Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
2C_555/2010 
{T 0/2} 
 
Arrêt du 11 mars 2011 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Zünd, Président, Karlen, Aubry Girardin, Stadelmann et Berthoud, Juge suppléant. 
Greffier: M. Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.X.________ et B.X.________, 
représentés par Me Olivier Carrel, avocat, 
recourants, 
 
contre 
 
Service cantonal des contributions du canton de Fribourg, rue Joseph Piller 13, case postale, 1700 Fribourg. 
 
Objet 
Impôt cantonal 2005; déductibilité de dettes ayant fait l'objet d'actes de défaut de biens, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour fiscale, du 7 mai 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
Dans leur déclaration d'impôt pour la période fiscale 2005, les époux A.X.________ et B.X.________ ont demandé, au plan de la fortune, la déduction de dettes privées à concurrence de 4'434'764 fr. Ce montant comprenait notamment une somme de 2'517'735 fr. correspondant à six actes de défaut de biens après saisie délivrés à l'encontre de B.X.________ pour la période allant du 5 septembre 1995 au 14 mars 2001. La fortune imposable déclarée était ainsi négative, à hauteur de 2'230'410 fr. 
 
Les actes de défaut de biens étaient les suivants: 
Date 
Créancier 
Montant 
05.09.95 
Banque S.________ 
78'871.05 
16.07.96 
Banque T.________ 
107'993.24 
06.08.96 
Banque S.________ 
372'200.00 
16.07.96 
Caisse de pension C.________ 
6'241.25 
15.01.99 
Banque T.________ 
1'502'429.70 
14.03.01 
Banque T.________ 
450'000.00 
 
2'517'735.24 
 
B. 
Par décision de taxation du 19 juin 2008, confirmée sur réclamation le 20 février 2009, le Service cantonal des contributions du canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal des contributions) a refusé la déduction des dettes ayant fait l'objet des actes de défaut de biens précités. La fortune imposable des époux X.________ a été arrêtée à 194'179 fr. et l'impôt dû à ce titre à 485 fr. 25. 
 
Saisie d'un recours contre la décision sur réclamation du Service cantonal des contributions, la Cour fiscale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après : le Tribunal cantonal) l'a rejeté par arrêt du 7 mai 2010. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.X.________ et B.X.________demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler le ch. II (relatif à l'impôt cantonal sur la fortune) du dispositif de l'arrêt du Tribunal cantonal du 7 mai 2010, d'admettre un montant de 2'517'735 fr. 24 en déduction de leur fortune pour la période fiscale 2005 et d'inviter l'autorité fiscale cantonale à corriger leur taxation dans ce sens. Ils dénoncent une violation des art. 13 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14) et 60 de la loi fribourgeoise du 6 juin 2000 sur les impôts cantonaux directs (LICD; RS/FR 631.1). Ils requièrent en outre que le recours soit muni de l'effet suspensif. 
 
Le Service cantonal des contributions, le Tribunal cantonal et l'Administration fédérale des contributions concluent au rejet du recours. 
 
Par ordonnance du 1er juillet 2010, le Président de la IIème Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif. 
 
Le 11 mars 2011, la Cour de céans a délibéré sur le présent recours en séance publique. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Le recours est dirigé contre un arrêt final (cf. art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte. Le recours a en outre été déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi (cf. art. 42 LTF). Les recourants étant destinataires de l'arrêt attaqué, ils ont qualité pour recourir (cf. art. 89 LTF). 
 
1.2 D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de son application par les instances cantonales aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale. Selon l'art. 106 al. 2 LTF, en revanche, le Tribunal fédéral n'examine la violation de dispositions de droit cantonal que si ces griefs ont été soulevés et motivés. Il en va de même lorsque les dispositions de la loi sur l'harmonisation fiscale laissent une certaine marge de manoeuvre aux cantons, l'examen de l'interprétation du droit cantonal étant alors limité à l'arbitraire (ATF 134 II 207 consid. 2 p. 209 s.). 
 
2. 
Le litige porte sur la déductibilité, au plan de l'imposition de la fortune, de dettes ayant fait l'objet d'actes de défaut de biens après saisie. 
 
2.1 Le Tribunal cantonal a relevé que les recourants voulaient éviter de figurer dans le registre public de l'impôt comme étant soumis à l'impôt sur la fortune, ce qui les aurait exposés à de nouvelles poursuites. Il a jugé que la déduction des dettes ayant fait l'objet des actes de défaut de biens précités devait être refusée, pour le motif qu'au 31 décembre 2005, le recourant n'était pas tenu d'honorer les dettes en question en l'absence de toute poursuite engagée à son encontre. Il a considéré qu'en cas de nouvelles poursuites - risque qui était bien réel, le recourant s'étant vu notifier, le 9 décembre 2009, un nouveau commandement de payer pour la dette de 78'871 fr. 05 -, les dettes concernées pourraient être portées en déduction lors de la période fiscale correspondante. Le Service cantonal des contributions s'était d'ailleurs déclaré d'accord avec ce procédé. 
 
2.2 Selon les art. 13 al. 1 LHID et 52 LICD, l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette. La définition de la fortune nette imposable de l'art. 13 al. 1 LHID s'impose aux cantons, qui ne peuvent soumettre à l'impôt un élément n'entrant pas dans celle-ci (cf. ATF 136 II 256 consid. 3.1 i. f. p. 259). Par conséquent, le Tribunal fédéral examine librement si une dette ayant fait l'objet d'un acte de défaut de biens peut être déduite des actifs pour déterminer la fortune nette imposable en vertu de cette disposition. 
 
L'art. 60 LICD précise que les dettes dont le contribuable est seul débiteur sont prises en considération pour leur montant total, les autres dettes, découlant notamment de la solidarité et du cautionnement, ne l'étant que dans la mesure où le contribuable doit effectivement en répondre. 
 
La fortune nette s'entend comme la différence positive entre les actifs et les dettes du contribuable. Toutes les dettes peuvent être déduites, à la condition d'exister au moment déterminant et de ne pas être seulement potentielles (Xavier Oberson, Droit fiscal suisse, 3e éd., 2007, § 8 nos 5 et 7; Zigerlig/Jud, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden, 2e éd., 2002, nos 1 et 9 ad art. 13 LHID). Seules les dettes grevant effectivement la substance économique du patrimoine du contribuable sont déductibles. Tel est le cas s'il y a un risque sérieux que celui-ci doive s'en acquitter (Markus Reich, Steuerrecht, 2009, § 14 no 32; Höhn/Waldburger, Steuerrecht, vol. I, 9e éd., 2001, § 15 no 22). 
 
2.3 Il n'est pas contesté que les dettes pour lesquelles un acte de défaut de biens après saisie a été établi existent juridiquement. Ce sont les mêmes dettes qu'auparavant, la remise d'un acte de défaut de biens après saisie n'emportant pas novation (ATF 116 III 66 consid. 4a p. 68). En outre, leur exécution forcée s'en trouve facilitée: l'acte de défaut de biens vaut reconnaissance de dette (art. 149 al. 2 LP) et la créance qui fait l'objet de l'acte de défaut de biens se prescrit par 20 ans à compter de la remise de celui-ci (art. 149a al. 1 LP); pendant six mois, le créancier peut requérir une nouvelle saisie sans procédure préalable (art. 149 al. 3 LP); il peut en tout temps engager de nouvelles poursuites, avec l'avantage que l'acte de défaut de biens vaut reconnaissance de dette, ce qui lui permet d'obtenir du juge qu'il prononce la mainlevée provisoire, pour autant que le débiteur ne rende pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP); s'il entend s'opposer à la mainlevée provisoire et éviter que celle-ci ne devienne définitive, le débiteur doit de son côté intenter, dans les 20 jours, une action en libération de dette qui est instruite en procédure ordinaire (art. 83 al. 2 LP). La remise d'un acte de défaut de biens donne en outre au créancier d'autres moyens d'obtenir l'exécution de sa créance: un tel titre permet d'obtenir le séquestre (art. 149 al. 2 en relation avec l'art. 271 al. 1 ch. 5 LP) et d'intenter une action révocatoire (art. 149 al. 2 en relation avec l'art. 285 al. 2 ch. 1 LP). 
 
Le créancier titulaire d'un acte de défaut de biens après saisie se trouve ainsi dans une position juridique forte, de sorte que l'on peut partir de l'idée qu'il fera valoir sa créance dès que le débiteur dispose à nouveau de biens et que les nouvelles poursuites - qui sont facilitées, comme il a été dit - promettent d'aboutir. Or, rien n'indique qu'il en irait différemment en l'occurrence et qu'il n'existerait pas un risque sérieux que les recourants doivent s'acquitter de leurs dettes dès qu'ils disposent à nouveau de biens. Quoi qu'en dise l'autorité précédente, on ne saurait exclure un tel risque pour le motif que les dettes en question n'ont plus donné lieu à de nouvelles poursuites. Cette argumentation méconnaît le fait que si les créanciers n'ont pas cherché à recouvrer leurs créances, c'est manifestement parce que de nouvelles poursuites ne promettaient guère d'aboutir en raison de l'absence de biens, alors que rien ne permet d'affirmer qu'ils ne changeraient pas d'attitude en présence de biens appartenant aux recourants. Au contraire, force est d'admettre dans les circonstances du cas d'espèce que les créanciers feront valoir leurs créances dès que les mesures à prendre dans ce but paraîtront justifiées économiquement comme ayant des chances d'être couronnées de succès: les créanciers des montants en cause sont des banques ainsi qu'une caisse de pension. Ce sont donc des établissements financiers qui gèrent leurs créances de manière professionnelle et disposent généralement, pour ce qui est en tout cas des banques, d'un service de recouvrement. Les sommes en jeu sont relativement importantes. En outre, le recourant poursuit son activité professionnelle dans le domaine des activités fiduciaires et du conseil aux entreprises comme président du conseil d'administration d'une société anonyme ayant pignon sur rue, ce dont les créanciers ont nécessairement connaissance. L'argumentation de l'autorité précédente, qui conduit d'un côté à admettre l'existence d'une fortune imposable et qui s'appuie d'un autre côté sur l'absence de nouvelles poursuites faute de biens appartenant aux recourants, apparaît dans une certaine mesure contradictoire. 
 
2.4 Au vu de l'ensemble des circonstances, il y a ainsi lieu d'admettre qu'il existait, au 31 décembre 2005, un risque sérieux que les recourants doivent répondre de leurs dettes. Partant, celles-ci sont déductibles au plan de l'impôt sur la fortune. La solution contraire, qui conduit à imposer les recourants sur une fortune de 194'179 fr., n'est pas conforme au principe de l'imposition selon la capacité économique. On ne saurait en outre la justifier par la volonté d'empêcher que les recourants ne puissent en quelque sorte dissimuler des actifs (bruts) à leurs créanciers en figurant dans le registre de l'impôt avec une fortune nulle - ce qui constitue le véritable motif de leur recours -, car la taxation n'a pas pour but de protéger les intérêts des créanciers. 
Ainsi, la décision attaquée contrevient à l'art. 13 al. 1 LHID et doit être annulée. 
 
3. 
Vu ce qui précède, le recours doit être admis, le ch. II du dispositif de la décision attaquée annulé et la cause renvoyée au Service cantonal des contributions pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants du présent arrêt. 
 
Succombant, le canton de Fribourg, dont l'intérêt pécuniaire est en cause, doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 et 4 LTF). Il versera en outre des dépens aux recourants (cf. art. 68 al. 1 LTF). 
 
Le Tribunal fédéral ne fera pas usage de la faculté prévue aux art. 67 et 68 al. 5 LTF et renverra la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur les frais et dépens de la procédure suivie devant elle. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis. Le chiffre II du dispositif de l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 7 mai 2010 est annulé et la cause est renvoyée au Service cantonal des contributions du canton de Fribourg pour qu'il rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2. 
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Fribourg pour qu'il statue à nouveau sur le sort des frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du canton de Fribourg. 
 
4. 
Le canton de Fribourg versera aux recourants une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Service cantonal des contributions et à la Cour fiscale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions. 
 
Lausanne, le 11 mars 2011 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Zünd Vianin