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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.32/2004 
1P.50/2004 /col 
 
Arrêt du 12 février 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président 
du Tribunal fédéral, et Fonjallaz. 
Greffier: M. Thélin. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton de Genève, 
case postale 3344, 1211 Genève 3, 
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3, 
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
détention préventive 
 
recours de droit public contre les ordonnances 
de la Chambre d'accusation du 19 décembre 2003 (1P.32/2004) et du 29 décembre 2003 (1P.50/2004) 
 
Faits: 
A. 
Dès février 2002, les autorités judiciaires genevoises ont été saisies de plaintes pénales dirigées contre A.________, auquel ses partenaires en affaires reprochent de nombreuses infractions telles que faux dans les titres, escroquerie, abus de confiance, gestion déloyale et banqueroute frauduleuse. En bref, A.________ est prévenu d'avoir remis en sous-location des locaux auxquels il n'avait plus aucun droit, à usage de bureaux meublés et dotés d'un service de secrétariat, et d'avoir détourné les loyers encaissés. Pour induire les sous-locataires en erreur, il aurait présenté un bail principal falsifié ou se serait prétendu l'avocat des propriétaires. Il est aussi prévenu d'avoir détourné à des fins personnelles un prêt bancaire consenti à l'une des sociétés qu'il gérait. Dans l'enquête consécutive à ces plaintes, A.________ a été inculpé dès le 28 mars 2002, puis arrêté et placé en détention préventive le 28 mars 2003. 
La Chambre d'accusation du canton de Genève a autorisé la prolongation de la détention, chaque fois pour trois mois, par ordonnances du 4 avril, du 20 mai, du 4 juillet, du 3 octobre, du 19 décembre et du 29 décembre 2003. L'ordonnance du 20 mai a remplacé celle du 4 avril que, sur recours de l'inculpé, le Tribunal fédéral a annulée parce que ce plaideur n'avait pas pu consulter le dossier avant de prendre position sur la demande de prolongation de la détention (arrêt 1P.122/2003 du 14 mai 2003). L'ordonnance du 19 décembre ("confirmation de prolongation de la détention") a remplacé celle du 3 octobre que le Tribunal fédéral a également annulée à la suite d'un nouveau recours: ce prononcé ne mentionnait pas les indices de culpabilité retenus par la Chambre d'accusation, alors que toute infraction était catégoriquement contestée; il n'était donc pas suffisamment motivé (arrêt 1P.656/2003 du 9 décembre 2003). 
Selon ces ordonnances, le maintien de l'incarcération se justifie par des risques de collusion, de fuite et de nouvelles infractions. Celle du 29 décembre 2003 aura effet jusqu'au 29 mars 2004 au plus tard. 
B. 
Par ailleurs, l'inculpé a présenté une demande de mise en liberté que la Chambre d'accusation a rejetée le 21 novembre 2003. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public dirigé contre cette ordonnance-ci. Il ne s'est pas prononcé sur la présence d'indices de culpabilité suffisants car le recours ne comportait pas de grief sur ce point qui, selon l'arrêt précité du 9 décembre 2003, devait être l'objet d'une nouvelle ordonnance à rendre par la Chambre d'accusation. Le Tribunal fédéral a reconnu l'existence d'un risque pertinent de collusion; il s'est abstenu de vérifier s'il se justifiait aussi de retenir les risques de fuite ou de nouvelles infractions (arrêt 1P.740/2003 du 15 décembre 2003). 
Enfin, la Chambre d'accusation a rejeté une autre demande de mise en liberté par une ordonnance rendue elle aussi le 19 décembre 2003, distincte de celle concernant la prolongation de la détention. 
C. 
Le Tribunal fédéral est actuellement saisi de trois recours de droit public introduits par l'inculpé, dirigés contre chacune de ces deux ordonnances du 19 décembre (1P.32/2004) et contre celle du 29 décembre (1P.50/2004). Le recourant demande l'annulation de ces prononcés et sa mise en liberté immédiate. Il demande en outre, à titre préalable, l'annulation de diverses poursuites pour dettes et de la déclaration de faillite subséquente, prononcée par les autorités judiciaires genevoises; il demande aussi l'annulation de tous les actes de l'enquête pénale, tels que, notamment, les séquestres de comptes bancaires et les décisions d'admission des plaignants en qualité de parties civiles. 
Une demande d'assistance judiciaire est jointe aux recours. 
Ceux-ci n'ont pas été transmis aux parties civiles; seules les autorités intimées furent invitées à répondre. Elles proposent le rejet des recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public ne peut en principe tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée. La personne qui recourt contre une décision ordonnant ou prolongeant sa détention préventive, ou contre une décision rejetant une demande de mise en liberté provisoire, peut cependant requérir du Tribunal fédéral d'ordonner lui-même sa mise en liberté ou d'inviter l'autorité cantonale à le faire après avoir, au besoin, fixé certaines conditions (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 332/ 333, 115 Ia 293 consid. 1a, 107 Ia 257 consid. 1). Les conclusions dirigées contre les trois ordonnances du 19 et du 29 décembre 2003 sont ainsi recevables. 
Les recours sont au contraire irrecevables en tant qu'il sont dirigés contre d'autres actes contre lesquels des voies de recours spécifiques étaient à disposition, de droit cantonal ou fédéral (art. 84 al. 2 et 96 al. 1 OJ), ou qui n'ont pas été déférés au Tribunal fédéral dans le délai de trente jours dès leur communication (art. 89 al. 1 OJ). 
2. 
La détention préventive est une restriction de la liberté personnelle qui est actuellement garantie, notamment, par l'art. 31 al. 1 Cst. A ce titre, elle n'est admissible que dans la mesure où elle repose sur une base légale, répond à un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 128 I 184 consid. 2.1 p. 186; 124 I 203 consid. 2b p. 204/205; 123 I 268 consid. 2c p. 270, 120 Ia 147 consid. 2b p. 150). 
Dans le canton de Genève, la détention préventive est régie par les art. 17 à 19 et 25 à 27 Cst. gen., et 33 à 40 CPP gen. En l'espèce, l'existence de la base légale n'est d'ailleurs pas contestée. 
3. 
La détention préventive ne répond à un intérêt public que si, entre autres conditions, il existe des raisons plausibles de soupçonner la personne concernée d'avoir commis une infraction (art. 5 par. 1 let. c CEDH). 
Le recourant persiste à tenir pour authentique le bail que sa partie adverse affirme n'avoir jamais signé. Il n'a jamais produit l'original de ce titre. L'expertise accomplie sur la base d'une photocopie et de plusieurs documents de référence, dont un bail antérieur qui appartenait au recourant, explique de façon magistrale comment la signature présente sur cette dernière pièce a été reportée sur un projet que la bailleresse avait certes établi mais pas signé. Par ailleurs, des déclarations concordantes démentent que la signature ait pu intervenir dans les circonstances alléguées par le recourant; le seul témoin qui avait d'abord confirmé sa version des faits s'est rétracté et a expliqué que le recourant lui a demandé un faux témoignage sur ce point. Le dossier contient aussi une circulaire que le recourant a adressée à ses propres clients, soit les sous-locataires des locaux concernés, pour les déterminer à continuer le versement des loyers selon des modalités inchangées, en dépit des difficultés qui étaient parvenues à leur connaissance; pour calmer leurs inquiétudes, il faisait état du nouveau bail que la propriétaire avait prétendument signé. Au regard de ces éléments, il se justifie de soupçonner le recourant d'avoir créé et utilisé un faux pour commettre des escroqueries. 
Selon l'une des plaintes pénales, lors de négociations avec un client qui n'acceptait pas une sous-location et voulait, au contraire, contracter directement avec la propriétaire des locaux, le recourant a simplement fait intervenir une autre des sociétés qu'il gérait, à la place de celle d'abord mentionnée par lui à titre de bailleresse, et il l'a présentée comme propriétaire. Le client a été mis en confiance, notamment, par le titre d'avocat dont le recourant faisait état. Là encore, le soupçon d'escroquerie est justifié. 
Les loyers dus par les sociétés gérées par le recourant n'ont été que très partiellement payés. Celles-ci, ou leurs succursales en Suisse, se trouvent en faillite. En l'état des investigations en cours, on ignore l'affection réelle des loyers et autres recettes qu'elles ont elles-mêmes encaissés. D'après les déclarations du personnel, le centre d'affaires exploité dans les locaux en cause produisait un chiffre d'affaires annuel d'environ un million de francs et il semble que les charges comptabilisées excédaient largement les frais réels. Il apparaît aussi que plus de 100'000 fr. ont été affectés aux cartes de crédit remises à diverses amies du recourant, pour des dépenses d'agrément sans rapport avec le but social. Il se justifie donc aussi de soupçonner le recourant de faillite frauduleuse et de gestion fautive. Il semble vrai qu'après le dépôt des premières plaintes pénales, un séquestre ait bloqué certaines des liquidités alors disponibles, mais, contrairement à l'argumentation du recourant, cela ne suffit pas à expliquer la déliquescence complète de l'entreprise. 
Pour le compte d'un client et par l'intermédiaire de l'une de ses sociétés, le recourant a obtenu un prêt bancaire de deux millions de francs. En garantie, des actifs de ce client furent mis en gage à concurrence d'un million de francs. Le client a appris que son crédit était épuisé alors qu'il n'avait prélevé que 625'000 fr. Devant le Juge d'instruction, le recourant a soutenu que sa propre société n'avait aucune obligation à l'égard de celle du client et qu'elle pouvait librement disposer du crédit obtenu. Cette thèse est fermement contestée par le client et, si elle est exacte, on ne comprend pas pourquoi ce dernier aurait nanti ses propres biens. Les soupçons de gestion déloyale et d'abus de confiance se justifient donc également. 
Sur cent vingt-cinq pages, le recourant proteste de sa complète innocence et il oppose à chaque inculpation d'innombrables arguments de fait et de droit, tels que ceux mentionnés ci-dessus. Il tente notamment de mettre en doute la force probante des déclarations contraires à ses propres dires ou de se présenter en victime de circonstances imputables aux autres personnes impliquées. Certains des moyens ainsi développés pourront peut-être prêter à discussion dans la suite du procès, devant le tribunal qui statuera sur la cause pénale, mais en l'état, aucun d'eux n'est apte à infirmer la pertinence des indices de culpabilité relevés par la Chambre d'accusation. 
4. 
L'incarcération doit aussi être justifiée par les besoins de l'instruction ou du jugement de la cause pénale, ou par la sauvegarde de l'ordre public. Il faut qu'en raison des circonstances, l'élargissement du prévenu fasse naître un risque concret de fuite, de collusion ou de récidive. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). 
Compte tenu de l'ampleur des malversations qui lui sont imputées, maintenant bien décrites par les ordonnances de la Chambre d'accusation, le recourant doit redouter une peine de plusieurs années de réclusion. Il explique qu'avant son arrestation, il voyageait sans cesse dans le monde entier. Selon ses déclarations au Juge d'instruction du 5 mai 2003, il n'avait pas de logement en Suisse; il utilisait occasionnellement l'appartement d'un client à Montreux, ou bien il dormait chez des amis ou à l'hôtel. Ses écritures contiennent de nombreuses allusions à sa fille âgée de six ans mais, semble-t-il, cette enfant vit en Allemagne, près de Hambourg, où il possède une maison. Hormis la présence de ses propres parents, dont il fait état, il est donc dépourvu d'attaches familiales dans le pays. Par ailleurs, on ne saurait exclure qu'il détienne encore d'autres avoirs importants à l'étranger car en l'état des recherches, l'argent encaissé par les sociétés faillies n'a pas été retrouvé. A juger par ses dénégations véhémentes et son refus de collaborer aux recherches autrement que par des réponses dilatoires, le recourant n'envisagera pas sereinement d'être jugé et, ensuite, d'exécuter une peine qui pourrait être lourde. Il faut donc prévoir que s'il était remis en liberté, il serait sérieusement tenté de se cacher à l'étranger afin d'échapper à la justice. 
Le recourant conteste néanmoins le risque de fuite; sur ce point, il fait surtout valoir que jusqu'à son arrestation, il a toujours déféré aux citations qui lui étaient adressées. Cette argumentation méconnaît qu'entre-temps l'enquête a progressé et qu'une condamnation semble maintenant vraisemblable; auparavant, le recourant pouvait au contraire entretenir l'illusion qu'il échapperait à toute sanction. Ainsi, la Chambre d'accusation est fondée à maintenir le recourant en détention en raison d'un risque de fuite. 
Dans son arrêt du 15 décembre 2003, le Tribunal fédéral a admis que le risque de collusion pouvait aussi être retenu. Les considérations qui étaient alors déterminantes, auxquelles le Tribunal fédéral peut simplement se référer, sont encore actuelles car l'analyse des documents comptables n'est pas terminée. Par conséquent, en dépit de l'opinion contraire du recourant, son incarcération est aussi justifiée par ce risque. 
5. 
Le principe de la proportionnalité confère au prévenu le droit d'être libéré lorsque la durée de son incarcération se rapproche de la peine privative de liberté susceptible d'être prononcée (ATF 124 I 208 consid. 6 p. 215; voir aussi ATF 125 I 60 consid. 3d p. 64). En l'occurrence, bien que le recourant conteste toute infraction et se défende ainsi d'encourir aucune peine, cette situation n'est pas réalisée. Les ordonnances attaquées résistent donc au grief tiré de l'art. 31 al. 1 Cst. 
6. 
Le recourant développe encore d'autres griefs qui se révèlent d'emblée inconsistants. En particulier, la Chambre d'accusation ne viole pas le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) par le seul fait qu'elle s'abstient de discuter, dans ses ordonnances, les argumentaires pléthoriques que le recourant lui adresse. Toute décision relative au maintien de la détention préventive nécessite une évaluation des indices de culpabilité du prévenu; bien que négative, l'issue de cette évaluation ne saurait donc violer la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst.). Par ailleurs, la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) n'offre pas de garantie plus étendue que celle de la liberté personnelle. Le droit de ne pas être jugé ou puni deux fois pour les mêmes faits (art. 4 ch. 1 prot. n° 7 CEDH) n'empêche pas qu'une enquête pénale soit rouverte après une décision de suspension ou classement. Enfin, le grief tiré d'une "violation du principe de l'interdiction de l'union personnelle" est dépourvu de motivation; il est donc irrecevable au regard de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
7. 
Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance judiciaire à une partie à condition que celle-ci soit dans le besoin et que ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. En l'état, le recourant semble effectivement dépourvu de ressources mais la procédure entreprise devant le Tribunal fédéral n'avait aucune chance de succès. La demande d'assistance judiciaire doit dès lors être rejetée et son auteur, qui succombe, doit acquitter l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Les recours sont rejetés, dans la mesure où ils sont recevables. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
3. 
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Juge d'instruction, au Procureur général et à la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 12 février 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: