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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6P.76/2006 
6S.138/2006 /rod 
 
Arrêt du 12 mai 2006 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Kolly et Karlen. 
Greffière: Mme Kistler. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Christelle Boil, avocate, 
 
contre 
 
Y.________, 
intimée, représentée par Me Philippe Bauer, avocat, 
Ministère public du canton de Neuchâtel, 
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1, 
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, case postale 3174, 
2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
Etablissement arbitraire des faits (art. 9 Cst.); voies de faits, rapport de causalité (art. 126 CP), 
 
recours de droit public et pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 15 février 2006. 
 
Faits: 
A. 
Le 31 juillet 2004, entre 18h10 et 18h30, une altercation a eu lieu entre X.________ et Y.________, dans la buanderie de leur immeuble, à Neuchâtel. Alors que X.________ était occupée à faire sa lessive, Y.________ est entrée dans la buanderie pour ouvrir un robinet alimentant une fontaine située à proximité, dans le but d'arroser son jardin. X.________ a alors saisi les avant-bras de Y.________ avec ses mains, l'a secouée violemment, puis la repoussée à l'extérieur de la buanderie. Cette dernière a crié au secours et, voyant que cela ne servait à rien, est partie en direction de son appartement, une fois que X.________, ricanant, l'a lâchée. 
 
Un certificat médical établi le soir même vers 21h30 par le médecin de garde des urgences de l'Hôpital de la Providence, à Neuchâtel, constate que "sur le plan clinique, Mme Y.________ présente un choc émotionnel avec une tension artérielle haute (215/106), une fréquence cardiaque rapide (107/min), un hématome léger au niveau de la face interne de l'avant-bras droit et un autre tout aussi léger au niveau de la face externe de l'avant-bras gauche". 
 
X.________ conteste la version des faits, telle qu'elle est exposée ci-dessus. Elle déclare avoir élevé la voix, mais nie avoir empoigné Y.________. Elle affirme en outre que sa voisine est sortie vers 19h, soit environ une demi-heure après l'altercation, pour arroser son jardin. 
B. 
Par jugement du 29 mars 2005, le Tribunal de police du district de Neuchâtel a condamné X.________, pour lésions corporelles simples de peu de gravité (art. 123 ch. 1 al. 2 CP), à une peine de cinq jours d'arrêts avec sursis pendant un an, à des frais de justice arrêtés à 430 francs ainsi qu'à une indemnité de dépens de 300 francs à Y.________. 
 
Le Tribunal s'est déclaré convaincu que la version des faits de Y.________ était conforme à la vérité, en raison du certificat médical du 31 juillet 2004, mais aussi du fait de l'agacement avoué de X.________ à l'égard de sa voisine et de la constance des déclarations de cette dernière. 
C. 
Par arrêt du 15 février 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal de Neuchâtel a admis partiellement le pourvoi en cassation formé par X.________, a annulé le jugement de première instance et a condamné cette dernière à une amende de 300 francs, ainsi qu'à une part réduite des frais judiciaires de cassation, arrêtée à 240 francs. 
 
En bref, elle a considéré que le premier juge était tombé dans l'arbitraire en retenant que les événements du 31 juillet 2004 étaient à l'origine des douleurs persistantes constatées par le certificat médical du 17 mars 2005. Elle a retenu qu'en empoignant Y.________ comme elle l'a fait, X.________ avait causé deux hématomes légers sur chacun de ses avant-bras, sans provoquer de douleurs particulières, et qu'elle s'était en conséquence rendue coupable de voies de fait selon l'art. 126 CP, et non de lésions corporelles simples de peu de gravité. 
D. 
Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un recours de droit public et un pourvoi en nullité devant le Tribunal fédéral. Dans le recours de droit public, elle critique l'établissement des faits, qu'elle qualifie d'arbitraire. Dans le pourvoi, elle s'en prend au lien de causalité naturelle et adéquate. Dans ses deux recours, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
I. Recours de droit public 
1. 
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF). 
1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir, sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558), un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine ainsi que les griefs expressément soulevés, et exposés de façon claire et détaillée, le principe jura novit curia étant inapplicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31). Le justiciable qui exerce un recours de droit public pour arbitraire ne peut dès lors pas se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). 
2. 
La recourante s'en prend à l'établissement des faits, qu'elle estime arbitraire (art. 9 Cst.). Dans ce cadre, elle invoque également le principe in dubio pro reo. 
2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182). A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale apparaisse également concevable ou même préférable (ATF 128 II 259 consid. 5 p. 280; 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70). 
 
Lorsque la recourante - comme c'est le cas en l'espèce - s'en prend à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est entachée d'arbitraire que si le juge ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'il se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'il tire des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a p. 211). 
2.2 Selon la jurisprudence, la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 cst. et 6 § 2 CEDH) interdit au juge de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve des doutes sur la culpabilité de l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40). 
3. 
Selon la recourante, la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire, en retenant qu'elle a saisi les avant-bras de l'intimée et qu'elle lui a ainsi causé deux hématomes légers. En effet, le certificat médical n'attesterait pas que les deux hématomes légers dataient du jour de l'altercation et que les faits tels que décrits étaient propres à produire un tel résultat. 
 
Par son argumentation, la recourante ne démontre pas que l'interprétation faite par la cour cantonale du certificat médical serait manifestement fausse, mais se borne à soutenir que les hématomes peuvent avoir une autre origine que les faits retenus dans l'arrêt attaqué. Elle ne fait ainsi qu'opposer sa propre version à celle de la cour cantonale, ce qui n'est pas admissible dans un recours de droit public. Au demeurant, contrairement à ce que soutient la recourante, la cour cantonale ne s'est pas fondée uniquement sur le certificat médical pour retenir la culpabilité de la recourante, mais a retenu un faisceau d'indices; elle a tenu compte également de l'agacement de la recourante à l'égard de l'intimée et de la constance des déclarations de cette dernière. Dans la mesure où il est recevable, le grief soulevé doit donc être rejeté. 
4. 
La recourante reproche également à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte du fait que l'intimée est redescendue environ une demi- heure après les faits pour aller arroser son jardin. Selon la recourante, cet élément prouverait que l'intimée n'aurait pas été aussi choquée par l'altercation qu'elle le prétendait et devrait par conséquent mettre en doute la crédibilité de sa version. 
 
Cet argument est cependant impropre à établir le caractère arbitraire de l'arrêt attaqué. En effet, il n'est pas contesté que l'intimée et la recourante se sont disputées le 31 juillet 2004; cette dernière affirme cependant s'être bornée à élever la voix. Or, le fait que l'intimée serait redescendue à la buanderie peut tout au plus signifier qu'elle est moins sensible qu'elle le prétend, mais ne donne aucune indication sur le déroulement et le contenu de la dispute. Infondé, le grief soulevé doit être écarté. 
5. 
La recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte des conflits de voisinage, dont l'intimée serait, selon elle, à l'origine. 
 
Ce grief n'est pas non plus pertinent. En effet, le fait que l'intimée serait à l'origine de la mauvaise ambiance entre locataire ne saurait exclure que la recourante a empoigné l'intimée. On peut s'imaginer qu'agacée par l'intimée qu'elle juge responsable des conflits de voisinage, la recourante a pu s'énerver et empoigner l'intimée. Le rôle de chacun dans les conflits de voisinage est donc sans aucune incidence sur le rôle des protagonistes lors de l'altercation du 31 juillet 2004. Infondé, le grief soulevé doit ainsi être écarté. 
6. 
Au vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais (art. 156 al. 1 OJ). 
 
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée qui n'a pas déposé de mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
 
 
II. Le pourvoi en nullité 
7. 
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base de l'état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont la recourante est irrecevable à s'écarter. 
 
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions de la recourante (art. 277bis PPF). Les conclusions devant être interprétées à la lumière de leur motivation, la recourante a circonscrit les points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66). 
8. 
La recourante soutient que la cour cantonale se serait fondée sur une notion du rapport de causalité naturelle contraire au droit fédéral. Elle explique, à cet égard, que le certificat médical n'établit pas que les hématomes constatés ont été causés le jour même ni qu'ils sont la conséquence d'un comportement quelconque de la recourante. Pour conclure, elle affirme que la cour cantonale a violé le droit fédéral, en considérant que le certificat attestait d'un rapport de causalité naturelle et adéquat. 
8.1 Pour déterminer si un comportement est la cause naturelle d'un résultat, il faut se demander si le résultat se reproduirait si, toutes choses égales par ailleurs, il était fait abstraction de la conduite à juger; lorsqu'il est très vraisemblable que non, cette conduite est causale, car elle est la condition sine qua non du résultat (Philippe Graven, L'infraction pénale punissable, 2e éd., Berne 1995, p. 90 s.). La constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait, ce qui la soustrait au contrôle de la cour de céans. Il y a toutefois violation du droit fédéral si l'autorité cantonale méconnaît le concept même de la causalité naturelle (ATF 122 IV 17 consid. 2c/aa p. 23). 
 
Lorsque la causalité naturelle est retenue, il faut encore se demander si le rapport de causalité peut être qualifié d'adéquat, c'est-à-dire si le comportement était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit. Il s'agit-là d'une question de droit que la cour de céans revoit librement (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23). 
8.2 Par son argumentation, la recourante ne remet pas en cause, comme elle semble le croire, le lien de causalité (naturelle et adéquate), mais le fait qu'elle a empoigné l'intimée et, par voie de conséquence, les hématomes qu'elle aurait ainsi causés. De la sorte, elle s'en prend à l'établissement des faits, ce qu'elle n'est pas habilitée à faire dans un pourvoi. 
 
Au demeurant, la cour cantonale n'a pas méconnu le concept de la causalité naturelle, puisqu'elle a retenu qu'en empoignant l'intimée, la recourante lui avait causé deux hématomes légers sur chacun des avant-bras. Pour le surplus, le rapport de causalité doit être qualifié d'adéquat, dès lors que le fait d'empoigner quelqu'un par les avant-bras est propre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner l'atteinte à l'intégrité corporelle reprochée. 
 
Dans la mesure où ils sont recevables, les griefs soulevés doivent donc être rejetés. 
9. 
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Succombant, la recourante doit être condamnée aux frais (art. 278 al. 1 PPF). 
 
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée qui n'a pas déposé de mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Le pourvoi en nullité est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
3. 
Un émolument judiciaire de 4'000 francs est mis à la charge de la recourante. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Ministère public et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
Lausanne, le 12 mai 2006 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: