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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
1B_504/2012 
 
Arrêt du 11 mars 2013 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les juges Merkli, juge présidant, Eusebio et Chaix. 
Greffier: M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
Transports Publics Neuchâtelois SA, 
représentée par Me Frédéric Hainard, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Neuchâtel, Parquet général. 
 
Objet 
procédure pénale; non-entrée en matière 
 
recours contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2012 par l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 22, le 28 et le 29 février 2012, en trois lots successifs, la société de transport public TRN SA a adressé au Ministère public du canton de Neuchâtel de nombreuses plaintes pénales pour infractions à l'art. 150 CP. Chacune des personnes incriminées était un voyageur que le personnel de contrôle avait trouvé sans titre de transport dans un véhicule de l'entreprise, au cours des mois de novembre ou décembre 2011, ou janvier 2012. Chaque plainte était accompagnée d'un constat établi sur une formule ad hoc par un agent de l'entreprise, signé par cet agent et par le voyageur, et de la copie d'une injonction à verser divers montants que l'entreprise avait ensuite adressée au voyageur par courrier postal. 
Pour l'ensemble de ces plaintes, le Ministère public a rendu une unique ordonnance de non-entrée en matière le 5 mars 2012. Dans la mesure où les voyageurs en cause n'avaient pas tenté de déjouer un contrôle des titres de transport, ils n'avaient pas agi frauduleusement et tous les éléments constitutifs de l'infraction réprimée par l'art. 150 CP n'étaient donc pas réalisés. Par ailleurs, en raison d'une lacune dans les règles à appliquer, ces voyageurs échappaient aux clauses pénales de la loi fédérale sur le transport de voyageurs. L'ordonnance ne leur a pas été notifiée et leurs identités n'y sont pas consignées. 
 
B. 
Par arrêt du 10 juillet 2012, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté le recours exercé par TRN SA. L'Autorité n'a pas non plus établi la liste des voyageurs visés par les plaintes; elle ne les a pas invités à prendre position sur le recours et elle ne leur a pas notifié son prononcé. 
Entre-temps, par suite d'une fusion de sociétés, Transports Publics Neuchâtelois SA s'était substituée à TRN SA. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, Transports Publics Neuchâtelois SA requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de l'Autorité de recours et de lui renvoyer la cause pour nouvelle décision. 
Invités à répondre, le Ministère public et l'Autorité de recours n'ont pas présenté d'observations. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours en matière pénale est recevable contre les décisions cantonales de dernière instance rendues en matière pénale (art. 78 al. 1 et 80 al. 1 LTF). 
La qualité pour recourir appartient notamment à la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF). Cette condition est en l'occurrence satisfaite car comme la recourante l'expose, la documentation jointe à ses plaintes permet de reconnaître exactement les prétentions civiles qu'elle élèvera, le cas échéant, dans le procès pénal et contre chacun des voyageurs incriminés (cf. ATF 137 IV 219 consid. 2.4 p. 222/223; 137 IV 246 consid. 1.3.1 p. 248). 
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254). 
 
2. 
Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort d'une dénonciation ou d'un rapport de police, parmi d'autres cas, que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réunis. 
En l'espèce, le Ministère public et l'Autorité de recours se sont prononcés d'après les constats établis par le personnel de contrôle de la plaignante, au regard de l'art. 150 CP et des dispositions pénales de la loi fédérale sur le transport de voyageurs. Ils ont retenu que les éléments constitutifs de l'infraction réprimée par l'art. 150 CP ne sont manifestement pas réunis. Devant le Tribunal fédéral, la recourante se plaint exclusivement d'une application prétendument incorrecte de cette dernière disposition; la législation sur le transport de voyageurs n'est donc plus en cause. 
 
3. 
L'art. 150 CP réprime l'obtention frauduleuse d'une prestation. Celui qui, sans bourse délier, obtient frauduleusement une prestation qu'il sait ne devoir être fournie que contre paiement, notamment en utilisant un moyen de transport public, est punissable d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Ce délit n'est poursuivi que sur plainte. 
Selon la jurisprudence et conformément au texte de la loi, l'infraction suppose un comportement frauduleux. A elle seule, l'utilisation d'un véhicule de transport public sans titre de transport n'est pas frauduleuse et elle ne constitue pas l'infraction visée par l'art. 150 CP. Le voyageur en situation irrégulière doit s'être soustrait par un comportement trompeur ou déloyal aux contrôles de l'entreprise de transport, exercés directement par son personnel ou au moyen d'installations techniques; il doit par exemple s'être caché à l'intérieur du véhicule pour déjouer le contrôle, avoir présenté au contrôle un titre nominatif qui ne lui appartient pas, ou un titre périmé, ou avoir passé par-dessus une porte automatique dont un titre de transport commande l'ouverture. Le voyageur ne commet pas de fraude s'il a pu accéder librement à un véhicule et qu'il déclare ouvertement, lors d'un contrôle, qu'il ne détient pas de titre de transport (ATF 117 IV 449 consid. 6 p. 450). Selon la doctrine, le comportement de celui qui ne réagit pas au contrôle, notamment en simulant un profond sommeil, n'est pas non plus frauduleux (cf. Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, 3e éd., 2010, vol. I, nos 12 à 20 p. 361 à 363). 
En 1994, à l'encontre de la proposition qui lui était soumise et en connaissance de la jurisprudence précitée, le législateur fédéral a confirmé cette condition relative à la fraude lors de la révision des dispositions réprimant les infractions contre le patrimoine (Stephan Ochsner, Die strafrechtliche Behandlung des Schwarzfahrers, 1997, p. 53). 
 
4. 
Il est constant que les voyageurs visés par les plaintes ont pu accéder en toute liberté aux véhicules de la recourante et que les contrôles ne sont survenus que pendant le transport. D'après les constats, certains voyageurs ont été simplement trouvés « sans titre de transport »; pour d'autres, une mention « abo / abo ½ CFF oublié » signifie qu'ils se sont prétendus titulaires d'un abonnement qu'ils ne portaient pas sur eux. 
 
4.1 A première vue, les voyageurs « sans titre de transport » l'ont reconnu ouvertement lors des contrôles; rien ne dénote qu'ils aient cherché à se dissimuler, à dissimuler leur situation irrégulière ou à tromper d'une quelconque manière les agents de l'entreprise. L'Autorité de recours juge donc à bon droit que ces voyageurs n'encourent pas la sanction prévue par l'art. 150 CP
A l'encontre de son appréciation, la recourante soutient que si les voyageurs s'étaient « spontanément » annoncés aux agents, cela aurait été mentionné dans les constats sous la rubrique « observations »; à défaut, il faut retenir que les voyageurs ont attendu d'être interpellés ou interrogés par le personnel. Cette argumentation ne parvient pas à mettre en évidence une application incorrecte du droit car les voyageurs, même sans avoir devancé l'interpellation des contrôleurs, n'en ont pas moins reconnu ouvertement, semble-t-il, leur situation irrégulière. 
D'après une annotation ajoutée sur l'un des constats, le voyageur concerné semble avoir présenté un titre périmé. L'Autorité de recours retient que cette annotation est trop vague pour que l'on puisse cerner avec précision le comportement adopté, et que plusieurs mois après les faits, une éventuelle audition du contrôleur ne serait guère apte à fournir une information plus détaillée. La recourante ne conteste pas ce jugement. 
 
4.2 Les voyageurs signalés « abo / abo ½ CFF oublié » se sont prétendus titulaires d'un abonnement qu'ils ne portaient pas sur eux. La recourante expose qu'en pareil cas, le voyageur n'est pas invité à quitter le véhicule à la prochaine station et peut au contraire poursuivre son déplacement. L'entreprise vérifie plus tard, dans ses registres, si le voyageur est effectivement titulaire d'un abonnement; en l'espèce, les affirmations des voyageurs visés par une plainte pénale se sont révélées contraires à la vérité. 
Le voyageur qui se prétend faussement titulaire d'un abonnement tente d'induire le personnel en erreur sur sa situation. Son affirmation n'est pas aisément ni immédiatement vérifiable. Il parvient effectivement à créer le doute jusqu'au moment où la vérification peut s'accomplir, et le transport voulu est alors entièrement exécuté. La recourante soutient avec raison qu'il s'agit d'un comportement frauduleux, répréhensible au regard de l'art. 150 CP
 
L'appréciation contraire de l'Autorité de recours est fondée sur une analyse du tarif des taxes, surtaxes et frais appliqué par la recourante aux voyageurs visés par les plaintes, tarif qui n'est pas différent selon que la personne s'est reconnue « sans titre de transport » ou s'est fait indûment signaler « abo / abo ½ CFF oublié ». Cette discussion n'est pas pertinente. Quels que soient les montants auxquels l'entreprise de transport peut prétendre d'après son tarif, le voyageur qui s'emploie à éluder le contrôle ou ses conséquences obtient frauduleusement la prestation de cette entreprise. 
 
4.3 L'ordonnance de non-entrée en matière se révèle erronée en ce qui concerne les voyageurs signalés « abo / abo ½ CFF oublié »; contre chacun de ceux-ci, le Ministère public aurait au contraire dû ouvrir une instruction conformément à l'art. 309 CPP. En revanche, l'ordonnance et la décision présentement attaquée sont fondées à l'égard des autres voyageurs. Il s'ensuit que le recours de la plaignante doit être partiellement admis. Après annulation de la décision attaquée, la cause sera renvoyée au Ministère public en application de l'art. 107 al. 2 LTF, afin que cette autorité examine les plaintes pénales, constate l'identité de chaque voyageur signalé « abo / abo ½ CFF oublié » selon les documents produits par la plaignante, puis ouvre une instruction contre chacun d'eux. A l'égard des autres plaintes, le Ministère public rendra une nouvelle ordonnance de non-entrée en matière. 
En procédure pénale, la personne visée par une plainte ne jouit pas du droit d'être entendue avant que le ministère public n'ordonne l'ouverture d'une instruction contre elle (cf. art. 309 al. 3 CPP); il n'est donc pas nécessaire, aux termes de l'art. 102 al. 1 LTF, que les voyageurs signalés « abo / abo ½ CFF oublié » soient invités à prendre position sur le recours en matière pénale. 
 
5. 
Les frais judiciaires ont été arrêtés à 500 fr. par l'Autorité cantonale de recours; ils s'élèvent à 2'000 fr. pour le recours en matière pénale. 
Vu l'issue de la cause, la plaignante doit assumer la moitié de ces frais et se faire rembourser, par le canton de Neuchâtel, de la moitié de ses dépens. A ce titre, elle recevra une indemnité arrêtée globalement à 1'200 fr. pour les procédures de recours cantonale et fédérale. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est partiellement admis, la décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée au Ministère public du canton de Neuchâtel pour nouvelles décisions. 
 
2. 
Les frais judiciaires de l'autorité précédente sont mis à la charge de la recourante à concurrence de 250 francs. 
 
3. 
Les frais judiciaires du recours en matière pénale sont mis à la charge de la recourante à concurrence de 1'000 francs. 
 
4. 
Le canton de Neuchâtel versera une indemnité globale de 1'200 fr. à la recourante, à titre de dépens. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public et à l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
Lausanne, le 11 mars 2013 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le juge présidant: Merkli 
 
Le greffier: Thélin