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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 7} 
U 289/06 
 
Arrêt du 20 septembre 2007 
Ire Cour de droit social 
 
Composition 
MM. les Juges Ursprung, Président, 
Schön et Frésard. 
Greffier: M. Métral. 
 
Parties 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante, 
 
contre 
 
B.________, 
intimé, représenté par Me Monique Stoller Füllemann, avocate, route de Florissant 64, 
1206 Genève. 
 
Objet 
Assurance-accidents, 
 
recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 2 mai 2006. 
 
Faits: 
A. 
Le 17 avril 2003, B.________ a été victime d'un accident de la circulation, alors qu'il conduisait une motocyclette entre X.________ et Y.________, en France. Il a subi un traumatisme cranio-cérébral sévère, nécessitant une admission à l'Hôpital cantonal Z.________, puis à la Clinique de rééducation E.________. L'évolution a été lentement favorable, laissant toutefois subsister des troubles neuro-psychologiques. A l'époque, le recourant était au bénéfice d'indemnités journalières de l'assurance-chômage et, à ce titre, assuré par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : CNA). Cette dernière a pris en charge le traitement médical et alloué des indemnités journalières. Elle a toutefois réduit provisoirement ces indemnités de 50 %, dans l'attente de renseignements sur les circonstances de l'accident et une éventuelle faute de l'assuré. 
 
Par décision du 5 janvier 2005, la CNA a décidé une réduction de 20 % du montant des indemnités journalières allouées à l'assuré, avec effet dès le 20 avril 2003. Elle a considéré qu'il avait effectué une manoeuvre de dépassement d'un poids lourd, à vive allure, sur la route départementale 35 en direction de Y.________, puis avait percuté une voiture qui circulait dans le même sens, au moment où cette dernière bifurquait sur sa gauche pour emprunter la route M.________. Au regard de ces circonstances, d'après la CNA, l'accident était dû à une négligence grave de l'assuré. A la suite d'une opposition de l'assuré, la CNA a maintenu la réduction de 20 % du droit aux indemnités journalières (décision sur opposition du 15 avril 2005). 
B. 
B.________ a déféré la cause au Tribunal des assurances sociales du canton de Genève. Ce dernier a admis le recours et annulé la décision sur opposition du 15 avril 2005, le 2 mai 2006. 
C. 
La CNA a interjeté un recours contre ce jugement, dont elle demande l'annulation. L'intimé conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
La Ire Cour de droit social du Tribunal fédéral a tenu une audience ouverte aux parties le 20 septembre 2007. 
 
Considérant en droit: 
1. 
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395). 
2. 
Le litige porte sur le droit de l'intimé à des indemnités journalières de l'assurance-accidents, en particulier sur le point de savoir s'il a commis une faute grave justifiant une réduction du droit aux prestations. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est pas limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure et peut s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ). 
3. 
Aux termes de l'art. 37 al. 2, 1ère phrase, LAA, si l'assuré a provoqué l'accident par une négligence grave, les indemnités journalières versées pendant les deux premières années qui suivent l'accident sont, en dérogation à l'art. 21 al. 1 LPGA, réduites dans l'assurance des accidents non professionnels. Constitue une négligence grave la violation des règles élémentaires de prudence que toute personne raisonnable eût observées dans la même situation et les mêmes circonstances, pour éviter les conséquences dommageables prévisibles dans le cours ordinaire des choses. En matière de circulation routière, la notion de négligence grave selon l'art. 37 al. 2 LAA est plus large que la violation grave d'une règle de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR. Elle implique néanmoins une transgression grave d'une règle élémentaire ou de plusieurs règles importantes de la circulation (ATF 118 V 305 consid. 2 p. 306 sv.). 
 
4. 
4.1 D'après la recourante, l'intimé circulait à motocyclette sur la départementale 35, en direction de Y.________. Alors qu'il approchait une intersection parfaitement visible avec la rue M.________, à gauche, il a entrepris le dépassement d'une voiture, puis d'un poids lourd. Il est ensuite entré en collision avec un véhicule précédant le camion et qui s'était arrêté en vue de bifurquer à gauche pour emprunter la rue M.________. Ce dernier véhicule était masqué par le poids lourd pendant la manoeuvre de dépassement. Son conducteur avait enclenché le clignotant en vue d'indiquer son changement de direction. La recourante en conclut que l'intimé n'a pas pris suffisamment de précautions dans sa manoeuvre de dépassement et a causé l'accident par une négligence grave. 
 
Pour sa part, l'intimé allègue ne pas se souvenir des circonstances exactes de l'accident, en raison du traumatisme cranio-cérébral sévère qu'il a subi. Néanmoins, il relève que l'accident a pu se dérouler d'une manière différente de celle présentée par la recourante. En particulier, la question se pose sérieusement de savoir si le conducteur de la voiture qu'il a emboutie n'a pas lui-même commis une faute de préselection et bifurqué à gauche de manière imprévisible. Les premiers juges ont suivi cette argumentation et considéré que les faits n'étaient pas suffisamment établis pour qu'une négligence grave soit mise à la charge de l'assuré. 
4.2 
4.2.1 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2; cf. également ATF 130 III 324 sv. consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a). En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3 p. 264). 
4.2.2 D'après le rapport établi par la police française, aucun témoin n'a pu être entendu sur les lieux de l'accident. Le chauffeur du véhicule embouti par l'assuré, J.________, a déclaré : 
«[...] Je roulais normalement, j'avais attaché ma ceinture de sécurité. A l'approche de l'intersection de la rue M.________, j'ai actionné mon clignotant gauche pour indiquer mon changement de direction. Je me suis pratiquement arrêté au niveau de cette intersection pour laisser passer les véhicules venant en sens inverse. J'ai observé dans mon rétroviseur intérieur et j'ai constaté qu'il y avait un véhicule à une dizaine de mètres derrière moi. Lorsque la circulation en sens inverse était libre, j'ai commencé à m'engager et soudain, j'ai été percuté à l'arrière gauche. Suite au choc, mon véhicule a fait une demi-rotation. Je suis sorti du véhicule côté passager, j'ai constaté que c'était une moto et que le pilote se trouvait sur ma portière gauche. [...] Je suppose que le motocycliste roulait très vite, car je ne l'ai pas vu arriver et le choc a été très violent.». 
 
J.________ a également mentionné deux témoins probables de l'accident, L.________ et C.________, dont la police française a recueilli les déclarations par téléphone. Le premier nommé a exposé qu'un motocycliste l'avait dépassé à vive allure, puis avait effectué un second dépassement d'un poids lourd. A la suite de cette manoeuvre, le motocycliste était entré en collision avec un véhicule qui était certainement masqué par le poids lourd. Pour sa part, C.________ n'a pu apporter aucun renseignement concernant les circonstances de l'accident. 
 
Il ressort par ailleurs du dossier photographique constitué par la police française que le tronçon de route sur lequel s'est produit l'accident était rectiligne et comportait deux voies de circulation séparées par une ligne pointillée. 
4.2.3 Au regard de ces moyens de preuves, il faut tenir pour établi que l'assuré a dépassé deux véhicules successifs, le deuxième étant un poids lourd, avant d'entrer en collision avec une voiture qui précédait ce dernier et bifurquait à gauche. Le dépassement était effectué à proximité d'une intersection, alors que les véhicules qui précédaient l'assuré avaient fortement ralenti. Dans ces conditions, le point de savoir si le véhicule embouti par l'assuré avait enclenché correctement son clignotant et effectué une présélection en bonne et due forme n'est pas déterminant. En constatant que plusieurs véhicules devant lui avaient nettement réduit leur vitesse, à proximité d'une intersection, l'assuré devait renoncer à entreprendre de les dépasser; cela vaut d'autant plus que l'un d'entre eux était un camion lui masquant une partie de la chaussée devant lui. En effectuant cette manoeuvre dangereuse malgré ces circonstances particulières, l'assuré a commis une faute de circulation et a causé l'accident, par un comportement que la recourante qualifie à juste titre de gravement négligent. Cette faute justifie une réduction de 20 % des indemnités journalières litigieuses. Le fait, invoqué par l'intimé, que ce dernier n'a pas été condamné pénalement et que l'assurance responsabilité civile du conducteur de l'autre véhicule impliqué dans l'accident n'a pas contesté son obligation de couvrir intégralement le dommage sont par ailleurs dépourvus de pertinence dans la présente procédure. 
5. 
Vu ce qui précède, le recours est bien fondé et l'intimé ne peut pas prétendre de dépens à la charge de la recourante (art. 159 al. 1 OJ). La procédure est gratuite (art. 134 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et le jugement du 2 mai 2006 du Tribunal des assurances sociales du canton de Genève est annulé. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
3. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
Lucerne, le 20 septembre 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: