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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_229/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 9 mars 2016  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Karlen et Chaix. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, représentés par 
Me Boris Vittoz, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Pro Natura Fribourg, rte de la Fonderie 8C, case postale 183, 1705 Fribourg, représentée par Me Telmo Vicente, avocat, 
intimée, 
 
Commune de Massonnens, chemin sur la Vella 1, 1692 Massonnens, 
Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions de l'Etat de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1700 Fribourg. 
 
Objet 
plan d'affectation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, IIe Cour administrative, du 6 mars 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.A.________ et B.A.________ sont copropriétaires de la parcelle n° 816 de la Commune de Massonnens, affectée en zone agricole. Un bâtiment agricole y est implanté. En 2003, en vertu d'une autorisation de construire délivrée selon une procédure simplifiée par la commune, les propriétaires ont réalisé divers travaux pour transformer le bâtiment en buvette et y ont aménagé des boxes à chevaux. Vu la nullité de cette autorisation, une nouvelle demande de permis de construire a été déposée; celle-ci a été rejetée. Le 13 mai 2008, la Direction cantonale de la sécurité et de la justice a prononcé la fermeture du gîte. 
En 2011, la Commune de Massonnens a entrepris une modification de son plan d'aménagement local (PAL). Le projet prévoit notamment la modification n° 16 portant sur le classement en zone de loisirs de la parcelle n° 816. En dépit du préavis défavorable du Service cantonal des constructions et de l'aménagement (SeCA), la Commune a mis le PAL à l'enquête publique, puis levé l'opposition de l'association Pro Natura que le projet avait suscitée. Le 28 mars 2014, dans un préavis de synthèse d'examen final, le SeCA s'est prononcé négativement sur le changement d'affectation de la parcelle n° 816. 
 
B.   
Par décision du 16 juillet 2014, la Direction cantonale de l'aménagement, de l'environnement et des constructions (DAEC) a prononcé l'approbation partielle de la révision générale du PAL. Elle a notamment refusé l'affectation en zone de loisirs de la parcelle n° 816. A cette même occasion, la DAEC a admis l'opposition de Pro Natura. La IIe Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois a confirmé ces décisions par arrêt du 6 mars 2015. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que la modification n° 16 du plan d'aménagement local de la Commune de Massonnens et l'art. 19 du règlement cantonal [  recte : communal] d'urbanisme sont approuvés, les oppositions y relatives étant levées. Subsidiairement, les recourants concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la cour cantonale, plus subsidiairement à la DAEC.  
 
La cour cantonale et la DAEC renvoient aux considérants de l'arrêt attaqué et concluent au rejet du recours. Pro Natura se détermine et conclut également au rejet du recours. Consulté, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) indique adhérer au refus du changement d'affectation de la parcelle. Les recourants persistent dans leurs conclusions. 
Par ordonnance du 1er juin 2015, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par les recourants, traitée comme demande de mesures provisionnelles. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale confirmant le refus de modifier l'affectation d'un terrain. Le recours est dès lors en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF et 34 al. 1 LAT, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants, propriétaires de la parcelle litigieuse, sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué. Ils disposent dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.   
Les recourants font valoir deux griefs, étroitement liés, qu'il convient en l'occurrence d'examiner ensemble. Ils se plaignent tout d'abord d'une constatation lacunaire des faits dès lors que l'arrêt attaqué ne mentionnerait pas les assurances que les autorités leur auraient données quant à l'acceptation d'un changement d'affectation. Les recourants en déduisent ensuite que les autorités auraient adopté un comportement contradictoire et violé le principe de la bonne foi en refusant le changement d'affectation en dépit des assurances données en ce sens. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 III 226 consid. 4.2 p. 234) - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Si le recourant entend se prévaloir de constatations de faits différentes de celles de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 97 al. 1 LTF seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui retenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 139 II 404 consid. 10.1 p. 445; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356 et les arrêts cités).  
Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 p. 561). De ce principe général découle le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 p. 53; 136 I 254 consid. 5.2 p. 261). Le principe de la bonne foi protège le justiciable, à certaines conditions, dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.3 p. 193; 137 I 69 consid. 2.5.1 p. 73; 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s.). 
Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration agissant dans les limites de ses compétences peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur. Entre autres conditions, il faut pour cela que l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que l'intérêt à une correcte application du droit ne se révèle pas prépondérant sur la protection de la confiance (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193; 137 I 69 consid. 2.5.1 p. 72-73; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637). 
 
2.2.  
 
2.2.1. Tant la cour cantonale que les recourants discutent indistinctement la bonne foi par rapport à la réalisation des travaux d'aménagement nécessaires à l'exploitation d'un gîte (en 2003) et par rapport à l'engagement des frais liés à la nouvelle planification. Pourtant, est seule litigieuse cette seconde question dans la présente procédure. En effet, contestant le refus de la modification du PAL, les recourants ne peuvent se prévaloir de la protection de leur bonne foi qu'à l'égard des dispositions qu'ils ont prises dans la perspective d'un changement d'affectation. Tel n'est pas le cas des travaux d'aménagement et de transformation effectués en 2003. A cette époque de la réalisation des travaux, les recourants pouvaient tout au plus se croire - à tort - au bénéfice d'une autorisation de construire valable. C'est donc tout au plus dans le cadre d'une demande d'autorisation de construire a posteriori auprès de l'autorité compétente que les recourants pouvaient faire valoir leur bonne foi. Or, les décisions de refus d'autorisation puis de fermeture de l'établissement sont entrées en force et ne font pas l'objet de la présente procédure. La question de savoir si les recourants étaient de bonne foi lorsqu'ils ont réalisé les travaux est par conséquent sans pertinence.  
A cet égard, Pro Natura émet des doutes quant aux dispositions que les recourants auraient prises sur la base d'assurances données qu'un changement d'affectation serait adopté. Les recourants n'auraient pas démontré avoir engagé des dépenses en relation avec cette procédure. Cette question peut demeurer indécise, étant donné que, pour les raisons exposées ci-dessous, les recourants ne sauraient être protégés dans leur bonne foi. 
 
2.2.2. Contestant l'état de fait de l'arrêt attaqué, les recourants se réfèrent essentiellement à des éléments démontrant que les autorités communales ou régionales (à savoir le préfet) auraient soutenu, voir instigué, la démarche de modification du PAL. Or, la cour cantonale a admis que la commune avait toujours été favorable à l'exploitation du gîte sur son territoire. Au demeurant, l'approbation du plan par la commune en dépit d'un préavis négatif du canton démontre sans ambiguïté sa position. Cela étant, cette autorité (ni le préfet) n'est quoi qu'il en soit pas seule compétente pour adopter le plan d'affectation - ce que les recourants savaient -, de sorte que les éventuelles garanties qu'elle aurait pu donner n'étaient pas suffisantes pour laisser croire de bonne foi que le principe du changement d'affectation était acquis.  
Quant à l'autorité cantonale d'approbation du plan, il n'apparaît pas qu'elle ait indiqué aux recourants que la modification du PAL était garantie. Les recourants affirment en effet de manière appellatoire que l'idée d'un changement d'affectation de la parcelle aurait été "promue" par le SeCA. Les pièces du dossier auxquelles les recourants se réfèrent à cet égard sont en grande partie leurs propres écritures ou des courriers de la commune, ce qui est sans pertinence. Les seuls autres éléments du dossier sur lesquels les recourants s'appuient sont une note de séance du 29 mai 2008 et une correspondance du 10 juillet 2008 adressée par le SeCA aux recourants. De la première, il ressort tout au plus que le représentant de la commune - et non le SeCA lui-même ni la DAEC - décrivait le changement de zone comme une solution proposée par le SeCA, ce que ne démontre en aucun cas les éventuelles prises de position de cette autorité. Au contraire, il ressort de la seconde pièce (qui se réfère expressément à une correspondance de la DAEC au préfet) que les changements d'affectation évoqués "n'avaient que peu de chance d'aboutir", dès lors, notamment, que la "condition concernant la justification de la localisation semblait d'ores et déjà difficilement démontrable". 
Quant aux diverses exigences de respect des normes - liées à l'exploitation d'un établissement public, mais non au droit de l'aménagement du territoire - imposées par d'autres services cantonaux, elles ne pouvaient conforter les recourants dans l'idée que le changement d'affectation de leur parcelle allait être admis. Les comportements ou indications de ces autorités, non compétentes en matière d'aménagement du territoire, ne pouvaient engager le SeCA ou la DAEC. 
Enfin, le cas diffère complétement de l'ATF 108 Ib 377 cité par les recourants, dans lequel la commune avait délivré à l'acquéreuse d'une parcelle une attestation du caractère immédiatement constructible de l'immeuble, maintenu en zone de villa et chalet lors de l'adoption du plan d'affectation cinq ans auparavant, puis délivré un permis de construire entré en force; la constatation ultérieure de la nature forestière de la parcelle ne pouvait dans ce cas être ensuite opposée à la propriétaire sauf à violer le principe de la bonne foi. Les recourants se bornent à affirmer que leur situation est comparable à cette affaire, sans expliquer en quoi ce serait le cas. Force est au contraire de constater que la parcelle des recourants n'a jamais été classée en zone constructible, que, partant, la commune n'a jamais été compétente pour délivrer une autorisation de construire ni une attestation du caractère constructible et, enfin, ainsi qu'on l'a déjà relevé, qu'il est question ici d'un changement d'affectation dans le cadre d'une nouvelle planification et non de la délivrance d'une autorisation de construire. 
En définitive, les recourants ne démontrent pas en quoi des assurances leur auraient été données par les autorités compétentes quant à un éventuel changement d'affectation de leur parcelle, de sorte qu'ils ne sauraient se prévaloir du principe de la bonne foi pour solliciter une dérogation aux règles légales. Il n'y a ainsi pas lieu d'évaluer l'intérêt à la protection de leur bonne foi face à l'intérêt public à la correcte application du droit, en particulier au respect du principe de la séparation du bâti et du non bâti. 
 
3.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais de leurs auteurs, qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée Pro Natura obtenant gain de cause avec l'aide d'un avocat, elle a droit à des dépens, à la charge des recourants (art. 68 al. 1 LTF). 
Conformément aux observations émises par l'ARE, l'arrêt attaqué est confirmé en tant qu'il concerne la planification de la parcelle n° 816 de la Commune de Massonnens, seul objet du présent litige qui ne porte pas sur le reste de la planification communale. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.   
Les recourants verseront à l'intimée la somme de 1'500 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune de Massonnens, à la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions de l'Etat de Fribourg, au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, IIe Cour administrative, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 9 mars 2016 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Sidi-Ali