (en relation avec les art. 28 ss CC) sont donc réalisées et la responsabilité civile des recourants 2 à 11 engagée. Comme cela a été démontré au consid. 7 ci-dessus, le montant de l'indemnité pour tort moral ne prête pas le flanc à la critique.

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