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[AZA 0/2] 
 
4P.327/2001 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
4 avril 2002 
 
Composition de la Cour: M. Walter, président, Mme Klett et 
M. Favre, juges. Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
_________________ 
 
Statuant sur le recours de droit public formé 
par 
M.________, représenté par Me Pierre Rumo, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 12 novembre 2001 par la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève dans la cause qui oppose le recourant à X.________S. A., représentée par Me Yves Bonard, avocat à Genève; 
 
(art. 29 et 30 Cst. ; déni de justice formel) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Par contrat du 8 mars 1993, la S.I. Y.________ a remis à bail à la carrosserie-sellerie Z.________ ainsi qu'à J.________ et M.________, agissant conjointement et solidairement entre eux, des locaux de 400 m2 au premier étage d'un immeuble situé à Aïre. Conclu pour une durée de cinq ans débutant le 1er mars 1994, le bail était ensuite renouvelable d'année en année à moins qu'il ne soit résilié au moins six mois avant l'échéance. 
 
X.________ S.A. est devenue propriétaire de l'immeuble à une date indéterminée. 
 
En 1998, X.________ S.A. a fait notifier à M.________ un commandement de payer le montant de 24 068 fr., plus intérêts, représentant les arriérés de loyer du 1er mars au 31 octobre 1998, et le montant de 2500 fr. à titre d'indemnité de recouvrement. M.________ a formé opposition. La mainlevée provisoire de l'opposition a été prononcée par jugement du 5 mai 1999. 
 
B.- M.________ a ouvert action en libération de dette. Par jugement du 2 février 2001, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève a condamné M.________ à payer à X.________ S.A. la somme de 24 068 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er mai 1998, ainsi qu'un montant de 1000 fr. à titre d'indemnité de recouvrement; il a prononcé par ailleurs la mainlevée définitive de l'opposition. 
 
Statuant le 12 novembre 2001 sur appel de M.________, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a confirmé le jugement de première instance. 
C.- M.________ interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt de la Chambre d'appel. 
 
X.________ S.A. propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. 
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral examine uniquement les griefs soulevés devant lui de manière claire et détaillée (ATF 127 I 38 consid. 4 p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76). 
 
2.- Selon le jugement de première instance, le recourant, qui a signé le contrat de bail, est débiteur des loyers réclamés. Devant le Tribunal des baux et loyers, le recourant alléguait ne plus "fai[re] partie de la carrosserie Z.________ depuis le 31 juillet 1995"; il n'a produit aucune pièce à l'appui de sa demande, bien que le tribunal ait fixé aux parties un délai à cet effet. Sur ce point, les juges de première instance ont considéré qu'en tout état de cause, le recourant n'indiquait pas avoir informé la bailleresse de ses intentions de quitter la carrosserie, ni s'être fait délier de ses obligations par sa cocontractante. 
 
En appel, le recourant concluait, notamment et pour la première fois, à ce qu'il soit constaté que son engagement à l'égard de l'intimée était nul, subsidiairement, que le bail avait été valablement transféré à J.________ dès le 30 septembre 1995 et, plus subsidiairement, que le bail avait été résilié pour justes motifs à partir de cette date. La Chambre d'appel a considéré qu'en vertu de l'art. 312 de la loi de procédure civile genevoise (ci-après: LPC/GE), elle n'avait pas à statuer sur des conclusions qui n'avaient pas été soumises au premier juge. Par ailleurs, toujours en application de l'art. 312 LPC/GE, la cour cantonale a refusé d'examiner la cause sur la base des faits nouveaux allégués par le recourant, soit son statut d'employé de la carrosserie et le transfert du bail à J.________. 
 
3.- a) Dans un premier grief, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 5 al. 3 Cst. , selon lequel les organes de l'Etat doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Il invoque à cet égard un jugement rendu le 27 octobre 1998 par le Tribunal de première instance du canton de Genève dans une procédure l'opposant à J.________; selon cette décision, le recourant était l'employé de J.________ et n'a jamais été associé de la carrosserie. Le recourant en déduit que s'il était employé, il ne peut à présent être recherché comme colocataire. 
 
b) Le principe de la bonne foi, qui doit imprégner les relations entre l'Etat et le citoyen (art. 5 al. 3 Cst. ; ATF 126 II 97 consid. 4b p. 104/105), impose à l'un et à l'autre de se comporter de manière loyale. En particulier, l'autorité doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper le citoyen et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou d'une insuffisance de sa part (ATF 124 II 265 consid. 4a p. 269/270; 121 I 181 consid. 2a p. 183). 
En l'espèce, le recourant reproche aux juridictions des baux et loyers de n'avoir pas tenu compte d'un jugement rendu par le Tribunal de première instance. Le grief soulevé a trait à l'autorité de chose jugée, qui ne relève pas de l'art. 5 al. 3 Cst. , mais constitue un principe découlant du droit privé fédéral pour tous les jugements rendus en application de celui-ci (ATF 95 II 639; 101 II 375 consid. 1 p. 
 
378; 105 II 149 consid. 1 p. 151; cf. également ATF 123 III 16 consid. 2 p. 18). Comme il pouvait être soulevé dans un recours en réforme, ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), le moyen est irrecevable dans un recours de droit public, qui est une voie de droit subsidiaire selon l'art. 84 al. 2 OJ
 
Au demeurant, supposé recevable, le moyen aurait été manifestement mal fondé. Objectivement, l'autorité de chose jugée est limitée à ce qui a fait l'objet du jugement, c'est-à-dire en principe à son seul dispositif (Poudret, COJ I, n. 4.2 ad art. 38); subjectivement, les jugements n'ont en principe d'effet qu'entre ceux qui ont été parties au procès, leurs héritiers ou ayants droit (ATF 105 II 273 consid. 3a p. 278; 93 II 329 consid. 3b p. 333; 89 II 429 consid. 4 p. 434; cf. également ATF 127 III 453 consid. 5c). Or, la procédure ayant conduit au jugement dont le recourant se prévaut mettait aux prises des parties différentes de celles engagées devant les juridictions des baux et loyers. En outre, il s'agissait, devant le Tribunal de première instance, de déterminer si le recourant disposait d'une prétention en liquidation d'une prétendue société ou association ayant existé entre lui-même et J.________; le litige ne portait donc pas sur un objet identique à celui du procès opposant les parties en matière de bail. Les considérants du jugement du 27 octobre 1998 ne pouvaient dès lors lier la juridiction des baux et loyers. 
 
 
 
4.- a) Invoquant les art. 9 et 29 Cst. , le recourant fait également grief à la Chambre d'appel d'avoir qualifié de nouveaux le fait qu'il n'était pas associé dans la carrosserie en 1993 ainsi que le transfert du bail en 1995, alors que ces faits résultaient du jugement du 27 octobre 1998 et se trouvaient implicitement à la base de l'action en libération de dette. 
 
b) Là aussi, le moyen est irrecevable. En effet, méconnaissant les exigences de motivation rappelées ci-dessus, le recourant n'explique pas en quoi la qualification retenue par la cour cantonale met en jeu la protection contre l'arbitraire garantie à l'art. 9 Cst. ou les garanties générales de procédure, singulièrement le droit d'être entendu, consacrés à l'art. 29 Cst. 
 
5.- a) Le recourant se plaint en outre d'une violation de l'art. 30 al. 1 Cst. ; la Chambre d'appel aurait commis un déni de justice en refusant d'examiner la validité de l'engagement du recourant lors de la conclusion du bail. Par la même occasion, la cour cantonale aurait interprété de manière arbitraire l'art. 312 LPC/GE, qui ne s'appliquerait pas aux moyens de fait et de droit nouveaux. Le recourant observe enfin que la conclusion tendant à la constatation de la nullité du bail avait été formulée implicitement dans son mémoire d'introduction. 
 
b) L'autorité de recours qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par les art. 29 et 30 Cst. (cf. , à propos de l'art. 4 aCst. : ATF 113 Ib 376 consid. 6b p. 389; arrêt du Tribunal fédéral 4P.227/1999 du 6 décembre 1999, consid. 4b). 
 
En deuxième instance, le recourant mettait en cause la validité de son engagement comme colocataire en invoquant son statut d'employé de la carrosserie exploitée par J.________ en raison individuelle. Déterminer si le recourant était lié à J.________ par un contrat de travail ou un contrat de société est une question de droit. Il en va de même du point de savoir si, le cas échéant, le statut d'employé du recourant était propre à rendre nul son engagement comme colocataire. 
A titre subsidiaire, le recourant invoquait encore deux autres arguments de nature juridique, soit le transfert du bail au sens de l'art. 263 CO et le congé extraordinaire au sens de l'art. 266g CO
 
L'art. 312 LPC/GE prohibe en principe les conclusions nouvelles en appel. Si la jurisprudence genevoise restreint la possibilité d'invoquer de nouveaux faits en appel, elle n'empêche pas en revanche de présenter une nouvelle argumentation juridique à ce stade de la procédure (Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, volume II, n. 7 et 8 ad art. 312). En l'occurrence, le recourant a certes formulé en appel trois conclusions supplémentaires, irrecevables en tant que telles. Cependant, les nouveaux moyens de droit présentés en rapport avec ces conclusions venaient également à l'appui de la conclusion en libération de dette, à quoi tendait principalement la demande. 
 
Cela étant, force est de reconnaître qu'en n'examinant pas les nouveaux moyens juridiques soulevés par le recourant, la cour cantonale a commis un déni de justice. Mais, pour que l'arrêt attaqué soit annulé, encore faut-il que les griefs aient été pertinents. Tel n'est pas le cas en l'occurrence. 
 
En signant le bail pour la carrosserie conjointement et solidairement avec J.________, le recourant a, en tout cas, créé l'apparence d'une société simple. Lorsqu'un tiers s'est fié à l'existence d'une société simple et qu'il a conclu une contrat avec ladite société, celui-ci demeure valable même si le contrat de société devait se révéler invalide (ATF 116 II 707 consid. 1b p. 709; Higi, Zürcher Kommentar, n. 110 ad Vorbemerkungen zu Art. 253-274g OR). L'absence de contrat de société entre le recourant et J.________ n'est donc pas de nature à rendre nul l'engagement du recourant envers la bailleresse. Par ailleurs, l'art. 145 al. 1 CO ne permet pas à un débiteur solidaire d'opposer au créancier des exceptions liées à ses rapports internes avec son ou ses codébiteurs. 
Pour se soustraire à ses obligations, le recourant ne pouvait, en toute hypothèse, se prévaloir de l'art. 327a al. 3 CO, qui déclare nuls les accords en vertu desquels le travailleur supporte lui-même tout ou partie de ses frais nécessaires. 
Le cas particulier se distingue à cet égard de la situation envisagée dans l'arrêt publié aux ATF 124 III 305; en effet, l'intimée, qui avait repris le bail, n'était pas censée connaître le statut exact du recourant dans la carrosserie, statut qui, du reste, a donné lieu à une procédure judiciaire. 
 
La thèse du transfert du bail commercial entre le recourant et J.________ n'était pas plus défendable, puisque ce dernier était déjà, en tant que colocataire solidaire, titulaire de tous les droits et obligations résultant du contrat. 
Enfin, le principe de l'indivisibilité du congé s'opposait à toute résiliation unilatérale de la part d'un colocataire, fût-ce pour justes motifs (Higi, op. cit. , n. 84 ad Vorbemerkungen zu Art. 266-266o OR). 
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
 
6.- Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires seront mis à la charge du recourant (art. 156 al. 1 OJ). 
Ce dernier versera en outre à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la charge du recourant; 
 
3. Dit que le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève. 
 
____________ 
Lausanne, le 4 avril 2002 ECH 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, La Greffière,