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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.104/2007 /col 
 
Arrêt du 18 juin 2007 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aemisegger et Reeb. 
Greffière: Mme Truttmann. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Renaud Lattion, avocat, 
 
contre 
 
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
frais de justice mis à la charge du prévenu acquitté, 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 novembre 2006. 
 
Faits: 
A. 
Par jugement du 27 septembre 2006, le Tribunal de police du Tribunal d'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal de police) a condamné A.________ pour lésions corporelles simples qualifiées à la peine de sept jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et a mis les frais de la cause à la charge de ce dernier. 
Il lui était en substance reproché de s'être servi de sa ceinture pour frapper violemment sa fille sur le bras gauche et dans le dos. A.________ serait intervenu lors d'une altercation, pour éloigner sa fille qui retenait son épouse plaquée contre un mur de la cuisine. Le Tribunal de police a décrit la fille de A.________ comme une personne particulièrement vulnérable, en raison d'un handicap lourd qui la rendait totalement dépendante d'autrui et en particulier de ses parents. Il a dès lors considéré qu'en tant que détenteur de l'autorité parentale et de la garde sur une enfant civilement mineure et gravement handicapée, l'accusé assumait un devoir particulier de protection au sens des art. 301, 302 et 333 al. 1 CC. Une infraction à l'art. 123 ch. 2 al. 3 CP devait donc être retenue. 
B. 
A.________ a formé un recours en réforme et en nullité contre ce prononcé. Par arrêt du 6 novembre 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation pénale) a admis le recours et libéré A.________ de l'accusation de lésions corporelles simples qualifiées. Il a confirmé le jugement pour le surplus. Il a en effet estimé que dans la mesure où le comportement de A.________ devait être qualifié de civilement répréhensible, il convenait de laisser les frais de la première instance à sa charge. Les frais de deuxième instance, y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office de A.________ par 800 fr., ont été mises à la charge de l'Etat. 
La Cour de cassation pénale a exposé qu'au vu du dossier, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal de police, la fille de A.________ ne souffrait que d'un handicap léger. Par ailleurs, elle a considéré que cette dernière ne se trouvait nullement dans une situation excluant toute défense sérieuse. Elle a dès lors jugé que les conditions d'application de l'art. 123 ch. 2 al. 3 CP n'étaient pas réalisées. En l'absence de plainte, A.________ ne pouvait pas non plus être condamné pour lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 al. 1 CP
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer le jugement en ce sens que les frais de la cause ne sont pas mis à sa charge, subsidiairement à ce que le jugement soit annulé en ce qui concerne le sort des frais de la procédure cantonale. Il se plaint d'une application arbitraire de l'art. 158 du Code de procédure pénale vaudois (CPP/VD) et subsidiairement, d'une violation de son droit d'être entendu. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire. 
La Cour de cassation pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours en se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF). 
2. 
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale et qui ne peut faire l'objet que d'un recours de droit public pour violation des droits constitutionnels, le recours répond aux exigences des art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Le recourant a qualité, au sens de l'art. 88 OJ, pour contester le jugement attaqué, en tant qu'il met à sa charge une partie des frais de la procédure pénale ouverte à son encontre. Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 131 I 166 consid. 1.3 p. 169). La conclusion du recourant visant à ce que le jugement soit réformé en ce sens que les frais de la cause ne sont pas mis à sa charge est dès lors irrecevable. 
3. 
Le recourant estime que sa condamnation au paiement des frais de première instance repose sur une application arbitraire du droit cantonal. Il fait valoir qu'il n'aurait pas commis d'acte civilement répréhensible, car son intervention était justifiée par un état de nécessité et par un droit de correction. Subsidiairement, il se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, au motif que les deux faits justificatifs avancés n'ont pas été examinés par l'autorité cantonale. 
4. 
4.1 L'arrêt attaqué est fondé sur l'art. 158 CPP/VD qui prévoit que lorsque le prévenu est libéré des fins de la poursuite pénale, il ne peut être condamné à tout ou partie des frais que si l'équité l'exige, notamment s'il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou s'il en a compliqué l'instruction. Cette disposition reprend les principes dégagés par la jurisprudence du Tribunal fédéral en ce domaine (cf. arrêt 1P.519/2000 du 10 novembre 2000 consid. 3a paru à la RVJ 2001 p. 310). 
4.2 La condamnation aux frais d'un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'un non-lieu et le refus de lui allouer une indemnité à titre de dépens ne sont admissibles que si l'intéressé a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui, ou s'il en a entravé le cours; à cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, peut être déterminant (ATF 120 Ia 147 consid. 3b p. 155; 119 Ia 332 consid. 1b p. 334). D'une façon générale, le juge peut prendre en considération toute règle juridique, appartenant au droit fédéral ou cantonal, public, privé ou pénal, écrit ou non écrit, pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité. La relation de causalité est réalisée lorsque selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture du procès pénal et le dommage ou les frais que celui-ci a lui-même entraînés. Le juge doit se référer aux principes généraux de la responsabilité délictuelle (ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 169) et fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a in fine p. 374). 
4.3 Le Tribunal fédéral examine sous l'angle de l'arbitraire l'appréciation de l'autorité cantonale selon laquelle le comportement du prévenu libéré des fins de la poursuite pénale serait répréhensible du point de vue civil ou que ce comportement aurait provoqué la procédure pénale ou en aurait entravé le cours (ATF 116 Ia 162 consid. 2f p. 175). Il ne s'écarte ainsi de la solution retenue que si elle est insoutenable tant dans sa motivation que dans son résultat, si elle est en contradiction évidente avec la situation de fait, ou si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17). 
5. 
En l'espèce, la Cour de cassation pénale a estimé que, dans la mesure où le comportement du recourant devait être qualifié de civilement répréhensible, il convenait de laisser les frais de première instance à la charge de ce dernier. 
 
Elle a exposé qu'en l'absence de plainte, le recourant ne saurait être condamné pour lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 ch. 1 CP et que dans ces conditions, elle pouvait se dispenser d'examiner les arguments du recourant en rapport avec l'état de nécessité et le droit de correction. 
6. 
Le recourant n'invoque pas une violation du principe de la présomption d'innocence. Il ne nie pas davantage la réalité de l'infraction à l'art. 123 al. 1 CP. Il ne fait valoir que des faits justificatifs. 
6.1 Selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral n'annule la décision attaquée que si, en plus d'être fondée sur une motivation insoutenable, elle est arbitraire dans son résultat. Le Tribunal fédéral dispose ainsi de la faculté de procéder à une substitution de motifs (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 I 257 consid. 5 p. 262; 112 Ia 129 consid. 3c p. 135 s.). Il ne saurait toutefois y avoir recours lorsque le motif substitué a été expressément écarté par l'autorité mise en cause (ATF 130 I 241 consid. 4.4 p. 248). Par ailleurs, la substitution de motifs n'est possible que lorsque l'état de fait et la situation juridique sont clairs (ATF 112 Ia 129 consid. 3c p. 135 s.; 106 Ia 310 consid. 1b p. 314 s.). 
Lorsque l'autorité cantonale n'a pas abordé le point litigieux, le grief d'arbitraire dans la motivation se confond avec celui du déni de justice formel. Dans ces cas, le Tribunal fédéral n'intervient que si la position de l'autorité cantonale est déterminable (arrêt 4P.23/1994 du 30 mai 1994 consid. 2). 
6.2 Le Tribunal de police a jugé que le recourant ne pouvait pas se prévaloir de l'état de nécessité puisque les actes de violence avaient uniquement été commis pour contraindre sa fille à s'agenouiller. L'épouse du recourant était en effet déjà à l'abri puisque sa fille avait obéi en présentant ses paumes aux coups de ceinture. Il a par ailleurs estimé que ces derniers dépassaient le droit de correction admissible au sens de l'art. 32 CP
6.3 La Cour de cassation pénale n'a - à juste titre - pas jugé utile de reprendre ces considérations, puisque le recourant ne pouvait de toute façon pas être condamné pour lésion corporelle simple, vu l'absence de plainte. En concluant que ce dernier avait commis un acte civilement répréhensible, elle s'est toutefois manifestement ralliée aux considérants du Tribunal de police, ce qu'elle aurait cependant dû indiquer. 
6.4 Le recourant ne conteste pas que sa fille avait déjà cessé toute agression en présentant ses mains aux coups de ceinture et que ces derniers n'ont donc eu pour finalité que de la faire en plus s'agenouiller. Dans ces circonstances, un éventuel état de nécessité pouvait être écarté. 
Le Tribunal fédéral a déjà jugé que le droit de correction était exclu en cas de lésions corporelles (art. 122 et 123 CP) et qu'un parent ne saurait non plus utiliser un instrument propre à causer de telles lésions (ATF 129 IV 216 consid. 2.1 à 2.4 p. 220 ss). En l'espèce, s'agissant de lésions corporelles simples commises au moyen d'une ceinture, un droit de correction ne pouvait entrer en considération. 
Il en résulte que les considérants du Tribunal de police ne sauraient être tenus pour arbitraires et qu'ils peuvent sans autre être substitués. L'arrêt entrepris n'a dès lors pas à être annulé, puisqu'il n'est pas arbitraire dans son résultat. 
7. 
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté. Dès lors qu'il n'apparaissait pas d'emblée totalement dépourvu de chance de succès, l'assistance judiciaire peut être accordée au recourant (art. 152 OJ). Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours de droit public est rejeté. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Renaud Lattion est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'000 fr. lui est versée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 18 juin 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: