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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.218/2003 /col 
 
Arrêt du 7 mai 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Paul Marville, avocat, 
case postale 234, 1001 Lausanne, 
 
contre 
 
Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai Maria-Belgia 18, case postale, 
1800 Vevey, 
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
art. 10 al. 2 et art. 36 al. 2 et 3 Cst., art. 5 CEDH (détention préventive), 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 27 février 2003. 
 
Faits: 
A. 
Le 10 novembre 2001 vers 18h30 à Vevey, le ressortissant portugais A.________ a tiré sept coups de feu sur son compatriote B.________, sans l'atteindre. Arrêté, A.________ a été soumis à un contrôle de son alcoolémie, qui a révélé un taux de 1,48g d'alcool par kg à 19h10. 
Un différend financier serait à l'origine de l'affaire: B.________ aurait menacé l'épouse de A.________, qui lui devait de l'argent. A.________ aurait agi par peur de B.________ et pour venger sa femme. 
Le 11 novembre 2001, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois a inculpé A.________ de tentative de meurtre, de mise en danger de la vie d'autrui, d'infraction à la LArm, voire d'infraction à la LCR, et ordonné son placement en détention préventive à la prison de La Croisée à Orbe. 
Le 14 novembre 2001, le Juge d'instruction a inculpé B.________ de menaces et de contrainte. Le 14 février 2002, il a ordonné une expertise psychiatrique de A.________. 
Le 1er mai 2002, le Juge d'instruction a joint à cette procédure celle ouverte à raison de diverses plaintes pour escroquerie formées contre A.________. 
Le 31 juillet 2002, les médecins psychiatres Winterhalter et Merz de la clinique de la Fondation de Nant, à Corsier, ont déposé leur rapport d'expertise. Selon les conclusions de ce document, A.________ présentait, au moment des faits, un trouble anxieux et dépressif, qu'il tentait de soulager par une consommation excessive d'alcool. Le risque de récidive de meurtre paraissait "modeste", à condition que A.________ traite son alcoolisme. Le risque de récidive d'une infraction à la LArm restait "possible". Un traitement ambulatoire de l'alcoolisme était indispensable. 
Le 28 août 2002, le Juge d'instruction a ordonné un complément d'expertise. 
Le 23 octobre 2002, le Juge d'instruction a rejeté la requête de libération provisoire présentée le 22 octobre 2002 par A.________, dans l'attente du rapport d'expertise complémentaire. 
Le 6 décembre 2002, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision, qu'il a confirmée. Le Tribunal d'accusation a écarté l'existence d'un risque de fuite et retenu un risque de récidive, ce point devant toutefois être encore éclairci. La durée de la détention préventive n'était pas disproportionnée. 
Le 14 janvier 2003, le Juge d'instruction a inculpé A.________ de crime manqué d'assassinat. 
Le 16 janvier 2003, le Dr Winterhalter a déposé son rapport complémentaire. Il a confirmé que A.________ souffrait d'un trouble de la personnalité avec des traits paranoïaques et rigides, compensé par l'abus d'alcool. Au moment des faits, A.________ se trouvait dans une situation de crise provoquée par la menace de la faillite de son commerce et de la séparation d'avec son épouse. Les menaces exercées à l'encontre de celle-ci, une dispute téléphonique avec B.________ le jour des faits, et une grande ingestion d'alcool l'avaient mis dans un tel état de rage que les dernières barrières avant le passage à l'acte étaient tombées. Selon l'expert, le risque de réitération serait modeste, à condition que A.________ entreprenne un traitement ambulatoire de son alcoolisme. 
Le 31 janvier 2003, le Juge d'instruction a rejeté la demande de libération provisoire présentée par A.________. Le 27 février 2003, le Tribunal d'accusation a rejeté le recours formé contre cette décision, qu'il a confirmée. Le Tribunal d'accusation s'est référé à sa décision du 6 décembre 2002 et a retenu l'existence d'un risque de récidive. 
Le 25 mars 2003, le Juge d'instruction a renvoyé devant le Tribunal correctionnel de l'Est vaudois A.________ comme prévenu de crime manqué d'assassinat, subsidiairement de crime manqué de meurtre, de mise en danger de la vie d'autrui, d'abus de confiance et d'escroquerie, ainsi que d'infraction à la LCR et à la LArm. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 27 février 2003 et d'ordonner sa libération immédiate. Il invoque les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, ainsi que l'art. 59 CPP/VD. 
Le Tribunal d'accusation se réfère à sa décision. Le Ministère public conclut au rejet du recours. 
Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses conclusions dans le délai prolongé à sa demande. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public n'a qu'un effet cassatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 III 50 consid. 1b p. 53; 126 I 213 consid. 1c p. 216/217; 126 II 377 consid. 8c p. 395; 126 III 534 consid. 1b p. 536, et les arrêts cités). Il est fait exception à ce principe lorsque l'admission du recours ne suffit pas à rétablir une situation conforme à la Constitution et qu'une mesure positive est nécessaire. Tel est le cas notamment lorsqu'une mesure de détention préventive n'est pas - ou n'est plus - justifiée (ATF 115 Ia 293 consid. 1a p. 297; 107 Ia 256 consid. 1 p. 257; 105 Ia 26 consid. 1 p. 29). La conclusion tendant à la libération immédiate du recourant est ainsi recevable. 
2. 
La liberté personnelle est garantie (art. 10 al. 2 Cst.). Nul ne peut en être privé si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit (art. 31 al. 1 Cst.). Le Tribunal fédéral examine à la lumière de la garantie de la liberté personnelle si le maintien en détention d'un prévenu se justifie pour des raisons objectives. Les principes que la Convention européenne des droits de l'homme consacre, essentiellement à son art. 5, sont pris en considération pour l'interprétation et l'application de cette garantie en tant qu'ils la concrétisent (ATF 115 Ia 293 consid. 3 p. 299; 108 Ia 64 consid. 2c p. 66/67; 105 Ia 26 consid. 2b p. 29). La garantie de la liberté personnelle n'empêche pas l'autorité publique de procéder à l'incarcération d'un individu ou de le maintenir en détention, aux conditions toutefois que cette mesure particulièrement grave repose sur une base légale, qu'elle soit ordonnée dans l'intérêt public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270; 114 Ia 281 consid. 3 p. 283; 107 Ia 148 consid. 2 p. 149; 106 Ia 277 consid. 3a p. 281, et les arrêts cités). Le maintien d'un prévenu en détention doit être justifié par les besoins de l'instruction et du jugement, voire, dans certains cas, par la sauvegarde de l'ordre public. Il faut que les circonstances fassent apparaître un danger de fuite, de collusion ou de réitération. Le Tribunal fédéral examine avec une cognition pleine l'application du droit cantonal; en revanche, il ne revoit les constatations de fait que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 31 consid. 3a p. 35; 115 Ia 293 consid. 1b p. 297). Tel qu'il est invoqué le grief de violation arbitraire de l'art. 59 CPP/VD n'a pas de portée propre par rapport à celui tiré de l'art. 10 al. 2 Cst. 
3. 
Le recourant, qui a admis les faits retenus contre lui, ne conteste pas la gravité des charges justifiant la détention préventive. Ne sont pas davantage en discussion les risques de fuite et de collusion, que le Tribunal d'accusation a considéré comme écartés. Seul est contesté le risque de récidive, que le recourant, contrairement à l'autorité intimée, tient pour inexistant. 
3.1 Le risque de récidive doit être concret (ATF 125 I 361 consid. 4c p. 365/366). Il faut pour cela que le pronostic à faire soit très défavorable et graves les délits redoutés. Le caractère purement hypothétique ou bénin d'une telle éventualité ne suffit pas pour maintenir la détention préventive (ATF 124 I 208 consid. 5 p. 213/214; 123 I 268 consid. 2c p. 270/271). Le principe de la proportionnalité impose que des mesures moins incisives que la détention (comme par exemple un traitement médical) soient ordonnées, lorsqu'elles peuvent l'être (ATF 123 I 268 consid. 2c p. 271). Un risque de récidive peut être admis lorsque l'expertise psychiatrique a révélé les tendances paranoïdes de celui qui avait tenté un homicide et confirmé le danger que l'auteur tente à nouveau de passer à l'acte (ATF 124 I 208 consid. 5 p. 213/214). 
3.2 En l'occurrence, les faits reprochés au recourant sont graves, qu'il s'agisse de la tentative d'homicide (quelle que soit sa qualification) ou des escroqueries. Les rapports des 31 juillet 2002 et 16 janvier 2003 indiquent que la fusillade du 10 novembre 2001 est la conséquence d'un enchaînement de circonstances qui, prises isolément, n'auraient probablement pas causé un tel effet. L'expert a évoqué à ce propos la situation du recourant comme gravement détériorée par les déboires financiers et conjugaux, exacerbée par l'abus d'alcool, à laquelle les menaces exercées par B.________ sur sa femme ont mis le paroxysme, déclenchant une "crise de rage" incontrôlée. L'expert qualifie de "modeste" le danger d'une réitération, pour autant que le recourant soigne son alcoolisme. Une telle mesure devrait suffire pour pallier le danger que le recourant soit tenté de récidiver. Le Tribunal d'accusation en a conclu qu'aussi longtemps que le recourant ne se soumettait pas un "traitement sérieux dans une institution reconnue", sa libération ne pouvait être ordonnée. Cette conclusion ne tient pas compte du fait que le recourant est disposé à se soumettre au traitement prescrit et qu'il a même trouvé un médecin prêt à le prendre en charge dès sa libération provisoire. Savoir si cet engagement est suffisant au regard des exigences de l'expert est une autre question, que l'arrêt attaqué n'évoque pas. Quoi qu'il en soit, le Tribunal d'accusation ne pouvait en tout cas pas s'appuyer sur le motif qu'il a retenu pour maintenir la détention du recourant. Le recours doit être admis sur ce point et la décision attaquée annulée. Il incombera au Tribunal d'accusation de réexaminer l'existence du risque de récidive au regard de la jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 3.1), en tenant compte de l'offre du recourant de se soumettre à un traitement ambulatoire de son alcoolisme. Par la même occasion, le Tribunal d'accusation pourra réexaminer le risque de fuite, compte tenu du temps écoulé depuis sa décision du 6 décembre 2002 et de l'inculpation intervenue entre-temps. 
4. 
Le recours doit être admis et la décision attaquée annulée. L'autorité cantonale devant réexaminer la légalité de la détention provisoire, celle-ci doit être maintenue en l'état. La conclusion subsidiaire du recours est ainsi rejetée. Il est statué sans frais (art. 156 OJ). Les dépens sont mis à la charge de l'Etat de Vaud (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et la décision attaquée annulée. 
2. 
La demande de libération provisoire est rejetée. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
L'Etat de Vaud versera au recourant une indemnité de 2000 fr. pour ses dépens. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, au Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 7 mai 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: