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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.210/2006 /frs 
 
Arrêt du 15 janvier 2007 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Raselli, Président, 
Hohl et Zappelli, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Rey-Mermet. 
 
Parties 
Epoux X.________, 
demandeurs et recourants, représentés par Me Freddy Rumo, avocat, 
 
contre 
 
Epoux Y.________, 
défendeurs et intimés, représentés par Me Ivan Zender, avocat, 
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
servitude, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel 
du 29 juin 2006. 
A. 
Les époux X.________ sont copropriétaires de l'article xxxx du cadastre de Z.________. Ce bien-fonds est contigu à l'article yyyy qui appartient en main commune aux époux Y.________. Sur chacune des parcelles est érigée une villa familiale. 
 
L'article yyyy est grevé d'une servitude de non-bâtir au profit de l'article xxxx. Le contrat constitutif de servitude du 26 avril 1951 dispose notamment ce qui suit : 
 
"1. L'article yyyy est grevé (...) d'une servitude à teneur de laquelle il ne peut être construit sur le fonds asservi : 
a) d'autre bâtiment qu'une maison familiale, 
(...) 
3. Interdiction est faite à l'article yyyy (...) de bâtir à une distance inférieure à six mètres de la limite ouest et à dix mètres de la limite sud." 
B. 
Les époux Y.________ ont bâti sur leur terrain une villa de forme pentagonale. Parallèlement à l'une des façades se trouve un garage, relié au bâtiment d'habitation par un couvert de structure légère. Attenants au garage s'élèvent, sur l'un de ses côtés, un hangar à vélos, et sur l'autre, une cabane à outils. 
C. 
En sus de ces constructions, les époux Y.________, qui sont amateurs de cuniculiculture et de colombiculture, ont installé dans leur jardin des cabanons destinés à accueillir ces élevages. En été 2002, ils ont projeté de remplacer certains de ces cabanons par une construction unique dans le prolongement du hangar à vélos, de sorte qu'un seul bâtiment abrite les animaux, le garage et les locaux annexes. 
 
Estimant ce projet contraire à la servitude, les époux X.________ ont saisi le Tribunal civil du district de La Chaux-de-Fonds d'une requête de mesures provisoires tendant à faire interdire aux époux Y.________ la poursuite des travaux de construction. Cette requête a été rejetée par ordonnance du 11 juillet 2002. 
 
Le 18 juin 2002, les époux X.________ ont ouvert action devant cette même autorité en concluant à ce qu'il soit fait interdiction aux époux Y.________ de poursuivre la construction en cours et à la remise des lieux dans leur état antérieur. Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande. 
 
Par jugement du 25 août 2005, le Tribunal de district a rejeté la demande. 
D. 
Par arrêt du 29 juin 2006, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté le recours des demandeurs. Les juges cantonaux ont retenu, en bref, que la construction litigieuse n'était pas contraire à l'interdiction de construire à moins de 6 mètres de la limite ouest du fonds servant et qu'elle n'avait pas enfreint l'interdiction de construire d'autre bâtiment qu'une maison familiale. 
E. 
Contre cet arrêt, les demandeurs exercent en parallèle un recours de droit public et un recours en réforme au Tribunal fédéral. Le recours de droit public a été rejeté, dans la mesure où il était recevable, par arrêt rendu ce jour par la Cour de céans. Le recours en réforme tend principalement à la réforme dudit arrêt, dans le sens de la radiation de la servitude litigieuse au registre foncier et du redressement de celui-ci en conséquence; à titre subsidiaire, il tend à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de l'affaire à l'autorité cantonale pour compléter l'état de fait et pour nouvelle décision, sous suite des frais et dépens de toutes les instances. 
 
Les défendeurs n'ont pas été invités à répondre. 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 L'arrêt entrepris tranche une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire, au sens de l'art. 46 OJ (cf. ATF 130 III 554 consid. 1.2 non publié; 121 III 52 consid. 1 non publié; 114 II 426 consid. 1 non publié; 107 II 331 consid. 1 non publié). Contrairement à ce que prescrivent les art. 51 al. 1 let. a et 55 al. 1 let. a OJ, ni l'arrêt attaqué, ni l'acte de recours n'indiquent que la valeur litigieuse exigée par l'art. 46 OJ est atteinte. Cela n'affecte toutefois pas la recevabilité du recours, car il peut être constaté d'emblée avec certitude, sur le vu de l'acte de recours et de l'arrêt entrepris, que la valeur litigieuse dépasse 8'000 fr. (ATF 109 II 491 consid. 1c/ee; 90 IV 267 consid. 1; 87 II 113 consid. 1; 83 II 245 consid. 2; 82 II 592; 82 III 94; 81 II 309; 79 III 172; 120 II 393 consid. 2 in fine). En effet, s'agissant d'une servitude, lorsque seule est litigieuse son étendue ou la restriction apportée à son exercice, est déterminante la valeur de l'extension contestée ou l'intérêt à la suppression de l'atteinte (ATF 109 II 491 ss consid. 1a et 1c cc). En l'espèce, l'admission de l'action des époux X.________ contraindrait les époux Y.________ à démolir la construction érigée sur leur terrain, dont le coût a été estimé à 50'000 fr., auquel s'ajoutent les frais de remise en état. Il s'ensuit que le recours est recevable au regard de l'art. 46 OJ. Interjeté en temps utile (cf. art. 54 al. 1 OJ) contre une décision finale prise par le tribunal suprême du canton de Neuchâtel et qui ne peut pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal (cf. art. 48 al. 1 OJ), il est également recevable au regard de ces dispositions. 
 
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a; 119 II 353 consid. 5c/aa). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans l'arrêt attaqué sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c; 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Au surplus, il ne peut être présenté dans un recours en réforme de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
2. 
Examinant si la construction litigieuse violait la servitude de non-bâtir, la cour cantonale a constaté que le bien-fonds des défendeurs est de forme carrée et que ses angles sont situés aux quatre points cardinaux. De ce fait, elle a considéré qu'une interdiction de bâtir à une distance inférieure à six ou dix mètres des limites ouest et sud, qui étaient en réalité des angles, n'avait pas de sens et que, par conséquent, il n'y avait pas violation de la servitude. Cette conclusion s'imposait d'autant plus qu'en vertu d'un usage local selon lequel le nord n'est pas considéré en fonction du pôle magnétique mais selon l'axe de la vallée, supposé d'est en ouest, la construction litigieuse se trouvait en réalité au nord-ouest du fonds des défendeurs. Par ailleurs, ils ont estimé que l'inscription figurant au registre foncier ne permettait pas de déterminer à elle seule le contenu de la servitude en cause. Interprétant l'acte constitutif, ils ont considéré que l'expression "autre bâtiment qu'une maison familiale" n'a pas pour but de fixer le nombre précis des constructions qui peuvent y être érigées mais de restreindre l'usage du fonds servant à une occupation familiale normale. Dans la mesure où l'autorité cantonale a retenu que l'élevage de lapins domestiques et de pigeons restait en rapport avec un usage familial, elle a jugé que la construction litigieuse était compatible avec la servitude. 
3. 
Les recourants dénoncent une violation de l'art. 738 CC en relation avec l'art. 18 CO
3.1 Aux termes de l'art. 738 al. 1 CC, l'inscription fait règle, en tant qu'elle désigne clairement les droits et les obligations dérivant de la servitude. Dans la mesure où l'inscription est peu claire, incomplète ou - ce qui est fréquent - sommaire, il est cependant nécessaire de recourir à d'autres éléments d'interprétation tels que son "origine", à savoir l'acte constitutif de la servitude (art. 738 al. 2 CC; ATF 130 III 554 consid. 3.1; 121 III 52 consid. 2a; Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, tome II, 2e éd., 1994, n. 2292). Ce dernier doit être interprété de la même manière que toute déclaration de volonté, à savoir, s'agissant d'un contrat, selon la réelle et commune intention des parties (art. 18 CO), respectivement, pour le cas où celle-ci ne peut être établie, selon les règles de la bonne foi; toutefois, vis-à-vis de tiers qui n'étaient pas parties au contrat constitutif de la servitude, ces principes d'interprétation sont limités par la foi publique attachée au registre foncier (art. 973 CC); celle-ci interdit de prendre en considération les circonstances et motifs personnels qui ont été déterminants dans la formation de la volonté personnelle des constituants mais qui, dans la mesure où ils ne résultent pas de l'acte constitutif, ne sont pas opposables au tiers qui s'est fondé de bonne foi sur le registre foncier (ATF 130 III 554 consid. 3.1 et les références citées). C'est dans ce sens qu'il a pu être dit, de manière quelque peu simplifiée, que vis-à-vis d'un tiers, le contrat constitutif de servitude doit être interprété conformément au principe de la confiance, soit dans le sens où il peut être compris, selon les règles de la bonne foi, par une personne attentive raisonnant objectivement (ATF 130 III 554 consid. 3.1; cf. ATF 108 II 542 consid. 2). Une telle interprétation selon le principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 129 III 118 consid. 2.5, 702 consid. 2.4 et les arrêts cités). 
3.2 Dans un premier grief, les demandeurs reprochent à la cour cantonale de n'avoir pas examiné le sens de la servitude litigieuse au moment de sa constitution eu égard à la configuration des parcelles à cette époque. Selon eux, la juridiction cantonale aurait dû rechercher l'emplacement des articles nos uuuu et vvvv qui correspondaient en 1951 aux fonds dominants. Ils prétendent que ces biens-fonds se trouvaient à l'ouest et au sud de la parcelle bénéficiaire de la servitude. En revanche, en interprétant la servitude selon l'usage local, la cour cantonale a obtenu un résultat illogique, qui prive de sens la servitude. En outre, selon les demandeurs, l'existence de cet usage local en 1951 n'est pas établi. 
 
Cette argumentation se révèle entièrement irrecevable dans la mesure où elle consiste à contester l'état de fait retenu souverainement par la cour cantonale ou à s'en écarter, ce qui est inadmissible dans le cadre d'un recours en réforme (cf. consid. 1.2 supra). A cet égard, l'art. 64 OJ auquel se réfèrent les demandeurs ne leur est d'aucun secours, dès lors que l'état de fait qu'ils allèguent n'a pas été présenté en instance cantonale. 
3.3 Dans un second grief, les demandeurs font valoir qu'en estimant que la construction litigieuse était compatible avec l'interdiction de bâtir d'"autre bâtiment qu'une maison familiale", les juges cantonaux ont violé le droit fédéral, en particulier les art. 18 CO et 730 CC. Ils ne contestent pas l'interprétation selon laquelle cette expression a pour but de restreindre l'usage du fonds servant à une occupation familiale normale et non de limiter le nombre précis des constructions. Ils estiment cependant que l'élevage de lapins et de pigeons n'entre pas dans le cadre d'un usage familial normal en raison des dimensions du bâtiment projeté et des nuisances inhérentes à ces activités. 
 
En l'espèce, l'autorité cantonale a estimé que l'inscription figurant au registre foncier ne permettait pas de déterminer à elle seule le contenu de la servitude. Au vu de la description de la servitude dans l'acte constitutif interprété selon le principe de la confiance, elle a considéré que l'expression utilisée avait pour but de restreindre l'usage du fonds servant à une occupation familiale normale et non de limiter le nombre précis des constructions. L'emprise au sol d'un bâtiment peut en effet être supérieure à celle de plusieurs bâtiments de plus petites dimensions. Examinant si la construction litigieuse était admissible au regard de cette interprétation, elle en a conclu que les défendeurs, de même qu'ils auraient eu le droit d'agrandir leur garage pour y abriter des véhicules ou tout animal toléré par la réglementation de police, avaient le droit de construire à côté de ce garage une baraque, dès lors que celle-ci restait en rapport avec un usage familial. 
 
Pour autant qu'elle soit suffisamment motivée (art. 55 OJ), l'argumentation des recourants ne peut être suivie. Ils se contentent d'exposer leur propre interprétation, sans démontrer en quoi celle de l'autorité cantonale violerait le droit fédéral. Or, l'appréciation de la cour cantonale apparaît conforme à l'art. 738 CC. Un garage et une cabane de jardin apparaissent de nos jours des accessoires usuels d'une maison familiale et sont ainsi compatibles avec la servitude en question. Les recourants n'auraient ainsi pas pu s'opposer à de telles constructions en se fondant sur dite servitude. Il en va de même de la construction litigieuse, dès lors que celle-ci forme un bâtiment unique englobant le garage, les cabanons et une partie du local à outils. En admettant que la construction litigieuse rentrait dans le cadre d'un usage familial normal, l'autorité cantonale n'a pas défini le contenu de la servitude plus largement que son libellé. 
 
Cela entraîne le rejet de ce moyen, dans la mesure où il est recevable. 
4. 
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais de la présente cause seront supportés par les recourants, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que les demandeurs n'ont pas été invités à répondre au recours. 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourants. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
Lausanne, le 15 janvier 2007 
Le président: La greffière: