Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_454/2011 
 
Arrêt du 19 janvier 2012 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Eusebio et Chaix. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Alain Ribordy, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Commune du Mouret, 1724 Le Mouret, 
 
Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1700 Fribourg. 
 
Objet 
Aménagement du territoire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour administrative, du 6 septembre 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________ est propriétaire de la parcelle n° 1257 du registre foncier de la commune du Mouret (ci-après: la commune). Selon le plan d'aménagement local approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Fribourg le 31 août 1993, puis adapté en mars 1996, ce bien-fonds est colloqué en "zone d'intérêt général 2 (établissements scolaires)", la commune n'excluant pas la construction d'une école à échéance indéterminée. 
Par décision du 1er avril 2009, le Conseil communal du Mouret a rejeté la requête d'affectation en zone résidentielle du bien-fonds n° 1257, formée par la prénommée le 22 décembre 2008, dans le but d'y ériger deux villas familiales. Il a justifié son refus par le fait qu'il n'était pas à même de se prononcer définitivement sur un éventuel changement d'affectation de ladite parcelle, avant la mise à l'enquête du nouveau plan d'aménagement local. Par décision du 26 novembre 2010, la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg (ci-après: la Direction de l'aménagement) a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision. 
Parallèlement à cette procédure, la commune a engagé la procédure d'examen préalable du projet de révision de son plan d'aménagement local en août 2010. 
Par arrêt du 6 septembre 2011, la IIème Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours interjeté par l'intéressée contre la décision du 26 novembre 2010. Elle a considéré en substance que la commune n'avait commis aucun déni de justice en repoussant le traitement de la requête dans le cadre de la révision générale de son plan d'aménagement local. Il n'y avait en outre aucune violation des art. 21 al. 2 LAT et 117 al. 1 de la loi cantonale du 2 décembre 2008 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC; RSF 710.1) ainsi que des art. 27 al. 2 LAT et 90 al. 3 LATeC. 
 
B. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'affecter la parcelle n° 1257 en zone résidentielle, de manière à permettre la construction de deux villas individuelles. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à la commune afin que celle-ci modifie l'affectation du bien-fonds n° 1257, dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal et la Direction de l'aménagement renvoient aux considérants de l'arrêt attaqué et concluent au rejet du recours. Le Conseil communal du Mouret conclut également à son rejet. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 lit. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 lit. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui a rejeté sa demande d'affecter en zone résidentielle une parcelle dont elle est propriétaire, tant que la commune n'aura pas procédé à la révision générale de son plan d'aménagement local: elle peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision soit annulée. Elle a donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 
 
2. 
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante demande au Tribunal fédéral de compléter l'état de fait retenu par le Tribunal cantonal. Elle perd cependant de vue que le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La recourante ne peut critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4135), ce qu'il lui appartient de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF. En l'espèce, le recours ne comporte aucune démonstration du caractère arbitraire de l'état de fait de la décision attaquée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération d'autres faits que ceux retenus dans ladite décision. 
 
3. 
La recourante se plaint ensuite d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), en raison d'un défaut de motivation de l'arrêt attaqué. 
 
3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) l'obligation pour le juge de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 135 III 670 consid. 3.3.1 p. 677; voir aussi ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités). 
 
3.2 En l'espèce, la recourante soutient que le Tribunal cantonal ne se serait pas prononcé sur "la violation du droit de propriété dont [elle] se plaignait du fait que son terrain est maintenu en zone d'intérêt général depuis trente ans". Cependant, dans la mesure où l'intéressée se plaint de la durée de la procédure, le grief d'une atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété, tel qu'il est formulé, se confond avec celui du déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.) et de violation de dispositions du droit fédéral et cantonal de l'aménagement du territoire. Le Tribunal cantonal pouvait ainsi examiner ces griefs ensemble. Or, la motivation de l'arrêt attaqué permet de comprendre aisément pour quelles raisons l'instance précédente a considéré que l'autorité communale n'avait pas tardé à statuer. Le Tribunal cantonal a en effet estimé que le délai de quinze ans (art. 117 al. 1 LATeC) prévu dès l'affectation d'un immeuble en zone d'intérêt général, était respecté puisqu'il courait depuis mars 1996 et qu'en "août 2010 déjà, la commune [avait] soumis le projet de révision générale du plan d'aménagement local à l'examen préalable des services concernés, et qu'ainsi, dite procédure [était] proche d'aboutir"; en tout état de cause, c'était "avec raison que l'autorité communale avait repoussé le traitement de la requête de la recourante pour la prendre en compte dans le cadre de la révision de son plan d'aménagement local"; des circonstances très particulières (exposées au consid. 4.2 ci-dessous) justifiaient d'allonger le délai raisonnable au-delà duquel l'absence de décision constituait un déni de justice. 
Dans la mesure où la recourante critique la pertinence de ces motifs, elle soulève une question de fond qui sera examinée ci-après. Mal fondé, le grief de la violation du droit d'être entendu doit être écarté. 
 
4. 
Sur le fond, la recourante fait valoir une atteinte grave à la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.). Comme tout droit fondamental, la propriété ne peut être restreinte qu'aux conditions de l'art. 36 Cst. La restriction doit donc reposer sur une base légale - sur une loi au sens formel si la restriction est grave - (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3). 
L'intéressée estime que la commune se serait "réservé plus de terrain qu'elle en a besoin, plus longtemps que nécessaire, causant ainsi une atteinte disproportionnée à [son] droit de propriété" (art. 36 al. 3 Cst.). Elle reproche à la commune de se limiter à justifier la situation actuelle par le fait que le terrain n° 1257 est susceptible d'accueillir une école, sans procéder à une pesée des intérêts. Elle lui fait également grief de ne "rien [avoir] entrepris jusqu'en 2005, soit pendant 25 ans", "un crédit d'étude pour la construction d'une école n'ayant été sollicité qu'en décembre 2006"; l'intérêt public initial d'utiliser la parcelle de la recourante pour un besoin de la collectivité ne se serait jamais concrétisé dans un véritable projet, pendant plus de trente ans et se réduirait actuellement à une simple expectative, aucun nouveau crédit n'ayant été demandé pendant près de cinq ans. 
 
4.1 Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2 p. 104 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement si une restriction de la propriété viole le principe de la proportionnalité. Il s'impose en revanche une certaine retenue quand il convient de tenir compte de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui (ATF 135 I 176 consid. 6.1 p. 181 et l'arrêt cité). 
 
4.2 En l'occurrence, il est vrai que l'affectation du terrain litigieux en zone d'intérêt général, destinée à servir le bien commun de la collectivité (art. 50 let. e et 55 al. 1 LATeC) est une atteinte au droit de la propriété de la recourante, qui dure depuis de nombreuses années. 
Le Tribunal cantonal a toutefois considéré que la commune avait repoussé avec raison le traitement de la requête de la recourante pour la prendre en compte dans le cadre de la révision de son plan d'aménagement local. L'instance précédente a précisé qu'on ne pouvait reprocher à la commune de considérer que la procédure était rendue complexe par la modification de la loi scolaire introduisant une classe d'école enfantine supplémentaire et surtout par le fait qu'elle devait concilier la planification et la réunion d'un nombre important de communes ayant fusionné. 
A titre exceptionnel, vu ces circonstances très particulières, et avec la retenue que s'impose le Tribunal fédéral quand il convient de tenir compte de circonstances locales, il peut être admis que l'atteinte à la garantie de la propriété est encore conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), dès lors que la décision litigieuse repousse le traitement de la requête de l'intéressée pour la prendre en compte dans le cadre de la révision du plan d'aménagement local et que cette procédure est, selon le Tribunal cantonal, "proche d'aboutir". La commune du Mouret a en effet déposé auprès des instances cantonales un dossier d'examen préalable relatif à la révision générale de son plan d'aménagement local, au mois d'août 2010. Dans l'intervalle, le maintien de la parcelle litigieuse en zone d'intérêt général ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la recourante. La restriction au droit fondamental considéré respecte donc les conditions posées par l'art. 36 al. 3 Cst., de sorte que ce grief doit être rejeté. 
Enfin, la recourante prétend à tort que les conditions d'une expropriation matérielle sont remplies. Ce grief est étranger à la présente procédure, qui ne tranche pas définitivement la question du maintien de la parcelle litigieuse en zone d'intérêt général, mais qui se limite à repousser le moment du traitement de la demande d'affectation en zone résidentielle de la parcelle de la recourante. Celle-ci pourra d'ailleurs faire valoir ce grief dans le cadre de la procédure de révision du plan d'aménagement local, soit lors de la mise à l'enquête publique de ce dossier. 
 
5. 
La recourante fait enfin valoir une application arbitraire de l'art. 117 LATeC. Elle fait grief à l'instance précédente d'avoir fait partir le délai de quinze ans prévu par cette disposition en mars 1996. Elle prétend que le dies a quo de ce délai est celui de l'approbation du plan, soit le 8 avril 1980: la parcelle litigieuse avait été classée, en 1980, en "zone bâtiments et établissement publics avec prescriptions de zone village", destinée à accueillir des bâtiments et installations publics voués aux services d'intérêt général; l'approbation, en août 1993, du plan d'aménagement local actuellement en vigueur, qui a fait l'objet d'une adaptation en mars 1996, n'avait fait que confirmer l'affectation de ce terrain. 
 
5.1 Appelé à revoir l'interprétation d'une norme de droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5 et les arrêts cités). 
 
5.2 A teneur de l'art. 117 al. 1 LATeC, "si, à l'expiration d'un délai de quinze ans dès l'approbation d'un plan, la collectivité publique n'a pas acquis les terrains réservés pour des bâtiments, équipements ou espaces d'utilité publique, le ou la propriétaire touché-e par la restriction de propriété peut exiger de la collectivité que, dans le délai d'une année, elle acquière ces terrains ou qu'elle engage la procédure d'expropriation, faute de quoi l'autorité compétente modifie l'affectation du terrain selon la procédure des articles 83 et suivants". 
 
5.3 En l'espèce, la recourante relève à juste titre que la parcelle litigieuse était déjà colloquée en zone d'intérêt général en août 1993. 
Le Tribunal cantonal a cependant considéré que le délai de quinze ans prévu dès l'affectation d'un immeuble en zone d'intérêt général (art. 117 al. 1 LATeC) courait depuis mars 1996, date de la dernière adaptation du plan d'aménagement local en question; ce délai était respecté puisqu'en août 2010 déjà la commune avait soumis le projet de révision générale de son plan d'aménagement local à l'examen préalable des services concernés et qu'ainsi dite procédure était proche d'aboutir; la procédure de révision étant engagée, l'art. 117 al. 1 LATeC n'était pas violé. L'instance précédente a ajouté que des circonstances très particulières (exposées au consid. 4.2 ci-dessus) justifiaient d'allonger le délai raisonnable au-delà duquel l'absence de décision constituait un déni de justice. 
Cette argumentation ne paraît pas insoutenable. La solution retenue par l'instance précédente n'a pas été adoptée sans motifs objectifs. Il n'est en effet pas déraisonnable de considérer que le changement d'affectation de la parcelle n° 1257 demandé par la recourante doit être examiné dans le cadre de la révision générale du plan d'aménagement local. En considérant que, vu les circonstances très particulières, la décision litigieuse était conforme à l'art. 117 al. 1 LATeC, le Tribunal cantonal n'a pas versé dans l'arbitraire. Le grief doit donc être écarté. 
 
6. 
Le recours est par conséquent rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la commune du Mouret, à la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions, ainsi qu'à la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg. 
 
Lausanne, le 19 janvier 2012 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant: Aemisegger 
 
La Greffière: Tornay Schaller