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Urteilskopf

91 II 429


60. Arrêt de la Ire Cour civile du 6 juillet 1965 dans la cause Schlotz contre Frossard.

Regeste

Schadenersatzanspruch aus strafbarer Handlung, Anwendbarkeit der vom Strafrecht vorgesehenen längeren Verjährungsfrist auf den Zivilanspruch (Art. 60 Abs. 2 OR).
Die Vorschrift bezieht sich nur auf die Dauer der Verjährungsfrist. Im übrigen bleiben die zivilrechtlichen Vorschriften anwendbar (Art. 127 ff. OR, ev. Art. 60 Abs. 1 OR); insbesondere gelten für die Unterbrechung der Verjährung Art. 135 ff. OR (Änderung der Rechtsprechung).

Sachverhalt ab Seite 429

BGE 91 II 429 S. 429

A.- Le 2 mars 1958 à 20 h, Paul Frossard circulait de Pont de la Morge à Vétroz, au volant de la voiture de sa soeur, lorsque le véhicule happa le cycliste Albert Schlotz, arrêté sur la partie droite de la chaussée. Celui-ci fut tué sur le coup.
Le 4 avril suivant, l'épouse du défunt se constitua partie civile devant le Juge-Instructeur d'Hérens et Conthey, tant pour elle-même que pour ses enfants mineurs. Aux débats pénaux du 9 février 1959, le mandataire des hoirs d'Albert Schlotz réserva les prétentions civiles de ses clients. Frossard, coupable d'homi cide par négligence, fut condamné au paiement d'une amende. La Caisse nationale a réglé compte le 17 avril 1958.

B.- Le 3 novembre 1962, les hoirs de Schlotz ont fait notifier à Frossard, sous l'autorité du Juge de commune d'Ardon, un exploit de citation en conciliation. Ils ne suivirent pas à l'action, mais citèrent le défendeur à nouveau le 27 no vembre 1963, puis déposèrent leur demande.
Le 14 janvier 1965, le Tribunal cantonal valaisan a rejeté
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l'action, accueillant l'exception de prescription soulevée par le défendeur. Se fondant sur l'art. 60 al. 2 CO, il a constaté que la prétention eût dû être exercée dans le délai de cinq ans dès l'acte dommageable, délai qui ne pouvait être interrompu une fois le jugement pénal passé en force.

C.- Agissant par la voie du recours en réforme, les demandeurs prient le Tribunal fédéral de leur allouer diverses indemnités faisant au total 29 067 fr. 50. L'intimé propose le rejet du recours.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. Dirigée non contre le détenteur, mais contre le conducteur du véhicule automobile, l'action intentée par les recourants se prescrit, selon l'art. 60 al. 1 CO, par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur. Ce jour est au plus tard le 17 avril 1958, date du règlement de la Caisse nationale. La prescription annale est donc manifestement acquise, faute d'un acte interruptif avant le 3 novembre 1962.
Le sort de l'action dépend donc de la portée de l'art. 60 al. 2 CO.

2. Si les dommages-intérêts dérivent d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s'applique à l'action civile. Ce texte ouvre à première vue la porte à deux interprétations: ou bien il institue une prescription régie par le droit civil, seul le délai étant modifié; ou bien il la soumet entièrement au droit pénal. A la réflexion, l'extension qu'il envisage peut aussi se concevoir selon d'autres modes intermédiaires. Outre de la durée du délai, la prescription dépend de son point de départ, de sa suspension et de son interruption. On peut apprécier chacun de ses éléments selon le droit pénal ou l'une des diverses dispositions du droit civil. Si l'on s'en tient au premier, qui ne réserve à cet égard qu'une place fort restreinte à l'intervention du lésé, la prescription risque d'être encourue avant l'ouverture de l'action, par l'effet d'une cause extérieure, sans que le demandeur y puisse rien changer.

3. Jusqu'à l'arrêt Perrin contre Pillonel (RO 77 II 314), le Tribunal fédéral, sans entreprendre une démonstration, prenait en considération le délai institué par la loi pénale, se fondant d'ordinaire pour le reste - sinon peut-être pour le
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dies a quo - sur les règles civiles, notamment sur celles relatives à l'interruption.
Ainsi, après avoir remarqué incidemment que le but de l'art. 60 al. 2 CO n'empêche pas la responsabilité civile de subsister alors que l'action pénale serait éteinte (RO 49 II 359), le tribunal a jugé que le délai fixé par le droit pénal était interrompu par la notification d'un commandement de payer (art. 135 ch. 2 CO), bien que l'action publique fût éteinte (RO 60 II 30 sv.). Dans une espèce où le prévenu fut libéré parce que l'action pénale était prescrite, il a statué sur les conclusions civiles prises devant le juge pénal; la prescription ne les avait pas atteintes en effet, car elles avaient été déposées dans le délai de prescription de l'action pénale; cette première interruption fondée sur l'art. 135 al. 2 CO s'était renouvelée, durant l'instance, par chaque acte judiciaire des parties et chaque décision du juge relatifs à l'instruction de la prétention civile; l'application du droit pénal sur ce point est étrangère tant au texte de la loi qu'au sens et au but de l'art. 60 al. 2 CO (RO 62 II 282 sv.).
Selon l'arrêt Perrin, le législateur entend que le lésé conserve ses droits tant que l'auteur du dommage demeure exposé à l'action pénale, et l'art. 60 al. 2 CO se fonde sur l'existence d'un acte punissable. Vu l'effet de la prescription pénale, ce but disparaît et cette condition n'est plus réalisée lorsque l'action pénale est prescrite, tout comme en cas d'acquittement ou de non-lieu. Il serait faux de combiner les deux ordres de réglementation et de se borner à substituer à la durée ordinaire du délai celle du droit pénal et d'appliquer pour le surplus les règles civiles: on reporterait le terme décisif pour l'action privée au-delà de l'extinction de l'action publique; aussi bien, le point de départ du délai est-il fixé par la loi pénale.
Cet arrêt rompt pour l'essentiel avec la jurisprudence antérieure, sans la discuter, encore qu'il y trouve quelque appui (RO 49 II 359: "der Geschädigte soll seinen Anspruch solange geltend machen können, als die strafbare Handlung als solche nicht verjährt ist"; RO 62 II 283: "Dieselbe Wirkung - l'exclusion de l'alinéa 2 faute d'un acte punissable - hätte wohl auch ein Entscheid des Strafrichters, der das Erlöschen der öffentlichen Klage wegen Verjährung feststellt, da diese Feststellung durch den Richter die Bedeutung eines Freispruches hat").
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4. a) Le texte légal ne commande pas nécessairement l'interprétation qu'en a donnée l'arrêt Perrin. S'il par le de prescription tout court dans les trois langues (voir aussi les art. 760 al. 2 et 919 al. 2 CO), il en vise néanmoins directement le délai: il applique en effet à l'action civile la "prescription de plus longue durée" à laquelle la loi pénale soumet "l'acte punissable"; or "cette" prescription, ce ne peut être logiquement, en la forme elliptique, que le délai de la prescription du droit pénal. Aussi bien l'arrêt paru au RO 62 II 284 fait-il allusion au "Strafverjährungsfrist im Sinne von Art. 60 Abs. 2 OR".
L'art. 44 LA, qui s'en tient au système de l'art. 60 CO (repris de l'art. 69 du code de 1881) et vise dans son second alinéa les deux modes de prescription, précise que l'empêchement, la suspension et l'interruption sont régis par le code des obligations. On peut y voir une interprétation authentique de l'art. 60 CO.
b) L'interprétation historique confirme cette première conclusion. Le texte français de l'art. 81 al. 2 du "Projet élaboré d'après les décisions prises par la Commission en septembre 1877 et septembre-octobre 1878", qui a introduit la prescription spéciale des actions fondées sur un acte illicite, a la teneur suivante:
"Si toutefois les dommages et intérêts dérivent d'un acte punissable dont la poursuite se prescrit... par un délai plus long, le même délai fait règle pour la prescription de l'action civile."
Ce texte représente une rédaction originale, qui, ainsi que l'expose le Message du Conseil fédéral (FF 1880 I 136/7) pouvait servir à interpréter le texte allemand. Si néanmoins c'est le texte allemand du projet qui fut retenu et si la version française y a été adaptée, ce fut le résultat d'une simple revision rédactionelle (FF 1880 I 137).

5. Le but de l'art. 60 al. 2 CO est d'étendre la possibilité d'agir sur le plan civil (RO 44 II 177/178; 77 II 319 et les arrêts cités; arrêt de la Cour de céans dans la cause Rohrbasser c. Estoppey du 19 décembre 1963, consid. 3). La jurisprudence et la doctrine s'accordent pour proclamer que l'action civile en réparation du dommage doit subsister aussi longtemps que la prescription pénale n'est pas acquise; il serait illogique que le lésé perde ses droits contre l'auteur responsable tant que celuici demeure exposé à une poursuite pénale généralement plus
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lourde de conséquences pour lui (RO 55 II 25; 77 II 319 et les arrêts cités).
La réalisation de l'intention du législateur n'implique pas nécessairement que le terme du délai de prescription de l'action civile ne puisse échoir après l'extinction de l'action publique. On ne saurait transposer en droit suisse le mode de fonctionnement de la règle parallèle de l'art. 10 du code de procédure pénale français, selon laquelle "l'action civile se prescrit dans les mêmes conditions que l'action publique". Cette disposition en effet vise le résultat opposé au but de l'art. 60 al. 2 CO: elle tend à abréger le délai trentenaire de la prescription civile. Or si l'on entend soustraire à la responsabilité privée celui dont l'Etat ne peut plus réclamer la punition (cf. GIRSBERGER, RSJ 1962, p. 213), il est logique de soumettre en tous points la prescription civile aux règles du droit pénal, de "jumeler" concrètement les deux institutions similaires. Il n'en est pas de même, en revanche, lorsqu'on désire étendre la possibilité d'agir sur le plan civil. Ce but - permettre l'action privée aussi longtemps que la poursuite pénale est possible - n'exige aucunement que la première soit prescrite lorsque la seconde l'est.
En réalité, l'intention du législateur ne paraît réalisable que si le lésé peut, le cas échéant, reporter le terme du délai de prescription de l'action civile au-delà du moment où survient la prescription pénale, cause d'extinction de l'action publique, au même titre que l'irresponsabilité totale, le décès de l'inculpé, ou encore le jugement exécutoire (RO 72 IV 107; 73 IV 14; 85 IV 170). Dans toutes ces éventualités, la prescription de l'action pénale ne court plus. En les traitant de la même façon sous l'angle de l'art. 60 al. 2 CO, comme l'a fait l'arrêt Perrin dans le cas du jugement, on interdit toute action civile postérieure à l'extinction de l'action pénale (cf. PÉTERMANN, Revue suisse d'assurance, 1959/1960, p. 362). Bien plus, l'action intentée avant que la poursuite pénale soit éteinte ne peut plus être continuée, quelque diligence qu'ait mise le lésé à agir. Cette conséquence souvent inopinée est pour ce dernier d'autant plus injuste qu'il est fréquemment de son intérêt d'attendre l'issue du procès pénal pour se représenter exactement le mérite de sa prétention, sur le vu du résultat de l'administration des preuves quant aux faits de la cause. Et s'il se constitue partie civile, il n'est point assuré pour autant, car il arrive que le juge pénal
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le renvoie, dans sa décision finale, à se pourvoir devant le juge civil. Aussi bien voit-on, par ces rigueurs, qu'il est souvent désirable, voire nécessaire, pour réaliser le but visé par le législateur, que l'on puisse agir civilement après l'extinction de l'action pénale.

6. L'arrêt Perrin lie le sort de l'action civile aux aléas d'une poursuite pénale déterminée. Ce faisant, il méconnaît un principe essentiel du droit privé, qui trouve en procédure civile des applications plus ou moins étendues: il incombe au créancier de faire valoir son droit. Cette charge exige, comme corollaire, que la loi lui donne les moyens d'agir. Les deux choses vont de pair.
Ainsi en est-il de l'institution civile de la prescription. La créance peut d'ordinaire se prescrire par l'écoulement du temps, notamment parce que l'on présume que celui qui n'agit pas dans un certain délai est réputé renoncer à son droit. Mais il s'ensuit, d'une part, que la loi civile donne au créancier un pouvoir sur cette institution et, d'autre part, que la présomption n'a guère de sens dans la mesure où le créancier est impuissant (cf. l'art. 134 CO). En pratique, de ce point de vue, c'est l'interruption du délai qui est décisive, non son point de départ et sa durée, que la loi peut sans grand inconvénient fixer indépendamment de la volonté de l'ayant droit.
Or si l'on suit l'arrêt Perrin, qui applique expressément les causes d'interruption et de suspension pénales (RO 77 II 320), la prétention privée dépend du sort d'une instance régie par une procédure d'office, dont le lésé ne peut d'ordinaire infléchir le cours, et d'un délai qu'il ne peut souvent interrompre. Les conditions pénales de la suspension et de l'interruption sont en effet adaptées au procès pénal. Selon l'art. 72 al. 2 CP, le délai de prescription est interrompu par tout acte d'instruction, par les décisions du juge dirigées contre l'auteur et par les recours. Même lorsque la procédure cantonale confère au lésé, s'il le désire, la position d'une partie à l'instance répressive, ces causes d'interruption ne tiennent guère compte de la volonté des personnes privées ni du principe de libre disposition et de ses corollaires, qui dominent la réalisation, judiciaire ou non, des créances civiles. Et même si l'autorité chargée de l'enquête et le juge pénal n'ont pas un pouvoir exclusif sur le cours du délai de prescription, on ne saurait exiger du lésé qu'il agisse au pénal - qu'il recoure par exemple - à seule fin d'éviter
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la prescription de son action civile. Or si le droit des obligations donne seul aux parties des pouvoirs idoines, tels qu'ils sont prévus aux art. 135 al. 2 et 138 CO, on ne voit pas la raison qui aurait incliné le législateur à les en priver dans l'hypothèse spéciale envisagée à l'art. 60 al. 2 CO, d'autant que les particularités des lois pénales cantonales auraient ainsi introduit, jusqu'en 1942, la diversité dans un domaine important du droit privé unifié.
Sans doute, le lésé peut sauvegarder le délai de l'art. 60 al. 1 CO. Mais c'est précisément le but du second alinéa de le faire bénéficier d'un délai plus long.
Au demeurant, le texte même de l'art. 60 al. 2 CO paraît écarter une solution qui lie en fait le sort de l'action civile aux circonstances concrètes de la poursuite pénale. Il renvoie en effet aux "lois pénales": c'est là une référence abstraite.

7. L'interprétation que l'arrêt Perrin a donnée de l'art. 60 al. 2 CO paraît donc en défaut d'une manière générale. Deux remarques particulières corroborent cette conclusion.
a) Selon l'arrêt Perrin (RO 77 II 320), on ne peut douter que le point de départ du délai de prescription civile fixé par l'art. 60 al 2. CO ne soit déterminé par la loi pénale; pour cette raison, on ne comprendrait pas que les règles civiles s'appliquent à l'interruption du délai en lieu et place ou en sus des causes d'interruption et de suspension pénales.
Certes, la prémisse de ce raisonnement semble généralement admise: on fait tacitement partir le délai de l'art. 60 al. 2 CO du jour de l'acte illicite (RO 68 II 284). En réalité, il est difficile de voir là une référence générale aux règles du droit pénal, non unifié pour une grande part jusqu'en 1942.
La première rédaction de l'art. 60 al. 1 CO (art. 81 al. 1 du projet de 1877) ne fixait pas le point de départ du délai. Ce dernier courait donc, selon l'art. 130 CO, dès que la créance était échue, soit dès que le dommage était réalisé. Ce moment coïncide le plus souvent avec la commission de l'acte illicite, point de départ ordinaire de la prescription de l'action pénale. Dans le texte définitif, le second alinéa de la disposition a subsisté tel quel - sauf la modification de pure forme qui a été mentionnée ci-dessus - tandis que le législateur de 1881 prévoyait au premier alinéa deux délais et des points de départ particuliers. Dès lors de deux choses l'une: ou bien on traite indépendamment sous cet aspect, vu leur genèse différente, les
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deux alinéas de l'art. 60 et l'on admet que le second a conservé le point de départ initial (art. 130 CO); ou bien l'alinéa 2 vise un cas spécial d'acte illicite, coordonné à la première hypothèse générale par l'expression "toutefois" (jedoch), et l'on adopte le point de départ de l'art. 60 al. 1 CO (cf. arrêt de la Ie Cour civile du 19 décembre 1963 dans la cause Rohrbasser c. Estoppey, consid. 3). Peu importe en l'espèce l'interprétation juste. Il suffit de constater que l'argument, tiré par l'arrêt Perrin du point de départ de la prescription, n'est pas décisif.
Au demeurant, le point de départ d'un délai de prescription est un élément nécessaire de la fixation de la date à laquelle l'action se prescrit: ainsi seulement la durée se situe concrètement dans le temps. On peut donc comprendre qu'on règle le point de départ comme la durée elle-même, soit en l'espèce selon le droit pénal, sans qu'il faille aucunement en tirer une conclusion plus générale.
b) Que l'exégèse du texte de l'art. 60 al. 2 CO n'implique nullement que les règles pénales régissent complètement la prescription civile, cela ressort aussi du fait que, de l'avis commun, tel n'est du moins pas le cas sur un point essentiel. L'effet pénal, soit la constatation d'office de l'extinction de l'action, ne s'applique pas au civil. La prescription civile limite seulement la faculté de faire valoir la créance en ce sens que celui qui n'a pas exercé son action à temps perd - non sa créance - mais la possibilité de la faire valoir contre la volonté du débiteur; corrélativement, le juge ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription (art. 142 CO).

8. Les arrêts non publiés qui ont suivi l'arrêt Perrin montrent l'impasse où il a conduit.
a) Selon l'arrêt Ketterer contre Piola du 26 mai 1954 (Sem. jud. 1956 p. 67, consid. 3), l'art. 60 al. 2 CO ne signifie nullement que, pour s'appliquer à l'action civile, le délai de la prescription de l'action pénale doive encore courir. Si ce délai est plus long que le délai fixé au premier alinéa, l'action civile peut être intentée tant qu'il n'est pas écoulé. Peu importe qu'un jugement de condamnation soit intervenu avant son introduction. Le législateur n'a certes pas voulu que, lorsque le lésé attend le résultat de l'action publique sans y prendre part, ses droits fussent brusquement prescrits par le jugement de condamnation quand celui-ci intervient, comme c'est généralement le cas, après l'expiration du délai de l'art. 60 al. 1 CO.
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Quoiqu'elle s'en défende, cette décision contredit l'arrêt Perrin; elle soulève contre lui une objection sérieuse sans se référer à une doctrine sûre.
b) Dans la cause Savro SA et consorts contre Crettaz et consorts, jugée le 17 octobre 1962, la Cour de céans a brièvement affirmé qu'à l'égard du débiteur solidaire Clivaz, condamné pour incendie par négligence (art. 222 CP), le jugement pénal avait "prolongé" le délai de la prescription civile jusqu'à la prescription absolue de sept ans et demi à compter du jour de la commission du délit (art. 71 et 72 CP; cf. p. 9). Cette décision contredit et l'arrêt Perrin, pour lequel l'action ne se prescrit plus selon l'art. 60 al. 2 CO après l'extinction de l'action pénale, et l'arrêt Ketterer, selon lequel le jugement pénal n'influe pas sur le cours du délai prévu dans cette disposition.

9. Les considérants qui précèdent condamnent l'interprétation de l'art. 60 al. 2 CO donnée par l'arrêt Perrin. Les contradictions de la jurisprudence qui l'a suivi laissent percer la difficulté d'en appliquer rigoureusement le principe. Celui-ci souffre des exceptions sur un ou deux points particuliers au moins. Il ne permet pas d'atteindre le but visé par le législateur. Il ne résiste pas enfin à un nouvel examen des textes et de la genèse de la loi. Aussi est-il plus juste d'appliquer à la prescription de l'action civile selon l'art. 60 al. 2 CO, sauf en ce qui concerne la durée du délai, les règles du droit privé. Ce sont les art. 127 sv. CO; l'art. 60 al. 1 servira, le cas échéant, à déterminer le point de départ du délai. En particulier, l'interruption du délai est régie par les art. 135 sv. CO.

10. a) En l'espèce, le dommage - soit la perte de soutien consécutive au décès de Schlotz - s'est produit le 2 mars 1958 (cf. art. 130 CO) et le moment fixé par l'art. 60 al. 1 CO se situe au plus tard le 17 avril suivant (consid. 1).
b) Quoi qu'en dise la Cour cantonale, le délai de prescription n'a été interrompu ni par la constitution de partie civile le 4 avril 1958, ni par la réserve des droits civils aux débats pénaux du 9 février 1959. Les demandeurs en effet n'ont pas conclu devant l'autorité répressive au paiement de l'indemnité qui fait l'objet du présent litige, ni même à la constatation de son fondement juridique (RO 60 II 202/3).
Le 3 novembre 1962, les demandeurs ont fait notifier au défendeur, sous l'autorité du Juge de commune d'Ardon, un exploit de citation en conciliation. Selon l'art. 135 al. 2 CO, la
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citation en conciliation interrompt le délai de prescription (cf. RO 65 II 166 sv.). Au demeurant, elle est en principe obligatoire en Valais (art. 127 à 129 PC). Elle y est la première démarche que le demandeur doit entreprendre pour obtenir du juge la protection de son droit (art. 138 PC) et il doit y être suivi dans les soixante jours (art. 132 al. 2 PC): elle constitue donc aussi une ouverture d'action lorsqu'il s'agit de sauvegarder un délai d'action de droit fédéral (RO 74 II 14). L'effet interruptif des art. 137 al. 1 et 138 al. 1 CO subsiste même s'il n'est pas suivi à l'action (RO 17 p. 307; RATHGEB, L'action en justice et l'interruption de la prescription, Mélanges François Guisan, Lausanne 1950, p. 32). Le défendeur ne le conteste d'ailleurs pas: il soutient que la prescription était déjà acquise.
c) L'action publique fondée sur un délit d'homicide par négligence se prescrit par cinq ans (art. 70 et 117 CP). Ce délai est plus long que celui de l'art. 60 al. 1 CO. Quel qu'en soit le point de départ (au plus tôt le jour du décès, le 2 mars 1958), il a été interrompu le 3 novembre 1962, par un premier exploit de citation en conciliation, puis à nouveau le 27 novembre 1963, par un second exploit qui a introduit la présente action. La prescription n'est donc pas acquise.

Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours, annule le jugement rendu le 14 janvier 1965 par le Tribunal cantonal du Valais et renvoie la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement.

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