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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.304/2003 /col 
 
Arrêt du 10 juin 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Catenazzi. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
B.________, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, recourant, représenté par Me Guy Schrenzel, avocat, boulevard Helvétique 30, 1207 Genève, 
 
contre 
 
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3, 
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
détention préventive, 
 
recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 23 avril 2003. 
 
Faits: 
A. 
B.________, citoyen français né en 1946, est en détention préventive à Genève depuis le 20 juin 2002, sous l'inculpation d'abus de confiance. Alors qu'il était directeur adjoint à la Banque X.________ à Genève, il se serait approprié, pour un total de 13 millions de francs environ, des sommes remises par différents investisseurs. La détention a été prolongée tous les trois mois par ordonnances de la Chambre d'accusation genevoise, en dernier lieu le 18 mars 2003. 
B. 
Par ordonnance du 3 décembre 2002, la Chambre d'accusation a rejeté une demande de mise en liberté: l'enquête n'avait pas permis de déterminer où étaient passés les fonds détournés; des auditions de plaignants et une expertise psychiatrique étaient en cours; le prévenu avait joué des montants importants dans des casinos en France et ne s'était pas exprimé complètement sur les sommes dépensées. Un risque de collusion existait, notamment avec les personnes suscepti-bles d'avoir bénéficié des largesses du prévenu, ainsi qu'un risque de fuite. 
Une nouvelle demande de mise en liberté a été rejetée par ordonnance du 23 avril 2003: le prévenu prétendait avoir remis les sommes confiées - sans reçu - à K.________, gestionnaire dans la même banque, lequel devait les investir à taux élevés; toutefois, pour une vingtaine d'investisseurs au moins, il était apparu que l'argent n'avait pas été remis immédiatement à K.________. Le nom de ce dernier n'avait d'ailleurs pas été évoqué lorsque les investisseurs avaient demandé en vain d'être remboursés. Le prévenu avait un train de vie élevé, et on ignorait toujours où étaient passées les sommes confiées. Le versement d'une caution de 100'000 fr. était inefficace à l'égard du risque de collusion. Le risque de fuite a lui aussi été confirmé. 
C. 
B.________ forme un recours de droit public contre cette dernière ordonnance. Il en demande l'annulation, ainsi que sa mise en liberté provisoire, le cas échéant moyennant le versement d'une caution de 100'000 fr. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision. 
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Procureur général conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ). Le recourant, personnellement touché par l'arrêt attaqué qui refuse sa mise en liberté provisoire, a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, les conclusions tendant à la mise en liberté immédiate, le cas échéant sous caution, sont recevables (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
2. 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 34 let. b et c CPP/GE). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c CEDH, art. 34 in initio CPP/GE; ATF 116 Ia 144 consid. 3). 
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162 consid. 3b). 
3. 
Le recourant affirme que les sommes qui lui ont été confiées en vue d'investissements étaient ensuite transmises à K.________, ce que ce dernier conteste formellement. Le recourant ne nie toutefois pas l'existence de charges suffisantes à son encontre, mais uniquement les risques de collusion et de fuite. A propos du risque de collusion, il relève que la Chambre d'accusation n'a pas évoqué le risque de faire disparaître ou d'altérer des preuves, d'influencer des témoins, ni de compromettre un acte d'instruction particulier. L'instruction serait pratiquement complète et n'aurait pas permis de faire apparaître l'intervention de tiers dans les faits reprochés au recourant, seul inculpé. Le seul fait de mettre en doute la version des faits présentée par l'inculpé ne suffirait pas pour admettre l'existence d'un risque de collusion. En réplique, le recourant soutient que l'existence d'un butin n'a pas été démontrée. 
3.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151, 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257 consid. 4c p. 261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34, 116 Ia 149 consid. 5 p. 152). 
3.2 En l'occurrence, la Chambre d'accusation est certes muette quant aux actes d'instruction qui devraient encore être effectués, et dont le résultat pourrait être mis en péril par la libération du prévenu. Il ressort toutefois clairement de la décision attaquée que les explications du recourant quant à la destination des sommes qui lui ont été confiées n'ont pas été considérées comme plausibles, et que l'autorité de poursuite est dans l'ignorance de la localisation actuelle de ces fonds. Il paraît dès lors vraisemblable que le prévenu puisse profiter de sa libération pour tenter d'effacer des traces, voire pour récupérer tout ou partie des sommes détournées. Le risque de collusion, entendu comme un risque d'altération ou de destruction de preuves, est indéniable. 
4. 
Il en va de même du risque de fuite. Le recourant s'est certes présenté spontanément en connaissant l'existence d'une procédure pénale. Mais cette dernière a peut-être pris un tour qu'il ne soupçonnait pas au départ, l'autorité d'instruction n'ayant pas donné crédit à ses explications. La nationalité française du recourant et son domicile en France sont autant d'éléments qui, au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés, et en particulier des importants montants qui ont disparu, permettent de retenir un risque concret de fuite. 
4.1 Le recourant soutient qu'une libération aurait dû être ordonnée moyennant le versement d'une caution de 100'000 fr., obtenue par la libération de sa prestation de libre-passage, qui représenterait ses seules économies. La cour cantonale n'aurait pas jugé que ce montant était insuffisant. Le recourant perd de vue que le refus de mise en liberté est fondé principalement sur le risque d'entrave à l'enquête, de sorte qu'une libération sous caution ne pouvait pas entrer en ligne de compte. Il apparaît de toute façon que la caution proposée par le recourant n'est pas propre non plus à pallier le risque de fuite. 
4.2 Selon l'art. 155 CPP/GE, la mise en liberté du prévenu peut être accordée moyennant sûretés ou obligations. Cette disposition correspond à l'art. 5 par. 3 dernière phrase CEDH, selon lequel la mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'inculpé à l'audience, ainsi qu'à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 et 31 Cst.) qui, en vertu du principe de la proportionnalité, exige de substituer à la détention tout autre moyen moins contraignant propre à atteindre le même but. 
L'importance de la garantie doit être appréciée au regard des ressources de l'intéressé, de ses liens avec des personnes pouvant servir de caution, et à la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perdre le montant fourni agira comme un frein suffisant pour écarter toute velléité de fuite. Le montant de la caution doit être évalué de manière prudente, en particulier lorsque l'intéressé s'abstient de fournir des renseignements sur sa situation patrimoniale. 
4.3 Dans le cas d'une instruction pénale relative à des détournements de fonds importants, dont une grande partie n'a pas pu être récupérée, l'autorité chargée de fixer une caution doit faire preuve d'une grande prudence, car il est toujours à craindre que le prévenu ne profite de sa mise en liberté pour tenter de récupérer le produit de l'infraction soustrait à la justice. L'autorité ne peut donc pas faire abstraction du montant des sommes détournées et fixer la caution en ne tenant compte que de la situation actuelle du prévenu, indépendamment des agissements délictueux (cf. notamment CourEDH, arrêt du 25 avril 2000 dans la cause Punzelt c/ République Tchèque, § 85ss). 
4.4 Selon l'ordonnance attaquée, les abus de confiance reprochés au recourant portent sur environ 13 millions de francs. La trace de ces fonds n'a pas pu être retrouvée, et le recourant n'a pas fourni d'explications crédibles sur ce point. Au regard des montants disparus, la somme de 100'000 fr., ne paraît manifestement pas constituer une garantie suffisante. 
5. 
Pour le surplus, le recourant ne soutient pas que la durée de sa détention préventive se rapprocherait de celle de la peine encourue. Le principe de la proportionnalité apparaît respecté, d'autant plus que le renvoi en jugement pourrait, selon les indications du Ministère public, être prochainement prononcé. 
6. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté. Un émolument judiciaire est mis à la charge du recourant, conformément à l'art. 156 al. 1 OJ
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. 
Lausanne, le 10 juin 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: