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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_513/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 13 avril 2016  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales Kiss, Présidente, Hohl et Niquille. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
1. A.X.________, 
2. B.X.________, 
3. C.X.________, 
représentés par Me Philippe Leuba, 
recourants, 
 
contre  
 
Z.________, représenté par Me Thomas Zbinden, 
intimé. 
 
Objet 
société simple, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 21 août 2015 par la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.X.________ et Z.________ entretenaient des rapports commerciaux depuis longtemps, le premier achetant des porcelets au second et les lui revendant après une période d'engraissement. Les transactions étaient consignées sur des "Kontokarten", selon un système qui s'apparentait à un compte courant. 
En novembre 2006, A.X.________ a cédé à ses fils B.X.________ et C.X.________ ses biens immobiliers en relation avec son exploitation agricole. De 2007 à 2011, les nouveaux propriétaires ont mis ces bâtiments et terrains à disposition de A.X.________. 
Selon un récapitulatif des factures ouvertes au 3 juin 2009, le solde du commerce de bétail en faveur de Z.________ s'élevait à 486'000 fr. Un plan de remboursement a alors été négocié; il comportait un premier versement de 60'000 fr. avant fin décembre 2009, puis treize versements de 30'000 fr. et un dernier versement de 36'000 fr. selon un échéancier sur huit ans. Seul le premier versement de 60'000 fr. sera effectué, en date du 25 février 2010. 
Les 13 juillet 2011, 23 janvier 2012 et 20 février 2012, Z.________ a successivement introduit trois poursuites pour un montant de 426'000 fr. contre A.X.________, puis contre B.X.________ et enfin contre C.X.________. Les trois poursuivis ont formé opposition. 
 
B.   
Par demande du 9 mars 2012, Z.________ a ouvert action en reconnaissance de dette contre A.X.________, B.X.________ et C.X.________. Il concluait au paiement par les trois défendeurs, débiteurs solidaires, du montant de 426'000 fr., plus intérêts à 5% dès le 23 juin 2011 et frais des trois commandements de payer par 609 fr., ainsi qu'à la mainlevée définitive des trois oppositions. Selon la thèse du demandeur, les trois défendeurs formaient une société simple et chacun pouvait dès lors être recherché pour la totalité de la dette. 
Les défendeurs ont conclu notamment au rejet de la demande en tant qu'elle était dirigée contre eux trois. Ils alléguaient que B.X.________ et C.X.________ n'entretenaient pas de relations commerciales avec Z.________, qu'ils n'avaient jamais formé une société simple avec leur père et qu'ils se bornaient à lui apporter une aide ponctuelle, à côté des activités principales qu'ils exerçaient par ailleurs; en conséquence, A.X.________ devait être reconnu seul débiteur de Z.________. 
Par décision du 14 mai 2014, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a entièrement fait droit à la demande. 
Statuant le 21 août 2015 sur appel de A.X.________, B.X.________ et C.X.________, la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a rejeté l'appel et confirmé la décision de première instance.  
 
C.   
A.X.________, B.X.________ et C.X.________ interjettent un recours en matière civile. Ils concluent à ce que seul A.X.________ soit condamné à verser à Z.________ le montant de 426'000 fr. plus intérêts et frais des trois commandements de payer, la mainlevée définitive de l'opposition formée par A.X.________ étant prononcée, et à ce que toutes autres conclusions de la demande soient rejetées, ordre étant donné à l'office des poursuites de radier les poursuites contre B.X.________ et C.X.________. 
A titre subsidiaire, les recourants demandent le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Z.________ propose le rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Il conteste l'intérêt à recourir de A.X.________. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur d'un canton, qui a statué sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 30'000 fr. ouvrant le recours en matière civile dans les affaires ne relevant ni du droit du travail, ni du droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. b LTF). Au surplus, le recours a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
Aux termes de l'art. 76 al. 1 let. b LTF, la qualité pour former un recours en matière civile suppose d'être particulièrement touché par la décision attaquée et de disposer d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. En principe, le fait de ne pas avoir obtenu l'entier de ses conclusions suffit pour admettre l'intérêt à recourir (ATF 133 III 421 consid. 1.1 p. 426). En effet, cette lésion formelle correspond le plus souvent à une lésion matérielle des intérêts du recourant, qui peut prétendre à juste titre que l'octroi de ses conclusions améliorera sa situation juridique (cf. ATF 120 II 5 consid. 2a p. 7 s.; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 37 ad art. 76 LTF p. 690). En l'espèce, les recourants B.X.________ et C.X.________ disposent manifestement de la qualité pour recourir puisque, contrairement à leurs conclusions, ils ont été reconnus débiteurs solidaires envers l'intimé du montant de 426'000 fr. plus intérêts et frais. La situation est différente pour leur père. Formellement, celui-ci a pris les mêmes conclusions que ses fils. Sur le fond, il ne conteste toutefois pas que la prétention susmentionnée est fondée à son égard. Or, la seule volonté de A.X.________ de ne pas voir ses fils condamnés solidairement à ses côtés ne permet pas d'admettre un intérêt digne de protection de ce recourant-là. Le recours est dès lors irrecevable en tant qu'il est formé par A.X.________. 
 
2.  
 
2.1. La cour cantonale a retenu que les recourants formaient une société simple, dont le but consistait dans l'exploitation du domaine agricole familial. Elle a jugé que les éléments caractéristiques de ce contrat étaient réunis, à savoir des apports et un  animus societatis de la part de chacun des recourants. Ainsi, la mise à disposition des biens immobiliers par les fils X.________ constituait un apport, de même que leur participation à l'activité agricole de leur père. Les fils X.________ ont également manifesté leur volonté de s'unir en vue d'atteindre le but commun, en s'impliquant dans l'exploitation familiale. La cour cantonale conclut qu'en application de l'art. 544 al. 3 CO, les recourants sont solidairement responsables des dettes de la société simple, en particulier de la dette de 426'000 fr. envers l'intimé, liée au commerce de porcs.  
 
2.2. Les recourants soulèvent toute une série de griefs en rapport avec la société simple retenue par la cour cantonale. Ils reprochent aux juges fribourgeois d'avoir violé l'art. 8 CC en ne se montrant pas suffisamment exigeants avec l'intimé, qui devait prouver l'existence de la société simple, alors que, pour leur part, les recourants avaient suffisamment ébranlé la preuve principale; sur ce dernier point, ils voient notamment dans le fait qu'aucun des autres créanciers du père n'ait poursuivi les fils un indice extrêmement fort de l'absence d'une société simple formée par les recourants. La cour cantonale aurait également méconnu la notion d'apport à la société au sens de l'art. 531 al. 1 et 2 CO. Premièrement, elle n'aurait pas tenu compte du fait que la mise à disposition des biens immobiliers par les fils n'avait pas eu lieu sans contre-prestation, mais en échange du paiement des intérêts hypothécaires par le père. En second lieu, la participation marginale des fils à l'activité agricole du père ne serait pas compatible avec la notion d'apports en principe égaux, aucune réglementation particulière d'une participation aux bénéfices et pertes ne ressortant par ailleurs du dossier. Les recourants reprochent en outre à la cour cantonale une appréciation arbitraire des preuves dans la constatation de la volonté subjective des trois prétendus associés. Alors que toutes les soi-disant parties au contrat de société simple contestent son existence, il serait insoutenable de consacrer un accord de fait à ce sujet, en l'absence de tout accord écrit, sur la base de trois indices qui ne sont pas opposables de manière identique aux trois recourants et sans discuter d'autres éléments plaidant contre l'existence d'une société simple.  
Par ailleurs, les juges cantonaux auraient omis d'examiner une question centrale, à savoir si l'intimé méritait d'être protégé sous l'angle de la bonne foi et s'il était en droit de croire à l'existence d'une société simple dont les recourants seraient les associés. 
 
3.   
Avant d'examiner, le cas échéant, les griefs soulevés dans le recours, il convient de bien cerner l'objet du litige. L'intimé réclame le paiement du solde de 426'000 fr., qui ressort du récapitulatif du 3 juin 2009 après déduction d'un acompte de 60'000 fr. Il prétend que cette dette est due par les trois recourants, en tant qu'associés d'une société simple, alors que ceux-ci soutiennent que A.X.________ est le seul débiteur de la somme de 426'000 fr., montant que l'agriculteur ne conteste pas. 
 
3.1. La dette en cause résulte du commerce de porcs. Conformément à l'art. 8 CC, il appartenait à l'intimé de démontrer que, dans le cadre de ce commerce, il avait noué une relation contractuelle avec la société simple, plus précisément avec les trois recourants.  
La cour cantonale n'aborde pas la question sous cet angle, à part lorsqu'elle examine, de manière subsidiaire, les contacts entre C.X.________ et l'intimé. Elle retient que les fils se sont associés au père pour l'exploitation du domaine agricole, ces trois personnes ayant passé un contrat de société simple par actes concluants. Elle se prononce ainsi sur les rapports internes entre les recourants. On relèvera à cet égard qu'aucun de ceux-ci n'a jamais prétendu avoir conclu un tel contrat avec les deux autres; au contraire, ils contestent tous les trois avoir eu une telle volonté. Or, pour qu'un contrat vienne à chef, il faut qu'au moins l'un des cocontractants présumés ait eu la volonté de se lier juridiquement (arrêt 4C.24/2000 du 28 mars 2000 consid. 3d), car il n'est pas imaginable qu'un rapport contractuel naisse entre des parties alors qu'aucune d'elles ne le veut (ATF 117 II 404 consid. 2 p. 406). 
En l'espèce, la question n'est toutefois pas de savoir si les recourants ont passé entre eux un contrat de société simple, qui serait une  res inter alios acta pour l'intimé. Ce qu'il faut déterminer, c'est si, dans le commerce de bétail ayant donné lieu au récapitulatif du 3 juin 2009, l'intimé pouvait penser de bonne foi que les trois recourants étaient ses cocontractants, parce que leur comportement laissait supposer qu'ils formaient une société simple. En effet, le principe de la confiance est également valable dans le droit des sociétés, de sorte que le tiers de bonne foi peut se prévaloir de l'apparence juridique créée par les intéressés (ATF 124 III 363 consid. II/2a p. 365 et consid. II/2b p. 365 ss; arrêt précité du 28 mars 2000 consid. 4a; cf. également ATF 116 II 707 consid. 1b p. 709).  
La confiance du tiers dans l'existence d'une société simple n'est protégée que si le comportement des associés présumés manifeste de manière suffisamment claire une participation à une telle société; il convient de se référer sur ce point aux principes applicables en matière de représentation de la société simple par un associé chargé de la gestion interne (art. 543 al. 3 CO) (arrêt précité du 28 mars 2000 consid. 4a). L'art. 543 al. 3 CO protège en effet la confiance que le tiers peut avoir en admettant qu'un associé chargé de la gestion interne est autorisé à représenter la société; la présomption instituée par l'art. 543 al. 3 CO est irréfragable à l'égard des tiers de bonne foi (ATF 124 III 355 consid. 4a p. 359; 118 II 313 consid. 3b p. 318). Tous les associés ayant, sauf décision contraire, le droit d'administrer (art. 535 al. 1 CO), il suffit ainsi que, par leur comportement, les intéressés fassent connaître au tiers, avec suffisamment de clarté, l'existence d'une société simple pour être engagés par les actes d'un associé gérant (ATF 124 III 355 consid. 4a p. 358 et consid. 4b p. 360; TERCIER/FAVRE/CARRON, Les contrats spéciaux, 4 e éd. 2009, n° 7662 p. 1147).  
 
3.2. Tels que relatés dans l'arrêt attaqué, les faits ne permettent pas à la cour de céans de déterminer si les recourants ont été reconnus à bon droit débiteurs solidaires envers l'intimé du montant de 426'000 fr.  
Ainsi, la cour cantonale fait état de la "relation commerciale" entre A.X.________ et l'intimé (arrêt cantonal consid. 3d/dd p. 9 in fine), mais n'indique pas à quelle période ont eu lieu les transactions qui font l'objet du relevé final du 3 juin 2009. L'autorité cantonale se réfère par ailleurs à une déclaration de B.X.________, selon laquelle il est "une fois ou l'autre intervenu dans les discussions" avec l'intimé (arrêt cantonal consid. 3d/bb p. 8 avec référence au dossier p. 80). Il ne peut toutefois être déduit de cette seule constatation, imprécise, que B.X.________ a donné à croire à l'intimé qu'il formait une société simple avec son père et son frère. 
En ce qui concerne C.X.________, les juges fribourgeois observent qu'il est entré plusieurs fois en contact avec l'intimé en utilisant le pronom "nous" et qu'il a employé l'expression "X.________ & Söhne". Là non plus, les constatations ne sont guère précises; aucune date ne figure dans la décision entreprise, qui ne décrit pas au surplus dans quel contexte C.X.________ a usé de la formule susmentionnée. La cour cantonale relève également que C.X.________ est intervenu auprès de l'intimé pour négocier le plan de remboursement de la somme de 486'000 fr. De cette circonstance, postérieure aux transactions ayant fait l'objet des "Kontokarten", l'intimé ne pouvait toutefois déduire que la relation contractuelle antérieure était nouée avec une société simple composée des membres de la famille X.________. 
En conclusion, il convient d'admettre le recours en tant qu'il est formé par les frères X.________, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale. Il appartiendra à cette autorité de déterminer si l'intimé pouvait de bonne foi déduire des comportements des membres de la famille X.________ que ceux-ci formaient une société simple, partenaire dans les contrats conclus en rapport avec le commerce de porcs, voire reprenante de la dette de 426'000 fr. Cet examen supposera de la part de la cour cantonale d'établir les faits susmentionnés de manière plus précise et de compléter l'état de fait dans la mesure autorisée par le droit de procédure civile. 
 
4.   
Dans la mesure où la cause est renvoyée à la cour cantonale, on ignore à l'heure actuelle si la prétention de l'intimé envers les frères X.________ est fondée ou non. Il n'en demeure pas moins que ces derniers obtiennent gain de cause dans les conclusions subsidiaires de leur recours. En conséquence, les frais judiciaires seront mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF), lequel versera des dépens aux frères X.________ (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'irrecevabilité du recours en tant qu'il est formé par A.X.________ est sans incidence sur la répartition des frais et dépens, sauf que ce recourant ne peut pas prétendre à des dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.   
Le recours est irrecevable en tant qu'il est formé par A.X.________. 
 
2.   
Le recours est admis en tant qu'il est formé par B.X.________ et C.X.________, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
4.   
L'intimé versera aux recourants B.X.________ et C.X.________, créanciers solidaires, une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.  
 
 
Lausanne, le 13 avril 2016 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Godat Zimmermann