Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
[AZA 0/2] 
 
4C.311/2001 
 
Ie COUR CIVILE 
************************ 
 
24 janvier 2002 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz 
et Favre, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin. 
 
___________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
dame G.________, demanderesse et recourante, représentée par Me Bernard de Chedid, avocat à Lausanne, 
 
et 
dame A.________, défenderesse et intimée, ainsi que B.________, défendeur et intimé, tous deux représentés par Me Bernard Geller, avocat à Lausanne; 
 
(responsabilité des administrateurs) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- La société X.________ S.A. a engagé dame G.________, dès le 22 mars 1988, en qualité de "déléguée chargée de la distribution de la méthode Didactron". 
 
Le 15 février 1995, dame G.________ a ouvert action auprès du Tribunal des prud'hommes, réclamant à son employeur notamment le paiement de commissions pour les ventes réalisées grâce à son activité. 
 
Par télécopie du 28 février 1995, la société X.________ S.A. a licencié dame G.________ avec effet immédiat. 
Celle-ci a contesté l'existence de justes motifs permettant un licenciement immédiat et soutenu que la résiliation était abusive. 
 
En cours d'instance, la faillite de la société X.________ S.A. a été prononcée. La liquidation a été suspendue faute d'actifs et, comme aucun créancier n'a fait l'avance des frais, la faillite a été clôturée. 
 
La cause pendante devant le Tribunal des prud'hommes a été rayée du rôle. 
 
B.- Invoquant la responsabilité des administrateurs, dame G.________ a déposé devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, le 1er octobre 1999, une demande en paiement dirigée contre B.________ (qui était directeur de la société X.________ S.A.) et dame A.________ (qui était administratrice unique de cette société). Soutenant que la gestion des administrateurs lui a causé un dommage direct et indirect, elle a conclu à ce que B.________ et dame A.________ soient condamnés solidairement à lui payer, avec intérêts, les sommes de 45'786, 10 fr. et de 17'013, 75 fr. 
 
Par jugement du 26 février 2001, la cour cantonale a rejeté la demande et statué sur les frais et dépens. 
 
C.- Contre ce jugement, dame G.________ (la demanderesse) a interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral. 
Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'admission du recours et à la réforme du jugement entrepris, en reprenant ses conclusions formées sur le fond en première instance; elle demande subsidiairement le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
Parallèlement à son recours en réforme, dame G.________ a déposé un recours en nullité sur le plan cantonal, qu'elle a par la suite retiré. Il en a été pris acte et la cause a été rayée du rôle le 11 octobre 2001. 
 
L'assistance judiciaire sollicitée préalablement par dame G.________ devant le Tribunal fédéral a été refusée par décision du 12 novembre 2001. 
 
Dame A.________ et B.________ (les défendeurs) proposent le rejet du recours avec suite de frais et dépens. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Le présent recours est en principe recevable, dès lors qu'il a été interjeté en temps utile compte tenu des féries (art. art. 34 al. 1 let. b et 54 al. 1 OJ) et qu'il répond aux exigences légales (cf. art. 46, 48 et 55 OJ). 
 
b) Comme le recours en nullité interjeté par la demanderesse sur le plan cantonal a été retiré, il n'y a pas lieu de surseoir au présent arrêt (cf. art. 57 al. 1 OJ). 
 
c) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). 
Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Enfin, le recours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a; 122 III 26 consid. 4a/aa, 61 consid. 2c/bb, 73 consid. 6b/bb p. 80). 
 
2.- La demanderesse soutient que la gestion des administrateurs lui a causé un dommage direct. 
 
a) Selon la jurisprudence, il n'y a dommage direct subi par un créancier social que lorsque le comportement reproché à l'organe viole une norme du droit des sociétés anonymes conçue exclusivement pour protéger les créanciers, constitue un acte illicite fondant une responsabilité sur la base de l'art. 41 CO ou encore qu'il se caractérise comme une culpa in contrahendo (ATF 127 III 374 consid. 3b p. 377; 125 III 86 consid. 3a; 122 III 176 consid. 7b p. 190 s.). 
 
La cour cantonale a constaté que la demanderesse n'invoquait ni une culpa in contrahendo, ni la violation d'une norme du droit des sociétés anonymes destinée exclusivement à protéger les créanciers sociaux. Dans le présent recours, cette partie du raisonnement n'est pas critiquée, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir. 
 
Il reste donc à examiner si la demanderesse reproche aux administrateurs un comportement qui puisse constituer un acte illicite engageant leur responsabilité sur la base de l'art. 41 CO
 
b) Selon l'art. 41 al. 1 CO, "celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer". 
 
La responsabilité prévue par cette disposition suppose par conséquent un comportement illicite. D'après la jurisprudence, le dommage est causé de manière illicite s'il résulte de la violation d'un devoir général imposé par l'ordre juridique (ATF 123 III 306 consid. 4a; 119 II 127 consid. 3; 115 II 15 consid. 3a). 
 
 
Il faut donc qu'il y ait violation d'un devoir général, c'est-à-dire d'un devoir incombant à tous (cf. 
Schnyder, Commentaire bâlois, art. 41 CO no 31; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd. Berne 1997, p. 448). 
En revanche, la violation d'un devoir qui n'est pas universel, mais seulement relatif ne suffit pas; par devoir relatif, on entend essentiellement un devoir né d'un acte juridique et qui n'incombe qu'au cocontractant (cf. Brehm, Commentaire bernois, art. 41 CO no 41; Engel, op. cit. , p. 12). 
 
Lorsque la demanderesse invoque les dispositions relatives au contrat de travail qui réglementent l'obligation pour l'employeur de payer le salaire (art. 322 ss CO), l'obligation d'établir un décompte et de fournir des renseignements (art. 322c CO) ou encore les conditions dans lesquelles l'employeur peut résilier le contrat (art. 336 ss CO), elle n'invoque pas des devoirs universels, mais bien des devoirs relatifs qui n'incombent qu'au cocontractant. Or, la violation d'une obligation contractuelle, en l'absence d'un devoir universel, ne saurait fonder la responsabilité sur la base de l'art. 41 CO. Que le législateur ait pris en compte les droits de la personnalité du travailleur pour déterminer les obligations contractuelles de l'employeur n'y change rien. 
 
En l'absence d'un acte illicite, la responsabilité prévue par l'art. 41 CO est exclue et il n'y a pas lieu d'en examiner les autres conditions, notamment l'existence du dommage, ni de s'interroger sur la prescription. 
 
c) La demanderesse semble penser que la solution pourrait être modifiée si l'on envisage la question sous l'angle de l'art. 55 CC
 
L'art. 55 al. 2 CC institue la responsabilité de la personne morale pour le comportement de ses organes. Cette disposition ne régit cependant pas la responsabilité personnelle des organes à l'égard des tiers. Quant à l'art. 55 al. 3 CC, il se borne à préciser que la responsabilité de la personne morale n'est pas exclusive et ne libère pas les organes eux-mêmes d'une éventuelle responsabilité personnelle. Cette disposition ne précise cependant pas dans quelles conditions les organes pourraient être personnellement responsables à l'égard des tiers. Pour que la responsabilité de l'organe soit engagée, il faut qu'il existe une norme de responsabilité, à l'instar de l'art. 41 CO, qui le prévoie. Il n'est pas suffisant qu'une personne morale viole une obligation contractuelle, comme la demanderesse le soutient en l'espèce, pour fonder une responsabilité directe de l'organe qui a agi pour elle (ATF 63 II 86 consid. 2b p. 89; cf. également: ATF 106 II 257 consid. 1). 
 
 
Dès lors que les conditions de l'art. 41 CO ne sont pas réunies, l'art. 55 al. 3 CC ne suffit pas pour créer une responsabilité personnelle de l'organe en cas de violation d'une obligation contractuelle incombant à la personne morale. 
 
d) La demanderesse tente enfin de soutenir qu'il y aurait acte illicite au sens de l'art. 41 CO, parce que les défendeurs se seraient rendus coupables d'une gestion déloyale, réprimée par l'art. 158 CP
 
Cette infraction suppose cependant que l'auteur soit tenu, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion (art. 158 ch. 1 al. 1 CP). A titre d'exemple, on évoque à ce sujet le devoir du tuteur de veiller aux intérêts pécuniaires du pupille ou encore le devoir de l'administrateur de veiller aux intérêts pécuniaires de la société (cf. Corboz, Les principales infractions, vol. 
I, Berne 1997, art. 158 CP nos 2 à 4 et les références citées). 
 
Le contrat de travail est un contrat synallagmatique dans lequel les intérêts des parties s'opposent. Il incombe au travailleur de veiller au respect de ses droits, notamment de s'assurer qu'il reçoit le salaire qui lui est dû. 
On ne saurait soutenir que le contrat de travail impose à cet égard un devoir pour l'employeur de gérer les intérêts pécuniaires du travailleur ou de veiller sur leur gestion. Il n'y a donc pas trace en l'espèce d'une gestion déloyale. 
 
Dans la mesure où la demanderesse soutient que l'employeur lui aurait donné des renseignements faux, elle s'écarte des constatations cantonales, ce qui n'est pas admissible dans un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ). 
 
Dès lors que l'on ne se trouve dans aucun des cas où la jurisprudence (cf. supra consid. 2a) admet qu'un créancier social puisse réclamer de manière autonome la réparation d'un dommage direct, c'est à juste titre que la demande a été sur ce point rejetée. 
 
3.- La demanderesse se plaint également d'avoir subi un dommage indirect (sur les particularités de cette action, notamment l'impossibilité de l'invoquer de manière autonome: 
cf. ATF 127 III 374 consid. 3a et b p. 377 et les références citées). 
 
a) A ce sujet, la cour cantonale a relevé que la demanderesse reprochait exclusivement aux organes d'avoir tardé à aviser le juge du surendettement de la société (cf. 
art. 725 al. 2 CO). 
 
La demanderesse ne le contestant pas, il n'y a pas lieu de revoir cette question. 
 
b) Dans ce contexte, les juges ont constaté que la demanderesse n'apportait aucun élément de fait suffisamment précis qui permettrait de déterminer si et à partir de quel moment la société serait tombée en état de surendettement. 
 
Ainsi, dans le jugement attaqué, il n'a été retenu aucun élément dont on puisse déduire que les administrateurs auraient dû avoir conscience d'un état de surendettement et qu'ils auraient dû procéder conformément à l'art. 725 al. 2 CO
 
c) La demanderesse forme des critiques à cet égard, en invoquant des faits qui ne figurent pas dans la décision attaquée, ce qui n'est pas admissible dans un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ). 
 
Sur ce point, son argumentation revient ainsi à remettre en cause l'appréciation faite par la cour cantonale. 
Or, comme on l'a indiqué, le recours en réforme n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (cf. supra consid. 1c in fine et les arrêts cités). 
 
La cour cantonale est parvenue à la conclusion qu'elle ne pouvait se forger une conviction. Il s'agit là d'une pure appréciation des preuves, dont on vient de voir qu'elle ne peut donner matière à un recours en réforme. C'est en vain que la demanderesse invoque à ce sujet une violation de l'art. 8 CC, parce que cette norme ne prescrit pas comment ni sur quelles bases le juge peut ou non parvenir à une conviction (ATF 127 III 248 consid. 3a; 122 III 219 consid. 3c p. 223; 119 III 60 consid. 2c). 
 
Dès lors que la violation invoquée des devoirs d'administrateur n'est pas établie en fait, la prétention en découlant est d'emblée dépourvue de tout fondement et c'est à juste titre qu'elle a été écartée. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner les autres conditions de l'action, notamment de se demander si l'ancienne employée est habilitée à agir alors qu'elle n'est pas cessionnaire des droits de la masse et que la société a été radiée du registre du commerce. 
Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé. 
 
4.- Les frais et dépens seront mis à la charge de la demanderesse qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours et confirme le jugement attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la charge de la demanderesse; 
 
3. Dit que la demanderesse versera aux défendeurs une indemnité de 4'500 fr. à titre de dépens; 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
__________ 
Lausanne, le 24 janvier 2002 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE: 
Le Président, 
 
La Greffière,