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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2A.347/2006 /viz 
 
Arrêt du 1er septembre 2006 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Merkli, Président, 
Wurzburger et Meylan, Juge suppléant. 
Greffière: Mme Rochat. 
 
Parties 
A.E.________, 
B.C.________, 
X.E.C.________, 
Y.E.C.________, 
recourants, 
 
contre 
 
Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. 
 
Objet 
art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation, 
 
recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de justice et police du 10 avril 2006. 
 
Faits: 
A. 
Ressortissant chilien né en 1972, A.E.________, alors âgé de neuf ans, est arrivé en Suisse avec ses parents le 5 décembre 1981. Il y a poursuivi sa scolarité, puis a travaillé comme manutentionnaire et magasinier. 
 
Le 20 août 1994, alors qu'il était âgé de vingt-deux ans et au bénéfice d'une autorisation d'établissement, il est rentré au Chili avec sa famille. 
 
Le 21 juillet 2000, il est revenu en Suisse et a sollicité des autorités vaudoises la réactivation de son autorisation d'établissement, subsidiairement l'octroi d'une autorisation de séjour; il expliquait avoir, en 1994, respecté le choix de ses parents et les avoir suivis dans leur patrie, mais ne s'être jamais adapté à la vie chilienne. Par décision du 22 juin 2001, confirmée par arrêt du Tribunal administratif du 16 mai 2003, le Service de la population du canton de Vaud (SPOP) a refusé l'octroi d'une autorisation d'établissement, respectivement de séjour. 
 
Le 3 avril 2003, l'épouse chilienne de A.E.________, B.C.________, née en 1979, et leurs deux filles, X.E.C.________, née en 1995, et Y.E.C.________, née en 2000, sont arrivées illégalement sur territoire suisse. 
 
Au mois de mars 2004, le Chef du département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud est intervenu auprès de l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration (IMES; actuellement: Office fédéral des migrations, ODM) en faveur de la famille E.C.________ en invitant cette autorité à examiner la situation sous l'angle de l'octroi d'un permis humanitaire; au mois de juin, le SPOP a transmis son dossier avec préavis favorable. 
 
Par décision du 9 juillet 2004, l'IMES a prononcé à l'encontre de A.E.________ et de sa famille une décision de refus d'exception aux mesures de limitation. 
B. 
A.E.________, son épouse et leurs deux filles ont porté leur cause par devant le Département fédéral de justice et police qui, par prononcé du 10 avril 2006, a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable. Le Département a considéré en substance que le recourant avait pris librement la décision de regagner son pays d'origine, où il a vécu six ans durant avant de revenir en Suisse, en prétendant qu'il n'avait pas pu s'adapter au Chili en raison de la délinquance et de la violence qui y régnaient. Son intégration socioprofessionnelle était bonne, mais ne revêtait aucun caractère exceptionnel et rien ne l'empêchera de mettre en pratique les connaissances acquises dans son pays d'origine. En ce qui concerne son épouse, elle séjournait de manière illégale en Suisse depuis avril 2003 et ne s'y était pas créé des liens tels qu'elle ne puisse plus envisager un retour dans son pays d'origine, où, de surcroît, vivent ses parents. Quant aux deux filles, compte tenu de leur jeune âge et de la capacité d'adaptation reconnue des enfants en bas âge, un éventuel départ de Suisse ne saurait entraîner pour elles des difficultés d'adaptation impossibles à surmonter. 
C. 
A.E.________, son épouse et leurs deux filles forment un recours auprès du Tribunal fédéral contre la décision du Département du 10 avril 2006, en concluant implicitement à son annulation. Ils demandent au Tribunal fédéral de constater qu'ils remplissent les conditions pour l'obtention d'un permis humanitaire et de leur accorder un tel permis. 
 
Le Département conclut au rejet du recours. 
 
Par ordonnance présidentielle du 19 juillet 2006, la requête d'effet suspensif formulée par les recourants, traitée comme requête de mesures provisionnelles, a été admise. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Les recourants ne spécifient pas la nature de leur recours, mais cette omission ne leur nuit pas; le Tribunal fédéral examine en effet d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 II 352 consid. 1 p. 353, 361 consid. 1 p. 364, 571 consid. 1 p. 573). 
1.2 La voie du recours de droit administratif est en principe ouverte contre les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation prévues par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403 consid. 1 p. 404/405). Le présent recours, qui respecte les formes et délais légaux, est donc recevable à ce titre, sans égard à ses conclusions tendant à l'octroi d'un permis humanitaire pour le recourant et sa famille. 
2. 
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 56 consid. 2a p. 60). Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen (ATF 130 III 707 consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2 p. 318). Comme il n'est pas lié par les motifs invoqués par les parties, il peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou au contraire confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 in fine OJ; ATF 131 II 361 consid. 2 p. 366; 129 II 183 consid. 3.4 p.188). Par ailleurs, l'autorité intimée n'étant pas une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral peut également revoir d'office les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105 OJ; ATF 128 II 56 consid. 2b p. 60). En particulier en matière de police des étrangers, lorsque la décision n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droit existant au moment de sa propre décision (ATF 124 Il 361 consid. 2a p. 365; 122 II 1 consid. 1b p. 4, 385 consid. 1 p. 390 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral ne peut en revanche pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ; ATF 131 II 361 consid. 2 p. 366, 131 III 182 consid. 1 p. 184). 
3. 
3.1 Les mesures de limitation visent en premier lieu à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la population en Suisse et celui de la population étrangère résidente, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail et à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE, selon lequel un étranger n'est pas compté dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, seraient comptés dans ces nombres maximums, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas et pas souhaitable du point de vue politique. II découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions pour une reconnaissance d'un cas de rigueur doivent être appréciées restrictivement. 
Le Tribunal fédéral a précisé que la longue durée d'un séjour en Suisse n'était pas, à elle seule, un élément constitutif d'un cas personnel d'extrême gravité et que les séjours illégaux n'étaient en principe pas pris en considération. Il appartient ainsi à l'autorité compétente d'examiner, dans chaque cas, si l'intéressé se trouve pour d'autres raisons dans un état de détresse justifiant de l'exempter des mesures de limitation du nombre des étrangers. Pour cela, il y a lieu de se fonder sur les relations familiales de l'intéressé en Suisse et dans sa patrie, son état de santé, sa situation professionnelle et son intégration sociale (ATF 130 II 39 consid. 3 p. 42, et les arrêts cités). 
 
Par ailleurs, la jurisprudence ne confère aucun «droit au retour en Suisse» à ceux qui, après y avoir résidé de nombreuses années, décident de quitter notre pays pour s'installer à l'étranger, sans que des circonstances exceptionnelles les aient amenés à ce départ (ATF 117 1b 317 consid. 4b p. 322). Certes, sous l'angle de l'octroi d'une exception aux mesures de limitation, ces étrangers ne peuvent être considérés comme des immigrants ordinaires et l'on ne peut totalement faire abstraction des années qu'ils ont passées dans notre pays avant leur départ, mais, dans l'appréciation d'ensemble de leur situation, ces années ne pèsent pas aussi lourd que s'ils n'avaient jamais quitté la Suisse (arrêts non publiés 2A.300/2002 du 20 juin 2002, consid. 2.2 et 2A.429/1998 du 5 mars 1999, consid. 3a). 
3.2 Dans le cas particulier, le recourant A.E.________ est arrivé en Suisse alors qu'il était âgé de neuf ans; il a quitté ce pays à l'âge de vingt-deux ans, pour y revenir six ans plus tard. Il peut se prévaloir d'un premier séjour d'une durée de quelque treize ans, au bénéfice d'une autorisation de séjour, puis d'une autorisation d'établissement, et, depuis son retour en juillet 2000, d'un séjour d'une durée de six ans, au bénéfice d'une simple tolérance. La longue durée de ce premier séjour et le fait qu'il ait coïncidé pour le recourant avec les années décisives de son adolescence doivent cependant être relativisés, compte tenu du fait qu'il est retourné dans son pays d'origine, y a séjourné six ans durant, y a travaillé et, de son propre aveu, gagné sa vie relativement bien et fondé une famille. 
Le recourant fait certes valoir qu'il n'a quitté la Suisse que contre son gré, contraint qu'il y était par son père. Dans son arrêt précité 2A.300/2002 du 20 juin 2002 concernant le frère du recourant, lui aussi contraint de quitter la Suisse dans les mêmes circonstances, le Tribunal fédéral a considéré que ce fait ne pouvait, à lui seul, constituer une circonstance exceptionnelle justifiant une exemption des mesures de limitation. Cette constatation est également applicable au recourant, dans la mesure où son frère était, à cette époque, âgé de dix-neuf ans, alors que lui-même en avait vingt-deux et n'avait donc plus l'obligation de suivre ses parents. 
 
Le recourant soutient encore qu'il n'a pu s'adapter à son pays d'origine en raison de la délinquance et de la violence qui y règnent. Il convient de rappeler à ce propos que l'art. 13 lettre f OLE n'a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions générales qui prévalent dans leur pays d'origine. On peut assurément comprendre qu'ayant quitté son pays à l'âge de neuf ans, le recourant souffre davantage d'être confronté à cette réalité qu'un compatriote ayant grandi dans un tel environnement et n'ayant jamais quitté son pays; mais sa situation ne justifie pas une exception aux mesures de limitation. 
 
Pour le surplus, si le recourant est bien intégré en Suisse, on ne saurait considérer qu'il s'y est créé des attaches à ce point profondes et durables qu'un retour dans son pays d'origine ne pourrait raisonnablement être exigé de lui. II peut, sur ce point, être renvoyé aux considérants convaincants de la décision attaquée. 
3.3 Arrivée en Suisse illégalement près de trois ans après son mari, l'épouse du recourant ne saurait se prévaloir d'un long séjour en Suisse, et encore moins d'un long séjour régulier. Elle suit certes des cours de français, mais rien ne permet d'admettre qu'elle aurait, en si peu de temps, tissé des liens particuliers avec la Suisse. 
3.3.1 Aucune des filles du couple n'a atteint à ce jour les années décisives de l'adolescence. Il n'y a donc pas lieu de considérer qu'un retour forcé dans leur pays d'origine constituerait un véritable déracinement, même s'il n'est pas contesté qu'elles se sont bien intégrées dans leur nouvel environnement social et scolaire. 
4. 
Les recourants invoquent enfin une violation du principe de l'égalité de traitement. Ils font état du cas d'une famille chilienne qui, dans des circonstances semblables aux leurs, s'est vu accorder par I'ODM une exception aux mesures de limitation. 
Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2 p. 114; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125). 
 
En l'espèce, le Département a clairement expliqué que s'il a été dérogé en faveur de cette famille chilienne - après des refus répétés et à titre «unique et exceptionnel» - à la pratique suivie par l'ODM, c'est uniquement en raison de l'inaction des autorités cantonales, qui, en tardant sans raison à exécuter la décision de renvoi, avaient fini par créer une situation qui, sur le plan humanitaire, ne paraissait plus pouvoir être tolérée. Or cette situation n'est pas réalisée dans le cas des recourants, de sorte qu'ils ne sauraient exiger d'être traités de la même façon. 
5. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge des recourants. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants, au Département fédéral de justice et police, ainsi qu'au Service de la population du canton de Vaud. 
Lausanne, le 1er septembre 2006 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: