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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2P.155/2002 /mks 
 
Arrêt du 3 septembre 2002 
IIe Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Wurzburger, président, 
Betschart, Merkli, 
greffier Langone. 
 
A.________, 
recourant, représenté par Me Mario-Dominique Torello, avocat, rue Monnier 1, case postale 205, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
Département de justice, police et sécurité du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3962, 1211 Genève 3, 
Tribunal administratif du canton de Genève, rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève; 
 
art. 9, 27 et 29 al. 2 Cst. (taxis; amende; dépôt des plaques) 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 4 juin 2002 
 
Faits: 
A. 
En 1967, A.________, né en 1934, a été autorisé à exploiter dans le canton de Genève un service de taxis et à faire immatriculer un véhicule taxi sous plaque minéralogique GE 1.. lui donnant le droit de stationner sur le domaine public. Par la suite, il a obtenu deux autres plaques GE 2.. et GE 3... 
Le 23 mars 1999, B.________ a demandé un permis de stationnement sur le domaine publique en expliquant qu'il exerçait la profession de chauffeur de taxi de manière indépendante et n'être que formellement l'employé de A.________. A cette occasion, une enquête administrative a été ouverte afin de déterminer si ce dernier n'avait pas procédé à la location de plaques minéralogiques liées à un permis de stationnement en violation de la législation genevoise sur les services de taxis. Les divers rapports d'enquête ont permis d'établir notamment que B.________ était le propriétaire du taxi dont il assumait l'entretien et qu'il versait à A.________, entre autres sommes, 900 fr. par mois pour la location des plaques et le montant nécessaire pour payer les cotisations sociales (y compris la part de l'employeur). En fait, A.________ était le détenteur de trois jeux de plaques et avait quatre véhicules immatriculés à son nom, dont deux étaient la propriété de ses chauffeurs. 
B. 
Par décision du 2 octobre 2001, le Département de justice et police et des transports du canton de Genève (aujourd'hui: Département de justice, police et sécurité; ci-après: le Département cantonal) a prononcé le retrait de l'autorisation d'exploiter le service de taxis ainsi que des permis de stationnement GE 2.., 3.. et 1.. dont A.________ était titulaire et lui a infligé une amende administrative de 5'000 fr. Les trois plaques d'immatriculation correspondantes devaient dès lors être déposées au Service des automobiles. 
C. 
Statuant sur recours le 4 juin 2002, le Tribunal administratif du canton de Genève a confirmé la décision précitée du 2 octobre 2001. Il a retenu en bref que toute forme d'organisation d'une entreprise de taxis visant à contourner le système du numerus clausus des permis de stationnement était contraire à la loi. Et tout portait à croire en l'espèce que l'intéressé n'était pas lié à ses chauffeurs de taxis par un contrat de travail au sens du Code des obligations, car il n'existait aucun lien de subordination entre lui et ses chauffeurs: ces derniers étaient libres d'organiser leur temps de travail comme ils l'entendaient et supportaient le risque économique, puisqu'ils devaient verser à A.________ notamment un montant fixe pour la location des plaques, ainsi qu'une somme destinée à couvrir les deux parts des cotisations sociales. D'ailleurs, par jugement du 19 octobre 2001 (qui a été frappé d'appel), le Tribunal des prud'hommes genevois s'était déclaré incompétent pour connaître du litige opposant B.________ à A.________, au motif que ceux-ci n'étaient pas liés par un contrat de travail. 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 4 juin 2002 du Tribunal administratif. 
Celui-ci s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les termes et conclusions de sa décision. Quant au Département cantonal, il conclut au rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
1.1 Le recourant voit une violation de son droit d'être entendu dans le fait que le Tribunal administratif n'a pas donné suite à ses offres de preuves tendant à l'audition en tant que témoins de certains membres de fédérations, sociétés et associations défendant les intérêts de la profession de chauffeurs de taxis. Il se plaint de ne pas avoir pu démontrer que le système de rémunération de ses chauffeurs de taxis était conforme à la pratique genevoise ainsi qu'à l'avenant n° 1 de la Convention collective de travail qui lie les employeurs et les employés chauffeurs de taxis. 
1.2 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 127 III 576 consid. 2c p. 578 s.; 127 V 431 consid. 3a p. 436; 124 II 132 consid. 2b p. 137 et la jurisprudence citée). Le droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et délais prescrits par le droit cantonal. Par ailleurs, cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 V 157 consid. 1d p. 162; 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505/ 506). 
1.3 En l'occurrence, le moyen de preuve proposé par le recourant n'apparaissait pas comme nécessaire pour établir un fait pertinent. En réalité, en ce qui concerne le système de rémunération des chauffeurs, les faits constatés dans l'arrêt attaqué ne sont pas sérieusement contestés par le recourant: seule est litigieuse l'appréciation juridique de ces faits. Quoi qu'il en soit, le Tribunal administratif pouvait, par une appréciation anticipée des preuves proposées échappant à tout grief d'arbitraire, refuser d'y donner suite, eu égard notamment à l'instruction très fouillée menée par l'administration cantonale. Les juges cantonaux pouvaient donc, sur la base de l'ensemble des pièces du dossier, s'estimer suffisamment renseignés sur tous les faits pertinents de la cause et donc juger en connaissance de cause. Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu s'avère donc mal fondé. C'est à juste titre que le Département cantonal ajoute dans ses observations que la Convention collective de travail en question ne prévoit pas que l'employé doit verser une somme d'argent à son employeur pour disposer d'une plaque ou supporter l'ensemble des cotisations sociales, y compris la part de l'employeur. 
2. 
2.1 Le recourant se plaint ensuite d'une constatation et d'une appréciation arbitraires des faits. 
 
Le Tribunal fédéral ne qualifie d'arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 127 I 60 consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée) l'appréciation des preuves que si l'autorité a admis ou nié un fait en se mettant en contradiction évidente avec les pièces et les éléments de son dossier. Une jurisprudence constante reconnaît au juge du fait un large pouvoir d'appréciation en ce domaine (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40 et les références citées). Le Tribunal fédéral n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst., que si le juge cantonal a abusé de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il n'en tient arbitrairement pas compte (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 112 Ia 369 consid. 3 p. 371; 100 Ia 119 consid. 4 p. 127), lorsque des constatations de faits sont manifestement fausses (ATF 101 Ia 298 consid. 5 p. 306; 98 Ia 140 consid. 3a p. 142 et la jurisprudence citée), enfin lorsque l'appréciation des preuves est tout à fait insoutenable (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 116 Ia 85 consid. 2b p. 88). 
2.2 Le recourant fait valoir que c'est de façon arbitraire, soit en contradiction flagrante avec une pièce du dossier, que le Tribunal administratif a considéré, sans la moindre motivation, que l'existence d'un contrat de location découlait de façon évidente du contenu de la lettre adressée le 18 juin 2001 par le conseil de A.________ au mandataire de B.________. Effectivement, le Tribunal administratif a constaté dans la partie "faits" (cf. ch. 6, p. 3 de l'arrêt attaqué) que, sur le vu de cette lettre par laquelle le recourant réclamait une somme de 2'700 fr. à B.________ au titre de contrepartie contractuelle, "l'existence d'un contrat de location était ainsi établie". Il est vrai que l'on ne saurait déduire une telle constatation de cette pièce dont le contenu est peu explicite. Toutefois, cela ne porte pas à conséquence. Car le Tribunal administratif s'est fondé en réalité sur de nombreux autres éléments résultant de l'enquête administrative et de sa propre instruction pour conclure à l'existence d'un contrat de location de plaques entre le recourant et ses "employés". Il pouvait d'autant plus tenir ce fait pour avéré que le recourant avait lui-même reconnu devant le Département cantonal lors de sa confrontation du 29 août 2001 avec B.________ qu'il touchait "un forfait de 900 F (mensuel) pour la mise à disposition des plaques" (cf. p. 2 du procès-verbal). Le recourant allègue certes que de tels propos lui auraient été attribués à tort. Or rien ne permet d'affirmer que le procès-verbal du 29 août 2001 - dont la rectification n'a pas été demandée - contiendrait des inexactitudes ou que les enquêteurs du Département cantonal auraient exercé une pression sur le recourant - qui était assisté de son conseil - pour l'amener à dire des contrevérités. Le recourant ne le démontre en tout cas pas à satisfaction de droit. 
2.3 Selon le recourant, le Tribunal administratif aurait ensuite estimé, de manière insoutenable, que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail au sens du Code des obligations et n'aurait arbitrairement pas tenu compte de la spécificité de la "branche professionnelle des taxis" pour qualifier les relations juridiques avec son personnel. Le recourant expose longuement les caractéristiques de la profession de chauffeurs de taxis et oppose sa propre appréciation des faits à celle retenue par le Tribunal administratif, sans expliquer en quoi la solution retenue par le Tribunal administratif serait arbitraire dans son résultat. Une telle argumentation est toutefois irrecevable, faute de motivation adéquate au sens de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ. En effet, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., l'intéressé ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit. Il doit préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée). Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 127 I 60 consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée). Supposé recevable, ce moyen devrait de toute manière être rejeté. En effet, le recourant ne conteste pas que les chauffeurs de taxis - dont certains sont propriétaires de leur propre véhicule - supportent le risque économique lié à leur activité, qu'ils s'organisent comme ils l'entendent et enfin qu'ils ne reçoivent pas d'instructions de sa part. Or, il n'est pour le moins pas insoutenable d'admettre avec le Tribunal administratif que ces indices ne plaident pas pour l'existence d'un rapport de subordination entre le recourant et les locataires de ses plaques, soit l'un des plus importants éléments caractéristiques du contrat de travail. 
Dans ces conditions, l'arrêt attaqué en saurait être taxé d'arbitraire. 
3. 
3.1 La loi cantonale genevoise du 26 mars 1999 sur les services de taxis (ci-après: LST/GE) prévoit à son art. 6 al. 2 que l'autorisation d'exploiter un service de taxis avec un ou plusieurs employés est strictement personnelle et intransmissible. Il en va de même - sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce - du permis de stationnement d'un véhicule sur les places réservées aux taxis sur le domaine public (art. 8 al. 3 LST/GE). Le nombre maximal des permis de stationnement sur la voie publique est limité en vue d'assurer une utilisation optimale du domaine public et un bon fonctionnement des services de taxis (art. 9 al. 1 LST/GE). L'art. 11 LST/GE prévoit que la location des plaques minéralogiques liées à un permis de stationnement est interdite (cf. aussi art. 36 du règlement du 8 décembre 1999 d'exécution de la loi sur les services de taxis). Selon l'art. 30 al. 1 lettre b LST/GE, en cas d'infraction à la législation notamment, le département peut, en tenant compte de la gravité de l'infraction, prononcer le retrait de l'autorisation d'exploiter ou du permis de stationnement. D'après l'art. 31 al. 1 LST/GE, indépendamment de ces mesures, le département peut infliger une amende administrative de 100 à 20'000 fr. à toute personne ayant enfreint la loi. 
C'est sur la base de cette législation que le Département cantonal a prononcé le retrait de l'autorisation d'exploiter le service de taxis et des permis de stationnement GE 2.., 3.. et 1.. dont le recourant était titulaire, ainsi qu'une amende administrative de 5'000 fr. 
3.2 C'est à tort que le recourant soutient que ces mesures violeraient le principe de la proportionnalité (sur cette notion, ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 et la jurisprudence citée). Au contraire, ces sanctions administratives apparaissent comme proportionnées à la gravité des faits tels que constatés - de manière non arbitraire - par le Tribunal administratif. Le recourant fait valoir qu'on aurait dû lui laisser au moins un permis de stationnement afin qu'il puisse exercer sa profession de chauffeur de taxi indépendant. Mais indépendamment du fait que le recourant est actuellement âgé de soixante-huit ans, force est de constater que le retrait des trois permis de stationnement constituait une mesure adéquate et nécessaire pour s'assurer que le recourant ne procède plus à la location de plaque. Quant au montant de l'amende, il n'est pas non plus disproportionné au point d'apparaître arbitraire. Le recourant se borne à affirmer qu'il s'agit-là d'une lourde sanction, tout en reconnaissant que le montant ne s'approche pas du maximum légal autorisé. 
4. 
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Succombant, le recourant doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). Avec ce prononcé, la requête d'effet suspensif devient sans objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi qu'au Département de justice, police et sécurité et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
Lausanne, le 3 septembre 2002 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: