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[AZA 0/2] 
5C.90/2001 
 
IIe COUR CIVILE 
****************************** 
 
15 octobre 2001 
 
Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et 
M. Meyer, juges. Greffière: Mme Mairot. 
 
__________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
M.________, demandeur et recourant, représenté par Me Alain Marti, avocat à Genève, 
 
et 
Dame M.________, défenderesse et intimée, représentée par Me Ninon Pulver, avocate à Genève; 
 
(modification d'un jugement de divorce) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Par jugement du 31 janvier 1991, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé le divorce des époux M.________. La garde et l'autorité parentale sur l'enfant Lakshmi, née le 10 mars 1987, a été confiée au père, sous réserve du droit de visite de la mère. Celle-ci a été condamnée à verser une contribution d'entretien de 500 fr. par mois en faveur de sa fille jusqu'à la majorité de l'enfant, en mars 2007. Une rente mensuelle d'un montant et d'une durée identiques a été allouée à l'épouse en application de l'art. 152 aCC. 
 
 
Préalablement, les conjoints étaient parvenus à un accord complet quant au principe du divorce et à ses effets accessoires. Ils étaient notamment convenus que la mère ne serait pas astreinte à payer une contribution d'entretien pour sa fille. Mais au vu du caractère impératif de la loi sur ce point, ils s'étaient finalement mis d'accord pour que les contributions respectivement versées par chacun d'eux fussent d'un montant et d'une durée identiques, afin de permettre leur compensation. 
 
En 1989, l'épouse avait noué une relation avec X.________, chez qui elle était allée vivre dès l'automne 1990. Lors du prononcé du divorce, elle n'exerçait pas d'activité professionnelle et suivait une formation complémentaire de maîtresse de couture, qui s'est achevée en 1991. Depuis la rentrée scolaire de cette année-là, elle travaille en cette qualité, ce qui lui procure un revenu net d'environ 5'000 fr. par mois. 
 
B.- Le 5 février 1999, M.________ a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une demande tendant à la suppression de la rente allouée à son épouse; il a notamment allégué que celle-ci vivait maritalement avec X.________ depuis plus de dix ans. 
 
Par jugement du 21 septembre 2000, cette autorité a fait droit à la demande en annulant, avec effet au 5 février 1999, le point 6 du dispositif du jugement de divorce, qu'elle a confirmé pour le surplus. 
 
Statuant le 22 février 2001 sur l'appel de la défenderesse, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement de première instance. 
 
C.- M.________ demande au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt, en ce sens que le point 6 du dispositif du jugement de divorce du 31 janvier 1991 est annulé avec effet au 5 février 1999, ledit jugement étant confirmé pour le surplus. 
Très éventuellement, il requiert le renvoi de la cause à la Cour de justice pour qu'elle complète l'état de fait. 
 
L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt entrepris. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par le tribunal suprême du canton dans une contestation civile de nature pécuniaire, le recours est recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. Comme les droits contestés dans la dernière instance cantonale dépassent 8'000 fr., il l'est aussi selon l'art. 46 OJ
 
2.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ). Les griefs dirigés à l'encontre des constatations de fait - ou de l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 126 III 189 consid. 2a p. 191; 125 III 368 consid. 3 in fine p. 372; 122 III 61 consid. 2c/cc p. 66) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'art. 64 OJ réserve en outre le complètement de constatations de fait incomplètes. 
 
 
b) aa) Le recourant déclare se référer à l'état de fait tel qu'il ressort de l'arrêt entrepris et du jugement du Tribunal de première instance. Dès lors que la Cour de justice ne s'est pas expressément reportée aux faits constatés dans la décision de l'autorité inférieure, ceux-ci ne sont toutefois pas déterminants (B. Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 61; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 128 no 93). 
 
bb) Dans la mesure où le recourant complète l'état de fait arrêté par la Cour de justice, ses allégations sont irrecevables. Tel est le cas lorsqu'il prétend que l'intimée a toujours fait en sorte de cacher son concubinage, et qu'il était par conséquent difficile pour lui de le démontrer. 
 
cc) Le recourant soutient en outre que l'autorité cantonale a commis une erreur manifeste en retenant que le juge du divorce savait qu'à ce moment-là, la défenderesse vivait déjà en concubinage. Toutefois, il ne reproche pas à la Cour de justice d'avoir ignoré une pièce déterminée, versée au dossier, ou de l'avoir mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son vrai sens littéral (ATF 115 II 399 consid. 2a). Il prétend en revanche que cette constatation serait contraire aux éléments du dossier. Ce faisant, il s'en prend, de manière irrecevable, à l'appréciation des preuves effectuée par l'autorité cantonale. On ne voit en outre pas en quoi la constatation incriminée serait propre à influer sur l'issue du litige (cf. Corboz, op. cit. , p. 66). 
 
dd) Le recourant se plaint aussi d'une violation de son droit d'être entendu, dès lors que la Cour de justice aurait fait usage d'un argument imprévisible sans interpeller les parties. Un tel moyen ne peut faire l'objet que d'un recours de droit public pour violation de l'art. 29 al. 2 Cst. , de sorte que le recours en réforme est irrecevable sur ce point (art. 43 al. 1 in fine et 84 al. 1 let. aOJ). 
 
3.- a) Selon l'art. 153 al. 1 aCC, applicable en vertu du droit transitoire (art. 7a al. 3 Tit. fin. CC), l'époux auquel une rente viagère a été allouée en vertu des art. 151 ou 152 aCC cesse d'y avoir droit s'il se remarie. 
D'après la jurisprudence, il en va de même lorsque le crédirentier vit dans un concubinage stable, qui lui procure des avantages analogues à ceux du mariage (ATF 124 III 52 consid. 2a/aa p. 54 et les arrêts cités). Le fait que l'union libre dure depuis au moins cinq ans lors de l'introduction de l'action en modification du jugement de divorce entraîne un renversement du fardeau de la preuve; le conjoint crédirentier est cependant admis à prouver que des motifs particuliers et sérieux ne lui permettent pas de compter sur un entretien semblable à celui auquel le mariage donnerait droit (ATF 118 II 253; 114 II 295; 109 II 188). Une convention contraire est licite (ATF 81 II 587 consid. 7 p. 591; 71 II 132 consid. 5 p. 139). 
 
 
b) En l'espèce, l'autorité cantonale a considéré que la défenderesse vivait depuis plus de dix ans avec un tiers, de sorte qu'il y avait présomption de concubinage qualifié. 
Toutefois, cette union existait déjà au moment du divorce, ce que le mari savait, de même que le juge saisi de l'action. Le demandeur avait néanmoins conclu un accord, ratifié judiciairement, selon lequel il s'engageait à payer une rente de 500 fr. par mois en faveur de la défenderesse jusqu'à la majorité de leur fille. De plus, si l'époux ne pouvait pas être certain, au moment où il a signé l'accord, du caractère durable de cette liaison - même s'il pouvait et devait partir de l'idée qu'elle continuerait -, sa conviction aurait à l'évidence pu être acquise quelques années plus tard. En se prévalant du concubinage pour ne plus payer la rente après avoir dûment exécuté la convention pendant dix ans, le demandeur abusait par conséquent de son droit. 
 
c) Selon la jurisprudence relative à l'art. 153 aCC, les époux ont la faculté de convenir, concernant la durée de la contribution d'entretien, d'une réglementation différente de celle prévue par cette disposition. Ils peuvent ainsi stipuler que la rente ne prendra pas fin en cas de remariage ou de concubinage semblable à un mariage (ATF 81 II 587 et 71 II 132 précités). De même, il est envisageable qu'une partie promette à l'autre une contribution d'entretien bien qu'elle soit consciente que celle-ci vive déjà dans une relation de concubinage qui présente toutes les caractéristiques d'un mariage. 
Dans ce cas, on peut se demander si le débiteur de l'obligation d'entretien peut exiger la suppression de la rente uniquement parce que les concubins ne se sont en fin de compte pas séparés. 
 
En l'occurrence, le seul fait qu'au moment du divorce, le demandeur ait été au courant du concubinage de la défenderesse, ne permet pas d'affirmer qu'il ait renoncé à demander ultérieurement la suppression de la contribution d'entretien. 
Selon les constatations de l'arrêt entrepris, cette relation a débuté en 1989 et les intéressés ont commencé à vivre ensemble en automne 1990. Etant donné le caractère relativement récent de cette liaison, le demandeur ne devait pas nécessairement s'attendre à ce que celle-ci se développe en une relation comparable à un mariage. De plus, contrairement à l'opinion de l'autorité cantonale, on ne saurait lui reprocher d'avoir abusivement attendu avant d'introduire action. 
Il n'en demeure pas moins qu'il a accepté, en pleine connaissance de cause, de payer à la défenderesse une rente de 500 fr. par mois jusqu'en mars 2007 dans le but de compenser la contribution versée par celle-ci pour l'entretien de leur fille. Or une telle convention ne peut avoir de sens que si ladite rente reste effectivement servie jusqu'à cette date, nonobstant le concubinage de la bénéficiaire dont le débirentier connaissait déjà l'existence. En cas de volonté concordante des parties sur ce point, autrement dit si, en concluant l'accord ratifié par le juge du divorce, elles se sont entendues pour déroger à la règle de l'art. 153 al. 1 aCC, le comportement du demandeur devrait être considéré comme abusif (venire contra factum proprium) et ne pourrait dès lors être protégé (ATF 125 III 257 consid. 2a p. 259 et les citations). 
 
Il n'appartient cependant pas au Tribunal fédéral de procéder aux constatations nécessaires sur la volonté des parties, y compris leur volonté interne. L'arrêt entrepris doit ainsi être annulé en application de l'art. 64 al. 1 OJ et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour complètement de l'état de fait et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Il lui incombera de déterminer si les conjoints étaient convenus que la pension en faveur de l'épouse divorcée serait due jusqu'en mars 2007 malgré le concubinage de celle-ci, auquel cas le demandeur ne pourrait invoquer cette circonstance sans commettre un abus de droit. 
 
4.- Vu ce qui précède, les frais judiciaires seront supportés par l'intimée (art. 156 al. 1 OJ). Celle-ci versera en outre des dépens au recourant (art. 159 al. 1 et 2OJ). 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable, annule l'arrêt entrepris et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète l'état de fait et statue à nouveau dans le sens des considérants. 
 
2. Met à la charge de l'intimée: 
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr. 
b) une indemnité de 2'000 fr. à payer au 
recourant à titre de dépens. 
 
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
__________ 
Lausanne, le 15 octobre 2001 MDO/frs 
 
Au nom de la IIe Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE : 
Le Président, 
 
La Greffière,