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[AZA 0/2] 
 
1P.311/2001 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
2 juillet 2001 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Vice-président du Tribunal fédéral, Catenazzi et Favre. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
_______________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
A.________, représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 20 mars 2001 par le Tribunal administratif du canton de Genève, dans la cause qui oppose la recourante au Département de justice et police et des transports du canton de Genève; 
(art. 9 Cst. ; amende administrative; droit d'être entendu) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- L'Association X.________ (ci-après: l'Association), aujourd'hui dissoute, a été constituée le 5 avril 1998 dans le but d'animer les locaux de la Maison Y.________ en invitant des disc-jockeys produisant une musique créative et de caractère non commercial, ainsi que de défendre les intérêts de ses membres et des usagers de la Maison Y.________ et du café N.________, aménagé dans les sous-sols de la maison. 
 
Le 21 septembre 1998, le Département de justice et police et des transports du canton de Genève (ci-après: le Département) a délivré à l'Association, agissant par sa présidente, A.________, l'autorisation d'organiser une soirée musicale et dansante à la Maison Y.________ le 26 septembre 1998. A la suite de plaintes de plusieurs voisins, le Département a, par décision du 4 novembre 1998, refusé d'autoriser la tenue de nouvelles manifestations pour les mois de novembre et décembre 1998, jusqu'à droit connu sur le recours de droit public déposé auprès du Tribunal fédéral contre un arrêt rendu le 28 juillet 1998 par le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) confirmant l'ordre de cesser l'exploitation du café N.________. 
 
Statuant par arrêt du 5 octobre 1999 sur un recours de l'Association, le Tribunal administratif a annulé cette décision, après avoir considéré que les nuisances sonores ne dépassaient pas les valeurs limites prescrites par l'ordonnance sur la protection contre le bruit et que les mesures de surveillance prises par les organisateurs des soirées étaient suffisantes pour empêcher les stationnements illicites de véhicules, la dispersion de déchets ou d'autres éléments troublant l'ordre public. 
Le 12 novembre 1999, le Département a refusé l'autorisation d'exploiter une buvette permanente accessoire dans la Maison Y.________, sollicitée par E.________, au nom de l'Association, et ordonné la cessation immédiate de l'exploitation de ladite buvette. Cette décision n'a pas été contestée. 
 
B.- Par décision du 19 juillet 2000, le Département a infligé une amende administrative de 1'500 fr. à A.________, solidairement avec E.________ et l'Association, pour avoir continué à exploiter sans autorisation une buvette permanente à la Maison Y.________ et avoir organisé quatre soirées musicales et dansantes ouvertes au public les 19/20 novembre 1999, 27/28 novembre 1999, 11/12 décembre 1999 et 18/19 mars 2000, en violation des art. 4, 22, 59 et 62 de la loi genevoise sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement, du 17 décembre 1987 (LRDBH). 
 
Par arrêt du 20 mars 2001, le Tribunal administratif a admis le recours de E.________ contre cette décision et rejeté celui de A.________. Il a considéré en substance qu'un établissement soumis à la LRDBH avait été exploité sans autorisation, sans qu'il soit nécessaire de vérifier s'il s'agissait d'une buvette permanente ou temporaire. Il a aussi admis que les soirées litigieuses n'étaient pas des soirées privées, qu'elles étaient assujetties à la LRDBH, voire à la loi genevoise sur les spectacles et les divertissements, du 4 décembre 1992 (LSD), et qu'elles nécessitaient une autorisation. 
Il a enfin retenu qu'en sa qualité de présidente de l'Association, A.________ devait éviter l'exploitation d'une buvette et l'organisation de soirées dansantes et musicales sans autorisation, de sorte que l'amende, qui lui avait été infligée solidairement avec l'Association, était justifiée tant dans son principe que dans sa quotité. 
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ conclut à l'annulation de cet arrêt en tant qu'il la concerne et à sa libération de l'amende de 1'500 fr. qui lui a été infligée; à titre subsidiaire, elle demande le renvoi du dossier au Tribunal administratif pour complément d'instruction et nouvelle décision au sens des considérants. 
Elle voit une violation de son droit d'être entendue dans le refus de la cour cantonale de procéder à l'audition d'un témoin et d'ordonner l'apport du dossier de la procédure close par arrêt du 5 octobre 1999. Elle reproche aussi au Tribunal administratif d'avoir appliqué le droit cantonal de manière arbitraire et de n'avoir pas sanctionné la violation du principe de la bonne foi commise par le Département. Elle conteste enfin toute faute ou négligence et tient pour disproportionné le montant de l'amende qui lui a été infligée. Elle requiert l'assistance judiciaire. 
 
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- A.________ est personnellement touchée par l'arrêt attaqué, qui lui inflige une amende administrative de 1'500 fr. Elle a un intérêt juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé en ce qui la concerne et a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Le recours a été formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale. Il répond donc aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière. 
 
La conclusion subsidiaire tendant au renvoi de la cause au Tribunal administratif pour complément d'instruction et nouvelle décision au sens des considérants est irrecevable en raison de la nature cassatoire du recours de droit public (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5 et la jurisprudence citée). 
 
2.- La recourante voit une violation de son droit d'être entendue dans les refus non motivés du Tribunal administratif de verser au dossier les documents de la cause A/1202/1998, terminée par arrêt du 5 octobre 1999, et d'entendre un témoin, membre du comité de l'Association, censé établir le comportement contraire à la bonne foi dont aurait fait preuve le Département. Elle reproche en outre à la cour cantonale de ne pas avoir statué sur la question de savoir si la buvette exploitée durant les soirées litigieuses avait un caractère permanent ou non alors que cette question était essentielle pour décider si celles-ci étaient soumises à une autorisation. Elle n'invoque cependant sur ces points aucune norme topique du droit cantonal de procédure, de sorte que le mérite de ses griefs doit être examiné librement à la lumière de l'art. 29 al. 1 et 2 Cst. (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités). 
 
a) Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Tel qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst. , le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 126 V 130 consid. 2b p. 131/132; pour la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. , voir ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les références citées). Le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, que la preuve résulte déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il apparaît comme sûr que le moyen de preuve avancé ne serait pas propre à fournir les éclaircissements nécessaires (ATF 124 I 241 consid. 2 p. 242; 124 IV 180 consid. 1a p. 181 et les arrêts cités, concernant l'art. 4 aCst. , jurisprudence pleinement applicable à l'art. 29 al. 2 Cst.). En particulier, la renonciation à l'audition de témoins, dont les dépositions porteraient sur des faits non déterminants ou ne seraient pas en mesure de modifier la conviction du juge, forgée sur d'autres preuves déjà réunies, ne viole pas le droit constitutionnel, ni l'art. 6 § 3 let. d CEDH (ATF 124 I 274 consid. 5b p. 284/285 et les citations). 
 
Quant à l'art. 29 al. 1 Cst. , prohibant le déni de justice formel, il est violé lorsque l'autorité omet de statuer sur une conclusion du recours dont elle est saisie ou sur une question décisive pour l'issue du litige alors qu'elle est compétente pour le faire (cf. ATF 117 Ia 116 consid. 3a p. 117/118 et les arrêts cités; voir aussi, ZBl 96/1995 p. 174 consid. 2 p. 175). 
 
b) Pour vérifier si un moyen de preuve, invoqué au titre de la violation éventuelle du droit d'être entendu, était pertinent pour l'issue de la procédure ou si une question devait impérativement être résolue pour trancher le différend, il faut se référer à l'objet du litige devant la dernière instance cantonale. Celui-là est déterminé par l'objet du recours ("Anfechtungsobjekt"), les conclusions du recours et, accessoirement, les motifs de ce dernier (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 1998 dans la cause C. contre Tribunal administratif du canton de Vaud, reproduit in RDAF 1999 1 254 consid. 4b/cc p. 255; voir aussi Benoît Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390 ss et Alfred Kölz/ Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich 1998, n. 403 ss, p. 149). 
 
En l'espèce, dans sa décision du 19 juillet 2000, le Département reprochait à la recourante et à l'Association qu'elle présidait d'avoir continué l'exploitation d'une buvette permanente au-delà du 12 novembre 1999 et d'avoir organisé quatre soirées musicales et dansantes, ouvertes au public, sans autorisation. Dans son recours devant la dernière instance cantonale, A.________ a contesté avoir exploité une buvette permanente, le bar n'étant ouvert qu'à l'occasion de quelques soirées dansantes, en principe non soumises à autorisation préalable, puisque n'étant pas payantes. 
 
Dans l'arrêt attaqué, du 20 mars 2001, le Tribunal administratif a laissé ouverte la question de savoir si l'établissement exploité par l'Association était une buvette permanente, au sens de l'art. 17 al. 1 let. H LRDBH, ou au contraire une buvette temporaire, selon la définition de l'art. 17 al. 1 let. I LRDBH. Cette question ne pouvait rester indécise, dans la mesure où le Département a notamment justifié l'amende administrative de 1'500 fr. par l'exploitation permanente de la buvette, en dépit de sa décision non contestée du 12 novembre 1999 d'en ordonner la fermeture. Au contraire, la recourante soutient n'avoir organisé que des soirées privées, non soumises à autorisation, et au cours desquelles des boissons étaient consommées, ce qui pourrait correspondre à la définition de la buvette temporaire au sens des art. 17 al. 1 let. I LRDBH et 22 LSD. Il n'était possible à la cour cantonale de ne pas se prononcer sur la nature permanente ou temporaire du débit de boissons que si les quatre soirées reprochées à l'Association et à sa présidente étaient effectivement sujettes à autorisation, car dans ce cas seulement la question était indifférente. Or, sur les quatre soirées incriminées, les trois premières réunissaient de 20 à environ 100 personnes, prétendument invitées, et non astreintes à l'obligation de consommer. Même si l'obtention des invitations paraissait chose facile, en principe aucune personne n'était admise sans avoir obtenu une telle invitation, ou sans accompagner une personne qui en avait reçu une. De plus, l'Association comptant environ 200 membres, les trois premières manifestations peuvent parfaitement correspondre à un événement privé, notamment parce qu'apparemment aucun billet n'a été vendu et que les personnes présentes n'avaient aucune obligation de consommer. Plus délicate est la question de savoir si la soirée des 18/19 mars 2000 répond encore à la définition de "soirée privée", en raison d'une part de l'affluence (environ 250 personnes), et surtout de l'intention des organisateurs d'en tenir une autre le 25 mars 2000, annoncée au moyen d'un prospectus ne posant aucune condition pour limiter l'accès à un cercle déterminé - ou déterminable à tout le moins - de personnes. 
 
Ainsi, le Tribunal administratif devait contrôler pour chacune des quatre soirées leur assujettissement à la LRDBH et, subsidiairement, à la LSD. A ce sujet, en l'état du dossier cantonal, la soirée des 27/28 novembre 1999 apparaît manifestement comme privée en raison d'une participation de 20 personnes invitées et en l'absence de toute indication relative à l'usage du bar. A l'opposé, la soirée des 18/19 mars 2000, fréquentée par environ 250 personnes, formellement invitées, mais selon des critères qui semblent très larges, semble bien davantage devoir être soumise à autorisation, en tout cas pour ce qui est des boissons destinées à être consommées sur place. L'appréciation des deux autres soirées doit également être revue. 
 
En conséquence, le Tribunal administratif ne pouvait statuer ni sur le principe, ni sur la quotité de l'amende administrative notifiée à la recourante, sans examiner chaque soirée pour elle-même ni décider si l'exploitation de la buvette relevait de l'usage d'un établissement permanent ou au contraire temporaire. Sur ces points, le dossier cantonal est incomplet, de sorte que l'arrêt entrepris doit être annulé en tant qu'il concerne la recourante, la cause étant replacée dans la situation où elle se trouvait avant qu'il ne fût rendu. 
Dans la mesure où la procédure cantonale A/1202/1998 est de nature à préciser le statut des soirées litigieuses et les obligations incombant à la présidente de l'Association, le dossier y relatif doit être versé au dossier. 
 
3.- Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours dans la mesure où il est recevable, ce qui rend sans objet la demande d'assistance judiciaire. En vertu de l'art. 156 al. 2 OJ, l'Etat de Genève est dispensé des frais judiciaires. Il versera en revanche une indemnité de dépens à A.________, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable; 
 
2. Annule l'arrêt rendu le 20 mars 2001 par le Tribunal administratif du canton de Genève; 
 
3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire; 
 
4. Dit que l'Etat de Genève versera une indemnité de dépens de 1'000 fr. à la recourante; 
5. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante ainsi qu'au Département de justice et police et des transports et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
 
________________ 
Lausanne, le 2 juillet 2001 PMN/col 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,