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[AZA 0/2] 
 
4C.357/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
8 mai 2001 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et 
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet. 
 
__________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par Me Olivier Brunisholz, avocat à Genève, 
 
et 
Y.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me Serge Fasel, avocat à Genève; 
(art. 97 CO; responsabilité de la banque qui verse à un tiers non autorisé les fonds que son client lui a confiés) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- a) C.________, citoyen français, est actif depuis 1965 dans le domaine de la construction et de la promotion immobilière. En juin 1985, il pria la fiduciaire R.________ (ci-après: la Fiduciaire), à Genève, d'entreprendre les démarches nécessaires aux fins de créer une société panaméenne. Cela fut fait sous le nom de X.________ S.A. (ci-après: X.________), société au capital de 10'000 dollars américains (USD), dont les titres ont été détenus auprès de la Fiduciaire pour le compte de C.________, qui devenait ainsi propriétaire et seul ayant droit économique de la société panaméenne. 
 
La Fiduciaire avait pour mandat d'administrer et de gérer X.________. Le 5 juin 1985, elle fit ouvrir un compte auprès de la Y.________ S.A. (ci-après: la Banque). 
X.________ conféra à la Banque un pouvoir de gestion des avoirs figurant sur ce compte, ainsi qu'un pouvoir spécial autorisant celle-ci à procéder à des placements fiduciaires. 
Le même jour, X.________ signa en faveur de la Banque une décharge relative aux ordres téléphoniques et télégraphiques qui a la teneur suivante: 
 
"Le(s) soussigné(s), titulaire(s) et/ou mandataire(s) 
du compte X.________ SA auprès de Y.________ 
SA à Genève, désirant transmettre ses (leurs) 
instructions à ladite Banque par téléphone, télex 
ou télégramme sans chiffre de repère ni confirmation 
écrite, décharge(nt) expressément par la présente 
ladite Banque et tout son personnel de toute 
responsabilité pour avoir exécuté lesdites instructions. 
 
Toute exécution d'ordre téléphonique, par télex ou 
télégramme, reçu par ladite Banque et donné par 
le(s) titulaire(s), mandataire(s) ou encore par un 
tiers, sera considérée comme valable et acceptée. ". 
 
Toujours à la date du 5 juin 1985, X.________ donna à la Banque des "instructions relatives à la correspondance banque restante", lesquelles spécifient que toute la correspondance, extraits de compte, formules de bien-trouvés, notifications et actes de toutes sortes destinés à X.________ devaient être retenus à la Banque, c'est-à-dire lui être adressés "banque restante"; ces divers documents étaient alors considérés comme ayant été valablement communiqués, à la décharge de la Banque (art. 64 al. 2 OJ). 
 
Au nom de X.________, C.________ signa le 21 juin 1985 en faveur de la Banque une décharge relative aux ordres donnés au moyen d'un nom de code, laquelle a la teneur suivante: 
 
"Nom de code: **Z. ________**. 
Compte: X.________ SA 
1. Ordres donnés par téléphone, télex ou télégramme. 
Le(s) soussigné(s), titulaire(s) et/ou mandataire(s) 
du compte susmentionné, auprès de Y.________ 
SA à Genève, désirant transmettre ses/leurs instructions 
à la Banque, par téléphone, télex ou télégramme, 
sans chiffre de repère, mais en utilisant 
le nom de code désigné cidessus, décharge(nt) expressément 
la Banque et tout son personnel de toute 
responsabilité pour avoir exécuté lesdites instructions, 
données par le(s) titulaire(s), son/ses mandataire(s), 
ou encore par un tiers. Toute exécution 
d'ordre reçu par la Banque par téléphone, télex ou 
télégramme accompagné du nom de code sera considérée 
comme valable et acceptée. ". 
 
C.________ ne déposa pas un spécimen de sa signature manuscrite auprès de la Banque. 
 
Par la suite, C.________ fut présenté aux divers gestionnaires de la Banque qui ont eu à s'occuper du compte ouvert au nom de X.________; il a ainsi été considéré comme l'ayant droit économique de ce compte. 
 
b) Le 23 septembre 1988, S.________, employé de la Banque qui gérait le compte de X.________ en l'absence de la gestionnaire habituelle, H.________, reçut un appel téléphonique d'un homme qui lui déclara être le propriétaire de X.________ et lui donna pour instruction de payer, le 26 septembre suivant, les montants de 1'600'000 FF et de 250'000 USD à un certain D.________ qui devait se présenter aux guichets de la Banque, muni de son passeport ou de sa carte d'identité. S.________ dit avoir reconnu la voix de C.________, qu'il avait rencontré un mois auparavant. Il a cependant demandé à son interlocuteur de décliner son identité et de donner le nom de code. Celui-ci a indiqué qu'il se nommait C.________ et a prononcé le nom de code "Z.________". 
 
S.________ ayant indiqué à l'intéressé que l'ordre de renouveler des placements fiduciaires avait été donné la veille, celui-ci fit valoir qu'il avait un besoin urgent d'argent pour une opération immobilière. S.________ lui répondit qu'il était possible de lui accorder une avance à terme fixe, garantie par le placement fiduciaire. L'avance à terme fixe fut accordée par le chef du service des crédits et les fonds furent mis à disposition du bénéficiaire désigné qui se présenta aux guichets de la Banque le 26 septembre 1988. L'individu exhiba une carte d'identité française au nom de D.________, dont la Banque conserva une photocopie, et prit possession des fonds. Il signa deux reçus, les signatures ne différant pas de celle figurant sur la carte d'identité. 
 
c) Lors d'une visite à la Banque, le 27 janvier 1989, C.________ nia être l'auteur de l'appel téléphonique du 23 septembre 1988; il contesta la validité des débits effectués le 26 septembre 1988 et révoqua les décharges relatives aux ordres téléphoniques et aux ordres donnés au moyen d'un nom de code, tout en maintenant active la relation bancaire. 
Il s'est avéré par la suite que D.________ n'existait pas et que la carte d'identité remise à la Banque était un document volé et falsifié. 
 
B.- Le 18 novembre 1998, X.________ saisit le Tribunal de première instance de Genève d'une action tendant au paiement par la Banque de 1'601'283 fr.80, avec intérêts à 5% dès le 26 septembre 1988. 
 
La défenderesse conclut au rejet de l'action. 
 
Par jugement du 27 janvier 2000, le Tribunal de première instance de Genève rejeta l'action. 
 
Par arrêt du 6 octobre 2000, la Cour de justice du canton de Genève rejeta le recours interjeté par X.________ contre ce jugement, qu'elle confirma. 
 
C.- X.________ exerce un recours en réforme contre l'arrêt cantonal. Invoquant la violation des art. 8 CC et 100 al. 2, 481 al. 1, 120 et 398 al. 2 CO, elle conclut principalement à la condamnation de la Banque à lui payer la somme de 1'601'283 fr.80 plus intérêts à 5% dès le 26 septembre 1998 (sic). A titre subsidiaire, la recourante requiert que la cause soit retournée à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
L'intimée conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
 
Considérantendroit : 
 
1.- Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 126 III 161 consid. 2b, 189 consid. 2a, 370 consid. 5; 125 III 305 consid. 2e). 
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 119 II 353 consid. 5c/aa). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a). 
 
Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2). 
2.- Après avoir rappelé que les relations contractuelles entre les parties étaient notamment régies par les conditions générales de la Banque, la cour cantonale, se plaçant sur le terrain de la responsabilité contractuelle dérivant d'un contrat de mandat liant les plaideurs, a considéré que la défenderesse ne pouvait se voir reprocher aucun manquement à ses devoirs de diligence (art. 398 CO) pour s'être fiée à l'ordre téléphonique de remettre les sommes litigieuses à D.________ et n'avoir pas procédé à d'autres vérifications avant de verser effectivement ces sommes à celui qui s'est identifié, faussement, sous ce nom. 
 
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir omis d'examiner l'état de fait qu'elle a posé à la lumière des art. 481 al. 1 et 100 al. 2 CO. Elle soutient que la défenderesse ne s'est pas libérée de son obligation de restituer à l'ayant droit, c'est-à-dire à la demanderesse, les fonds que cette société lui avait confiés, car l'établissement bancaire ne peut s'abriter derrière ses conditions générales la libérant de son devoir de payer une seconde fois les montants versés à tort à un tiers, dès l'instant où de graves fautes ont été commises dans la gestion des fonds de la recourante. 
 
3.- La cour cantonale n'a pas défini si les fonds remis par la recourante à l'intimée ont fait l'objet d'un prêt ou d'un dépôt, mais peu importe en l'espèce. Par l'ouverture du compte de la demanderesse, la défenderesse s'est engagée à remettre tout ou partie de l'avoir disponible à la créancière (cf. ATF 111 II 263 consid. 1a). Lorsqu'elle réclame le remboursement des montants versés indûment à un tiers, augmentés des intérêts non perçus, la demanderesse exerce une action en exécution du contrat (ATF 112 II 450 consid. 3a; 111 II 263 ibidem). 
 
La preuve de la bonne exécution d'une obligation contractuelle incombe au débiteur. En règle générale, c'est le débiteur - la défenderesse en l'occurrence - qui supporte le risque d'une prestation exécutée en main d'une personne non autorisée (ATF 112 II 450 consid. 3a; 111 II 263 consid. 1b; arrêt du 4 juillet 1995 in: SJ 1996 p. 225, consid. 4c). 
Il arrive cependant que les parties adoptent conventionnellement une clause dite de transfert, qui a pour effet de faire supporter au client le risque assumé en principe par la banque (ATF 112 II 450 consid. 3a); ainsi, le contrat prévoira que le dommage résultant d'un défaut de légitimation ou d'un faux non décelé sera à la charge du client, sauf faute grave de la banque (ATF 112 II 450 consid. 3 in initio p. 453). 
 
 
En l'espèce, l'art. 3 des conditions générales de la défenderesse, sous le titre "Examen des signatures, légitimation et capacité civile", constitue une clause de ce type. 
Elle prévoit: 
 
"La Banque compare les signatures qui lui sont données 
avec les spécimens déposés chez elle, mais aucune 
responsabilité ne lui incombe pour les conséquences 
de falsifications ou de défauts de légitimation 
ou de capacité civile qu'elle n'a pas découverts 
pour autant qu'aucune faute grave ne puisse 
lui être imputée. La Banque n'est pas tenue de procéder 
à un contrôle plus étendu" (art. 64 al. 2 
OJ). 
 
L'art. 100 al. 1 CO, qui régit les conventions exclusives de responsabilité, s'applique par analogie à une telle clause (cf. ATF 112 II 450 consid. 3a). Celle-ci sera ainsi dénuée de portée si la banque se voit imputer un dol ou une faute grave (art. 100 al. 1 CO). En cas de faute légère de la banque, le juge pourra tenir pour nulle une clause mettant d'emblée à la charge du client le risque d'une exécution en main d'une personne non autorisée à recevoir la prestation (art. 100 al. 2 CO; ATF 112 II 450 consid. 3a p. 455). 
4.- Que la querelle soit analysée sous l'angle de la responsabilité contractuelle, comme l'ont fait les instances cantonales, ou sous celui de l'exécution du contrat de dépôt ou de prêt, comme le suggère maintenant la recourante, il convient d'examiner les moyens de la demanderesse en ce qui concerne les agissements prétendument fautifs de l'intimée, pour autant que lesdits moyens ne remettent pas en cause de manière inadmissible l'état de fait retenu par la cour cantonale (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
 
a) Pour la demanderesse, qui se réfère à l'art. 100 CO, la cour cantonale aurait donné à l'institution du nom de code une portée excessive en admettant que son utilisation par le client en relation avec un ordre donné à la Banque dispensait celle-ci de toute autre vérification. Cette manière de voir erronée aurait conduit la Cour de justice, en violation du droit fédéral, à négliger de vérifier si la défenderesse avait agi in casu avec précaution et prudence. 
 
Cette critique est dépourvue de fondement, déjà en raison du fait que la cour cantonale ne s'est pas contentée de contrôler si l'employé de l'intimée avait demandé le nom de code, mais a analysé soigneusement tous les griefs formulés par la demanderesse concernant le prétendu défaut de diligence de la Banque. Ces griefs, repris par la recourante en instance de réforme, seront examinés ci-dessous. Cela étant, la décharge concédée par la recourante au sujet des instructions données en utilisant le nom de code, dont les termes ont été rappelés supra, est parfaitement claire. Elle permet à la Banque d'exécuter l'ordre donné par téléphone, télex ou télégramme sans autre vérification concernant l'authenticité dudit ordre. Il va de soi que la Banque n'est pas pour autant déchargée de son devoir de diligence et qu'elle doit procéder à des vérifications si des circonstances s'écartent du cours normal des opérations prévues par le contrat ou résultant de la pratique (cf. ATF 116 II 459 consid. 2a). 
b) Selon la recourante, plusieurs indices montreraient que la défenderesse n'avait pas voué à l'opération de retrait litigieuse toute l'attention nécessaire. En premier lieu, elle aurait dû éprouver des doutes au vu de l'importance du retrait qui s'effectuait en espèces et représentait près des trois quarts des avoirs déposés sur le compte. Le fait que, comme le relève la cour cantonale, "les retraits importants en espèces au guichet n'étaient pas rares à l'époque", ne suffirait pas à conférer à ladite opération un aspect ordinaire. 
 
Or, la recourante oublie que la cour cantonale a aussi retenu que l'importance du retrait a également été justifiée aux yeux de la Banque par une prétendue opération immobilière, laquelle faisait partie des activités usuelles de la demanderesse telles qu'elles étaient connues de l'intimée. 
L'importance du retrait et le fait qu'il devait être effectué en espèces ne devaient pas en soi inciter l'établissement bancaire à redoubler d'attention. 
 
c) La demanderesse n'ayant jamais opéré de retrait sur son compte auparavant, l'important montant demandé aurait dû, selon la recourante, éveiller l'attention d'un banquier prudent et diligent. 
 
Le recours n'est pas conforme sur ce point aux exigences de motivation posées par l'art. 55 al. 1 let. c OJ. 
Il ne suffit pas de répéter des arguments soutenus devant l'autorité cantonale; encore faut-il tenter de démontrer l'insuffisance ou la fausseté de l'arrêt attaqué, ce que la recourante ne s'emploie pas à faire. 
 
Au demeurant, la Cour de justice a déjà répondu à cet argument et ses considérants à cet égard sont convaincants: 
la demanderesse avait convenu de donner des ordres téléphoniques en utilisant un nom de code; elle n'avait en outre pas laissé entendre que les fonds déposés ne devaient pas être utilisés à d'autres fins que pour effectuer des placements; l'ordre de retirer les montants litigieux ne présentait dès lors en soi aucun caractère exorbitant. 
 
d) D'après la recourante, l'attention de l'intimée aurait dû être mise en alerte par le fait que, outre les circonstances précitées, la somme en question devait être remise à un tiers inconnu du gestionnaire. 
 
Par là, la recourante demande au Tribunal fédéral de prendre spécialement en considération un fait qui n'a pas été retenu par la cour cantonale, ce qui n'est pas admissible, comme on l'a vu. 
 
Du reste, la circonstance que la personne qui s'est fait remettre la somme litigieuse était inconnue de la défenderesse n'est pas déterminante, puisque cette personne correspondait à celle qui avait été indiquée par l'ayant droit du compte. 
 
e) A suivre la recourante, S.________, du fait qu'il n'était que le remplaçant de la gestionnaire attitrée du compte, aurait dû faire preuve de précautions accrues et contacter la personne qu'il remplaçait. 
 
A nouveau, la recourante se contente d'affirmations péremptoires et non étayées, que ne corroborent pas les faits retenus par la cour cantonale. Celle-ci a relevé que S.________ avait pris toutes les précautions requises par les circonstances, compte tenu du fait qu'il avait reconnu la voix de C.________ et qu'il lui avait fait confirmer le nom de code et son identité. Dans ces conditions, on ne voit pas ce qu'un contact avec le gestionnaire attitré du compte, pour autant que cela fût possible, ce qui n'est pas établi, eût changé à la situation. La recourante n'avance d'ailleurs aucun argument sur ce dernier point. En outre, les précautions prises par S.________ sont allées au-delà de ce qu'exigeaient les instructions données par le client, lesquelles dispensaient la Banque de requérir une confirmation écrite d'un ordre téléphonique donné en utilisant le nom de code "Z.________". 
 
f) Les parties étaient liées par les conditions générales de l'intimée dont l'art. 3 a été rappelé ci-dessus, ainsi que par les conventions concernant la décharge relative aux ordres donnés par téléphone, dont la teneur a été également retranscrite supra. 
 
La cour cantonale retient que S.________, bien qu'ayant reconnu la voix de C.________, ayant droit du compte de la demanderesse, avait cependant demandé à celui-ci de donner le nom de code et de décliner son identité. Partant, il n'avait pas à prendre d'autres précautions. La recourante allègue que c'est précisément le fait que l'ayant droit ait donné son nom qui était anormal, du moment que la seule mention du nom de code suffisait. Cela aurait dû amener S.________ à se méfier. 
 
Le moyen est infondé. La recourante ne peut se plaindre à la fois d'un défaut et d'un supplément de précautions. 
Il est vrai que l'utilisation du nom de code dispensait en principe l'intimée de procéder à d'autres vérifications. 
Elle libérait l'établissement bancaire de toute responsabilité pour avoir exécuté un ordre pourvu de ce nom. Il n'était cependant pas interdit à l'intimée de demander d'autres renseignements, surtout en présence d'un ordre vidant les trois quarts du compte au profit d'un tiers inconnu. Que, dans ces circonstances, l'interlocuteur de S.________ se soit en outre identifié sous le nom de C.________ ne devait pas raisonnablement intriguer cet employé. 
 
g) En 1992, soit quatre ans après l'entretien téléphonique qu'il avait eu avec l'interlocuteur qui s'était présenté sous le nom de C.________, S.________ a rédigé un rapport dans lequel il a mentionné que cet interlocuteur avait fait référence à un dépôt de la demanderesse en dollars américains. 
Entendu en 1999 comme témoin par le Tribunal de première instance, S.________ a confirmé ce rapport. Or, comme la demanderesse n'avait jamais procédé à des placements en dollars, elle tire argument des déclarations de S.________ sur ce point pour mettre en doute l'ensemble des dépositions de ce témoin. 
 
Appréciant ledit témoignage, la cour cantonale a retenu que S.________ s'était trompé et que cela était compréhensible, étant donné que les souvenirs d'une conversation datant de quatre ans, respectivement de onze ans lors de la déposition en justice de l'intéressé, pouvaient être partiellement erronés. 
 
La recourante estime que S.________ ne s'est pas trompé et que son interlocuteur lui avait bien parlé d'un dépôt en dollars. Cette indication étant fausse, ce qui pouvait aisément être vérifié, l'intimée aurait commis une négligence grave en renonçant à des contrôles. 
 
Or, contrairement à ce qu'allègue la recourante, la cour cantonale n'a pas seulement émis une supposition au sujet de faits passés, mais elle a retenu un fait: la défaillance de la mémoire du témoin sur un point précis. Cela lie le Tribunal fédéral en instance de réforme. La critique est irrecevable. 
 
h) La Cour de justice admet en fait que lors de l'entretien téléphonique du 23 septembre 1988, S.________ a indiqué à son interlocuteur que l'intimée ne pouvait pas exécuter l'ordre donné, les fonds de la demanderesse ayant fait l'objet de placements fiduciaires. Comme celui qui se présentait comme étant C.________ a insisté sur l'urgence de disposer des fonds en question, S.________ lui a déclaré qu'une avance à terme fixe, garantie par les fonds placés, pouvait être octroyée, ce qui fut fait. 
 
La recourante soutient qu'en accordant ce crédit sans que soit établi l'accord exprès de la cliente, la défenderesse a gravement violé les directives de l'Association suisse des banquiers, applicables en l'occurrence, lesquelles interdisent, sans instructions spécifiques du client, de rendre débiteurs ou potentiellement débiteurs les comptes gérés, ce que la cour cantonale aurait dû stigmatiser. La recourante reproche au demeurant à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 8 CC en ayant admis que l'opération avait été approuvée par X.________. 
 
aa) La demanderesse fait fausse route. Selon les "instructions relatives à la correspondance banque restante", du 5 juin 1985, toute la correspondance écrite de la défenderesse devait être conservée à la Banque même et était considérée comme ayant été valablement communiquée à la cliente. 
Il en résulte que, contrairement à ce que croit pouvoir lui reprocher la recourante, l'intimée n'avait pas à faire acheminer à sa cliente la confirmation du prêt accordé. 
 
bb) Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 125 III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c) - en l'absence de disposition spéciale contraire - et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 126 III 189 consid. 2b; 125 III 78 consid. 3b). Cette disposition ne règle cependant pas comment et sur quelles bases le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c; 118 II 142 consid. 3a). 
 
 
Dès l'instant où l'appréciation des moyens de preuve administrés a convaincu la Cour de justice que la demanderesse avait consenti à ce que lui soit octroyé un prêt garanti par les placements fiduciaires, il n'y a plus place pour une violation de l'art. 8 CC. La seconde branche du grief est sans consistance. 
 
5.- Se fondant sur les irrégularités qu'elle pense avoir démontrées, la recourante estime que les fautes commises par l'intimée sont graves. A l'en croire, la défenderesse aurait dû vérifier par téléphone auprès de son client l'authenticité des instructions données. 
 
Les considérations sur le degré de la faute deviennent sans objet, dès lors que la cour cantonale a considéré à bon droit qu'aucun manquement ne pouvait être reproché à la défenderesse, au vu des différentes décharges signées par la recourante en faveur de la Banque. 
 
Au demeurant, c'est précisément le fait de solliciter une confirmation par téléphone des instructions en cause qui eût pu mettre en danger la confidentialité très stricte des transactions voulue par la demanderesse et consacrer ainsi une violation du devoir de diligence de l'intimée. 
 
Le moyen est dénué de fondement. 
 
6.- Selon la recourante, ce serait à tort que l'autorité cantonale aurait admis l'existence d'un contrat de prêt valablement conclu, car des manifestations de volonté réciproques des parties ne seraient pas établies. Partant, la Banque ne pouvait pas être autorisée à compenser le prêt octroyé à la demanderesse avec les avoirs déposés par celle-ci. 
Pour ne pas l'avoir vu, la Cour de justice aurait enfreint les art. 1 et 120 CO
 
La critique repose sur un état de fait qui s'écarte complètement de celui retenu par la cour cantonale, laquelle a posé que la défenderesse avait agi conformément aux instructions de sa cliente. Le grief est manifestement irrecevable. 
 
7.- La recourante, renvoyant à ses arguments soulevés à propos de la prétendue violation des art. 100 al. 2 et 481 CO, avance que l'intimée a commis une faute grave dans sa gestion, dont elle doit répondre sur la base de l'art. 398 CO
 
Du moment que l'autorité cantonale a pu retenir, en parfaite conformité avec le droit fédéral, que le comportement de la défenderesse était exempt de toute faute, le moyen est vidé de sa substance. 
 
8.- Il suit de là que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité et l'arrêt attaqué confirmé. 
Vu l'issue de la querelle, les frais et dépens doivent être mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme l'arrêt attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 15'000 fr. à la charge de la recourante; 
 
3. Dit que la recourante versera à l'intimée une indemnité de 18'000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
 
____________ 
Lausanne, le 8 mai 2001 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,