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[AZA 0/2] 
 
4P.110/2001 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
17 juillet 2001 
 
Composition de la Cour: M. Leu, juge présidant, M. Corboz et 
Mme Rottenberg Liatowitsch, juges. Greffier: M. Ramelet. 
 
__________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
X.________ S.A., représentée par Me Philippe Girod, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 7 mars 2001 par la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause qui oppose la recourante à D.________, c/o Syndicat SIT, à Genève; 
 
(art. 9 Cst. ; appréciation arbitraire des preuves) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- a) D.________, requérant d'asile du Kosovo, a été engagé le 29 mai 1995, en qualité d'aide de cuisine, par Y.________ S.A., société qui exploitait un restaurant à l'enseigne "Z.________". Il résulte des fiches de salaires du travailleur qu'il a touché mensuellement, du 1er juin 1995 au 30 juin 1996, un salaire brut de 2900 fr. et un salaire net de 2091 fr.70., après déduction notamment des impôts à la source et d'une retenue de 290 fr. par mois pour requérant d'asile. 
 
Le 1er juillet 1996, X.________ S.A. (ci-après: 
X.________) a repris l'exploitation de l'établissement public précité et confirmé à D.________ qu'il était engagé aux mêmes conditions que précédemment. Selon les fiches de travail établies par X.________, D.________ a ainsi continué à percevoir par mois la même rémunération brute et nette. 
 
Dès le mois de mai 1997, une retenue mensuelle de l'ordre de 300 fr. pour les repas pris dans le restaurant s'est ajoutée aux différentes déductions. 
 
A partir d'août 1997 et jusqu'à la fin de son engagement, les fiches de salaire indiquent que D.________ a touché un salaire mensuel brut de 2675 fr. ainsi que 225 fr. 
à titre de treizième salaire. 
 
Avec l'accord de son employeur, D.________ a résilié son contrat de travail pour le 30 novembre 1999 et quitté définitivement la Suisse pour retourner dans son pays le 14 décembre 1999. 
 
b) Le 7 avril 2000, D.________, représenté par le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (ci-après: SIT), a ouvert action contre X.________ devant le Tribunal des prud'hommes de Genève, réclamant le paiement de 12 405 fr.85, plus intérêts à 5% dès le 1er avril 2000, d'une part à titre de différence entre les salaires perçus par le travailleur et les salaires minimaux prévus par les différentes conventions collectives de travail applicables dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration et, d'autre part, à titre de treizième salaire, somme qui se décomposait ainsi: 422 fr.90 pour 1995, 1643 fr.75 pour 1996, 3047 fr.55 pour 1997, 3680 fr. pour 1998 et 3611 fr.65 pour 1999. 
 
X.________ a conclu à libération, affirmant que le salarié avait reçu des salaires nets, en espèces, de 2500 fr. 
en 1996, 2700 fr. en 1997 et 2800 fr. en 1998 et 1999. Pour étayer ses dires, elle a produit un chèque de 2800 fr., qui a été encaissé le 6 avril 1999 par le demandeur. 
 
Par jugement du 6 octobre 2000, le Tribunal des prud'hommes a fait entièrement droit aux conclusions de la demande. Il a retenu que la défenderesse n'avait pas prouvé avoir versé en espèces à son ex-employé des montants supérieurs à ceux mentionnés dans ses fiches de salaire, de sorte que, sur la base des salaires minimaux prévus par les conventions collectives de travail applicables, le demandeur avait été privé de rémunérations mensuelles et de treizièmes salaires dont le total dépassait le montant réclamé. 
 
B.- La défenderesse a appelé de ce jugement devantla Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
 
La cour cantonale a procédé à l'audition d'un représentant de l'appelante ainsi que de trois témoins, qui sont les employés de X.________. 
Par arrêt du 7 mars 2001, la Cour d'appel a confirmé le jugement critiqué. En substance, elle a considéré que, dès lors qu'il résultait des fiches de paye du demandeur qu'il percevait un salaire inférieur aux salaires minimaux conventionnels, il incombait à la défenderesse d'établir le contraire, et que celle-ci avait échoué dans cette entreprise. 
A propos des témoins entendus, la cour cantonale a admis, au vu de leur lien de dépendance avec la défenderesse, que leurs déclarations devaient être appréciées avec circonspection. 
Devant les contradictions de ces dépositions et le flou dans lequel elles baignaient, la Cour d'appel a considéré qu'elles ne prouvaient pas que le travailleur avait perçu 2800 fr. net par mois. Quant au chèque produit par la défenderesse devant le Tribunal des prud'hommes, l'autorité cantonale a jugé que ce versement isolé ne constituait pas une preuve suffisante que le demandeur touchait mensuellement le salaire net de base en question. 
 
C.- Invoquant l'interdiction de l'arbitraire, X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité, dont elle requiert l'annulation. 
 
L'intimé ne s'est pas déterminé dans le délai qui lui avait été imparti. 
 
La Cour d'appel a déclaré se référer à son arrêt. 
Elle a ajouté qu'elle a dénoncé le 29 mars 2001 au Procureur général du canton de Genève les faits concernant le témoignage du représentant de la défenderesse P.________. 
 
Considérantendroit : 
 
1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). 
 
 
L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si la recourante soulève une question relevant de l'application du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ). 
 
 
La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, qui la condamne à paiement, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ). 
 
b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les références; cf. également ATF 110 Ia 1 consid. 2a). 
 
c) On peut sérieusement douter de la recevabilité du présent recours, dans la mesure où la défenderesse ne tente pas véritablement de démontrer l'arbitraire de l'arrêt cantonal, mais se contente sans autre développement de contester la solution adoptée par les magistrats genevois. Il n'importe, du moment que le recours est dénué de tout fondement. 
 
2.- a) La recourante soutient que la décision attaquée viole l'interdiction de l'arbitraire garantie par l'art. 9 Cst. 
 
Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 126 I 168 consid. 3a; ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b). 
 
 
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et des constatations de fait, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. 
 
b) aa) Selon la recourante, dès lors que les trois témoins entendus l'ont été sous la foi du serment, la cour cantonale ne pouvait affirmer sans arbitraire que leurs déclarations devaient être appréciées avec circonspection pour le seul motif que les intéressés sont des employés de la défenderesse. 
 
bb) Le juge ne doit se fonder sur une déposition que s'il est établi que le témoin avait la volonté de dire la vérité et la capacité pour ce faire (cf. ATF 118 Ia 28 consid. 1c). Le témoin a ainsi le devoir de renseigner le juge sur les circonstances qui peuvent influer sur sa crédibilité; en particulier, il lui incombe de préciser quelles sont ses relations avec les plaideurs (Max Guldener, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 346 in fine et la note 35; Oscar Vogel, Grundriss des Zivilprozessrechts, 6e éd., chap. 
10, n. 60, p. 268). 
 
 
La recourante n'a pas taxé d'arbitraire la constatation que les trois témoins entendus par la Cour d'appel sont toujours ses employés. Liés à la défenderesse par un contrat de travail, ces derniers sont ainsi dans une situation de subordination par rapport à la recourante (cf. Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 2503, p. 306). 
Comme lesdits témoins peuvent avoir été influencés par leur employeur, il n'est nul besoin de longues explications pour admettre que l'autorité cantonale n'a pas fait montre d'arbitraire en considérant que leurs déclarations ne devaient être accueillies qu'avec retenue. 
 
c) A suivre la recourante, les trois témoignages écartés étaient très clairs sur le montant net touché par le demandeur lors de ses deux dernières années de travail ainsi que "sur la question de la divergence entre le bulletin de salaire et le montant effectivement perçu". 
 
L'autorité cantonale a retenu, sans être critiquée, que, sans doute pour ne pas nuire ou déplaire à son employeur, le témoin G.________ avait effectué une fausse déclaration sous serment au sujet des montants non déclarés versés par la recourante à ses employés. Il saute aux yeux que les dires de ce témoin, qui a déjà menti pour favoriser la cause de son employeur, sont pour le moins sujets à caution. 
 
Le témoin H.________, qui a affirmé que le demandeur touchait une année ou une année et demie après son engagement, à savoir en tout cas dès janvier 1997, un salaire net de 2800 fr., est contredit par les allégations mêmes de la défenderesse, qui a reconnu que l'intimé recevait en 1997 une rémunération mensuelle nette de 2700 fr. Quant à la différence entre le montant du salaire indiqué sur sa fiche de travail et le salaire qu'il encaissait réellement en espèces, H.________ a déclaré, au cours de l'audience du 7 mars 2001, qu'"il pens(ait) que la différence prov(enait) du travail supplémentaire qu'(il effectuait)". Il ne s'agit pas là d'une constatation, mais bien d'une simple conjecture, dont la Cour d'appel n'avait pas à tenir compte. 
 
Quant au témoin S.________, comme il n'est entré au service de la défenderesse qu'en août 1998, il ne pouvait évidemment avoir constaté ce que touchait le demandeur depuis la fin 1997. Au sujet de la différence entre le montant qui lui était versé mensuellement par l'employeur et celui indiqué sur sa fiche de paye, S.________ a tout d'abord affirmé qu'elle s'expliquait par la rétrocession des retenues pour nourriture mentionnées sur sa fiche de salaire, puis a déclaré qu'elle correspondait au paiement d'heures supplémentaires. 
Dans ces conditions, quoi qu'en pense la recourante, le moins que l'on puisse dire est que cette déposition n'était pas claire. 
 
d) La recourante semble affirmer que la cour cantonale ne pouvait sans arbitraire écarter intégralement les dépositions des trois témoins susmentionnés, à moins de leur reprocher d'avoir commis de faux témoignages au sens du droit pénal. 
 
La Cour d'appel n'a pas écarté l'entier des déclarations de ces témoins, mais a examiné celles-ci avec réserve, en les confrontant avec les autres moyens de preuve administrés, singulièrement les déclarations et allégations de la recourante et les pièces produites. Il n'y a là rien d'insoutenable. 
 
e) Enfin, la recourante prétend que l'autorité cantonale n'a pas pris en considération le chèque de 2800 fr. 
qu'elle a versé à l'intimé en mars 1999. 
 
Le moyen est téméraire. La Cour d'appel a bel et bien fait état de l'existence de ce chèque aux pages 3 in fine et 10 in medio de son arrêt. Et c'est sans le moindre arbitraire qu'elle a admis que ce chèque n'établissait pas que le demandeur percevait 2800 fr. net mensuellement de janvier 1998 à novembre 1999. 
 
3.- Il suit de là que le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité. La procédure est gratuite, puisque la valeur litigieuse, déterminée selon la prétention du demandeur au moment de l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b), ne dépasse pas 30 000 fr. (art. 343 al. 2 et 3 CO dans sa teneur en vigueur depuis le 1erjuin 2001, applicable aux procédures déjà pendantes (ATF 115 II 30 consid. 5a)). L'intimé, qui n'a pas procédé, n'a pas droit à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral, 
 
vu l'art. 36a OJ
 
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable; 
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire; 
 
3. Communique le présent arrêt en copie aux parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
 
___________ 
Lausanne, le 17 juillet 2001 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Juge présidant, 
 
Le Greffier,