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«AZA 3» 
4C.447/1999 
 
 
Ie C O U R C I V I L E 
**************************** 
 
 
9 mars 2000 
 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz, juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann. 
 
_________ 
 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
 
 
Nicolas et Renaud Croisy, tous deux à Genève, défendeurs et recourants, représentés par Me William Dayer, avocat à Genève, 
 
 
et 
 
 
Gérard Barki, à Genève, demandeur et intimé, représenté par Me Catherine de Preux, avocate à Genève; 
 
 
 
(société simple; prescription) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les f a i t s suivants: 
 
 
A.- Le médecin Renaud Croisy a imaginé un appareil destiné à l'endoscopie, qui devait être réalisé au moyen de petites fibres optiques existant sur le marché japonais. Son frère, l'avocat Nicolas Croisy, était alors administrateur de la société Transcot S.A., active dans le domaine du négoce international, dont le directeur était Gérard Barki. Dans le courant de l'année 1986, ces trois personnes ont décidé d'unir leurs efforts en vue de fabriquer et de commercialiser cet appareil médical. 
Pour atteindre cet objectif, les trois partenaires ont créé une société Nam S.A. le 16 septembre 1987, dont ils se sont répartis les actions. Le 18 avril 1988, ils ont signé une convention, prévoyant notamment que leur accord avait une durée de trente ans et qu'il était renouvelable sauf dénonciation. 
Moins de deux mois plus tard, le 13 juin 1988, Renaud Croisy a écrit à Gérard Barki une lettre contenant divers reproches et exprimant l'opinion que "la seule solution raisonnable consiste à ce que chacun suive sa propre voie"; il proposait de "liquider cette société". 
Par courrier du 12 juillet 1988 adressé à Nicolas Croisy, l'avocat de Gérard Barki s'est exprimé dans les termes suivants: "En évitant de le dire expressément, vous résiliez ledit contrat, de même que votre frère. Monsieur Gérard Barki ne pourra certes vous contraindre à maintenir une convention que vous ne souhaitez plus". Il formulait par ailleurs diverses prétentions. 
 
 
La société Nam S.A. a cessé alors toute activité; elle a été radiée du registre du commerce selon publication du 6 avril 1995. Le 25 mars 1997, Gérard Barki a fait notifier à chacun des frères Croisy, pris conjointement et solidairement, un commandement de payer portant sur la somme de 776 267 fr.60. La cause de l'obligation invoquée était: "Inexécution de la convention d'actionnaires du 18 avril 1988. Liquidation des rapports de société simple. Créance cédée par Transcot S.A." 
Le 8 avril 1998, Gérard Barki a fait notifier à nouveau des commandements de payer analogues, augmentant ses prétentions à 1 500 000 fr. 
B.- Ces commandements de payer ayant été frappés d'oppositions, Gérard Barki a déposé devant les tribunaux genevois, le 25 juin 1998, une demande en liquidation de la société simple et a pris des conclusions en paiement, réclamant au total 772 967 fr.69 avec intérêts. Les frères Croisy ont invoqué la prescription. Cette exception a été rejetée successivement par un jugement du Tribunal de première instance du canton de Genève du 26 mars 1999 et par un arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice genevoise du 14 octobre 1999. En substance, la cour cantonale a retenu que les parties étaient convenues, à la suite de l'échange de correspondances des 13 juin et 12 juillet 1988, de la sortie d'un associé; elle a jugé que la créance en indemnisation de celui-ci se prescrivait par dix ans et que ce délai n'était pas expiré au moment du dépôt de la demande, le 25 juin 1998. 
 
 
C.- Les frères Croisy recourent en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant une violation des art. 129 CO, 130 CO et 2 CC, ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et au rejet de la demande sur le fond. 
L'intimé propose le rejet du recours et la confirmation de la décision attaquée. 
 
 
C o n s i d é r a n t e n d r o i t : 
 
 
1.- a) L'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure sur l'une ou l'autre des prétentions litigieuses, de sorte qu'il ne saurait être qualifié de décision finale ou partielle (sur la notion de décision finale en matière de recours en réforme: ATF 123 III 414 consid. 1; 122 III 92 consid. 2a; 120 II 93 consid. 1c; 120 II 352 consid. 1b). Il se borne à rejeter l'exception de prescription, ce qui constitue une décision incidente (ATF 118 II 447 consid. 1a). 
Une décision incidente, qui ne porte pas sur la compétence (cf. art. 49 OJ), ne peut faire l'objet d'un recours en réforme immédiat qu'aux conditions fixées par l'art. 50 al. 1 OJ. Il faut, d'une part, qu'une décision inverse puisse entraîner immédiatement une décision finale (cf. ATF 122 III 254 consid. 2a) et, d'autre part, que la durée et les frais de la procédure probatoire soient si considérables qu'il convient de les éviter en autorisant le recours immédiat au tribunal (art. 50 al. 1 OJ). La première condition est incontestablement remplie, puisque l'admission de l'exception de prescription entraînerait immédiatement le rejet de la demande sur le fond (ATF 97 II 136 consid. 1; 93 II 242 consid. 1). En ce qui concerne la seconde condition, les recourants invoquent l'audition de témoins à l'étranger (il était question d'importer du matériel japonais) et l'arrêt 
 
 
attaqué évoque la perspective d'une expertise (p. 10); au vu des éléments contenus dans le recours et l'arrêt attaqué, on peut considérer que l'ampleur prévisible de la procédure probatoire justifie d'examiner immédiatement la question de la prescription (cf. ATF 122 III 254 consid. 2a; Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II 13). Les conditions de l'art. 50 al. 1 OJ sont donc remplies. b) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid. 5c/aa; 117 II 256 consid. 2a; 115 II 484 consid. 2a). Dans la mesure où les parties, sans se prévaloir de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, invoquent des faits qui ne sont pas contenus dans la décision attaquée, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
2.- a) aa) Il résulte des constatations souveraines des juges cantonaux que les parties sont convenues d'unir leurs efforts et leurs ressources en vue de réaliser et de commercialiser l'idée de l'une d'entre elles. Elles ont donc conclu une société simple (art. 530 al. 1 CO). 
 
Par une convention ultérieure, elles ont précisé que leur accord devait avoir une durée minimum de 30 ans et elles n'ont prévu aucun mode d'extinction anticipé. Ainsi, la dissolution avant terme par dénonciation de l'un des associés était exclue (art. 545 al. 1 ch. 6 et art. 546 al. 1 CO). 
 
 
bb) Sur la base des constatations cantonales, une dissolution avant terme n'était donc possible que par la volonté unanime des associés (cf. art. 545 CO, en particulier art. 545 al. 1 ch. 4 CO). 
Cette hypothèse suppose que les associés aient, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté de mettre fin à la société simple (art. 1 al. 1 CO; cf. Tercier, Les contrats spéciaux, Zurich 1995 n° 5748). Or en l'espèce, par une lettre du 13 juin 1988, l'un des associés a manifesté une telle volonté. Ce courrier doit être considéré comme une proposition de liquidation. La réponse qui y a été donnée le 12 juillet 1988 montre - cela n'est d'ailleurs pas contesté - que la prise de position du 13 juin 1988 reflétait également l'opinion du frère de son auteur, autre associé. Il n'est cependant pas établi en fait que le troisième associé ait donné son consentement à la dissolution - en déclarant ne pas s'y opposer - avant le pli du 12 juillet 1988. Ce n'est donc qu'à réception de ce document que toutes les parties ont manifesté une volonté concordante et que l'on peut dire que la société a pris fin par la volonté unanime des associés (art. 545 al. 1 ch. 4 CO). 
cc) Une société simple dissoute entre en liquidation (Siegwart, Commentaire zurichois, n° 37 ad art. 547 CO; Staehelin, Commentaire bâlois, n° 1 ad art. 548/549 CO; Tercier, op. cit., n° 5762; Patry, Précis de droit suisse des sociétés, I, p. 267; Engel, Contrats de droit suisse, 2ème éd., p. 727). Les prétentions des associés entre eux doivent être tranchées en principe dans le cadre de celle-ci (ATF 116 II 316 consid. 2d). 
Chaque associé a le droit d'exiger la liquidation de la société dissoute (Siegwart, op. cit., n° 3 ad art. 548/549/550 CO). Au besoin, il s'adressera au juge et la doctrine admet que cette action est imprescriptible 
 
 
(Siegwart, op. cit., n° 5 ad art. 548/549/550 CO). Si l'on suit cette opinion, il apparaît d'emblée que l'action en liquidation introduite par l'intimé ne peut pas être prescrite. Même si l'on devait admettre que le droit d'exiger en justice la liquidation entre associés se prescrit, on ne voit pas que l'on puisse appliquer, faute de disposition spéciale, un autre délai que le délai ordinaire de dix ans prévu par l'art. 127 CO (la doctrine admet d'ailleurs qu'une action d'un associé contre les autres se prescrit par dix ans: Siegwart, op. cit., n° 16 ad art. 591/592/593 CO, n° 5 ad art. 548/549/550 CO ). Que le demandeur ait fait valoir un apport en travail ne change rien au fait qu'il n'invoque pas l'existence d'un contrat individuel de travail avec les défendeurs. Ainsi qu'on l'a vu, la dissolution est intervenue au moment où la volonté unanime des associés s'est manifestée, c'est-à-dire à réception de la lettre du 12 juillet 1988; comme la liquidation ne débute qu'après la dissolution, le droit de l'exiger ne peut exister avant cette date (art. 130 al. 1 CO); en conséquence, la prescription décennale n'a commencé à courir qu'après le 12 juillet 1988, de sorte que l'action introduite le 25 juin 1998 n'est en aucun cas prescrite, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les effets juridiques des deux commandements de payer (cf. art. 135 ch. 2 CO). 
b) A la différence du juge de première instance, la cour cantonale a estimé qu'on n'était pas en présence d'un cas de dissolution d'une société simple, mais d'un cas de sortie d'un associé. 
En principe, la sortie d'un associé entraîne la dissolution de la société simple; les parties peuvent cepen- 
 
 
dant convenir, avant ou après la décision de sortie, que la société se poursuivra avec les associés restants (ATF 116 II 49 consid. 4b et les références citées; cf. également Staehelin, op. cit., n° 5 ad art. 545/546 CO). Cette solution suppose donc l'accord de tous les associés. En l'espèce, on ne voit pas que la lettre du 13 juin 1988 puisse être interprétée comme une proposition de se limiter à la sortie d'un associé, puisqu'il est prévu expressément de "liquider cette société". Il semble que la cour cantonale ait déduit une telle offre du courrier du 12 juillet 1988, qui contient surtout des prétentions qui n'ont jamais été acceptées. Quoi qu'il en soit, il ne ressort pas des constatations cantonales qu'un consensus sur la sortie d'un associé puisse être intervenu avant l'envoi du 12 juillet 1988, de sorte que la créance de l'associé sortant, exigible dès la conclusion d'un tel accord (art. 130 al. 1 CO), n'était en tout cas pas éteinte par la prescription décennale (art. 127 CO) au moment du dépôt de la demande. 
Il n'y a donc pas à examiner ici si c'est à juste titre ou non que la cour cantonale a retenu l'hypothèse de la sortie d'un associé, plutôt que celle de la dissolution de la société. En effet, cette question n'est pas décisive pour trancher le problème de la prescription et une décision différente à ce sujet (consistant à admettre une dissolution) ne mettrait pas immédiatement un terme au litige; cela exclut que l'on tranche le point à ce stade de la procédure (art. 50 al. 1 OJ). 
c) Les défendeurs reprochent enfin à la cour cantonale de ne pas avoir admis que l'intimé commettait un abus de droit (art. 2 CC) en présentant sa demande tardivement. Aucune disposition légale n'oblige le créancier à faire preuve de célérité ou à agir dès que possible. Celui-ci dispose par principe de l'intégralité du délai de prescription. L'art. 2 CC ne peut avoir pour effet de réduire systématiquement les délais de prescription tels qu'ils sont fixés par la loi; l'abus de droit ne pourrait se concevoir que s'il s'ajoutait d'autres circonstances qui feraient apparaître l'attente comme contraire aux règles de la bonne foi (ATF 116 II 428 consid. 2 et l'arrêt cité). De telles circonstances n'ont pas été retenues en l'espèce, de sorte que c'est à juste titre que la cour cantonale n'a pas fait application de l'art. 2 CC
3.- Les frais et dépens doivent être mis à la charge des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 et 7, art. 159 al. 1 et 5 OJ). 
 
 
 
 
 
Par ces motifs, 
 
l e T r i b u n a l f é d é r a l : 
 
 
1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué; 
2. Met un émolument judiciaire de 9000 fr. à la charge des recourants, solidairement entre eux; 
3. Dit que les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimé une indemnité de 10 000 fr. à titre de dépens; 
 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
 
 
 
___________ 
 
 
 
 
Lausanne, le 9 mars 2000 
ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le président, 
 
 
 
 
La greffière,