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[AZA 0/2] 
6S.61/2001/ROD 
 
COUR DE CASSATION PENALE 
************************************************* 
 
14 mai 2001 
 
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, 
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher, 
Juges. Greffière: Mme Paquier-Boinay. 
___________ 
 
Statuant sur le pourvoi en nullité 
formé par 
X.________, représenté par Me Jean Lob, avocat à Lausanne, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 3 octobre 2000 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le recourant au Ministère public du canton deV a u d; 
(instigation à une opposition aux actes de l'autorité) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Le 1er novembre 1997, une manifestation a été organisée par d'anciens squatters sur une parcelle sise au chemin de Primerose à Lausanne; elle devait se poursuivre dans la soirée au centre autogéré de Prélaz. 
X.________ y participait, de même qu'une quarantaine de personnes. Vers 23 h., les manifestants ont quitté le chemin de Primerose en direction du centre de Prélaz; ils suivaient, au pas, un bus VW muni d'une installation stéréophonique. A un moment donné, la police, qui avait reçu l'ordre de mettre fin à la manifestation, a fait intervenir une équipe d'une dizaine d'hommes. Un premier fourgon a dépassé les manifestants avant de s'arrêter en travers de la route alors qu'un second fourgon prenait place à l'arrière du cortège. La police souhaitait d'une part interpeller X.________, qui disposait d'un mégaphone, et d'autre part isoler le bus et son conducteur du reste de la manifestation. Ayant compris le but poursuivi par les forces de l'ordre, X.________ a hurlé aux manifestants qu'ils ne devaient pas se disperser mais au contraire demeurer groupés autour du véhicule. Il a été suivi, de sorte que la police a été dans un premier temps empêchée d'approcher du bus. Même s'il n'y a pas eu à proprement parler d'échauffourée, une bousculade s'en est suivie et une ou deux bouteilles ont été lancées en direction des policiers, qui ont fait usage de sprays au poivre pour se dégager et, finalement, isoler et interpeller X.________ et le conducteur du bus. 
 
B.- Par jugement du 9 août 2000, le Tribunal de police du district de Lausanne a reconnu X.________ coupable d'instigation à une opposition aux actes de l'autorité et l'a condamné à la peine de 5 jours d'arrêts avec sursis pendant 2 ans, mettant en outre à sa charge une partie des frais de la cause, arrêtée à 500 fr. 
 
C.- Par arrêt du 3 octobre 2000, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois rejette le recours interjeté par X.________ contre ce jugement qu'elle confirme. 
 
La Cour admet que les propos imputés à X.________ avaient pour but d'entraver l'opération de police et qu'ils ont effectivement différé le résultat recherché par celle-ci, de sorte que l'on ne saurait les considérer comme un simple acte de désobéissance n'ayant entraîné aucun obstacle. 
 
D.- X.________ se pourvoit en nullité contre cet arrêt. Invoquant une violation des art. 286 CP ainsi que 16 Cst. et 10 CEDH, il conclut, avec suite de frais, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau. 
 
A l'appui de ses conclusions, le recourant fait valoir que la disposition appliquée doit être interprétée de manière restrictive, qu'une simple désobéissance ne suffit pas et que le comportement oppositionnel doit se traduire par une activité d'une certaine importance. 
Selon lui, l'arrêt attaqué étend excessivement le champ d'application de l'art. 286 CP et restreint par trop la liberté d'expression, de sorte qu'il est contraire aux art. 16 Cst. et 10 CEDH qui consacrent celle-ci. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, qui a un caractère cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que pour violation du droit fédéral, à l'exception de la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF). Par la voie du pourvoi en nullité peuvent uniquement être invoqués des griefs tirés d'une violation indirecte de la Constitution fédérale ou de la CEDH. Par violation indirecte, il faut entendre l'hypothèse où le droit fédéral a été interprété ou appliqué de manière incompatible avec la Constitution ou la Convention (ATF 119 IV 107 consid. 1a et les arrêts cités). 
 
La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). En revanche, elle est liée par les constatations de fait de l'autorité cantonale, sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste (art. 277bis al. 1 PPF). 
 
2.- Le recourant a été reconnu coupable d'instigation à une opposition aux actes de l'autorité. 
 
Aux termes de l'art. 24 al. 1 CP, "celui qui aura intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourra, si l'infraction est commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction". 
 
Comme la tentative d'instigation n'est punissable que lorsque l'infraction envisagée est un crime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, il faut déterminer si le recourant a bien, comme le lui reproche l'autorité cantonale, déterminé certains participants à la manifestation à commettre le délit réprimé par l'art. 286 CP. Selon cette disposition, "celui qui aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions sera puni de l'emprisonnement pour un mois au plus ou de l'amende". 
 
Il n'est pas contesté que l'opération à laquelle la police entendait procéder était bien un acte entrant dans ses fonctions. Il faut donc déterminer si cet acte a été empêché, au sens de l'art. 286 CP
 
Selon la jurisprudence, pour qu'il y ait opposition aux actes de l'autorité, il faut que l'auteur, par son comportement, entrave l'autorité ou le fonctionnaire dans l'accomplissement d'un acte officiel; il ne suffit pas qu'il se borne à ne pas obtempérer à un ordre qui lui est donné (ATF 124 IV 127 consid. 3a p. 130; 120 IV 136 consid. 2a p. 139 et les références citées). Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur parvienne à éviter effectivement l'accomplissement de l'acte officiel, il suffit qu'il le rende plus difficile, l'entrave ou le diffère (ATF 124 IV 127 consid. 3a p. 129; 120 IV 136 consid. 2a p. 139 et les références citées). L'art. 286 CP se distingue de l'art. 285 CP, relatif aux violences ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires, par le fait qu'il vise une résistance sans violence ni menaces; il diffère de l'art. 292 CP, qui sanctionne l'insoumission à une décision de l'autorité, en ce sens qu'une simple désobéissance ne suffit pas (ATF 124 IV 127 consid. 3a). Au contraire, le comportement incriminé à l'art. 286 CP suppose une résistance qui implique une certaine activité (ATF 124 IV 127 consid. 3a; 120 IV 136 consid. 2a p. 140), qui peut par exemple être réalisée par le fait de prendre la fuite (ATF 120 IV 136 consid. 2a p. 140 et les références citées). 
 
 
En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté en fait, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité, qu'en demandant aux participants au cortège de se rassembler et de rester groupés autour du bus, le recourant savait qu'il allait empêcher les fonctionnaires de police de procéder à des contrôles et interpellations, que c'est précisément ce qu'il cherchait à faire et ce qui s'est produit puisque les forces de police ont été empêchées d'approcher du bus, ce qui a entravé leur travail et différé le résultat qu'elles poursuivaient. 
 
En agissant de la sorte, le recourant a incité les manifestants à adopter un comportement actif, consistant à se concentrer à proximité du bus, pour éviter les contrôles. 
Un tel comportement est tout à fait comparable au fait de poursuivre le même résultat en prenant la fuite; il ne s'agit pas d'une simple désobéissance, qui pourrait être réalisée par exemple par le fait de refuser de produire une pièce d'identité sans toutefois entreprendre quoi que ce soit pour empêcher l'autorité de procéder aux vérifications souhaitées. 
 
Il ressort en outre des constatations de l'autorité cantonale que la police a effectivement été empêchée d'approcher du bus, ce qui a eu pour conséquence de différer le résultat poursuivi. Conformément à la jurisprudence qui a été rappelée ci-dessus, cela suffit pour que l'on doive admettre que l'infraction a été consommée. 
C'est donc sans violer les dispositions pénales appliquées que l'autorité cantonale a admis que le recourant s'était rendu coupable d'instigation à une opposition aux actes de l'autorité. 
 
3.- Le recourant soutient en outre que l'arrêt attaqué étend excessivement le champ d'application de l'art. 286 CP et restreint par trop la liberté d'expression; il en conclut qu'il viole la liberté d'expression et est donc contraire aux art. 16 Cst. et 10 CEDH. 
 
Dans le cadre d'un pourvoi en nullité, seul peut être invoqué le grief tiré d'une violation indirecte de ces dispositions. Il faut donc uniquement examiner la question de savoir si l'interprétation que l'autorité cantonale a faite de la disposition relative à l'opposition aux actes de l'autorité est incompatible avec la liberté d'expression consacrée par les art. 16 Cst. et 10 CEDH. 
 
Contrairement à ce que soutient le recourant, on ne voit pas en quoi l'interprétation de la loi faite par l'autorité cantonale serait incompatible avec la garantie de cette liberté fondamentale. En effet, l'arrêt attaqué sanctionne le recourant pour avoir appelé à commettre une infraction réprimée par la loi pénale; il n'a pas pour effet de limiter sa liberté d'expression au-delà de ce qui est nécessaire à assurer le respect de la norme pénale appliquée. Le recourant lui-même ne prétend pas que son message aurait eu une portée différente de la simple exhortation à commettre une opposition aux actes de l'autorité. Dans ces circonstances, l'arrêt attaqué n'a pour conséquence de restreindre la liberté d'expression du recourant que dans la mesure où celui-ci en a fait usage d'une manière contraire à la loi interprétée de manière correcte, ainsi que cela a été constaté au considérant précédent, et sans aboutir à vider de leur portée les dispositions qui la consacrent. C'est donc à tort qu'il se plaint d'une violation indirecte des art. 16 Cst. et 10 CEDH et son pourvoi doit être rejeté. 
 
 
4.- Vu l'issue de la procédure, les frais devraient en principe être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 278 al. 1 PPF). Toutefois, il a suffisamment montré qu'il était dans le besoin et son recours n'apparaissait pas d'emblée dépourvu de chances de succès, de sorte qu'il y a lieu de le mettre au bénéfice de l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ). En conséquence, il ne sera pas perçu de frais de justice et une indemnité sera versée au mandataire du recourant. 
 
Enfin, la cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral, 
 
1. Rejette le pourvoi; 
 
2. Admet la requête d'assistance judiciaire; 
 
3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais; 
 
4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 1000 fr. à titre de dépens au mandataire du recourant. 
 
5. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois. 
__________ 
Lausanne, le 14 mai 2001 
 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
La Greffière,