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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_809/2011 
 
Arrêt du 20 juillet 2012 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Mathys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Denys. 
Greffier: M. Rieben. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Pierre Heinis, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
1. Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, 2000 Neuchâtel, 
2. A.________, représenté par Me Philippe Schweizer, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Abus de confiance, gestion fautive; créance compensatrice, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 8 novembre 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 16 novembre 2010, le Tribunal correctionnel du district de Neuchâtel a condamné X.________ pour deux infractions d'abus de confiance commises au préjudice de, respectivement, A.________ et B.________, ainsi que pour gestion fautive à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis pendant trois ans, et au paiement d'une créance compensatrice de 250'920 euros, qui a été allouée à A.________. 
 
B. 
La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, par arrêt du 8 novembre 2011, a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours dont X.________ l'avait saisie et qui portait sur l'infraction d'abus de confiance réalisée à l'encontre de A.________ et sur le paiement de la créance compensatrice. Cette condamnation se base, pour ce qui est de cette infraction, sur les principaux éléments de fait suivants. 
B.a La société C.________ SA a été inscrite au registre du commerce le 30 août 2005. D.________ en était administrateur avec signature individuelle. Le 27 octobre 2005, X.________ a été inscrit comme directeur avec signature individuelle. 
Le 4 novembre 2005, C.________ SA, soit pour elle X.________, a signé avec A.________ un contrat de mandat de gestion par lequel la société s'engageait à gérer les fonds qui lui seraient confiés, moyennant une rémunération de 1,5% par année. Le 8 février 2006, A.________ a ainsi versé une somme de 265'000 euros sur le compte de C.________ SA ouvert auprès d'UBS SA. Il apparaît à la lecture de l'extrait de ce compte que l'argent versé a servi à payer diverses factures liées à l'exploitation de C.________ SA et à rembourser partiellement un autre client de la société. Malgré ses nombreuses demandes de remboursement, A.________ n'a pas récupéré le montant investi. 
B.b La société C.________ SA n'a plus exercé d'activité depuis le mois de juillet 2006 et sa faillite a été prononcée le 13 novembre 2006. Le total des productions s'élève à 880'000 francs. 
 
C. 
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 8 novembre 2011. Il conclut à l'annulation de ce dernier et à son acquittement ainsi qu'à la levée du séquestre portant sur le compte dont il est titulaire auprès de la banque UBS SA à Zoug, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler et conclure au rejet du recours alors que la cour cantonale n'a pas produit de déterminations dans le délai imparti. A.________ a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, avec suite de frais et dépens. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant conteste s'être rendu coupable d'abus de confiance au préjudice de l'intimé. 
 
1.1 Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. 
Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'on soit en présence d'une valeur confiée, ce qui signifie que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il ait reçu la chose ou la valeur patrimoniale à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, en particulier, de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27; 119 IV 127 consid. 2 p. 128; 109 IV 27 consid. 3 p. 32 à propos de l'art. 140 CP). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259). Si, contrairement à ses devoirs, un gérant de fortune dispose, à son profit ou au profit d'un tiers, des avoirs qui lui ont été confiés pour les déposer sur un compte lui appartenant, il viole le devoir de conserver la contre-valeur à disposition (Werterhaltungspflicht) et utilise donc illicitement les valeurs qui lui ont été confiées (ATF 109 IV 27 consid. 2c p. 31; Andreas Donatsch, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 9ème éd., 2008, p. 130; Marcel Alexander Niggli/Christof Riedo in: Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, 2ème éd., 2007, n. 101 ad art. 138 CP). 
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime. Cette dernière condition est remplie lorsque celui qui devait tenir en tout temps le bien confié à disposition de l'ayant droit l'a utilisé à son profit ou au profit d'un tiers sans avoir à tout moment la volonté et la possibilité de le restituer immédiatement (ATF 133 IV 21 consid. 6.1.2 p. 27; 118 IV 27 consid. 3a p. 29 s., 32 consid. 2a p. 34). S'il devait le tenir à disposition de l'ayant droit à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé, il doit avoir eu la volonté et la possibilité de le restituer à ce moment ou à cette échéance (ATF 118 IV 27 consid. 3a p. 30, 32 consid. 2a p. 34). Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 27 consid. 2a p. 34). 
 
1.2 La cour cantonale relève que le recourant était directeur de C.________ SA avec signature individuelle, qu'il a signé le contrat de gestion de fortune avec l'intimé, qu'il passait occasionnellement dans les locaux de la société et était dès lors suffisamment présent pour constater que des aménagements étaient en cours, que du matériel de bureau relativement dispendieux se trouvait dans les locaux et que les clients ne se pressaient pas à la porte. Il connaissait les objectifs de la société et avait exercé une activité pour les atteindre. Un dessein d'enrichissement illégitime du recourant, soit intentionnel, soit par dol éventuel, résultait implicitement de ces circonstances. La société avait été enrichie et le recourant en avait profité de manière indirecte en bénéficiant d'un excellent salaire et d'une voiture de fonction luxueuse. Le recourant ne démontrait par ailleurs pas en quoi le jugement du Tribunal correctionnel se serait fondé sur une conception erronée de ces notions, soit aurait mal appliqué le droit matériel. 
 
1.3 Le recourant invoque qu'il n'est pas établi qu'il bénéficiait d'un pouvoir de disposition sur les comptes de la société. La cour cantonale n'a toutefois pas admis sa culpabilité au motif qu'il aurait lui-même retiré les fonds remis par l'intimé du compte de la société ou donné des ordres de paiement au débit de celui-ci. Cet élément n'est donc pas déterminant. 
Il fait également valoir que sa fonction de directeur ne permet pas à elle seule de lui imputer l'infraction. Le recourant a toutefois lui-même signé le contrat de gestion conclu par la société avec l'intimé et il devait veiller à ce titre à ce que les fonds versés soient utilisés conformément à leur destination. L'infraction n'a donc pas été retenue à sa charge en raison de sa seule qualité de directeur. 
Le recourant conteste toute intention de sa part de réaliser l'infraction. La cour cantonale a admis la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction au motif que le recourant passait suffisamment souvent dans les locaux de la société pour constater que des dépenses élevées étaient effectuées pour des aménagements ou du matériel, alors même que ses clients étaient peu nombreux. Il ne ressort toutefois pas des constatations cantonales que le recourant savait ou devait se douter que ces dépenses étaient effectuées au moyen des fonds remis par l'intimé ou que la société ne serait pas en mesure de se conformer à ses obligations si ceux-ci devaient être remboursés. Il n'est notamment pas constaté que le recourant a eu accès à des pièces comptables indiquant d'où provenaient les fonds utilisés pour payer les dépenses de la société ainsi que l'état des comptes de celle-ci. Le fait que les clients ne se "pressaient pas à la porte" de la société ne signifie pas encore que l'intimé était le seul client et que les dépenses effectuées l'étaient au moyen des avoirs qu'il avait versés. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué ne contient pas les constatations de fait nécessaires pour permettre au Tribunal fédéral de contrôler si le droit fédéral a été correctement appliqué. 
L'intimé invoque également, se référant au jugement du Tribunal correctionnel, que le recourant et l'administrateur de la société se rendaient compte qu'ils dépensaient beaucoup d'argent alors que les affaires n'étaient pas très rentables et qu'ils avaient contribué à la débâcle de la société qu'ils avaient gérée de manière fautive. Il se réfère toutefois ainsi à la motivation développée par les premiers juges - et non la cour cantonale - en relation avec l'infraction de gestion fautive, que le recourant ne conteste pas. En outre, comme déjà indiqué, les constatations invoquées ne permettent pas encore de considérer que le recourant savait ou devait se douter que les dépenses effectuées l'étaient au moyen des fonds remis par l'intimé ou que celui-ci ne pourrait pas être remboursé. 
En définitive, l'autorité cantonale n'a pas établi tous les faits pertinents pour l'application du droit fédéral. Il y a donc lieu d'admettre le recours à cet égard et de renvoyer la cause afin que l'état de fait soit complété en ce qui concerne l'élément subjectif et qu'un nouveau jugement soit prononcé (ATF 133 IV 292 consid. 3.4 p. 294 ss). 
 
2. 
Le recourant invoque une violation des art. 70 al. 1 ainsi que 71 al. 1 et 73 al. 1 let. c CP. 
La créance compensatrice d'un montant de 250'920 euros est destinée à priver le recourant du bénéfice résultant de l'infraction d'abus de confiance retenue à sa charge, commise au préjudice de l'intimé. Dans la mesure où la cause est renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle statue à nouveau sur celle-ci, il ne se justifie pas de trancher, à ce stade, les griefs soulevés par le recourant en relation avec la créance compensatrice, qui suppose que la réalisation d'une infraction ait été préalablement admise. 
 
3. 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, seront mis pour moitié à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 et 5 LTF), le canton étant dispensé de payer des frais (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui obtient gain de cause, peut prétendre à des dépens, d'un montant arrêté à 3'000 francs, dont la moitié sera mise à la charge de l'intimé et l'autre moitié à la charge de la République et canton de Neuchâtel (art. 68 al. 1 et 4 LTF). De plus, l'intimé, qui a succombé aux termes de l'ordonnance du 23 janvier 2012 rejetant sa requête tendant à la fourniture de sûretés en garantie des honoraires de son mandataire, est condamné à payer une indemnité de 500 francs à titre de dépens au recourant qui avait été invité à se déterminer sur cette question. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants. 
 
2. 
Les frais judiciaires sont mis pour moitié à la charge de l'intimé, soit 1'000 francs. 
 
3. 
Une indemnité de 1'500 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de la République et canton de Neuchâtel. 
 
4. 
Une indemnité de 2'000 francs, à payer au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
Lausanne, le 20 juillet 2012 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Mathys 
 
Le Greffier: Rieben