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Urteilskopf

129 I 346


31. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Résid'EMS, Association pour le bien-être des Résidents en établissements médico-sociaux (EMS) et cons. contre Grand Conseil et Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public)
2P.236/2001 du 24 juin 2003

Regeste

Art. 8, 9, 49, 127 Abs. 1 und 164 Abs. 1 lit. d BV; Art. 44 Abs. 1 KVG; Kanton Waadt: Dekret vom 19. Juni 2001 über die Verpflichtung der Patienten von Pflegeheimen, von Chronischkranken-Abteilungen der Krankenhäuser sowie von Behandlungs- und Rehabilitationszentren zur Leistung eines Beitrags an die Investitionskosten solcher Einrichtungen.
Tarifschutz gemäss Art. 44 Abs. 1 KVG, Begriff und Inhalt. Gemäss der geltenden Rechtsordnung fallen die Aufenthaltskosten in Pflegeheimen, im Besonderen die Unterbringungskosten (einschliesslich der Gebäudeamortisationen), nicht unter die Gesetzgebung der obligatorischen Krankenversicherung und geniessen keinen Tarifschutz. Es verstösst demnach nicht gegen Art. 49 BV, die Heimbewohner zu einem Beitrag an die Infrastrukturkosten der Immobilien solcher Einrichtungen zu verpflichten (E. 3.2 und 3.3).
Zusammenfassung der Rechtsprechung im Bereich der öffentlichen Abgaben; Unterschiede zwischen Vorzugslast und Kostenanlastungssteuer (E. 5.1). Die vom angefochtenen Dekret vorgesehene Abgabe trägt die Merkmale einer Kostenanlastungssteuer (E.5.2). Sie genügt den strengen Anforderungen von Art. 127 Abs. 1 BV jedoch nicht und verletzt somit das Legalitätsprinzip (E. 5.3).
Die erwähnte Abgabe verletzt auch Art. 8 und Art. 9 BV (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 347

BGE 129 I 346 S. 347

A.- Dans le canton de Vaud, le coût des prestations de soins et de l'hébergement des résidents d'établissements médico-sociaux a d'abord été réglé par voie conventionnelle entre l'Etat de Vaud et les différents partenaires intéressés, ce jusqu'à la fin de 1996, puis de 1997 à fin 2000 par divers arrêtés pris par le Conseil d'Etat. Dès 2001 de nouvelles conventions ont pu être établies. Les arrêtés ainsi que les conventions établies pour 2001 et 2002 ont fait l'objet de recours, en particulier de Résid'EMS et consorts, adressés tant au Conseil fédéral qu'au Tribunal fédéral. Les jugements y relatifs ont été rendus entre 1999 et 2003.

B.- Entre-temps, soit le 19 juin 2001, le Grand Conseil du canton de Vaud a notamment adopté un "Décret sur la contribution des résidents à la couverture des coûts d'investissement des établissements médico-sociaux d'intérêt public et des divisions pour malades chroniques des hôpitaux et des centres de traitement et de réadaptation d'intérêt public du canton de Vaud" (abrégé: décret sur la contribution aux coûts d'investissement), dont la teneur est la suivante:
BGE 129 I 346 S. 348
"But
Article premier.- Le présent décret a pour but de fixer les principes et les modalités d'une contribution des résidents à la couverture des coûts d'investissement des établissements médico-sociaux (EMS) d'intérêt public ainsi que des divisions pour malades chroniques (divisions C) des hôpitaux et des centres de traitement et de réadaptation (CTR) d'intérêt public du Canton de Vaud.
Champ d'application
Art. 2.- La contribution concerne tous les résidents hébergés dans un EMS d'intérêt public ou dans une division C d'un hôpital ou d'un CTR d'intérêt public.
Principes
Art. 3.- Les résidents versent une contribution financière destinée à couvrir totalement ou partiellement les coûts d'investissement de l'établissement où ils sont hébergés.
Le montant de la contribution est arrêté chaque année par le Conseil d'Etat sur la base des éléments suivants:
- valeur d'expertise des bâtiments et du terrain;
- charges d'investissement supportées par l'établissement;
- participation financière aux coûts d'investissement versée par l'Etat à l'établissement en application de la LPFES.
Modalités
Art. 4.- La contribution est inscrite comme une recette au budget du Département de la santé et de l'action sociale, Service de la santé publique.
Elle est facturée au résident par l'établissement. Elle est ensuite rétrocédée à l'Etat par compensation, selon des modalités fixées par le Conseil d'Etat.
Validité
Art. 5.- Le présent décret échoit le 31 décembre 2007.
Exécution
Art. 6.- Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution du présent décret. Il en publiera le texte conformément à l'article 27, chiffre 2, de la Constitution cantonale et le mettra en vigueur, par voie d'arrêté."
Résid'EMS et consorts ont déposé un recours contre ce décret tant devant le Conseil fédéral, le 17 août 2001, que devant le Tribunal fédéral, le 4 septembre 2002. Suite à des échanges de vues entre ces deux autorités, il a été décidé que le Tribunal fédéral se prononcerait en premier.
BGE 129 I 346 S. 349

C.- Le 17 décembre 2001, le Conseil d'Etat a adopté un "Arrêté fixant pour l'année 2002 les contributions journalières des résidents à la couverture des coûts d'investissement des établissements médico-sociaux d'intérêt public et des divisions pour malades chroniques des hôpitaux et des centres de traitement et de réadaptation d'intérêt public" (abrégé: arrêté sur la contribution 2002), dont l'art. 2 a la teneur suivante:
"Contributions
Art. 2.- Les contributions sont déterminées de la manière suivante:
a) Un prix d'investissement par journée est calculé sur la base d'une pondération entre, d'une part, les valeurs intrinsèques mobilière et immobilière de l'établissement (40%) et, d'autre part, la participation financière à l'investissement versée par l'Etat à cet établissement en 2001 (60%).
b) Ce prix journalier pondéré est multiplié par un coefficient d'ajustement de 1,3.
c) Le prix ainsi obtenu est classé dans l'une des six catégories de forfaits journaliers ci-après, en tenant compte du fait que le forfait ne doit pas dépasser la participation versée par l'Etat. Si tel est le cas, le prix est classé dans une catégorie inférieure:
Prix retenu forfait
catégorie 1 entre Fr. 0.- et Fr. 7.- Fr. 4.-
catégorie 2 entre Fr. 8.- et Fr. 14.- Fr. 9.-
catégorie 3 entre Fr. 15.- et Fr. 21.- Fr. 14.-
catégorie 4 entre Fr. 22.- et Fr. 28.- Fr. 19.-
catégorie 5 entre Fr. 29.- et Fr. 34.- Fr. 24.-
catégorie 6 plus de Fr. 35.- Fr. 29.-
d) En vertu des mêmes critères, les établissements sont classés en six catégories correspondant chacune à un forfait journalier. La liste des contributions dues par les résidents de chaque établissement figure dans l'annexe au présent arrêté, dont elle fait partie intégrante."
L'arrêté précité a également fait l'objet de recours de Résid'EMS et consorts tant au Tribunal fédéral qu'au Conseil fédéral.

D.- Le Tribunal fédéral a admis, dans la mesure où il était recevable, le recours formé le 4 septembre 2001 contre le décret du Grand Conseil du 19 juin 2001 sur la contribution aux coûts d'investissements et a annulé ledit décret.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Les recourants prétendent que la contribution aux coûts d'investissement, c'est-à-dire l'obligation faite aux résidents d'établissements
BGE 129 I 346 S. 350
médico-sociaux et de divisions C de participer aux coûts d'infrastructure immobilière de ces établissements violerait la protection tarifaire garantie par l'art. 44 al. 1 LAMal (RS 832.10) combiné avec l'art. 7 al. 3 de l'ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS; RS 832.112.31). Ils invoquent ainsi implicitement la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.).

3.1 Le principe de la primauté du droit fédéral (de la force dérogatoire du droit fédéral, selon l'art. 2 Disp. trans. aCst.) signifie que les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les domaines exhaustivement réglés par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ce principe fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent les prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leurs buts ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre. L'existence ou l'absence de législation fédérale exhaustive constitue donc le critère principal pour déterminer s'il y a conflit avec une règle cantonale. Il faut toutefois souligner que, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine si la preuve est rapportée qu'elle poursuit un autre but que celui recherché par la mesure fédérale (ATF 128 I 295 consid. 3b; ATF 127 I 60 consid. 4a; ATF 125 II 56 consid. 2b, 315 consid. 2a).

3.2 L'art. 44 al. 1 LAMal prévoit que les fournisseurs de prestations doivent respecter les tarifs et les prix fixés par convention ou par l'autorité compétente; ils ne peuvent exiger de rémunération plus élevée pour des prestations fournies en application de la loi (protection tarifaire). Comme l'indique expressément cette disposition, et l'a précisé le Tribunal fédéral dans son arrêt 2P.25/2000 du 12 novembre 2002 (consid. 8.3), la protection tarifaire est limitée aux prestations de soins accordées selon la LAMal, pour lesquelles une facturation supplémentaire est exclue. Cette protection s'adresse à l'assuré en tant que débiteur des coûts des soins, comme à son assureur en sa qualité de tiers garant. A contrario, les prestations qui ne tombent pas sous le coup de l'assurance obligatoire ne bénéficient pas de la protection tarifaire. Ainsi, celle-ci ne s'étend pas notamment aux rapports avec des patients privés, aux assurances complémentaires qui couvrent des prestations non comprises dans le tarif (par exemple: un moyen thérapeutique non reconnu ou un médicament qui ne figure pas sur la liste des spécialités), ni au fournisseur de prestations qui s'est récusé, c'est-à-dire qui refuse de fournir des prestations conformément à la loi (art. 44 al. 2 LAMal). S'agissant
BGE 129 I 346 S. 351
de prestations qui ne tombent pas sous le coup de la loi sur l'assurance-maladie, le fournisseur est en principe libre d'en déterminer le prix ou de les facturer hors tarif (EUGSTER, Krankenversicherung, nos 321 ss, in Koller/Müller/Rhinow/Zimmerli, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Ulrich Meyer-Blaser, Soziale Sicherheit, Bâle, Genève, Munich 1998; MAURER, Das neue Krankenversicherungsrecht, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1996, p. 81/82).
Les prestations de soins, dont les coûts sont pris en charge par l'assurance obligatoire, sont définies aux art. 24 à 31 LAMal, compte tenu des conditions des art. 32 à 34 LAMal. L'ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins précise, de manière exhaustive, les prestations de soins que l'assurance obligatoire doit nécessairement assumer, ne doit assumer qu'à certaines conditions ou ne peut assumer en aucun cas.

3.3 L'art. 50 LAMal prévoit, concernant les conventions tarifaires avec les établissements médico-sociaux, qu'en cas de séjour dans un tel établissement, l'assureur prend en charge les mêmes prestations que pour un traitement ambulatoire et pour les soins à domicile. Il peut toutefois convenir, avec l'établissement médico-social, d'un mode de rémunération forfaitaire. L'art. 7 OPAS, en particulier son alinéa 2, définit les soins pris en charge par l'assurance obligatoire et qui peuvent faire l'objet d'un tarif forfaitaire (art. 9 al. 1, 2 et 4 OPAS). Son alinéa 3 précise que "les frais généraux d'infrastructure et d'exploitation des fournisseurs de prestations ne sont pas pris en compte dans le coût des prestations". La question de savoir ce que sont exactement ces frais généraux d'infrastructure et d'exploitation, s'ils recouvrent uniquement, comme le prétend l'autorité intimée, des frais administratifs et de gestion (salaires, secrétariat, personnel technique, etc.) et s'ils bénéficient ou non de la protection tarifaire, n'a pas à être résolue ici. Il suffit de constater que l'art. 7 al. 3 OPAS ne mentionne pas les "frais d'infrastructure" au sens strict, c'est-à-dire les coûts d'investissement des infrastructures mobilières et immobilières, à la différence d'ailleurs de l'art. 49 al. 1 LAMal qui exclut expressément les frais d'investissement des forfaits prévus par les conventions tarifaires avec des hôpitaux. Ainsi, il ressort du système mis en place aux art. 50 LAMal et 7 OPAS que ni les frais de séjour en établissement médico-social, soit les frais socio-hôteliers ni, plus précisément, les frais de logement dans un tel établissement (y compris l'amortissement des bâtiments) ne tombent sous le coup de la législation sur l'assurance-maladie obligatoire, qui limite les prestations prises en compte à celles correspondant à
BGE 129 I 346 S. 352
un traitement ambulatoire et aux soins à domicile (cf. Message du 6 novembre 1991 concernant la révision de l'assurance-maladie, FF 1992 I 77 ss, spéc. p. 169 ad art. 43). Ces coûts ne bénéficient donc pas de la protection tarifaire de l'art. 44 al. 1 LAMal.
C'est en vain que les recourants invoquent le régime des hôpitaux, en particulier les art. 49 et 64 LAMal. L'art. 64 LAMal règle la participation des assurés aux coûts des prestations dont ils bénéficient et ne s'applique qu'aux prestations relevant de la LAMal, ce qui n'est pas le cas des coûts de logement en relation avec un séjour dans un établissement médico-social. Par ailleurs, l'art. 50 LAMal sur les conventions tarifaires avec les établissements médico-sociaux ne renvoie qu'aux alinéas 6 et 7 de l'art. 49 LAMal, c'est-à-dire au calcul des coûts et au classement des prestations, à l'exigence d'une comptabilité analytique et de statistiques des prestations, ainsi qu'à la comparaison des frais d'exploitation entre établissements. Au surplus, le régime en hôpital apparaît différent de celui en établissement médico-social, puisque l'art. 25 al. 2 let. e LAMal prévoit que les prestations en cas de maladie comprennent le séjour en division commune d'un hôpital (cf. aussi les art. 27 à 30 LAMal).

3.4 Enfin, le fait que le canton de Vaud entende diminuer son engagement financier dans le domaine des investissements immobiliers des établissements médico-sociaux à la charge, partielle tout au moins, des résidents, ne contredit pas la décision du 20 décembre 2000 du Conseil fédéral qui interdit un report du coût des prestations de soins non prises en charge par les assureurs sur ces mêmes résidents. Les régimes de financement des prestations de soins et des investissements obéissent à des réglementations différentes et indépendantes l'une de l'autre. En l'absence de base légale expresse de droit fédéral, l'autonomie cantonale (art. 3 Cst.) en matière de financement des investissements des établissements médico-sociaux ne saurait être restreinte, même si le canton en use pour en reporter la charge sur des tiers ou réduire des subventions aux fins de compenser des charges supplémentaires qui lui incomberaient selon la législation sur l'assurance-maladie. En n'englobant pas dans l'assurance-maladie les frais socio-hôteliers en établissement médico-social, le législateur fédéral a précisément renoncé à légiférer sur ce point et laissé aux cantons le soin de choisir la solution adéquate.

3.5 Le grief que les recourants fondent sur la protection tarifaire garantie par l'art. 44 al. 1 LAMal et la primauté du droit fédéral doit donc être écarté.
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4. Les recourants se plaignent d'une violation des art. 25 et 26a de la loi vaudoise du 5 décembre 1978 sur la planification et le financement des établissements sanitaires d'intérêt public et des réseaux de soins (LPFES).
L'art. 25 LPFES prévoit que l'Etat prend en charge les investissements des établissements sanitaires d'intérêt public et participe au financement des dépenses d'exploitation des hôpitaux d'intérêt public conformément aux dispositions de la législation sur l'assurance-maladie (al. 1, 1re phrase). L'art. 26a al. 1 LPFES pose le principe que la commune sur le territoire de laquelle un établissement sanitaire privé reconnu d'intérêt public doit être construit met gratuitement à la disposition du propriétaire de cet établissement le terrain nécessaire à la construction de celui-ci.
Il est vrai que ces dispositions prévoient une participation des collectivités publiques aux frais d'investissement des établissements médico-sociaux. Les recourants n'indiquent pas toutefois en quoi elles créeraient des droits pour les résidents eux-mêmes de ces établissements et en quoi ces droits seraient violés. Dans cette mesure, le recours ne satisfait pas aux conditions de l'art. 90 al. 1 OJ. Au surplus, même si les résidents bénéficiaient indirectement d'avantages financiers sur la base des articles précités, rien n'empêchait le Grand Conseil de modifier cette situation en adoptant le décret attaqué en vertu du principe "lex specialis derogat generali". Il est sans importance à cet égard que ce décret soit limité dans le temps (cf. art. 5 du décret) du moment qu'il apparaît comme une loi tant formellement que matériellement.
Le grief est mal fondé dans la mesure où il est recevable.

5. Les recourants prétendent encore que la contribution aux coûts d'investissement serait en fait un impôt d'affectation - plutôt qu'une charge de préférence - qui ne satisferait pas au principe de la légalité et dont le montant ne serait contrôlé ni par le principe de la couverture des coûts ni par celui de l'équivalence.
L'autorité intimée prétend en revanche qu'il s'agirait d'une contribution causale, due par les résidents pour couvrir une partie des coûts d'investissement pour des immeubles dont ils bénéficient et que l'Etat finance. Les exigences en matière de base légale seraient alors affaiblies par rapport aux impôts.

5.1 D'après la jurisprudence relative au principe de la légalité garanti par l'art. 4 aCst., et qui figure actuellement aux art. 127 al. 1 et 164 al. 1 let. d Cst., la perception de contributions publiques - à
BGE 129 I 346 S. 354
l'exception des émoluments de chancellerie - doit être prévue, quant à son principe, dans une loi au sens formel. Si cette dernière délègue à l'organe exécutif la compétence d'établir une contribution, la norme de délégation ne peut constituer un blanc-seing en faveur de cette autorité; elle doit indiquer, au moins dans les grandes lignes, le cercle des contribuables, l'objet et la base de calcul de cette contribution (ATF 125 I 182 consid. 4a; ATF 122 I 305 consid. 5a et les références citées). Le Tribunal fédéral examine librement si la norme de délégation litigieuse satisfait à ces exigences. Ces dernières ont cependant été assouplies par la jurisprudence pour certaines contributions causales, notamment en ce qui concerne leur calcul, lorsque leur montant est limité par des principes constitutionnels contrôlables, tels que ceux de la couverture des frais et de l'équivalence, et lorsque ce n'est pas seulement la réserve de la loi qui remplit cette fonction protectrice. Tel peut être le cas en particulier des contributions causales dépendant des coûts (ATF 122 I 61 consid. 2a et la jurisprudence citée). Le principe de la légalité ne doit toutefois pas être vidé de sa substance ni appliqué avec une exagération telle qu'il entre en contradiction irréductible avec la réalité juridique et les exigences de la pratique (ATF 122 I 305 consid. 5a; ATF 121 I 273 consid. 3a; 120 Ia 171 consid. 5 et la jurisprudence citée).
La charge de préférence - dont la base légale peut le cas échéant être assouplie lorsque d'autres principes constitutionnels en assurent le contrôle - se définit comme une participation aux frais d'installations déterminées réalisées par une corporation publique dans l'intérêt général, participation partiellement mise à la charge des personnes ou des groupes de personnes auxquels ces installations procurent des avantages économiques particuliers. Elle est calculée d'après la dépense à couvrir et mise à la charge de celui qui profite des installations réalisées, dans une proportion correspondant à l'importance des avantages économiques particuliers qu'il en retire.
La charge de préférence se distingue de l'impôt d'affectation ou de dotation (Zwecksteuer) en ce sens que si celui-ci est également destiné à couvrir des dépenses déterminées, il est en revanche perçu auprès de tous les contribuables et non pas seulement auprès de ceux auxquels les dépenses à payer procurent des avantages. Le cercle des contribuables d'un impôt d'affectation destiné à couvrir certaines dépenses déterminées comprend les personnes à la charge desquelles la collectivité publique peut, pour des motifs objectifs et raisonnables, mettre en priorité les dépenses en cause plutôt que de les imposer à l'ensemble des contribuables. Cet impôt est toutefois dû indépendamment
BGE 129 I 346 S. 355
de l'usage ou de l'avantage obtenu individuellement par le contribuable ou de la dépense que celui-ci a provoquée. Le lien entre les dépenses en cause et les personnes assujetties est ainsi abstrait et plus lâche que dans le cas d'une charge de préférence; ces dépenses sont comprises dans un sens large, sans qu'il soit nécessaire qu'un tel impôt serve au financement immédiat d'une mesure déterminée (ATF 124 I 289 consid. 3b; ATF 122 I 305 consid. 4b, 61 consid. 3b et les références citées; cf. également PETER BÖCKLI, Indirekte Steuern und Lenkungssteuern, Bâle 1975, p. 52-53).

5.2 Le système mis en place par le décret crée une relation triangulaire: (1) l'Etat subventionne les investissements des établissements médico-sociaux et des divisions C conformément à la loi vaudoise sur la planification et le financement des établissements sanitaires. Il applique, en pratique, deux systèmes différents selon qu'il s'agit d'établissements de forme commerciale ou d'établissements à but idéal. (2) Les établissements médico-sociaux logent leurs résidents en principe à un prix supposé nettement inférieur au coût réel. (3) L'Etat fait participer les résidents au remboursement des subventions versées aux établissements médico-sociaux. Il obtient cette participation en partie seulement, dans la mesure où 80% des résidents bénéficient des régimes sociaux et où il prend lui-même en charge les frais de leur placement (dont une partie toutefois lui est remboursée par la Confédération et les communes, cf. Bulletin du Grand Conseil, session juin 2001, séance du 12 juin 2001, p. 1137). La contribution aux coûts d'investissement due par les résidents est calculée, selon l'art. 3 du décret, d'après la valeur d'expertise des bâtiments et du terrain, les charges d'investissement supportées par l'établissement et la participation financière aux coûts d'investissements versée par l'Etat à l'établissement en application de la législation cantonale précitée.
Il ressort ainsi du décret que la contribution en cause n'est en relation avec aucune prestation, du moins directe, que ferait l'Etat aux résidents. En outre, elle ne correspond pas à la valeur effective du logement des résidents. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs délibérément renoncé à une telle solution étudiée sous la dénomination "variante qualitative" (cf. Bulletin du Grand Conseil, session juin 2001, séance du 12 juin 2001, p. 1118 ss). La contribution repose, d'une part, sur la valeur intrinsèque de l'immeuble, d'autre part, sur la situation financière de l'établissement, en particulier sur les relations entre l'établissement en cause et l'Etat, plus précisément le financement qu'assure ce dernier à l'établissement médico-social. En outre, aux
BGE 129 I 346 S. 356
dires de l'autorité intimée, cette participation financière varie selon le type d'établissement et ne tient pas compte des fonds propres que pourrait avoir investis ce dernier. S'agissant des établissements médico-sociaux en la forme commerciale, l'autorité intimée admet d'ailleurs qu'elle ignore les charges financières réelles qu'ils assument, ce mode de subventionnement étant forfaitairement fondé sur la valeur intrinsèque de l'établissement. Telle qu'établie par le décret, la contribution n'est donc pas calculée "sur la même base pour tous les établissements quelle que soit leur forme juridique, c'est-à-dire à partir de la valeur du bâtiment", contrairement à ce qu'indiquait le Conseil d'Etat dans un rapport (cf. Bulletin du Grand Conseil, session juin 2001, séance du 12 juin 2001, p. 1132).
Faute de correspondance individuelle entre la contribution réclamée au résident et une prestation offerte par l'Etat à celui-ci, la contribution attaquée ne saurait être qualifiée de charge de préférence. Au demeurant, même si l'on admettait par hypothèse qu'il suffirait que l'Etat fournisse sa prestation indirectement aux résidents, sous la forme d'un logement dans un établissement médico-social subventionné, il n'existerait pas de relation suffisamment sérieuse et objective entre la prestation fournie et la contribution réclamée aux résidents, du moins dans la forme que prévoit le décret attaqué. Preuve en sont les bases de calcul prévues à l'art. 3 du décret: traduites en chiffres par le Conseil d'Etat (art. 2 de l'arrêté sur la contribution 2002), elles aboutissent à des tarifs fort différents, allant de 4 fr. à 29 fr. par jour, soit environ de 120 fr. à 870 fr. par mois selon les établissements, sans que ces montants ne soient justifiés par des différences de qualité dans les logements offerts aux résidents (ou par un abattement pris en compte dans le prix de pension en raison des subventions touchées). Ainsi, même si l'on devait assimiler cette contribution journalière à une contribution causale, elle violerait le principe de l'équivalence, selon lequel la prestation de la collectivité publique ou l'avantage économique obtenu par l'intéressé et la contre-prestation de ce dernier doivent être dans un rapport objectif et raisonnable (ATF 128 I 46 consid. 4a et les arrêts cités). Que le principe de la couverture des frais soit respecté, c'est-à-dire que la somme des contributions journalières encaissée par l'Etat ne dépasse pas le montant des subventions accordées à l'établissement où réside le contribuable, ne répare pas cette violation.

5.3 Dans la mesure où, sans être en relation individuelle avec une prestation fournie aux résidents, la contribution litigieuse se justifie toutefois par l'avantage global qu'obtiendraient indirectement ceux-ci
BGE 129 I 346 S. 357
grâce aux subventions versées par l'Etat aux établissements médico-sociaux, elle présente les caractéristiques d'un impôt d'affectation. Un tel impôt doit satisfaire aux conditions strictes de l'art. 127 al. 1 Cst. Or tel n'est pas le cas en l'espèce.
L'art. 3 du décret décrit l'assiette de la contribution en énumérant trois critères de calcul, mais sans en indiquer les rapports. On ignore quelles sont leurs importances respectives, lesquels s'appliqueraient à certains établissements médico-sociaux exclusivement et comment sont établies les valeurs, charges et participations auxquelles ils renvoient. En outre, aucun taux ou montant n'est fixé par le décret, de sorte que la contribution est dépourvue de toute limite maximale légalement définie. Ainsi rien n'empêcherait par exemple l'exécutif de choisir librement si la contribution doit être calculée en fonction de coûts d'investissement amortis sur une courte période (ce qui en augmenterait le montant) ou sur une plus longue période (ce qui en réduirait l'importance) ni d'en modifier le montant périodiquement au gré des besoins financiers. Au demeurant, c'est même la solution qui paraît avoir été envisagée (cf. Bulletin du Grand Conseil, session juin 2001, séance du 12 juin 2001, p. 1132).
En conséquence, les recourants se plaignent à bon droit d'une violation du principe de la légalité.

6. Les recourants invoquent encore implicitement une violation du principe d'égalité (art. 8 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.).
La protection de l'égalité (art 8 Cst.) et celle contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision est arbitraire lorsqu'elle ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni but. Elle viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 129 I 113 consid. 5.1). L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 127 I 185 consid. 5; ATF 125 I 1 consid. 2b/aa et les références citées).
BGE 129 I 346 S. 358
Même s'il n'est pas exclu de mettre à la charge des seuls résidents le coût de leur logement en établissement médico-social, la contribution qui leur est réclamée ne saurait se fonder sur "l'endettement" de l'établissement médico-social à l'égard de l'Etat et ne tenir aucun compte de la situation propre des résidents, même appréciée sommairement, en particulier en fonction du logement qui leur est fourni. Un calcul fondé sur la situation financière particulière de chaque établissement médico-social ne peut qu'engendrer des inégalités de traitement entre résidents astreints à payer une contribution dont le montant est sans relation avec leurs conditions personnelles de logement. En effet, il n'est nullement établi que la situation financière de l'établissement médico-social où ils résident - soit d'un tiers, pour eux - influence la qualité de leur logement. Cette situation dépend certes en partie de l'âge des bâtiments, mais elle a été et reste influencée notamment par la générosité d'éventuels fondateurs et donateurs, et par la qualité de la gestion, éléments qui tous échappent aux résidents contribuables. Les établissements les plus "endettés", ou qui ont obtenu les contributions les plus importantes, n'offrent pas nécessairement les meilleurs logements. Les deuxième et troisième critères retenus à l'art. 3 du décret apparaissent ainsi dénués de sens, d'autant qu'aucun contrôle ne paraît être opéré s'agissant du report par les établissements médico-sociaux des subventions reçues sur le prix de pension réclamé aux résidents. Dans un secteur économique où la pénurie de lits disponibles empêche de toute manière les lois de la concurrence de fonctionner correctement, un calcul mieux adapté est nécessaire, d'autant que l'autorité intimée admet que, telle que prévue, la contribution litigieuse réduirait un tiers des résidents financièrement indépendants à recourir aux régimes sociaux (cf. Bulletin du Grand Conseil, session juin 2001, séance du 12 juin 2001, p. 1136).
Les griefs que les recourants tirent d'une violation des art. 8 et 9 Cst. sont donc fondés.

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