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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_185/2010 
 
Arrêt du 21 octobre 2010 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Favre, Président, 
Schneider, Wiprächtiger, Mathys et 
Jacquemoud-Rossari. 
Greffier: M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Henri Bercher, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1014 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-lieu (lésions corporelles graves); arbitraire, droit d'être entendu, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 9 décembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 25 juin 2007, X.________ a déposé plainte contre inconnu. Il a expliqué avoir été pris en charge par des policiers, puis par une ambulance, le matin du 23 juin 2007, à Z.________ Il avait le visage ensanglanté et souffrait de différentes blessures. L'enquête a permis de conclure que X.________ avait très vraisemblablement chuté de l'esplanade jouxtant l'entrée de l'immeuble qu'il habite, d'une hauteur d'environ 4 mètres, en regagnant son domicile. Il présentait au moment des faits un taux d'alcoolémie de l'ordre de 1,7 o/oo. X.________ a alors demandé que les investigations soient réorientées en vue de déterminer le responsable de la hauteur, insuffisante au regard de la norme SIA 358, du garde-corps bordant l'esplanade. Le plaignant et l'assureur RC du bâtiment ont produit chacun un rapport émanant d'architectes différents. X.________ a, en outre, requis la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire. 
 
Par ordonnance du 13 novembre 2009, le juge chargé de l'instruction a rejeté cette requête et prononcé un non-lieu. Un tiers des frais d'enquête a été mis à la charge de X.________. En substance, le magistrat instructeur a considéré que les deux expertises de parties n'étaient pas contradictoires en ce qui concernait la non-conformité de la protection à la norme SIA 358 et que la causalité adéquate pouvait être exclue par le comportement du plaignant qui, fortement sous l'influence de l'alcool, était à l'origine des lésions qu'il avait subies. 
 
B. 
Par arrêt du 9 décembre 2009, le Tribunal d'accusation du canton de Vaud a rejeté le recours et confirmé l'ordonnance précitée. 
 
C. 
X.________ forme un recours en matière pénale, subsidiairement un recours constitutionnel. Il conclut à l'annulation de l'arrêt du 9 décembre 2009 et au renvoi de la cause au juge d'instruction afin qu'il complète l'enquête par la mise en oeuvre d'une expertise et procède à une éventuelle inculpation. 
 
Invités à formuler des observations, la cour cantonale et le Ministère public y ont renoncé. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
La décision litigieuse a été rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Elle émane d'une autorité de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF). Le recourant allègue être victime. 
 
1.1 Conformément à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, la victime a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée si cette dernière peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. La jurisprudence en a déduit que la victime qui entend recourir au Tribunal fédéral contre une décision de dernière instance cantonale prononçant ou confirmant un acquittement n'est légitimée à le faire que si elle a fait valoir ses conclusions civiles dans la procédure pénale, autant que l'on pouvait l'exiger d'elle. Si elle y a renoncé, bien que l'on pût exiger d'elle qu'elle le fît, elle est traitée comme un simple lésé et n'a donc pas qualité pour recourir. Ces principes valent, dans la règle, aussi lorsque le recours est dirigé contre une décision de refus de suivre ou de non-lieu. Aussi, la victime qui renonce de manière générale et sans réserve à faire valoir ses prétentions civiles dans la procédure pénale avant qu'une ordonnance de condamnation soit rendue n'est-elle pas légitimée à contester devant le Tribunal fédéral le non-lieu prononcé sur opposition à l'ordonnance de condamnation (ATF 131 IV 195 consid. 1.2.2. p. 198 s.). En revanche, lorsque la procédure n'a pas été menée jusqu'à un stade permettant la prise de conclusions civiles le fait que le mémoire ne contienne pas formellement d'indications à ce propos n'entraîne pas nécessairement l'irrecevabilité du recours au Tribunal fédéral. La jurisprudence admet alors qu'une telle indication n'est pas indispensable dans la mesure où, compte tenu notamment de la nature de l'infraction, l'on peut directement et sans ambiguïté déduire quelles prétentions civiles pourraient être élevées par la victime et où l'on discerne tout aussi clairement en quoi la décision attaquée peut influencer négativement le jugement de celles-ci (ATF 127 IV 185 consid. 1a, p. 186 s.). 
 
1.2 En l'espèce, le recourant n'allègue pas avoir formulé des conclusions civiles devant les autorités cantonales. Il a cependant mentionné dans son recours cantonal que les problèmes relatifs aux normes de construction avaient été instruits de manière insuffisante pour que cette question, importante dans la perspective d'un éventuel dommage corporel permanent, puisse être tranchée (Mémoire de recours au Tribunal d'accusation, p. 3). Il allègue aussi, devant le Tribunal fédéral, avoir subi de graves lésions dans sa chute, qui auraient pu être mortelles et paraissent avoir des conséquences sur sa capacité de travail. Ces lésions font l'objet de certificats médicaux qui figurent au dossier. Il n'apparaît donc pas que le recourant aurait renoncé sans condition à invoquer ses prétentions civiles. La nature de l'infraction en discussion ainsi que les lésions alléguées permettent de comprendre sans ambiguïté quelles prétentions civiles pourraient être élevées et en quoi la décision litigieuse est susceptible d'influencer négativement le jugement de celles-ci. On ne saurait, par ailleurs, reprocher au recourant, au stade peu avancé de la procédure auquel est intervenu le non-lieu, de n'avoir pas encore formulé de conclusions civiles, l'instruction n'ayant, du reste, pas permis au moment de sa clôture, d'identifier un responsable. Le recourant a, dès lors, qualité pour recourir en matière pénale au sens des art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF en corrélation avec l'art. 1 al. 1 LAVI contre le non-lieu (cf. ATF 127 IV 185 consid. 1a, p. 187 et les arrêts cités). 
 
1.3 Le recours en matière pénale étant ouvert, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF). 
 
2. 
Il est constant que le garde-corps jouxtant l'esplanade de laquelle le recourant a chuté ne répond pas aux exigences de la norme SIA 358 édictée en 1996 en raison de sa hauteur insuffisante. Sans examiner les autres conditions d'application de l'art. 125 CP, les autorités cantonales ont prononcé, respectivement confirmé, le non-lieu au seul motif de la rupture du lien de causalité adéquate. Selon la cour cantonale, l'état du plaignant, soit son ébriété, apparaît comme la cause la plus probable et la plus immédiate de sa chute et des lésions subies. Son imprudence était tout à fait exceptionnelle, dès lors qu'un rapport d'expertise et les investigations complémentaires de la police avaient établi qu'aucune chute n'était survenue à l'endroit litigieux depuis 1961. Son comportement serait ainsi, selon les autorités cantonales, de nature à rompre le lien de causalité adéquate entre la non-conformité du garde-corps à la norme précitée et les lésions subies (arrêt entrepris, p. 4). 
 
Le recourant invoque la violation du droit fédéral sur ce point. 
 
2.1 La causalité adéquate peut être exclue, l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou si extraordinaire, que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il apparaisse comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 121 IV 10 consid. 3, p. 15, 207 consid. 2a, p. 213). En d'autres termes, la faute propre de la victime ne peut exclure la réalisation de l'état de fait punissable qu'autant que son imprudence relègue à l'arrière-plan le comportement de l'auteur (ATF 135 IV 56 consid. 2.1, p. 64; 131 IV 145 consid. 5.2, p. 148). 
 
2.2 Au regard de ces exigences jurisprudentielles sévères, on ne peut que dans de très rares cas exclure a priori, sans déterminer de manière suffisamment précise les deux comportements concomitants, que ces derniers ont concouru à la réalisation du dommage. Il ne suffit donc pas, pour écarter la causalité adéquate en raison de la rupture de ce lien, de mettre en évidence le caractère inhabituel, voire fautif du comportement de la victime. Encore faut-il déterminer, compte tenu du reproche qui peut éventuellement être formulé à l'égard de l'auteur, si le comportement de la première relègue à l'arrière-plan celui du second. 
2.2.1 En l'espèce, la décision entreprise ne constate pas formellement la hauteur du garde-corps litigieux. La cour cantonale ne s'est pas non plus prononcée expressément sur le risque que pouvait représenter un garde-corps de cette hauteur à cet endroit. Elle a certes mentionné, pour se prononcer sur le grief relatif au refus d'une expertise judiciaire, que selon l'architecte Y.________, ce garde-corps ne présentait pas de risque réel ou potentiel, tant pour les locataires que pour tous les autres usagers qui accèdent normalement à l'immeuble et dont les facultés physiologiques ou mentales ne sont pas altérées. L'autorité précédente n'a cependant pas indiqué si elle faisait sienne cette appréciation. Elle n'a donc pas opéré de constatation de fait qui lierait la cour de céans sur ce point (art. 105 al. 1 LTF). La décision entreprise ne précise pas non plus si l'auteur répondait d'un comportement actif ou par omission, ce qui n'est pas sans incidence sur l'examen de la causalité et de sa rupture (cf. ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 132 s.; v. aussi sur ce point: infra consid. 2.3). 
2.2.2 Face à cette indétermination du comportement d'un auteur éventuel, seules des circonstances tout à fait exceptionnelles ou extraordinaires permettraient d'exclure d'emblée tout lien de causalité adéquate avec le dommage subi par le recourant. De surcroît, à un stade de la procédure où prévaut plutôt le principe in dubio pro duriore, la difficulté d'établir le comportement de la victime, en tant qu'il pourrait constituer un facteur libératoire pour l'auteur, doit plutôt, si ce dernier peut être identifié, conduire au renvoi de la cause à l'autorité de jugement (cf. arrêt du 11 avril 2008 6B_588/2007 consid. 3.2.3, publié dans la Praxis 2008, n. 123, p. 766). Une certaine retenue s'impose plus encore lorsque le non-lieu est, comme en l'espèce, motivé en droit et qu'il est, partant, susceptible d'acquérir l'autorité de chose jugée, ce qui empêche toute poursuite ultérieure à raison des mêmes faits (Gérard Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd., 2006, n. 1096 p. 691; le droit de procédure cantonal vaudois consacre le même principe: Bovay et al., Procédure pénale vaudoise, code annoté, 3e éd. 2008, art. 260 n. 1 et art. 309 n. 1). On doit donc aussi exiger d'autant plus strictement, à ce stade de la procédure, que le caractère interruptif de la causalité du comportement de la victime soit clairement établi. 
2.2.3 Tel n'est pas le cas en l'espèce. Qu'aucune chute n'ait été recensée à l'endroit litigieux depuis 1961 renseigne certes sur le caractère exceptionnel des accidents à cet endroit. Cela ne fournit, en revanche, guère d'indications précises sur le caractère exceptionnel, extraordinaire ou téméraire, respectivement imprévisible, du comportement du recourant. L'ébriété assez importante (1,7o/oo) de ce dernier ne donne pas non plus, à elle seule, de renseignement précis sur l'état psychique et physique de la victime avant sa chute (cf. ATF 122 IV 49 consid. 1b, p. 50). Enfin, l'indication de l'architecte Y.________, selon lequel « la zone devant le garde-corps, en bordure de toiture, est extérieure au cheminement pour entrer dans l'immeuble et pour atteindre les boîtes aux lettres », ne démontre pas encore qu'il serait extraordinaire ou exceptionnel que des personnes s'approchent du garde-corps en cause, lequel borde une esplanade dont toute la surface apparaît accessible au public sans restriction. 
 
Dans ces conditions, l'existence d'une circonstance susceptible d'interrompre le rapport de causalité adéquate n'est pas suffisamment démontrée au stade auquel est parvenu la procédure. 
 
2.3 Au vu de ce qui précède, la cause doit être renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle complète l'instruction notamment sur la question d'une éventuelle négligence en relation avec la hauteur du garde-corps. Ce dernier ayant été érigé en 1961 et le plaignant invoquant sa non-conformité à une norme SIA édictée postérieurement (1996), seule une omission paraît pouvoir entrer en ligne de compte. L'autorité cantonale devra donc, avant toute chose, rechercher si une personne responsable pouvait être tenue juridiquement (position de garant; cf. ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 132 s.) d'adapter la barrière à cette norme nouvelle ou, de manière plus générale, de modifier ce dispositif de sécurité afin de le rendre plus efficace. La présente affaire n'ayant pas trait à l'application de l'art. 229 CP, soit à la violation des règles de l'art de construire, il convient de relever, dans ce contexte, que la norme SIA 358 de 1996, qui ne s'adresse pas directement aux propriétaires d'ouvrages, respectivement à leurs employés, mais plutôt aux personnes chargées de la construction, ne saurait fonder, à elle seule, une obligation d'adapter un ouvrage préexistant, initialement conforme aux prescriptions de sécurité antérieures. Aussi, indépendamment de la problématique des relations existant entre la norme technique et la définition du devoir de précaution (cf. sur cette question: ANDREAS BRUNNER, Technische Normen in Rechtsetzung und Rechtsanwendung, thèse 1991, p. 159 ss), respectivement des rapports entre la norme SIA 358 de 1996 et les règles du droit public cantonal moins exigeantes (v. sur ce point: HANS BRINNER, Beraten und Prozessieren in Bausachen, in Handbucher für die Anwaltspraxis, tome IV, 1998, § 4, n. 4.60, p. 138), l'autorité cantonale devra-t-elle rechercher, avant tout, si l'obligation de modifier le dispositif de sécurité découlait du droit cantonal, éventuellement d'une décision de l'autorité, ou si une adaptation ou d'autres mesures de précaution s'imposaient en raison des circonstances. Ce n'est qu'une fois ces questions tranchées que pourra être abordée celle de la rupture du lien de causalité. A cet égard, l'autorité cantonale devra, si nécessaire, préciser si elle s'estime en mesure d'examiner ces questions sur la base du rapport de l'architecte Y.________ ou si une expertise judiciaire s'impose à ce stade de la procédure. Cela étant, les autres griefs soulevés par le recourant en relation avec l'appréciation de ce rapport sont, en l'état, sans objet, la cour cantonale ayant rejeté la requête d'expertise au seul motif que les deux rapports présentés par les parties n'étaient pas contradictoires quant à la conformité du garde-corps à la norme SIA 358. Il en va de même de l'ensemble des griefs d'arbitraire dans l'application du droit cantonal relatifs à l'insuffisance de l'instruction. L'autorité cantonale devra, enfin, statuer à nouveau sur le sort des frais d'enquête, ce qui rend également sans objet les griefs soulevés par le recourant sur ce point. 
 
3. 
Vu l'annulation du non-lieu et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale, le recourant obtient gain de cause. Il ne supporte pas de frais (art. 66 al. 1 LTF). Il peut, en revanche, prétendre des dépens à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2. 
Le recours en matière pénale est admis. L'arrêt entrepris est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale au sens des considérants. 
 
3. 
Il est statué sans frais. 
 
4. 
Le canton de Vaud versera en main du conseil du recourant la somme de 3000 fr. à titre de dépens. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 21 octobre 2010 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Favre Vallat