Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.445/2006 /col 
 
Arrêt du 4 août 2006 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aeschlimann, Juge présidant, 
Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Ridha Ajmi, avocat, 
contre 
 
Procureur général du canton de Genève, 
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 
1211 Genève 3, 
Chambre d'accusation du canton de Genève, 
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 
1211 Genève 3. 
 
Objet 
prolongation de la détention préventive, 
 
recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 
11 juillet 2006. 
 
Faits: 
A. 
A.________, ressortissant lybien né le 1er septembre 1969, a été interpellé le 2 avril 2006 et placé en détention préventive sous l'inculpation de contrainte sexuelle. Il est soupçonné d'avoir forcé B.________, alors âgée de 19 ans, à entretenir des relations sexuelles avec lui en date du 13 mars 2006. 
L'examen médical que la jeune femme a subi le même jour fait état d'ecchymoses d'aspect frais sur les seins. Des traces de sperme du prévenu ont par ailleurs été relevées à l'intérieur du pantalon de la victime présumée, au niveau de la taille, et sur l'écouvillon anal de la jeune femme. 
A.________ conteste les faits et soutient que la plaignante a voulu se venger parce qu'il n'avait pas payé le montant convenu après le rapport sexuel librement consenti. 
Lors de l'audience du 3 avril 2006 devant le Juge d'instruction en charge du dossier, le prévenu a fait scandale déchirant sa chemise et son tee-shirt. Il a par ailleurs tenu des propos incohérents, qui ont amené ce magistrat à ordonner la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique confiée au Docteur C.________, médecin psychiatre à Vernier. 
Le 12 juin 2006, A.________ a déposé une demande de mise en liberté provisoire afin de pouvoir retourner vivre avec sa femme et ses deux filles récemment arrivées en Suisse. Le Juge d'instruction a rejeté cette requête en date du 15 juin 2006 au motif que le statut psychique apparent de l'inculpé laissait craindre un risque de récidive dont seule l'expertise psychiatrique envisagée était en mesure de déterminer le degré. La Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) en a fait de même le 16 juin 2006. Elle a considéré que le comportement inadéquat du prévenu devait faire l'objet d'une expertise psychiatrique, pour laquelle l'expert devait être assermenté le 21 juin 2006, et qu'en l'absence du résultat de cet examen, les besoins de l'instruction et le risque de récidive étaient réalisés. 
Le 3 juillet 2006, l'expert mandaté pour procéder à l'expertise psychiatrique du prévenu, a déposé un rapport intermédiaire. Au vu des éléments en sa possession, de la gravité des faits reprochés au prévenu et de l'existence d'un grave trouble de la personnalité, il a estimé que l'élargissement était prématuré et n'offrait pas de garanties suffisantes, un risque de récidive d'actes délictueux ne pouvant être exclu en l'état. 
Le 11 juillet 2006, la Chambre d'accusation a autorisé la prolongation de la détention de A.________ pour une durée de trois mois. Elle a estimé que les charges étaient toujours suffisantes au vu des éléments du dossier et malgré les dénégations de l'inculpé, que les besoins de l'instruction étaient réels en raison de l'expertise en cours, que le risque de récidive existait, comme l'a confirmé l'expert dans son rapport intermédiaire du 3 juillet 2006, et qu'un risque de fuite ne pouvait être exclu en raison de la nationalité étrangère de l'inculpé et de la peine encourue. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision, qui violerait son droit à la liberté personnelle garanti par les art. 10 al. 2, 31 al. 1 Cst. et 5 CEDH, et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il requiert l'assistance judiciaire. 
La Chambre d'accusation et le Procureur général du canton de Genève concluent au rejet du recours. 
Le recourant a répliqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recourant est personnellement touché par la décision attaquée qui ordonne la prolongation de sa détention préventive pour une durée de trois mois; il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision soit annulée, et a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière. Les conclusions du recourant tendant à sa libération immédiate sont par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
2. 
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). 
Selon l'art. 34 du Code de procédure pénale genevois (CPP gen.), le mandat d'arrêt ne peut être décerné que s'il existe contre l'inculpé des charges suffisantes et si, en outre, la gravité de l'infraction l'exige (let. a), si les circonstances font penser qu'il y a danger de fuite, de collusion ou de nouvelle infraction (let. b) ou si l'intérêt de l'instruction l'exige (let. c). En vertu de l'art. 35 CPP gen., la durée du mandat d'arrêt est de 8 jours (al. 1). La Chambre d'accusation peut, à la demande du juge d'instruction, autoriser que la détention soit prolongée, lorsque les circonstances font apparaître cette mesure comme indispensable (al. 2). Cette autorisation ne peut être donnée que pour 3 mois au maximum; elle peut être renouvelée aux mêmes conditions (al. 3). L'art. 186 CPP gen. dispose que lorsque la Chambre d'accusation est saisie d'une demande de prolongation de la détention, elle l'examine dans sa plus prochaine audience. L'art. 187 CPP gen. précise que si les conditions posées par l'article 35 sont réunies, elle autorise la prolongation de la détention (al. 1). En cas de refus, elle ordonne que l'inculpé soit remis immédiatement en liberté (al. 2). 
3. 
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes à son encontre. 
3.1 Le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement vérifier s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons encore peu précis peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit en revanche apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 144 consid. 3c p. 146). 
3.2 En l'occurrence, la Chambre d'accusation s'est fondée sur les déclarations de la plaignante pour admettre l'existence de charges suffisantes à l'encontre du recourant. B.________ a fait une relation précise des actes qualifiés de contrainte sexuelle dont elle aurait été la victime le 13 mars 2006, désignant expressément le recourant comme son agresseur; elle a confirmé sa version des faits lors de la confrontation qui s'est tenue le 19 mai 2006. Le fait qu'elle ne se soit pour l'heure pas constituée partie civile ne constitue pas nécessairement un aveu de l'inconsistance des accusations portées contre le recourant, l'infraction dénoncée étant poursuivie d'office. Le fait que les marques relevées sur les seins de la victime ou que les traces du sperme du recourant mises en évidence à l'intérieur du pantalon et sur l'anus de la jeune femme sont compatibles avec des relations sexuelles librement consenties ne suffisent pas à ôter toute crédibilité aux accusations de contrainte sexuelle portées contre lui, dans la mesure où elles sont également conformes à la version des faits de la plaignante. Quant à la thèse du recourant suivant laquelle il serait l'objet d'une vengeance de la part de B.________, parce qu'il ne l'aurait pas rémunérée pour sa prestation comme il le lui avait promis, elle n'est pas plus plausible que celle de la jeune femme et il appartiendra au juge du fond d'examiner si elle l'emporte sur celle-ci. 
Cela étant, l'existence de charges suffisantes ne saurait sérieusement être contestée. Sur ce point, le recours est mal fondé. 
4. 
Le recourant conteste également l'existence d'un risque de réitération invoqué pour prolonger sa détention préventive. 
4.1 L'autorité appelée à statuer sur la mise en liberté provisoire d'un prévenu peut en principe maintenir celui-ci en détention s'il y a lieu de présumer, avec une certaine vraisemblance, l'existence d'un danger de récidive. Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de délits sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important; en pareil cas, il convient de tenir compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le principe de la proportionnalité impose en outre à l'autorité qui estime se trouver en présence d'une probabilité sérieuse de réitération d'examiner si l'ordre public pourrait être sauvegardé par une autre mesure moins incisive que le maintien en détention propre à atteindre le même résultat, telles que la mise en place d'une surveillance médicale, l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité ou l'instauration d'autres mesures d'encadrement (ATF 123 I 268 consid. 2c in fine et 2e p. 270/271 et les arrêts cités). 
4.2 En l'occurrence, les actes reprochés au recourant sont graves, puisque ce dernier est inculpé de contrainte sexuelle sur la personne d'une jeune fille de 19 ans. La Chambre d'accusation fonde l'existence d'un risque concret de récidive sur les conclusions défavorables d'un rapport intermédiaire d'expertise établi le 3 juillet 2006 à la demande du juge d'instruction, à la suite du comportement du recourant lors de l'audience du 3 avril 2006. 
L'expert a déclaré ne pas avoir constaté de pathologie psychiatrique manifestement décompensée lors des deux entretiens qu'il a eus avec l'expertisé; il a néanmoins retenu l'existence d'un grave trouble de la personnalité, fondé sur les antécédents psychiatriques du recourant et sur son comportement à l'audience du 3 avril 2006. Compte tenu de cet élément et de la gravité des faits reprochés au recourant, lequel ne reconnaît pas les faits malgré les lourdes charges retenues contre lui, il considère que l'élargissement de l'intéressé est prématuré et n'offre pas de garanties suffisantes, un risque de récidive d'actes délictueux ne pouvant être exclu en l'état. 
Le recourant reproche à l'expert de s'être basé sur des éléments de fait et un rapport d'expertise remontant à plus de dix ans, alors qu'il se trouvait dans une situation personnelle difficile, dans la mesure où sa demande d'asile avait été rejetée. L'expert n'aurait pas tenu compte des changements intervenus depuis lors et, en particulier, de sa nouvelle situation sociale et familiale. Le comportement inadéquat adopté lors de l'audience devant le juge d'instruction le 3 avril 2006 ne saurait justifier à lui seul un risque de récidive. Il s'expliquait par la peur de perdre sa famille et de se retrouver en prison, après avoir été incarcéré cinq ans dans les prisons de son pays d'origine pour des raisons politiques. Les conditions d'un traitement adéquat seraient réunies depuis que sa famille est arrivée en Suisse et qu'il est au bénéfice d'une décision fédérale positive quant à sa demande d'asile en Suisse. 
Ces critiques ne permettent pas de mettre en cause l'appréciation de l'expert quant au risque de récidive. Lors de son interpellation le 2 avril 2006, le recourant s'est soudain montré excessivement nerveux, puis hystérique lorsqu'il a été questionné sur la plainte pénale déposée par B.________ et qu'une photographie de la jeune femme lui a été présentée; il a dû être maîtrisé et menotté, pour sa propre sécurité; au vu de son état, il a été transféré aux urgences de l'hôpital cantonal sous escorte policière après avoir été examiné par le psychiatre de garde des Hôpitaux Universitaires de Genève. Au cours de l'audience tenue le lendemain, le recourant a fait scandale et déchiré ses habits en s'approchant du juge d'instruction, contraignant celui-ci à actionner l'alarme; l'expert pouvait sans conteste admettre que ce comportement était révélateur d'un grave trouble de la personnalité de nature à faire planer de sérieux doutes sur l'état psychique du prévenu et sur la faculté de contrôler son agressivité. Par ailleurs, si l'on s'en tient aux faits relatés par la plaignante, le recourant a fait usage de la force pour contraindre sa victime à entretenir des relations sexuelles. Enfin, comme le relève l'expert sans être contredit sur ce point, il a fait l'objet par le passé de plusieurs plaintes pénales émanant de femmes pour agressions avec violences physiques, actes de contrainte sexuelle, dommages à la propriété, insultes et menaces. 
Dans ces circonstances, la Chambre d'accusation n'avait aucune raison objective de s'écarter des conclusions de l'expertise et pouvait redouter la commission de nouveaux actes de violence, en relation avec des actes de contrainte sexuelle, si le recourant était remis en liberté provisoire. Le fait que celui-ci soit marié et père de deux enfants ne l'a pas dissuadé d'entretenir des relations sexuelles avec une tierce personne, qu'elles soient ou non librement consenties. La présence en Suisse de sa femme et de ses enfants ne constitue donc nullement une garantie suffisante qu'il ne commettra pas à l'avenir des actes de même nature. 
Certes, la Chambre d'accusation n'a pas examiné si le risque de récidive pouvait être pallié ou ramené dans des limites admissibles par d'autres mesures moins graves que la détention. L'expert ne s'est pas prononcé sur cette question. Comme le relève à juste titre la Chambre d'accusation dans ses observations, la mission d'expertise n'est pas achevée; le rapport déposé par le Docteur C.________ le 3 juillet 2006 est un rapport intermédiaire que son auteur devra compléter et affiner en fonction du résultat des investigations complémentaires entreprises, qui lui permettra de définir les mesures propres à écarter le risque de récidive. Cela étant, on ne saurait reprocher à la Chambre d'accusation d'avoir considéré que le maintien de la détention préventive constituait en l'état le seul moyen pour parer au risque de récidive. Toutefois, compte tenu de la gravité de l'atteinte que cette mesure porte à la liberté personnelle du recourant, il conviendra que l'expert achève au plus vite sa mission et, si cela n'est pas possible dans un délai raisonnable, qu'il se prononce dans un rapport complémentaire sur les possibilités éventuelles de pallier au risque de récidive par des mesures d'encadrement spécifiques. 
Le maintien de la détention préventive se justifiant en raison d'un risque concret de récidive, il n'y a pas lieu d'examiner si cette mesure s'impose également en raison d'un danger de fuite ou pour les besoins de l'instruction, comme l'a retenu la Chambre d'accusation. Pour le surplus, le recourant ne prétend pas que la détention préventive subie à ce jour serait excessive au regard de la peine encourue en cas de condamnation; en l'absence de grief à ce sujet, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office cette question (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495). 
5. 
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire étant réunies, il y a lieu de statuer sans frais (art. 152 al. 1 OJ); Me Ridha Ajmi est désigné comme défenseur d'office du recourant et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires par la caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Ridha Ajmi est désigné comme défenseur d'office et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi qu'au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. 
Lausanne, le 4 août 2006 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le juge présidant: Le greffier: