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[AZA] 
I 554/98 Bn 
 
Ière Chambre  
 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön, 
Spira, Rüedi et Widmer; Decaillet, Greffier 
 
Arrêt du 19 janvier 2000  
 
dans la cause 
 
Office AI du canton de Fribourg, Impasse de la Colline 1, 
Givisiez, recourant, 
 
contre 
 
K.________, intimé, représenté par Me P.________, avocat, 
 
et 
 
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez 
 
    A.- Par décision du 26 mai 1994, la Caisse de compen- 
sation du canton de Fribourg a alloué à K.________ une ren- 
te entière d'invalidité du 1er mars 1992 au 31 mars 1993. 
Par une seconde décision du même jour, elle lui a octroyé 
une demi-rente d'invalidité dès le 1er avril 1993. 
K.________ a recouru contre cette dernière décision devant 
le Tribunal administratif du canton de Fribourg, en conclu- 
ant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité. Par juge- 
ment du 24 octobre 1996, la Cour cantonale a rejeté le re- 
cours et, procédant à une reformatio in peius, a supprimé 
avec effet au 1er avril 1993 le droit de K.________ à une 
rente d'invalidité. Par arrêt du 27 octobre 1997 
(I 493/96), le Tribunal fédéral des assurances a admis le 
recours interjeté par K.________ contre ce jugement et ren- 
voyé la cause aux premiers juges pour un complément d'ins- 
truction sur le point de savoir si la capacité de travail 
de l'assuré était limitée par des troubles d'ordre psychi- 
que. 
 
    B.- L'autorité cantonale a chargé le docteur 
X.________, psychiatre et psychothérapeute, de procéder à 
l'expertise psychiatrique de K.________. Dans son rapport 
du 14 avril 1998, ce médecin a diagnostiqué un syndrome 
douloureux chronique post-traumatique et vasculaire chez un 
homme turc, illettré, sans scolarisation et ne parlant pas 
le français, une personnalité schizotypique et une maladie 
de Burger. Il a conclu que l'intéressé était incapable de 
travailler compte tenu de ses troubles de santé. L'expert a 
en outre relevé que la personnalité fruste et schizotypique 
de l'assuré, sa difficulté à concevoir et à exprimer de 
façon compréhensible les réalités de sa vie quotidienne et 
ses différences socio-culturelles devaient être considérées 
comme ayant valeur de maladie. Invité à préciser son opi- 
nion par les premiers juges, le docteur X.________ a souli- 
gné qu'il était possible qu'il existe, pour l'assurance- 
invalidité, une capacité de gain en dehors de tout contexte 
socio-culturel, même s'il ne partageait pas cet avis. 
    Par jugement du 1er octobre 1998, le tribunal adminis- 
tratif a annulé la décision querellée et renvoyé la cause à 
l'Office cantonal fribourgeois de l'assurance-invalidité 
(ci-après : l'office) pour que celui-ci alloue à l'assuré 
une rente entière ordinaire simple d'invalidité au-delà du 
31 mars 1993. La cour cantonale a considéré en bref que les 
conclusions de l'expert, selon lesquelles l'assuré souffre 
de troubles psychiques entraînant une incapacité totale de 
travail, revêtaient une pleine valeur probante. 
 
    C.- L'office interjette recours de droit administratif 
contre ce jugement dont il demande l'annulation, en conclu- 
ant principalement au renvoi de la cause aux premiers juges 
pour mise en oeuvre d'une contre-expertise psychiatrique et 
nouveau jugement. Subsidiairement, il conclut à la suppres- 
sion du droit de l'assuré à une rente d'invalidité dès le 
1er avril 1993. L'office recourant fait valoir que les élé- 
ments pouvant démontrer une symptomatologie schizotypique 
chez l'intimé ne ressortent ni du dossier ni du rapport 
d'expertise du docteur X.________. 
    K.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du 
recours. Il soutient qu'il n'y a pas lieu de remettre en 
cause les conclusions de l'expertise judiciaire, lesquelles 
revêtent pleine valeur probante. L'Office fédéral des assu- 
rances sociales propose l'admission du recours. Il considè- 
re que l'expertise du docteur X.________ n'apporte pas la 
preuve psychiatrique de l'incapacité de travail de l'in- 
timé. Il relève que le caractère probant de cette expertise 
ne saurait reposer sur le simple fait qu'elle a été requise 
par un tribunal. 
 
Considérant en droit  
:  
 
    1.- Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé 
souffre de troubles psychiques limitant sa capacité de gain 
dans une mesure suffisante pour fonder son droit à une ren- 
te d'invalidité depuis le 1er avril 1993. 
 
    2.- a) Parmi les atteintes à la santé psychique, qui 
peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une inva- 
lidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner 
- à part les maladies mentales proprement dites - les ano- 
malies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne con- 
sidère pas comme des conséquences d'un état psychique mala- 
dif, donc pas comme des affections à prendre en charge par 
l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de 
gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de 
bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être 
déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc 
établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son 
infirmité mentale, exercer une activité que le marché du 
travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point 
déterminant est ici de savoir quelle activité peut raison- 
nablement être exigée dans son cas. Pour admettre l'exis- 
tence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la 
santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exer- 
ce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt 
se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit 
de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être 
raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même in- 
supportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 1996 p. 318 
consid. 2a, p. 321 consid. 1a, p. 324 consid. 1a; RCC 1992 
p. 182 consid. 2a et les références). 
 
    b) En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs 
impératifs des conclusions d'une expertise médicale judi- 
ciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre 
ses connaissances spéciales à la disposition de la justice 
afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de 
fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une 
raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que 
celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexper- 
tise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de 
manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécia- 
listes émettent des opinions contraires aptes à mettre sé- 
rieusement en doute la pertinence des déductions de l'ex- 
pert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation 
divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au 
besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une 
nouvelle expertise médicale (ATF 118 V 290 consid. 1b, 
112 V 32 sv. et les références). L'élément déterminant pour 
la valeur probante n'est en principe ni l'origine du moyen 
de preuve ni sa désignation, sous la forme d'un rapport ou 
d'une expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 
122 V 160 consid. 1c; Omlin, Die Invaliditätsbemessung in 
der obligatorischen Unfallversicherung p. 297 sv.; Morger, 
Unfallmedizinische Begutachtung in der SUVA, in 
RSAS 32/1988 p. 332 sv.). 
 
    c) En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur proban- 
te d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que 
les points litigieux importants aient fait l'objet d'une 
étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens 
complets, qu'il prenne également en considération les 
plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connais- 
sance du dossier (anamnèse), que la description du contexte 
médical soit claire et enfin que les conclusions de l'ex- 
pert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les 
références). 
    A ce titre, Meine souligne que l'expertise doit être 
fondée sur une documentation complète et des diagnostics 
précis, être concluante grâce à une discussion convaincante 
de la causalité, et apporter des réponses exhaustives et 
sans équivoque aux questions posées (Meine, L'expertise mé- 
dicale en Suisse : satisfait-elle aux exigences de qualité 
actuelles ? in RSA 1999 p. 37 ss). Dans le même sens, 
Bühler expose qu'une expertise doit être complète quant aux 
faits retenus, à ses conclusions et aux réponses aux ques- 
tions posées. Elle doit être compréhensible, concluante et 
ne pas trancher des points de droit (Bühler, Erwartungen 
des Richters an den Sachverständigen, in PJA 1999 p. 567 
ss). 
    Se fondant sur la doctrine médicale récente, Mosimann 
a décrit en détail la tâche de l'expert médical, lorsque 
celui-ci doit se prononcer sur le caractère invalidant de 
troubles somatoformes. Selon cet auteur, sur le plan psy- 
chiatrique, l'expert doit poser un diagnostic dans le cadre 
d'une classification reconnue et se prononcer sur le degré 
de gravité de l'affection. Il doit évaluer le caractère 
exigible de la reprise par l'assuré d'une activité lucrati- 
ve. Ce pronostic tiendra compte de divers critères, tels 
une structure de la personnalité présentant des traits pré- 
morbides, une comorbidité psychiatrique, des affections 
corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale, un 
éventuel profit tiré de la maladie, le caractère chronique 
de celle-ci sans rémission durable, une durée de plusieurs 
années de la maladie avec des symptôme stables ou en évolu- 
tion, l'échec de traitements conformes aux règles de l'art. 
Le cumul des critères précités fonde un pronostic défavora- 
ble. Enfin, l'expert doit s'exprimer sur le cadre psycho- 
social de la personne examinée. Au demeurant, la recomman- 
dation de refus d'une rente doit également reposer sur dif- 
férents critères. Au nombre de ceux-ci figurent la diver- 
gence entre les douleurs décrites et le comportement obser- 
vé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristi- 
ques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les 
grandes divergences entre les informations fournies par le 
patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des 
plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, 
ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un envi- 
ronnement psycho-social intact (Mosimann, Somatoforme Stö- 
rungen : Gerichte und (psychiatrische) Gutachten, RSAS 
1999, p. 1 ss et 105 ss). 
 
    3.- En l'occurrence, dans son expertise du 14 avril 
1998, le docteur X.________ a posé le diagnostic d'un 
syndrome douloureux chronique post-traumatique et vascu- 
laire, ainsi que d'une personnalité schizotypique. Il a en 
outre considéré l'assuré comme totalement incapable de 
travailler. 
    Il ressort certes de ce document que l'intimé remplit 
une partie des divers critères évoqués plus haut pour jus- 
tifier le fait que la reprise d'une activité lucrative 
n'est pas exigible de sa part. Néanmoins, l'expert recon- 
naît que le diagnostic médical ne suffit pas pour expliquer 
l'incapacité de travail de l'intimé. Il impute au contraire 
celle-ci essentiellement aux difficultés socio-culturelles 
rencontrées en Suisse par l'assuré. Or, de telles difficul- 
tés constituent des facteurs dont l'assurance-invalidité 
n'a pas à répondre (ATF 107 V 21; RCC 1991, p. 332 ss con- 
sid. 3c). Dès lors, nonobstant les conclusions de l'expert, 
il y a lieu d'admettre que l'intimé est pleinement en mesu- 
re d'exercer une activité lucrative malgré ses troubles 
psychiques. Le jugement cantonal du 24 octobre 1996 qui 
aboutissait à la conclusion que depuis le 1er avril 1993 
l'invalidité de l'intimé n'atteignait pas le seuil minimal 
de 40 % apparaît donc correct dans son résultat et doit 
être confirmé. 
    Sur le vu de ce qui précède, le recours se révèle bien 
fondé et le jugement attaqué doit être annulé. 
 
    4.- Représenté par un avocat, l'intimé, qui succombe, 
ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour l'instan- 
ce fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 
OJ). 
 
    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e  
:  
 
I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-  
    nistratif du canton de Fribourg du 1er octobre 1998, 
    ainsi que la décision du 26 mai 1994 par laquelle la 
    Caisse de compensation du canton de Fribourg alloue à 
    l'intimé une demi-rente d'invalidité depuis le 
    1er avril 1993, sont annulés. 
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de  
    dépens. 
 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-  
    bunal administratif du canton de Fribourg, Cour des 
    assurances sociales, et à l'Office fédéral des assu- 
    rances sociales. 
 
 
Lucerne, le 19 janvier 2000 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la Ière Chambre : 
 
Le Greffier :