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[AZA 3] 
 
4P.79/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
7 septembre 2000 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz, 
juges. Greffier: M. Ramelet. 
 
___________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
Saurer AG, à Arbon, représentée par Me Philipp Ganzoni, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 18 février 2000 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la recourante à Eugène Patry, à Collonge-Bellerive, représenté par Me Jean Patry, avocat à Genève, et Prodexim Establishment S.A., à Panama (République de Panama), représentée par Me Cédric Dumur, avocat à Genève; 
 
(art. 9, 29 al. 2, 30 al. 2 et 49 Cst. ; procédure civile) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- a) Eugène Patry a été actionnaire et administrateur de 1987 à 1995 de Saurer AG, société, domiciliée à Arbon (TG), qui est active dans la production de machines textiles. C'est dans le cadre de ces fonctions que Patry se serait adressé à Abdallah Tamari, président du conseil d'administration de Prodexim Establishment S.A. (ci-après: Prodexim), afin que celui-ci intervienne en faveur de Saurer AG auprès d'une tierce société, à propos d'une vente internationale de machines textiles. Saurer AG a payé des honoraires à Prodexim pour les deux premières interventions, mais non pour la troisième. 
 
b) Le 2 juin 1998, Prodexim a formé une demande en paiement contre Patry devant le Tribunal de première instance de Genève. Elle a conclu à ce que le défendeur soit condamné à lui payer la somme de 820 600 fr., plus intérêts. Ayant réclamé en vain le paiement de ses honoraires à Saurer AG, la demanderesse a actionné Patry, au motif qu'il avait joué un rôle actif dans cette affaire dès l'instant où c'était lui qui avait mandaté Prodexim. Patry a communiqué à Saurer AG copie de la demande déposée par Prodexim à son encontre. 
Saurer AG a contesté le bien-fondé de cette demande et du droit de recours que Patry entendait faire valoir contre elle. 
 
Après avoir fait savoir à Saurer AG qu'il entendait l'inviter à intervenir dans la procédure au sens des art. 109 ss de la loi de procédure civile genevoise (LPC gen.), Patry, par courrier du 23 juillet 1998, a dénoncé formellement le litige à cette société; il lui a en outre précisé que le résultat de la procédure lui serait opposé et qu'il lui demanderait de l'en indemniser, ajoutant que les faits allégués par la demanderesse étaient conformes à ses souvenirs. 
 
Par courrier du 21 septembre 1998, Saurer AG a contesté la prétention de Prodexim à l'égard d'Eugène Patry ainsi que l'éventuel droit de recours de ce dernier contre elle-même. Elle a informé le Tribunal de première instance, le 15 octobre 1998, qu'elle contestait le rapport de garantie sur la base duquel Patry voudrait se retourner contre elle et qu'elle n'entendait d'aucune manière renoncer à son for naturel. 
S'appuyant sur un avis de droit constatant une lacune de la loi de procédure civile genevoise, Saurer AG sollicitait sa participation à la procédure sous une forme à définir, mais qui soit néanmoins distincte de l'appel en cause et de l'intervention. 
 
Le Tribunal de première instance a accusé réception de l'écriture de Saurer AG, qu'il lui a retournée au motif qu'elle n'était pas partie à la procédure. Saurer AG a alors déposé devant le même Tribunal, le 3 novembre 1998, des conclusions motivées par lesquelles elle lui a demandé l'autorisation de participer aux côtés d'Eugène Patry à la procédure pendante entre Prodexim et Patry, notamment en lui notifiant toutes décisions et ordonnances et en lui donnant la possibilité de s'exprimer et de prendre des conclusions tant oralement que par écrit; elle a toutefois requis du Tribunal qu'il dise que cette participation à la procédure n'impliquait pas pour Saurer AG une renonciation à son for naturel, pas plus que la reconnaissance de la validité du droit de recours de Patry contre elle-même, ce qui impliquait que ni Prodexim ni Patry ne pourraient prendre de conclusions directes à son encontre, sauf en ce qui concernait les dépens. A nouveau, le Tribunal a renvoyé à Saurer AG ses conclusions, expliquant qu'il ne voulait pas entrer en matière sur des conclusions de "dénoncé au litige", car la loi de procédure genevoise ignorait cette institution. 
Saurer AG a appelé auprès de la Cour de justice du canton de Genève contre cette décision du Tribunal. De son côté, Prodexim a fait appel incident et sollicité la reconnaissance de la qualité d'intervenant principal de Saurer AG dans la procédure en cours. Par arrêt du 7 janvier 1999, la Cour de justice a renvoyé la cause au Tribunal de première instance en l'invitant à rendre une décision dûment et suffisamment motivée sur les conclusions de Saurer AG. 
 
B.- Lors de l'audience que le Tribunal de première instance a tenue en présence de Prodexim, Patry et Saurer AG, celle-ci a déclaré qu'elle n'entendait pas renoncer à sa garantie du juge naturel. 
 
Par jugement du 30 avril 1999, le Tribunal de première instance a débouté Saurer AG de toutes ses conclusions. 
Il a jugé qu'il serait contraire au principe fondamental de la contradiction des débats et donc aux droits constitutionnels des deux parties principales de permettre à Saurer AG de prendre des conclusions personnelles à l'encontre de la demanderesse, sans qu'elle-même puisse se voir opposer le droit des parties de prendre des conclusions à son encontre. 
 
Saurer AG a appelé de ce jugement; ses conclusions d'appel étaient identiques à celles qu'elle avait prises et le 3 novembre 1998 et dans son précédent mémoire d'appel. Sur appel incident, Prodexim a conclu à ce que la Cour de justice constate que Saurer AG a qualité d'intervenante dans la procédure pendante entre elle-même et Patry devant le Tribunal de première instance. 
 
Par arrêt du 18 février 2000, la Cour de justice a confirmé le jugement du Tribunal de première instance. 
 
C.- Saurer AG forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. A titre principal, elle requiert l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et reprend les conclusions qu'elle avait déposées le 3 novembre 1998 devant le Tribunal de première instance. Subsidiairement, la recourante conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et au renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
Prodexim conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
 
Eugène Patry conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué et au rejet de toutes les conclusions de Saurer AG. 
 
La Cour de justice déclare se référer aux considérants de son arrêt. 
 
Par ordonnance du 16 mai 2000, le Président de la Ie Cour civile du Tribunal fédéral a rejeté une requête d'effet suspensif de la cause divisant Prodexim d'avec Patry jusqu'à droit connu sur le recours de droit public, ainsi qu'une requête tendant à la suspension d'une procédure distincte ouverte à la suite d'un appel en cause formé par Patry à l'encontre de Saurer AG. 
 
Considérantendroit : 
 
1.- La Cour de justice a considéré que la question litigieuse est celle de savoir si Saurer AG peut participer à la procédure pendante entre Prodexim et Patry sous une forme distincte de l'appel en cause et de l'intervention, qui lui permettrait de prendre des conclusions contre les parties à ce différend sans que celles-ci puissent en faire de même à son encontre. Elle a rappelé que le problème de la participation d'un tiers à une instance déjà introduite est réglé, dans la procédure genevoise, par les institutions de l'appel en cause (art. 104 ss LPC gen.) et de l'intervention (art. 109 ss LPC gen.). 
 
 
Par l'appel en cause, la partie à une instance déjà introduite dénonce le litige à un tiers et l'oblige à participer à la même procédure. La compétence du tribunal saisi au fond pour connaître de l'appel en cause est régie par la loi sur l'organisation judiciaire (art. 57 LOJ gen.), qui ne permet pas d'attraire devant les tribunaux du canton une personne suisse non domiciliée dans le canton de Genève. Comme, en l'espèce, Saurer AG n'est pas domiciliée à Genève et qu'elle n'entend pas renoncer au droit d'être jugée par le tribunal de son domicile, sa participation comme appelée en cause ne peut entrer en considération. 
 
Quant à l'intervention, il s'agit d'une institution qui a pour but de permettre à un tiers de faire valoir, dans un procès pendant entre d'autres plaideurs, les intérêts légitimes qui lui sont propres et que la procédure en cours risquerait de mettre en péril (Bertossa/Gaillard/Guyet/ Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 1 ad art. 109 LPC gen.). On distingue l'intervention accessoire (où l'intervenant ne fait que soutenir la position de l'une des parties et n'est donc pas formellement partie à la procédure) de l'intervention principale (où l'intervenant prend des conclusions personnelles ayant un rapport avec le litige pendant entre les parties et prétend ainsi à l'existence d'un rapport juridique entre lui-même et la partie qui conteste ses droits). Cette dernière forme d'intervention ne met pas en cause la compétence territoriale du tribunal saisi, puisque celui qui intervient lui-même dans un procès déjà pendant en prenant des conclusions personnelles, notamment contre le demandeur, peut agir de ce fait devant un tribunal qui n'aurait peut-être pas été territorialement compétent. In casu, il est constant que Saurer AG, qui entend prendre des conclusions personnelles autres que celles soumises au juge par les parties principales, pourrait a priori faire valoir ses intérêts par l'institution de l'intervention principale. 
Mais, dès l'instant où elle a déclaré ne pas vouloir renoncer à la garantie constitutionnelle du juge naturel et ainsi refuser que les parties principales l'actionnent directement, ont poursuivi les magistrats genevois, l'intervention principale ne saurait être admise. 
 
Dès lors que les formes de participation des tiers à la procédure prévues en droit genevois ne peuvent être utilisées en l'occurrence, l'autorité cantonale a encore examiné si, comme le prétend Saurer AG, la loi de procédure civile de ce canton présenterait une lacune proprement dite. Elle a nié que ce soit le cas, étant donné que le législateur genevois, en choisissant les institutions de l'appel en cause et de l'intervention, a exhaustivement réglé cette question procédurale. 
Pour la Cour de justice, le juge n'est pas compétent pour créer, par voie jurisprudentielle, un troisième moyen d'intervention qui revêtirait la forme de la dénonciation du litige, consacrée dans certaines lois de procédure cantonales. 
 
2.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 81 consid. 1; 126 III 274 consid. 1; 125 III 461 consid. 2). 
 
 
b) Il convient tout d'abord d'examiner la recevabilité du présent recours de droit public au regard de la nature de la décision attaquée. 
 
Si l'arrêt cantonal a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er mars 2000, de la novelle du 8 octobre 1999 modifiant l'art. 87 OJ (RO 2000 p. 416), le recours de droit public a été déposé après le 1er mars 2000. En l'absence de disposition transitoire dans ladite novelle, il n'apparaît pas exclu d'appliquer le nouvel art. 87 OJ aux actes de procédure, tels le dépôt d'un mémoire de recours, accomplis après son entrée en vigueur (ATF 126 I 203 consid. 1b). Selon cette disposition, le recours de droit public n'est recevable, quel que soit le grief invoqué, qu'à l'encontre des décisions finales ou des décisions incidentes causant à l'intéressé un préjudice irréparable. 
 
Constitue une décision finale, au sens de l'art. 87 OJ, celle qui met un point final à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure (ATF 123 I 325 consid. 3b et les arrêts cités). L'arrêt attaqué met un point final à la procédure de dénonciation, soit de participation de la recourante à la procédure pendante devant un tribunal genevois entre Prodexim et Patry; il ne permet plus à l'intéressée de soumettre derechef la même prétention à cette juridiction et revêt donc le caractère d'une décision finale, en sorte que la voie du recours de droit public est ouverte. 
 
Cette solution est identique dans son résultat à celle à laquelle on parviendrait par l'application de l'ancien droit constitutionnel. Comme, dans son recours de droit public, la recourante invoque la violation de plusieurs droits constitutionnels, dont les art. 9 Cst (protection contre l'arbitraire) et 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu) qui étaient protégés par l'art. 4 aCst. , l'art. 87 aOJ aurait trouvé application. Or, cette norme prévoyait que le recours pour violation de l'art. 4 aCst était recevable notamment contre les décisions finales prises en dernière instance, attributs que possède l'arrêt déféré. 
 
c) A considérer la fonction purement cassatoire du recours de droit public, qui ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 125 II 86 consid. 5a; 124 I 231 consid. 1d; 123 I 87 consid. 5), on peut sérieusement douter de la recevabilité des conclusions principales du recours, qui tendent à ce que des mesures positives soient ordonnées. 
Seule apparaît recevable la conclusion subsidiaire du recours, qui conclut à l'annulation de l'arrêt, étant toutefois précisé qu'il était inutile de requérir le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle se prononce à nouveau dans le sens des considérants, dans la mesure où l'admission du recours de droit public obligerait précisément l'autorité cantonale de dernière instance à statuer en tenant compte des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb). 
 
3.- a) La recourante invoque en premier lieu la violation de la force dérogatoire du droit fédéral, soit la violation de la primauté et du respect du droit fédéral, principe consacré à l'art. 49 al. 1 Cst. , qui était auparavant rattaché à l'art. 2 Disp. trans. aCst. 
 
La recourante, décrivant les effets que déploie à son sens la dénonciation du litige, affirme qu'il s'agit là d'un principe de droit fédéral, auquel ne pourrait faire obstacle le droit de procédure, lequel relève, en application de l'art. 46 Cst. , de la compétence des cantons. Elle allègue que, confronté à une lacune de droit proprement dite, le juge doit la combler à la lumière des dispositions des autres cantons. 
En retenant que le législateur genevois a réglementé exhaustivement la question de la participation de tiers à la procédure, alors que le droit de procédure genevois ne contient pas de disposition permettant à un dénoncé au litige non domicilié à Genève d'intervenir sauf à renoncer à la garantie constitutionnelle du for naturel, la Cour de justice aurait fait une entorse au principe de la force dérogatoire du droit fédéral, qui oblige le juge à combler toute lacune de droit proprement dite. 
 
On doit d'emblée se demander si le principe de la subsidiarité absolue du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ) ne fait pas obstacle à l'entrée en matière sur ce grief, dès l'instant où le motif de nullité de l'art. 68 al. 1 let. a OJ permet de contrôler la conformité du droit cantonal de procédure au droit fédéral. Il n'est nul besoin de trancher ce point, car le moyen est irrecevable pour une autre raison. 
 
 
 
b) Saisi d'un recours de droit public pour violation de la règle de la force dérogatoire du droit fédéral, le Tribunal fédéral statue avec un plein pouvoir d'examen (ATF 109 Ia 72 consid. 3; 106 II 283 consid. 3). Mais le recourant, dans son mémoire, a l'obligation d'indiquer quelles dispositions de droit fédéral seraient à ses yeux touchées par la disposition cantonale contestée (Saladin, Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, vol. IV, n. 62 ad art. 2 Disp. trans. aCst.). 
 
Or, le grief de la recourante n'est pas motivé selon les exigences posées par l'art. 90 OJ. Bien qu'elle cite une jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 90 II 357/358) - qui est absolument sans rapport avec le problème de la participation d'un tiers dénoncé au procès - la recourante omet d'indiquer quelles dispositions du droit fédéral seraient, selon elle, concernées par les dispositions cantonales contestées ou par l'application qu'en a faite la cour cantonale. 
En l'absence de ces éléments essentiels, le moyen concernant une éventuelle violation de l'art. 49 Cst. doit être déclaré irrecevable (cf. ATF 111 Ia 86 consid. 3c). 
 
On peut relever, au demeurant, qu'on ne voit pas quelle disposition de droit fédéral pourrait contraindre les cantons à autoriser un dénoncé au litige non domicilié dans le canton, qui se prévaut de la garantie constitutionnelle du for naturel, à intervenir dans un procès pendant. 
 
4.- a) La recourante invoque la violation du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. A l'en croire, puisque la dénonciation du litige opérée par Patry à son encontre pourrait affecter sa situation juridique, elle doit disposer d'un moyen procédural pour participer au procès principal dans les limites des conclusions qu'elle a déposéesle 3 novembre 1998. Pour lui avoir refusé ce droit, la Cour de justice aurait violé son droit d'être entendue. 
 
b) Dans le cadre de la procédure ouverte par le Tribunal de première instance, sur injonction de la Cour de justice, pour qu'il soit statué sur la requête de Saurer AG de participer au procès divisant Prodexim d'avec Patry, le droit d'être entendu de la recourante n'a en rien été violé. 
Elle a en effet pu exercer tous les droits que la jurisprudence a déduits du droit d'être entendu à savoir, en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (cf. ATF 126 I 15 consid. 2a; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2). Du reste, la recourante ne prétend pas que ces droits ont été violés. 
 
Le droit de la recourante de participer au procès opposant Prodexim à Patry n'a rien à voir avec le droit d'être entendu, qui n'existe en principe que dans des procédures qui conduisent à l'adoption de décisions individuelles et concrètes; en sont titulaires toutes les personnes qui sont parties à ces procédures et qui sont touchées dans leurs intérêts personnels par la décision future (Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, n. 1287 p. 610). La recourante n'étant pas partie à la procédure à laquelle elle voudrait participer, elle ne saurait être touchée dans ses intérêts personnels par une décision dont elle ne démontre pas qu'elle lui serait opposable. 
 
 
Enfin, contrairement à ce que semble soutenir la recourante, le droit constitutionnel d'être entendu ne lui confère pas le droit de participer à une procédure dans des conditions qui ne sont pas prévues par le droit cantonal de procédure. 
 
5.- a) La recourante invoque ensuite la violation de l'interdiction de l'arbitraire consacrée par l'art. 9 Cst. 
Elle fait valoir confusément qu'elle entend intervenir au procès ouvert par Prodexim contre Patry aux côtés de ce dernier, même si l'on ignore quelle sera la position adoptée par Patry dans ce litige puisqu'il n'a pas procédé sur la demande. 
Déduire dans ces conditions, comme l'a fait l'autorité cantonale, que la recourante avait l'intention de prendre des conclusions distinctes de celles de Patry blesserait le sentiment de la justice et contredirait le texte même des conclusions qu'elle a prises le 3 novembre 1998. 
 
b) Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b; 124 I 247 consid. 5; 124 V 137 consid. 2b). 
 
Les développements de la recourante ne démontrent pas que la cour cantonale a violé de façon manifeste la loi de procédure cantonale applicable. Il apparaît même assez clairement que la décision attaquée est tout à fait défendable. 
Il appartient à la procédure cantonale de régler la dénonciation d'instance quant à la forme et à la manière de procéder (ATF 120 III 143 consid. 3a; 90 II 404 consid. 1a). 
Dès lors, face à une loi de procédure cantonale qui ne connaît, comme forme de participation des tiers au procès, que l'intervention et l'appel en cause, il n'est pas insoutenable de considérer que la forme de dénonciation au litige requise par la recourante est inconnue en droit genevois. De fait, il n'y a nul arbitraire à opposer un refus à la recourante qui veut fixer elle-même, à la carte, les conditions de sa participation au procès, d'autant moins qu'elles sont totalement étrangères aux dispositions du droit cantonal. 
 
6.- a) La recourante se prévaut enfin de la violation de la garantie du for du domicile, au sens de l'art. 30 al. 2 Cst. Elle relève qu'il n'existe aucune loi fédérale ni genevoise qui aurait instauré une exception au principe constitutionnel du for du domicile en matière de dénonciation du litige. Elle soutient que les parties principales au litige, Prodexim et Patry, visent clairement à obliger Saurer AG à renoncer à son for naturel. Les parties voudraient en réalité éviter, par le truchement d'une action contre l'administrateur, d'être obligées de s'attaquer à la société elle-même, à son for naturel. Il s'agirait d'une manoeuvre évidente pour faire à Genève un procès qui devrait en réalité se faire à un autre for. En confirmant que la recourante ne saurait participer à la procédure pendante en dehors des deux seules institutions de procédure existantes, institutions qui ne peuvent être utilisées que moyennant renonciation à la garantie du for du domicile, la Cour de justice aurait transgressé cette disposition constitutionnelle. 
 
b) On ne constate en l'espèce aucune violation de la garantie constitutionnelle du for du domicile. Celui qui demande à intervenir dans un procès, voire à se faire dénoncer un procès, accepte une dérogation aux règles de compétence territoriale et choisit de se soumettre volontairement à la décision du juge saisi (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit. , n. 4 ad art. 109 LPC gen.). En outre, l'art. 30 al. 2 Cst. prévoit que la personne qui fait l'objet d'une action civile a droit à ce que sa cause soit portée devant le tribunal de son domicile. Or, la recourante ne fait l'objet d'aucune action civile, si bien qu'elle ne peut pas invoquer la garantie du for du domicile. 
 
7.- Il suit de là que le recours, non exempt de témérité, doit être rejeté. Vu l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 8000 fr. à la charge de la recourante; 
 
3. Dit que la recourante versera à chacun des deux intimés une indemnité de 10 000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice genevoise. 
 
___________ 
Lausanne, le 7 septembre 2000 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,