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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.290/2002 /ech 
 
Séance du 14 janvier 2003 
Ire Cour civile 
 
Les juges fédéraux Corboz, président de la Cour, Walter et Favre, 
greffière de Montmollin 
 
Y.________ SA en liquidation, 
demanderesse et recourante, représentée par Patrick Frunz, avocat, avenue Léopold-Robert 90, case postale 1414, 2301 La Chaux-de-Fonds, 
 
contre 
 
X.________ SA, 
défenderesse et intimée, représentée par Maîtres Lucien et Nathalie Tissot, avocats, avenue Léopold-Robert 23-25, 2300 La Chaux-de-Fonds. 
 
fourniture d'or; interprétation et qualification du contrat 
 
(recours en réforme contre l'arrêt de la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 9 juillet 2002) 
 
Faits: 
A. 
La société A.________, devenue par la suite X.________ SA (ci-après: X.________), fournissait régulièrement des alliages d'or à la société Y.________ SA (ci-après: Y.________). Cette dernière travaillait le métal précieux pour en tirer des symboles, index et cadrans qu'elle vendait à l'entreprise Z.________. Les déchets d'or, représentant environ 95% de la masse initialement livrée, étaient restitués à X.________pour récupération et retraitement. Dès 1993 au moins, les rapports entre les parties ont été aménagés de manière telle que Y.________ne devait payer à X.________que le métal précieux réellement prélevé ainsi que les frais de retraitement. 
 
Le 2 mai 1994, la faillite de Y.________a été prononcée. 
 
L'office des faillites a chargé X.________de procéder au retraitement des déchets qui se trouvaient dans les locaux de Y.________. 
 
Le décompte entre les parties a donné lieu à un différend. Aujourd'hui, le litige est circonscrit à la seule question de la propriété de l'or. 
 
Y.________en liquidation soutient qu'elle était propriétaire de la totalité de l'or qui était en sa possession au jour de la faillite; en conséquence, ce bien est tombé dans la masse et X.________, à qui la masse a demandé de retraiter et de racheter le métal précieux, en est débitrice à l'égard de celle-ci et ne peut pas opérer de compensation avec sa créance contre Y.________qui est antérieure à la faillite. 
 
X.________soutient au contraire qu'elle restait propriétaire du métal précieux fourni à Y.________et que l'office des faillites n'a fait que lui restituer son bien; elle en déduit qu'elle était en droit d'opérer la compensation des sommes dues entre les parties. 
 
Les parties divergent d'opinions sur la qualification de leurs relations juridiques. 
B. 
Y.________en liquidation a introduit devant la Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois une action en paiement dirigée contre X.________, réclamant à cette dernière la somme de 191 461 fr.40 avec intérêts. 
 
Par arrêt du 9 juillet 2002, la cour cantonale a rejeté la demande. En substance, la cour cantonale a conclu que la construction juridique proposée par la demanderesse, à savoir une vente de l'or combinée avec un rachat des déchets, ne traduisait pas l'intention réelle des parties, telle qu'elle l'avait déterminée sur la base des documents produits et des témoignages recueillis (arrêt attaqué p. 8, 1er alinéa). 
C. 
Y.________en liquidation recourt en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant la violation du droit fédéral, elle reprend ses conclusions sur le fond; subsidiairement elle sollicite le renvoi de la cause à la cour cantonale. 
 
L'intimée propose le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci a considéré à tort des faits régulièrement allégués comme sans pertinence (art. 64 OJ; ATF 127 III 258 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Lorsqu'une partie recourante - comme c'est le cas en l'espèce - présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 258 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent ne peuvent donner lieu à un recours en réforme (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a). 
 
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 
2. 
2.1 Il est évident que l'intimée ne pourrait compenser sa créance envers la société faillie avec une dette qui serait née envers la masse postérieurement à l'ouverture de la faillite (art. 213 al. 2 ch. 2 LP). 
La question litigieuse est de savoir si l'office des faillites, en remettant à l'intimée l'or qui se trouvait dans les locaux de la société faillie, lui a restitué son bien ou, au contraire, n'a fait que conclure un contrat de la masse relatif à un bien appartenant au failli. 
 
L'issue de la cause dépend de savoir si, selon la convention des parties, le métal précieux que l'intimée fournissait à la recourante passait ou non dans la propriété de cette dernière. 
2.2 Les parties discutent la qualification de leurs relations juridiques. 
 
La liberté contractuelle permet en principe aux parties de déterminer l'objet de leur accord (art. 19 al. 1 CO). En vertu de la fidélité contractuelle, chacune d'elles est tenue de respecter son engagement et de s'acquitter des prestations convenues. 
 
La qualification de la relation juridique en fonction des contrats définis par la loi, la doctrine ou la jurisprudence n'a de sens que si l'application d'une norme impérative est en jeu ou si, la convention des parties étant incomplète, il faut rechercher une disposition supplétive. 
 
L'acquisition dérivée de la propriété mobilière suppose un titre d'acquisition, c'est-à-dire un acte juridique qui a pour effet d'obliger le propriétaire à transférer la propriété de la chose à l'acquéreur (Steinauer, Les droits réels, 3e éd., tome II, n°s 2008 et 2010). Pour trancher la question litigieuse, il faut donc rechercher si, selon la convention des parties, la fourniture de l'or par l'intimée à la recourante devait opérer un transfert de la propriété. Il s'agit d'une question d'interprétation. 
2.3 En présence d'un litige sur l'interprétation d'une convention, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). S'il y parvient, il s'agit d'une constatation de fait qui ne peut être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 126 III 25 consid. c, 375 consid. 2e/aa; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa). Déterminer ce que les parties savent ou veulent au moment de conclure relève en effet des constatations de fait (cf. ATF 118 II 58 consid. 3a et les arrêts cités). 
 
Ce n'est que si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente que le juge doit interpréter les comportements et les déclarations selon la théorie de la confiance (ATF 128 III 265 consid. 3a). Il doit alors rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (cf. ATF 126 III 58 consid. 5b, 375 consid. 2e/aa). L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 127 III 248 consid. 3a; 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5a, 375 consid. 2e/aa). Pour trancher cette question de droit, il lui faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent des constatations de fait (ATF 126 III 375 consid. 2e/aa; 124 III 363 consid. 5a; 123 III 165 consid. 3a). 
2.4 En l'espèce, la cour cantonale, procédant à l'appréciation des pièces produites et des témoignages recueillis, est parvenue à la conviction que les parties n'ont pas voulu que l'intimée transfère à la recourante la propriété de la totalité de l'or avec un transfert en sens inverse, quelque temps plus tard, du 95% de la matière fournie. Elle en a déduit, à la page 8 de l'arrêt attaqué, que la thèse d'un double transfert de propriété ne correspondait pas à la volonté réelle des parties. 
 
Dès lors que la cour cantonale a ainsi déterminé la volonté réelle des parties, elle a procédé à une constatation de fait qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ). 
 
Comme la cour cantonale a constaté souverainement que les parties ne voulaient pas que la fourniture du métal précieux par l'intimée entraîne à ce moment le transfert de la propriété, elle a exclu sans violer le droit fédéral l'hypothèse d'une vente de l'or (art. 184 al. 1 CO), combinée avec un rachat des déchets. Cela scelle le sort du litige. Il est superflu de chercher à qualifier plus avant les relations juridiques des parties. 
3. 
Les frais et dépens doivent être mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 6000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
Lausanne, le 14 janvier 2003 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: La greffière: