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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.29/2007 /col 
 
Arrêt du 2 février 2007 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aemisegger et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Romain Jordan, avocat-stagiaire, 
 
contre 
 
Procureur général du canton de Genève, 
case postale 3565, 1211 Genève 3, 
Chambre d'accusation du canton de Genève, 
case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
refus de mise en liberté provisoire, 
 
recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 
28 décembre 2006. 
 
Faits: 
A. 
Le 6 mai 2006, A.________, ressortissant jamaïcain résidant en Suisse, a été arrêté à la gare de Zurich alors qu'il attendait une personne transportant environ 1 kg de cocaïne. Il a été placé en détention préventive. Le 8 mai 2006, le Juge d'instruction genevois en charge de la procédure l'a inculpé de "trafic de stupéfiant" au sens de l'art. 19 ch. 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup; RS 812.121). La Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) a prolongé sa détention par ordonnances des 12 mai et 8 août 2006, pour les besoins de l'instruction et en raison des risques de fuite, de collusion et de réitération. 
A.________ a présenté une requête de mise en liberté provisoire, qui a été rejetée par la Chambre d'accusation le 20 octobre 2006. Par ordonnance du 7 novembre 2006, la Chambre d'accusation a prolongé la détention préventive pour trois mois. Le 20 décembre 2006, l'inculpation de A.________ a été précisée; il lui était en substance reproché des infractions à l'art. 19 ch. 1 et 2 LStup pour avoir "participé à un important trafic de cocaïne" en étant affilié à une bande et en agissant par métier. 
B. 
A.________ a présenté une nouvelle requête de mise en liberté le 21 décembre 2006. A titre de mesures alternatives à la détention préventive, il proposait le dépôt de ses papiers d'identité et offrait le versement d'une caution de 10'000 francs. La Chambre d'accusation a rejeté cette requête par ordonnance du 28 décembre 2006, considérant que les charges pesant sur lui s'étaient confirmées et avaient fait l'objet d'une précision d'inculpation. Elle estimait en outre qu'il existait toujours des risques concrets de collusion avec les nombreuses personnes impliquées dans ce "trafic de drogue international" et que les précédentes implications de l'intéressé dans des trafics de stupéfiants laissaient craindre qu'il ne récidive. Enfin, la sanction encourue par A.________, sa nationalité étrangère, les liens qu'il avait conservés avec son pays d'origine et le fait qu'il était divorcé et que ses trois enfants vivaient en Angleterre laissaient craindre un risque de fuite qui ne pouvait être paré par les mesures précitées. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il invoque une violation des art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH et se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves et la constatation des faits ainsi que d'une violation de la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH). Il requiert en outre l'assistance judiciaire gratuite. Le Ministère public et la Chambre d'accusation du canton de Genève se sont déterminés; ils concluent au rejet du recours. Le recourant a présenté des observations complémentaires. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF). 
2. 
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion du recourant tendant à ce que le Tribunal fédéral ordonne à l'autorité intimée de mettre fin à sa détention préventive est recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
3. 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 34 CPP/GE (cf. également l'art. 27 Cst./GE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 34 let. a à c CPP/GE). La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 34 in initio CPP/GE). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271; pour la définition de l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b). 
4. 
Dans la mesure où le recourant déclare expressément qu'il ne conteste pas l'existence de charges suffisantes à son encontre, le grief dans lequel il s'en prend à l'ampleur de ces charges apparaît dénué de portée dans le cadre d'une appréciation de la constitutionnalité de la détention préventive. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur ces critiques, étant précisé que si le recourant entendait se plaindre par là d'une durée excessive de la détention au regard de la peine encourue, il lui appartenait de le faire en contestant la proportionnalité de cette mesure dans un grief répondant aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ; le Tribunal fédéral n'examine pas cette question d'office (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 492 consid. 1b p. 495). 
5. 
Le recourant estime que la Chambre d'accusation a retenu à tort qu'il existait un risque de fuite. Il se plaint à cet égard d'une appréciation arbitraire des faits pertinents. 
5.1 Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître ce risque non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). Le fait que l'extradition du prévenu puisse être obtenue n'est pas déterminant (ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36 s.). Lorsqu'elle admet l'existence d'un risque de fuite, l'autorité doit en outre examiner s'il ne peut être contenu par une mesure moins rigoureuse (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 123 I 268 consid. 2c p. 271; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67; 102 Ia 379 consid. 2a p. 381 s. et les arrêts cités), telle que le versement d'une caution. L'importance de la garantie doit être appréciée au regard des ressources du prévenu, de ses liens avec les personnes pouvant lui servir de caution et de la confiance que l'on peut avoir dans le fait que la perspective de perdre le montant agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite (ATF 105 Ia 186 consid. 4a p. 187 et la jurisprudence européenne citée). 
5.2 En examinant le risque de fuite dans l'ordonnance attaquée, la Chambre d'accusation a retenu que les trois enfants du recourant étaient tous majeurs et qu'ils vivaient en Angleterre. Elle a reconnu dans sa détermination que cette dernière constatation était inexacte, dans la mesure où l'un des enfants du recourant était âgé de huit ans et vivait en Suisse. Elle a toutefois considéré que si la présence de cet enfant dans notre pays pourrait diminuer le risque de fuite, elle n'était pas de nature à le supprimer. Selon la jurisprudence, le défaut de motivation d'une décision peut être réparé dans la procédure de recours de droit public, pour autant que le recourant ait eu la possibilité de répliquer et de répondre ainsi aux motifs contenus dans la réponse de l'autorité cantonale (ATF 107 Ia 1 ss; 104 Ia 201 consid. 5f p. 214 et les arrêts cités; cf. également arrêt non publié 1P.265/2006 consid. 1 et les références), comme il a pu le faire en l'espèce. Il y a donc lieu d'examiner la question du risque de fuite à l'aune de la motivation donnée par la Chambre d'accusation dans la procédure de recours de droit public, de sorte que le grief relatif à l'appréciation arbitraire des faits devient sans objet. 
5.3 En l'occurrence, si sa culpabilité devait être établie pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, le recourant s'exposerait à une peine de réclusion ou d'emprisonnement supérieure à une année, s'agissant d'un cas grave de trafic de stupéfiants (art. 19 ch. 1 et 2 LStup). Il convient de rappeler à cet égard que le recourant a été appréhendé alors qu'il s'apprêtait à réceptionner environ 1 kg de cocaïne d'un taux moyen de pureté de l'ordre de 60%, ce qu'il ne conteste pas. Le risque que le recourant veuille échapper à une possible condamnation pénale par la fuite est donc relativement élevé. La Chambre d'accusation estime que ce risque existe en raison du fait que l'intéressé est de nationalité étrangère, qu'il a conservé des liens avec la Jamaïque, où réside sa famille, qu'il est divorcé et que deux de ses enfants sont majeurs et vivent en Angleterre; le fait que son fils de huit ans vive en Suisse n'est pas de nature à supprimer ce risque. 
Le recourant se borne à contester l'intensité de ses liens avec son pays d'origine et à affirmer qu'il n'a pas de rapports étroits avec sa famille en Jamaïque et avec ses enfants en Angleterre, mais il ne démontre pas en quoi l'autorité intimée aurait procédé à une constatation arbitraire de ces faits. Il est en revanche exact que cette autorité n'a pas pris en considération quelques éléments qui dénotent un certain attachement du recourant à la Suisse, notamment le fait qu'il y réside depuis 1996 et que son employeur se déclare prêt à le reprendre à son service au terme de sa détention. Ces éléments n'apparaissent cependant pas suffisants pour dissuader le recourant de prendre la fuite ou disparaître dans la clandestinité, eu égard notamment à la peine qu'il encourt et aux attaches qu'il conserve à l'étranger. 
S'agissant de ses liens familiaux et affectifs en Suisse, le recourant affirme qu'il dort parfois chez son ex-épouse et il produit un extrait de compte prouvant qu'il lui verse une pension alimentaire; on ne voit cependant pas en quoi ces éléments démontreraient un attachement de nature à altérer le risque de fuite. Il apparaît donc que le seul lien relativement solide du recourant avec notre pays réside dans la présence de son fils cadet X.________ en Suisse. Cet enfant de huit ans est placé dans une institution spécialisée près de Zurich, en raison d'un retard dans son développement mental qui s'apparenterait à une forme d'autisme. S'il est vrai que ce handicap peut dissuader le recourant de prendre la fuite avec son fils, le fait de savoir que celui-ci est convenablement pris en charge dans une institution est susceptible de faciliter sa décision de s'en éloigner, ce d'autant plus que l'enfant peut également compter sur la présence de sa mère en Suisse. L'avis de l'avocate de X.________ selon lequel la présence du père est importante pour le développement de l'enfant en raison notamment des abus qu'il aurait subis n'y change rien, dès lors qu'il n'est pas d'emblée garanti que le recourant entende se plier à cette recommandation. A cet égard, il y a lieu de relever que l'intéressé affirme lui-même n'avoir pas conservé de liens étroits avec ses deux autres enfants. C'est donc à juste titre que l'autorité intimée a considéré que cet élément ne supprimait pas le risque de voir le recourant prendre la fuite. 
Quoi qu'il en soit, il y a lieu de craindre que la peine encourue à ce stade de l'instruction n'amène le recourant à faire certains sacrifices pour y échapper. Ainsi, eu égard à ses liens avec l'étranger et au peu d'attaches qu'il conserve dans notre pays, la Chambre d'accusation pouvait considérer que son maintien en détention préventive était justifié par un risque concret de fuite. La proposition du recourant de déposer ses papiers d'identité et de verser une caution d'un montant objectivement faible de 10'000 fr. ne saurait suffire pour pallier ce risque. 
6. 
Le maintien de la détention préventive se justifiant en raison d'un risque concret de fuite, il n'y a pas lieu d'examiner si cette mesure s'impose également en raison d'un danger de récidive ou de collusion, comme l'a retenu la Chambre d'accusation. 
7. 
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 152 al. 1 OJ). Le recourant requiert la désignation de Me Laura Santonino en qualité d'avocate d'office. Il y a lieu de donner droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocate, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
Me Laura Santonino, avocate à Genève, est désignée comme avocate d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1500 fr. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. 
Lausanne, le 2 février 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: