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2A.268/2000 
[AZA 0] 
 
IIe COUR DE DROIT PUBLIC 
*********************************************** 
 
4 septembre 2000 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président, 
Hungerbühler et Meylan, juge suppléant. 
Greffière: Mme Rochat. 
 
______ 
 
Statuant sur le recours de droit administratif 
formé par 
E.________, représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat à la Chaux-de-Fonds, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 5 mai 2000 par le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, dans la cause qui oppose le recourant au Département de l'économie publique du canton de Neuchâtel; 
(art. 9 al. 4 lettre a LSEE: révocation d'une autorisation 
d'établissement) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Ressortissant tunisien né en 1953, E.________ a fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 26 août 1994 pour séjour et travail sans autorisation après entrée en Suisse sans visa. Cette mesure a été annulée le 4 août 1993, après que E.________ eut épousé, le 2 janvier précédent à Tunis, H.________, ressortissante suisse domiciliée à X.________, dont il a eu une fille, A.________, née le 24 janvier 1991, mais qu'il avait, dans un premier temps, refusé de reconnaître. Revenu en Suisse le 19 août 1993, il a obtenu une autorisation de séjour annuelle renouvelable. A cette époque déjà, il ne faisait cependant plus régulièrement ménage commun avec son épouse. 
 
Le 1er octobre 1993, E.________ a enlevé sa fille A.________ pour l'emmener en Tunisie; il est toutefois revenu en Suisse où il a vécu quelque temps avec sa femme, puis a quitté le domicile conjugal le 24 novembre 1994. Il ressort d'un rapport de police du même jour que H.________ avait la ferme intention de demander le divorce, en raison notamment de l'enlèvement de sa fille. Ce rapport signale aussi que E.________ a déclaré avoir une dette d'assistance d'environ 20'000 fr. et des dettes privées pour environ 4'000 fr. En outre, dans une note interne du 20 février 1995, l'Office cantonal des étrangers relève que l'intéressé est à la charge des services sociaux. 
 
Par jugement du 25 juillet 1996, le Tribunal de police du district de X.________ a condamné E.________ à dix jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour s'être rendu coupable de séquestration, en 1990, sur la personne de sa future épouse; il a en revanche été libéré de cette même accusation pour avoir, en 1994, enfermé son épouse et le premier mari de celle-ci durant environ un quart d'heure. 
 
B.- Le 18 mars 1998, E.________ a demandé la délivrance d'un permis d'établissement. L'Office cantonal des étrangers a alors fait établir un rapport par la police cantonale, d'où il résulte que l'intéressé a déclaré vivre séparé de son épouse depuis deux ans environ, sans qu'aucune démarche officielle n'ait été entreprise, qu'il voyait sa fille toutes les deux semaines, mais qu'il n'avait pas les moyens de lui verser une pension. 
 
Sur la base de ces faits, l'Office cantonal des étrangers a délivré à E.________ une autorisation d'établissement valable dès le 20 avril 1998. 
 
C.- Le 11 juin 1998, le Tribunal civil du district de X.________ a prononcé le divorce des époux E.________. 
 
Par décision du 1er septembre 1999, l'Office cantonal des étrangers a alors révoqué l'autorisation d'établissement octroyée à E.________ et lui a fixé un délai de départ au 30 novembre suivant. 
 
D.- E.________ a recouru auprès du Département de l'économie publique, puis au Tribunal administratif. 
 
Par arrêt du 5 mai 2000, la juridiction cantonale a considéré en substance que l'intéressé avait commis un abus de droit en se prévalant de son mariage pour obtenir la délivrance d'une autorisation d'établissement, car l'autorisation sollicitée n'aurait jamais été délivrée si l'Office cantonal des étrangers avait su qu'un divorce était imminent. Quant à l'art. 8 CEDH, il ne s'opposait pas à son éloignement de Suisse dès lors que le recourant n'avait jamais été à même d'assurer entièrement son entretien ni, à plus forte raison, celui de sa fille et que, si son retour en Tunisie allait assurément compliquer l'exercice de son droit de visite, il ne le rendrait toutefois pas impossible. 
 
E.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, E.________ conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif du 5 mai 2000 et demande au Tribunal fédéral de constater que le permis d'établissement délivré le 20 avril 1998 ne doit pas être révoqué. Il présente également une demande d'assistance judiciaire complète. 
 
Le Tribunal administratif et le Département de l'économie publique concluent au rejet du recours. L'Office fédéral des étrangers se prononce dans le même sens. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 125 II 293 consid. 1a p. 299 et les arrêts cités). 
 
Dirigé contre une décision confirmant la révocation d'une autorisation d'établissement, le présent recours est recevable en vertu de l'art. 101 lettre d in fin OJ. 
 
2.- a) Selon l'art. 9 al. 4 lettre a de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142. 20), l'autorisation d'établissement est révoquée lorsque l'étranger l'a obtenue par surprise, en faisant de fausses déclarations ou en dissimulant des faits essentiels. 
 
Selon la jurisprudence, cette disposition implique de la part de l'intéressé une volonté de tromper (ATF 112 Ib 473 consid. 3b p. 474-475). Même lorsque cette condition est réalisée, l'autorité n'est pas tenue dans tous les cas de prononcer la révocation; elle dispose d'une certaine marge d'appréciation qui lui permet, le cas échéant, de renoncer à cette mesure lorsque les circonstances du cas particulier le justifient (ATF 112 Ib 473 consid. 4 p. 477). 
 
b) En l'espèce, le recourant fait valoir qu'en déclarant, le 29 mars 1998, qu'aucune démarche n'avait été entreprise, il n'entendait nullement tromper l'autorité, mais simplement souligner qu'il n'avait pas lui-même demandé le divorce. De plus, il proteste de sa bonne foi, dès lors que ses difficultés conjugales étaient notoires. 
 
Comme la déclaration incriminée signifiait sans ambiguïté qu'aucune procédure de divorce n'avait été engagée de part et d'autre, le recourant ne saurait être suivi sur ce point. Il ne peut davantage tirer argument du fait que l'autorité aurait dû s'apercevoir de la fausseté de cette déclaration sur la base des éléments figurant au dossier. Même s'il y a eu incontestablement dysfonctionnement du côté de l'administration qui a omis de vérifier la déclaration en cause, il serait choquant que le recourant puisse en profiter. 
En outre, l'intéressé ne saurait se prévaloir de la jurisprudence précitée (ATF 112 Ib 473 ss) pour échapper à une mesure de révocation. Dans l'affaire jugée par cet arrêt, il s'agissait en effet de la révocation de l'autorisation d'établissement d'une épouse, elle-même de bonne foi, à raison des fausses déclarations faites intentionnellement par son mari. 
La confirmation de cette mesure aurait plongé l'intéressée dans une situation telle qu'elle heurtait violemment le sentiment de l'équité, au point d'apparaître arbitraire. Or, de telles circonstances n'existent manifestement pas en l'espèce. 
 
c) Il est par ailleurs certain que si l'autorité ne s'était pas laissée abuser par les déclarations du recourant, elle n'aurait pu que refuser l'autorisation sollicitée. 
 
Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour; après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, il a droit à l'autorisation d'établissement; ce droit s'éteint lorsqu'il existe un motif d'expulsion. D'après l'alinéa 2 de la même disposition, ce droit n'existe pas lorsque le mariage a été contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers et notamment celles sur la limitation du nombre d'étrangers. Il n'existe pas non plus lorsque le conjoint étranger invoque abusivement une union conjugale qui ne subsiste plus que de manière purement formelle. 
 
Il y a abus de droit notamment lorsqu'une institution juridique est utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts que cette institution juridique n'est pas destinée à protéger (ATF 121 II 97 consid. 4 p. 103). 
 
Le Tribunal fédéral a affirmé à plusieurs reprises que le fait d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE peut être constitutif d'un abus de droit en l'absence même d'un mariage contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers. L'existence d'un tel abus doit être appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue, seul l'abus manifeste pouvant être pris en considération. 
Elle ne peut être déduite du simple fait que les époux vivent séparés et il ne suffit pas non plus qu'une procédure de divorce soit entamée. Toutefois, il y a abus de droit lorsque le conjoint étranger invoque une mariage n'existant plus que formellement dans le seul but d'obtenir une autorisation de séjour, car ce but n'est pas protégé par l'art. 7 LSEE (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103/104). 
Dans le cas particulier, il est établi qu'à la date où l'autorisation d'établissement a été sollicitée, soit le 18 mars 1998, les époux vivaient séparés depuis plusieurs années, qu'une demande en divorce avait été introduite en octobre 1995 déjà et que le divorce a été prononcé peu après la demande d'autorisation, le 18 juin 1998. A cette époque, le mariage des époux E.________ n'avait donc plus qu'une existence purement formelle et le recourant commettait un abus de droit en l'invoquant à l'appui d'une demande de permis d'établissement fondée sur l'art. 7 al. 1 LSEE. 3.- a) Le recourant invoque également l'art. 8 CEDH
 
 
Il fait valoir en substance que la mesure incriminée reviendrait à l'empêcher d'exercer son droit de visite, de sorte que les intérêts purement financiers invoqués par l'arrêt attaqué ne sauraient prévaloir sur son intérêt privé à pouvoir demeurer en Suisse pour y voir sa fille; il se réclame à ce sujet de l'arrêt rendu le 21 juin 1988 par la Cour européenne des droits de l'homme dans une affaire Berrehab. 
 
Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par cette disposition pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille et obtenir ainsi une autorisation de séjour. 
Encore faut-il cependant que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille ayant le droit de s'établir en Suisse (en principe nationalité suisse ou autorisation d'établissement) soit étroite et effective (ATF 122 II 1 consid. 1e p. 5, 289 consid. 1c p. 292; 120 Ib 1 consid. 1d p. 3, 6 consid. 1 p. 8, 16 consid. 3a p. 21 et 257 consid. 1cp. 259). 
 
 
 
b) En l'espèce, l'enfant A.________ est de nationalité suisse et il est constant que son père entretient avec elle une relation étroite et effective. L'art. 8 CEDH est donc en principe applicable. Un étranger qui, comme le recourant, n'a pas la garde de son enfant, mais n'exerce qu'un droit de visite limité, ne saurait toutefois nécessairement prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour ou d'établissement. 
Dans un tel cas, le droit de visite peut en effet être exercé depuis l'étranger, au besoin en aménageant les modalités de ce droit pour ce qui touche à sa fréquence et à sa durée, quand bien même son exercice sera compliqué par le départ du père recourant dans son pays d'origine (ATF 120 Ib 22 consid. 4a et b p. 24/25). Il y a lieu également de tenir compte du fait que l'intéressé est à la charge des services sociaux et qu'il ne s'acquitte que partiellement de son obligation d'entretien à l'égard de sa fille. Dans ces conditions, il n'a pas un intérêt privé prépondérant à pouvoir demeurer en Suisse uniquement pour exercer son droit de visite. 
Pour le reste, il faut constater qu'il existe des différences importantes avec l'affaire Berrehab dont se prévaut le recourant: 
le comportement de cet étranger au Pays-Bas avait en effet toujours été irréprochable et les rapports qu'il entretenait avec sa fille étaient d'une grande intensité. Le Tribunal administratif était donc fondé à considérer que les conditions d'octroi d'une autorisation sur la base de l'art. 8 CEDH n'étaient pas réunies. 
 
 
4.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Comme il n'était cependant pas d'emblée dépourvu de toute chance de succès et qu'il résulte du dossier que le recourant est indigent, la demande d'assistance judiciaire peut être admise. Il y a lieu en conséquence de statuer sans frais et de nommer Me Jean-Daniel Kramer en qualité de conseil d'office du recourant pour la présente procédure, à charge pour la Caisse du Tribunal fédéral de lui allouer une indemnité de conseil d'office (art. 152 al. 1 et 2 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral, 
 
1.- Rejette le recours. 
 
2.- Admet la demande d'assistance judiciaire. 
 
3.- Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
4.- Dit que Me Jean-Daniel Kramer, avocat à la Chaux-de-Fonds, est désigné comme avocat d'office du recourant et que la Caisse du Tribunal fédéral lui versera une indemnité de 1'500 fr. à titre d'honoraires. 
 
5.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Département de l'économie publique et au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, ainsi qu'à l'Office fédéral des étrangers. 
 
____________ 
Lausanne, le 4 septembre 2000 ROC/elo 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
La Greffière,