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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6S.177/2006 /rod 
 
Arrêt du 14 juillet 2006 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Wiprächtiger et Kolly. 
Greffière: Mme Kistler. 
 
Parties 
Y.________, 
recourant, représenté par Me Christian Bettex, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, 
Taubenstrasse 16, 3003 Berne. 
 
Objet 
Principe d'accusation (art. 32 al. 2 Cst., art. 6 § 3 CEDH; art. 169 PPF), 
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales, du 20 février 2006. 
 
Faits: 
A. 
Par acte d'accusation du 20 octobre 2005, le Ministère public de la Confédération a renvoyé Y.________ devant le Tribunal pénal fédéral, à Bellinzone, en qualité d'accusé de corruption active et de faux dans les titres, aux côtés de dix autres accusés. Il lui reprochait d'avoir versé, de 1994 à 1998, des commissions, pour un montant total de 25'000 à 30'000 francs, à X.________, chef du secteur chauffage, ventilation, sanitaires de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en vue d'obtenir l'adjudication de travaux par l'Ecole polytechnique. En outre, il l'accusait d'avoir utilisé des fausses factures ou des fausses quittances adressées à sa société Z.________ SA, afin que cette dernière puisse "justifier", dans sa comptabilité, les sorties de fonds destinées en réalité à verser les commissions promises à X.________. 
 
S'agissant de l'accusation de faux dans les titres, l'acte d'accusation retenait ce qui suit: 
 
"Il est reproché à Y.________ d'avoir, à Lausanne, entre 1994 et 1998, fait usage de faux fabriqués par diverses entreprises (D.________, G.________, K.________), afin de justifier les paiements en faveur de X.________ à titre de "commission", 
alors qu'il savait avoir besoin de ces faux documents pour sa comptabilité qui ainsi devenait fausse, 
qu'en résumé, il est reproché à Y.________ d'avoir utilisé les faux suivants dans sa comptabilité". 
B. 
Par arrêt du 20 février 2006, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a condamné Y.________, pour faux dans les titres selon l'art. 251 CP, à une amende de 2'000 francs, le délai de radiation étant fixé à un an. Elle l'a en revanche acquitté du chef d'accusation de corruption active, en raison de la prescription. 
 
Concernant l'infraction de faux dans les titres, la Cour a admis que la comptabilité de Z.________ SA n'avait pas été faussée et que, sur le plan formel, le compte de pertes et profits de Z.________ n'avait pas violé le principe de sincérité, car les frais de sous-traitance et les commissions constituaient des postes de la même rubrique imposée par l'art. 663 al. 3 CO. Les juges ont toutefois considéré que, par son comportement, Y.________ avait contribué à la falsification des comptes de G.________ SA, en honorant une facture de cette dernière qui ne correspondait à aucune prestation réelle et en sachant que le versement opéré par Z.________ SA à G.________ SA avait pour destinataire réel X.________. Elle a conclu que Y.________ était à l'origine de cette supercherie, car il avait exigé que les commissions qu'il acceptait de verser à X.________ soient "justifiées" par une fausse facture, et qu'il devait en conséquence être condamné en qualité de coauteur avec G.________. 
C. 
Contre cet arrêt fédéral, Y.________ dépose un pourvoi en nullité devant le Tribunal fédéral. Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst. et 169 al. 1 PPF, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. 
 
Le Ministère public de la Confédération conclut au rejet du pourvoi. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral, à Bellinzone, est le tribunal pénal de première instance dans les causes soumises à la juridiction fédérale (art. 191a al. 1 Cst.; art. 1 al. 1 de la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral, LTPF; RS 173.71). Ses jugements peuvent faire l'objet d'un pourvoi en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral (art. 1 al. 2 et art. 33 al. 3 let. b LTPF). Les art. 268 ss PPF sont applicables par analogie, à l'exception de l'art. 269 al. 2 PPF (art. 33 al. 3 let. b LTPF). 
1.2 Dans un pourvoi en nullité dirigé contre une décision cantonale, l'art. 269 al. 2 PPF réserve le recours de droit public pour violation de droits constitutionnels, ce qui signifie que les griefs d'ordre constitutionnel sont irrecevables. L'art. 33 al. 3 let. b LTPF prévoit toutefois que cette disposition ne s'applique pas au pourvoi contre un jugement rendu par la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral, de sorte que les griefs d'ordre constitutionnel sont dans ce cas recevables. Le législateur a de la sorte anticipé sur le futur recours unifié (cf. art. 95 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; FF 2005 3829; message, FF 2001 4132). En conséquence, le recourant est habilité à se plaindre de la violation de droits constitutionnels dans le présent pourvoi en nullité. 
2. 
Le recourant prétend avoir été condamné pour des faits non retenus dans l'acte d'accusation et sur lesquels il n'a dès lors pas été entendu. Il dénonce à ce propos une violation de l'art. 169 PPF et de l'art. 29 al. 2 Cst. 
2.1 Composant du droit d'être entendu, le principe de l'accusation implique que le prévenu connaisse exactement les faits qui lui sont imputés ainsi que les peines et mesures auxquelles il s'expose, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 consid. 2a p. 21; 120 IV 348 consid. 2b p. 353). Il n'empêche pas l'autorité de jugement de s'écarter de l'état de fait ou de la qualification juridique retenus dans la décision de renvoi ou l'acte d'accusation, à condition toutefois que les droits de la défense soient respectés (ATF 126 I 19 consid. 2a et c p. 21 ss). Si l'accusé est condamné pour une autre infraction que celle visée dans la décision de renvoi ou l'acte d'accusation, il faut examiner s'il pouvait, eu égard à l'ensemble des circonstances d'espèce, s'attendre à cette nouvelle qualification juridique des faits, auquel cas il n'y a pas violation de ses droits de défense (ATF 126 I 19 consid. 2d/bb p. 24). L'art. 6 § 3 let. a CEDH n'offre pas une protection plus étendue que celle que l'on peut déjà déduire de l'art. 29 al. 2 Cst. 
 
Le principe d'accusation est concrétisé dans la loi de procédure pénale fédérale par l'art. 169 al. 1 PPF qui dispose que "la cour ne se prononce que sur le fait qui est l'objet de l'accusation". L'art. 170 PPF prévoit que "lorsque la cour estime que le fait constitue une autre infraction ou est passible d'une peine plus grave que ne l'admettait l'accusation, le président en avertit l'accusé et l'informe qu'il peut se défendre de ce chef. Si l'accusation ou la défense nécessitent à son avis une plus ample préparation, la cour ajourne d'office ou sur réquisition les débats." 
2.2 En l'occurrence, les faits retenus à la charge du recourant par le premier juge sont distincts de ceux qui figuraient dans l'acte d'accusation. Le Ministère public de la Confédération avait retenu que le recourant avait usé de faux (confectionnés par des entreprises tierces) afin de fausser la comptabilité de sa propre société. Il limitait de la sorte clairement l'accusation à la comptabilité de la société du recourant. Le premier juge a cependant condamné le recourant pour avoir collaboré à l'établissement de fausses factures et avoir voulu - ou du moins accepté - fausser par ce moyen la compatibilité d'une société tierce. En condamnant le recourant pour avoir participé à la falsification des comptes d'une autre société que la sienne, le premier juge a étendu l'accusation à des faits qui ne figurent pas dans l'acte d'accusation et que le recourant ne devait pas s'attendre à se voir reprocher. S'il entendait modifier l'objet du litige et retenir une autre forme de faux dans les titres, il devait en informer le recourant de façon que celui-ci puisse présenter ses observations et préparer sa défense. 
 
Dans ces conditions, le premier juge a violé l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 169 PPF en condamnant le recourant pour des faits pour lesquels il n'avait pas été dénoncé, sans lui avoir donné l'occasion de se déterminer à ce propos. L'arrêt attaqué doit par conséquent être annulé et la cause renvoyée au premier juge pour qu'il statue à nouveau, dans le respect des droits de la défense. 
3. 
Le pourvoi doit en conséquence être admis. 
 
Comme le recourant obtient gain de cause, il ne sera pas perçu de frais et la caisse du Tribunal fédéral lui versera une indemnité à titre de dépens (art. 278 al. 3 PPF). 
 
Il n'est pas réclamé de frais au Ministère public de la Confédération qui succombe (art. 278 al. 2 PPF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le pourvoi est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au Tribunal pénal fédéral pour nouvelle décision. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
3. 
La Caisse du Tribunal fédéral versera au recourant une indemnité de 1'500 francs à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales. 
Lausanne, le 14 juillet 2006 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: