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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_657/2009 
 
Arrêt du 18 février 2010 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. les Juges Favre, Président, 
Schneider et Wiprächtiger. 
Greffière: Mme Bendani. 
 
Parties 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, 1700 Fribourg, 
recourant, 
 
contre 
 
Y.________, représenté par Me Joachim Lerf, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Diminution de l'actif au préjudice des créanciers, gestion fautive, gestion déloyale; arbitraire, droit d'être entendu, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 4 juin 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Le 24 octobre 1997, la société H.________ a déposé plainte pour gestion déloyale, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et gestion fautive. A l'appui de cette dénonciation, elle a invoqué l'existence de nombreux indices permettant de soupçonner un transfert illicite d'actifs entre les sociétés A.________ SA et B.________ SA. 
A.b Après avoir procédé à de nombreuses mesures d'instruction et ordonné l'établissement d'expertises, le juge d'instruction, par ordonnance du 20 décembre 2004, a renvoyé X.________ et Y.________, devant le Tribunal pénal économique, pour diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, éventuellement gestion déloyale ou gestion fautive, avantages accordés à certains créanciers, et également faux dans les titres pour ce qui concerne X.________. 
 
B. 
Par jugement du 13 février 2007, le Tribunal pénal économique du canton de Fribourg a notamment reconnu Y.________ coupable de complicité de gestion fautive, l'a acquitté des chefs de prévention de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et de gestion déloyale. Il l'a ainsi condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 250 fr., avec sursis pendant deux ans. 
 
C. 
Par arrêt du 4 juin 2009, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a notamment admis le recours de Y.________ en ce sens qu'elle l'a acquitté des chefs de prévention de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, de gestion fautive et de gestion déloyale. 
 
D. 
Le Ministère public de l'Etat de Fribourg a déposé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il a conclu, principalement, à ce que l'arrêt cantonal soit annulé en tant qu'il consacre une violation du principe d'accusation au détriment de Y.________ et qu'il prononce son acquittement et au renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelle décision sur les autres griefs invoqués dans le mémoire d'appel du prénommé. 
 
La Cour d'appel n'a pas formulé d'observations. L'intimé a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Combattant la jurisprudence publiée à l'ATF 134 IV 36, l'intimé conteste la qualité pour recourir du Ministère public, celui-ci n'étant pas légitimé à invoquer une application arbitraire du principe d'accusation ou une violation du droit d'être entendu, ces droits ne protégeant que l'accusé dans le cadre de la procédure pénale. 
 
L'accusateur public, auquel l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF confère, sans réserve, la qualité pour former un recours en matière pénale, est en principe habilité à invoquer toute violation du droit commise dans l'application du droit pénal matériel ou du droit de procédure pénale, donc aussi une violation des droits constitutionnels, comme notamment le droit d'être entendu ou l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 IV 36 consid. 1.4 p. 39 ss). En l'espèce, il n'y a pas de raisons objectives de revenir sur cette jurisprudence tout récente. La critique est donc vaine. 
 
2. 
Le recourant se plaint d'une violation du principe d'accusation. 
 
2.1 Composante du droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst., le principe d'accusation implique que le prévenu sache exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il s'expose afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense. Une condamnation fondée sur un état de fait différent de celui qui figure dans l'acte d'accusation, ou sur des dispositions légales différentes, viole le principe d'immutabilité du procès, donc le droit d'être entendu du prévenu, si l'acte d'accusation n'a pas été complété ou modifié d'une manière suffisante en temps utile au cours de la procédure, l'accusé en ayant été informé de façon à pouvoir présenter ses observations et organiser sa défense (ATF 126 I 19 consid. 2a et c p. 21 ss). 
 
L'acte d'accusation doit notamment indiquer la forme de la faute, dans la mesure où l'infraction par négligence est aussi punissable, la nature de la participation (coactivité, instigation et complicité), le degré de réalisation de l'infraction (tentative ou infraction consommée), ainsi qu'un éventuel concours d'infractions ou de lois pénales. Si une disposition légale comporte des circonstances aggravantes spéciales, l'acte d'accusation doit mentionner si l'une d'elles est réalisée et laquelle. Lorsque seule l'infraction intentionnelle est punissable, il suffit de mentionner la définition légale de l'infraction au regard des faits retenus (ATF 120 IV 348 consid. 3c p. 355 s.). 
 
2.2 Par ordonnance du 20 décembre 2004, le juge d'instruction a renvoyé l'intimé devant le Tribunal pénal économique, pour diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, éventuellement gestion déloyale ou gestion fautive au sens des art. 164, 158 ch. 1 al. 3 et 165 CP. Il n'a aucunement fait mention d'une éventuelle complicité dans l'exécution de ces infractions, comme l'ont finalement retenu les premiers juges en ce qui concerne la gestion fautive au sens de l'art. 165 CP. Ainsi, au vu du déroulement de la procédure, l'intimé a été condamné pour une forme de participation qui ne lui avait jamais été expressément annoncée. 
 
Reste à examiner si l'accusé devait s'attendre, compte tenu des circonstances, à cette qualification de complicité de gestion fautive. En l'espèce, il ressort du mémoire de recours que l'intimé a axé sa défense sur le fait qu'il ne pouvait être débiteur au sens des art. 164 et 165 CP. Par ailleurs, tant le Ministère public que la partie civile ont soutenu, lors des débats de première instance, que Y.________ s'était fait l'auteur d'une infraction de gestion fautive au sens de l'art. 165 CP, évoquant que celui-ci était allé au-delà du simple rôle de conseiller en s'associant aux décision principales liées au fonctionnement et à l'essence même de la société A.________ SA. Il ne ressort pas non plus des constatations cantonales, ni des allégations du recourant, que l'intimé aurait été avisé d'une quelconque manière, au cours d'une audience, que ce soit par le juge d'instruction ou l'autorité de jugement, que son comportement pouvait être considéré comme un acte de complicité. De plus, l'infraction visée par l'art. 165 CP constitue un délit propre, qui ne peut être commis que par un débiteur au sens de cette disposition. Partant, les circonstances du cas ne permettent pas de conclure que l'accusé devait, d'une quelconque manière, s'attendre à une condamnation pour complicité. 
 
Enfin, il est vrai qu'une violation du droit d'être entendu peut, exceptionnellement, être niée si l'audition de l'accusé ne pouvait avoir aucune influence sur l'exercice de ses droits de défense (cf. ATF 126 I 19 consid. 2d/bb). Toutefois, l'accusé doit pouvoir prendre position indépendamment de la question de savoir si les arguments qu'il est en droit de présenter sont susceptibles d'exercer une influence sur le jugement pénal. Or, en l'occurrence, l'intimé ne s'est jamais déterminé, avant le prononcé du jugement de première instance, sur une éventuelle qualité de complice. Dans ces conditions, la violation du droit précité est constatée et le grief doit par conséquent être rejeté. 
 
3. 
Invoquant l'arbitraire dans l'application du droit cantonal de procédure pénale, le recourant soutient que la Cour d'appel aurait dû casser le jugement et retourner la cause à l'autorité de première instance pour nouvelle mise en accusation de l'intimé pour complicité de gestion fautive. 
3.1 
3.1.1 L'art. 178 CPP/FR précise que s'il se révèle, au cours des débats, que l'accusé s'est vraisemblablement rendu coupable d'une infraction pour laquelle il n' a pas été renvoyé en jugement, la décision de renvoi doit être modifiée formellement, à moins que l'accusé n'y renonce expressément (al. 1). Il en va de même s'il se révèle que l'infraction tombe sous le coup de dispositions légales plus sévères que celles qui sont mentionnées dans la décision de renvoi (al. 2). Dans tous les cas, l'accusé doit être mis en mesure de se défendre contre la modification intervenue (al. 3). D'après la doctrine et la jurisprudence fribourgeoises, si l'on est en présence d'un changement de qualification légale, mais pas d'une disposition légale plus sévère, une nouvelle décision de renvoi n'est pas nécessaire, mais le juge a l'obligation d'aviser l'accusé et de lui donner l'occasion de se déterminer afin de respecter le droit d'être entendu (D. PILLER/C. POCHON, Commentaire du code de procédure pénale du canton de Fribourg du 14 novembre 1996, chif. 178.8). 
 
Aux termes de l'art. 220 CPP/FR, la Cour d'appel n'est pas liée par les conclusions des parties, sauf par les conclusions civiles. L'art. 221 est réservé (al. 1). Dans la mesure où elle admet l'appel, la Cour d'appel rend elle-même un nouveau jugement (al. 2). Toutefois, lorsqu'il n'y a pas eu de débats réguliers en première instance, la Cour d'appel peut annuler le jugement attaqué et renvoyer la cause pour nouveau jugement (al. 3). Selon l'art. 221 CPP/FR, un jugement ne peut être annulé ou modifié au détriment du condamné, s'il n'a été attaqué qu'en sa faveur (al. 1). Cette règle vaut également pour le nouveau jugement rendu après le renvoi de la cause à un juge de première instance (al. 2). 
 
L'application du droit cantonal est examinée par le Tribunal fédéral sous l'angle de l'arbitraire (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219). Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153). 
3.1.2 Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 consid. 2.2 p. 190; 132 V 387 consid. 5.1 p. 390). Toutefois, la jurisprudence admet qu'une violation de ce droit en instance inférieure puisse être réparée lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 134 I 331 consid. 3.1 p. 335; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 p. 72). Elle peut également se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 204). 
 
Ainsi, la Cour d'appel fribourgeoise a reconnu, dans l'un de ses arrêts, l'existence d'un vice, qui consistait dans le fait que le recourant n'avait pas été mis en mesure de se défendre relativement à la circonstance aggravante du métier pour l'infraction d'escroquerie, alors qu'il aurait dû l'être selon l'art. 178 al. 3 CPP/FR. Elle a cependant considéré que le recourant avait disposé, dans la procédure cantonale de recours, de la possibilité de s'exprimer sur l'escroquerie par métier, qu'il en avait concrètement fait usage, que cette problématique ne concernait qu'une question purement juridique pour laquelle elle disposait d'un plein pouvoir d'examen et que, par conséquent, le vice était réparé. Statuant ensuite sur un recours du condamné, le Tribunal fédéral a admis que la réparation par la Cour d'appel d'une violation par les premiers juges du principe d'accusation ne lésait pas le droit d'être entendu du recourant (ATF 6P.96/2004 du 20 septembre 2004 consid. 3.4). 
 
3.2 Constatant une violation du principe d'accusation, la Cour d'appel a admis que le Tribunal pénal économique ne pouvait retenir la complicité de gestion fautive à l'encontre de l'intimé. Elle a prononcé l'acquittement de celui-ci, compte tenu de l'interdiction de la reformatio in pejus. 
 
En l'espèce, il est vrai que le Tribunal pénal économique a violé le principe d'accusation et plus précisément le droit d'être entendu de l'accusé (cf. supra consid. 2). Reste qu'un vice de procédure ne doit pas automatiquement mener à un acquittement et ainsi empêcher la juste application du droit fédéral. Par ailleurs, le droit cantonal précise que, lorsqu'il n'y a pas eu de débats réguliers en première instance, la Cour d'appel peut annuler le jugement attaqué et renvoyer la cause pour nouveau jugement (cf. supra consid. 3.1.1; art. 220 al. 2 et 3 CPP/FR). En outre, dans un autre cas où elle avait aussi admis une violation du principe d'accusation, la Cour d'appel avait réparé elle-même le vice constaté (cf. supra consid. 3.1.2) Enfin, le fait de renvoyer la cause à l'autorité inférieure ou de réparer un vice formel ne viole pas l'interdiction de la reformatio in pejus, dès lors que cela n'entraîne aucune aggravation pour l'intéressé. Dans ces conditions, la solution cantonale tendant à l'acquittement de l'intimé pour la seule raison indiquée, à savoir l'interdiction de la reformatio in pejus, ne repose pas sur des motifs objectifs. Elle doit par conséquent être considérée comme étant arbitraire au sens défini ci-dessus (cf. supra consid. 3.1.1). 
 
4. 
Le recours doit ainsi être partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Il n'est pas perçu de frais, ni alloué de dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2. 
Il n'est pas perçu de frais, ni alloué de dépens. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
Lausanne, le 18 février 2010 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Favre Bendani