Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_286/2010 
 
Arrêt du 24 septembre 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Robert Assaël, avocat, recourant, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1204 Genève, 
 
Objet 
Refus de mise en liberté provisoire, 
 
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève, du 20 août 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________, ressortissant américain, se trouve en détention préventive depuis le 25 novembre 2008, sous l'inculpation d'infraction à l'art. 19 al. 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121), voire de blanchiment d'argent (art. 305bis CP). Il lui est notamment reproché d'avoir, à tout le moins depuis l'année 1999, participé à un trafic de drogue et d'avoir pris les mesures nécessaires pour récupérer le produit dudit trafic en détenant dans un coffre-fort auprès de la banque UBS les sommes de 88'920 livres sterling, de 55'950 euros, de 84'000 dollars et de 45'000 francs suisses. La plupart de cet argent était en petites coupures, certaines réagissant positivement à la cocaïne lors du test "ionscan". Le prénommé aurait aussi versé sur son compte auprès de la banque UBS la somme de 1'459'199 dollars en espèces du 20 juillet 1999 au 2 novembre 2007, ainsi que la somme de 94'000 livres sterling du 4 octobre 2007 au 14 octobre 2008, la provenance des fonds n'étant pas établie. L'intéressé a reconnu les faits dans leur large majorité. 
Le 16 décembre 2009, le Juge d'instruction du canton de Genève (ci-après: le Juge d'instruction) a communiqué la procédure pénale au Procureur général du canton de Genève, l'instruction préparatoire ayant pris fin. Par ordonnance du 30 mars 2010, la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) a renvoyé A.________ en jugement devant la Cour correctionnelle sans jury du canton de Genève (ci-après: la Cour correctionnelle), pour infractions graves à la LStup et blanchiment d'argent aggravé. 
Le 19 avril 2010, l'avocat constitué a écrit au greffier chef des cours pénales afin de l'informer, en vue de la fixation de l'audience de jugement, de ses indisponibilités jusqu'à la fin du mois de juin 2010. Ayant appris que l'audience de jugement ne devrait pas être tenue avant la fin 2010, le conseil de l'inculpé a sollicité que l'audience soit tenue dans les meilleurs délais et qu'il soit renoncé à l'audition du témoin X.________, actuellement détenu aux Etats-Unis, par lettre du 20 mai 2010. Le 26 mai 2010, le greffier a répondu que le rôle de la Cour correctionnelle était complet jusqu'à septembre et que les engagements de l'avocat dans un [autre procès] empêchaient de fixer une audience pendant la période du 10 octobre au 26 novembre 2010. Par lettre du 1er juin 2010, l'avocat mandaté a précisé ne jamais avoir avancé ses engagements dans ledit procès pour retarder l'audience de jugement de l'inculpé. Le greffier a répondu que l'autorité de jugement n'avait pas la compétence de renoncer à l'audition d'un témoin figurant sur la liste du Ministère public. 
Le 2 juin 2010, l'audience de jugement devant la Cour correctionnelle a été fixée au 15 décembre 2010. 
 
B. 
Le 12 juillet 2010, A.________ a formé une demande de mise en liberté provisoire. Par ordonnance du 16 juillet 2010, la Chambre d'accusation a rejeté cette demande. Elle a considéré en substance qu'il existait un risque très élevé de fuite. Saisi d'un recours contre cette ordonnance, le Tribunal fédéral a confirmé l'existence d'un risque de fuite. Pour le surplus, il a admis partiellement le recours et renvoyé la cause à la Chambre d'accusation pour qu'elle statue sur le respect des principes de proportionnalité et de célérité, à bref délai et dans le respect des garanties découlant des art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 LTF (cf. arrêt 1B_244/2010 du 11 août 2010). Par ordonnance du 20 août 2010, la Chambre d'accusation a rejeté la demande de mise en liberté provisoire, au motif que les principes de proportionnalité et de célérité étaient respectés. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler cette ordonnance et de prononcer sa mise en liberté immédiate. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants, cas échéant en enjoignant les autorités genevoises à le juger dans les meilleurs délais. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. 
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de l'ordonnance attaquée et précise que l'avocat constitué a sollicité qu'aucune audience ne soit fixée durant les mois d'octobre et novembre 2010, en raison d'un autre procès dans lequel il plaide. Le Ministère public du canton de Genève conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué. 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative au maintien en détention préventive. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable. 
 
2. 
Le recourant, à juste titre, ne remet en cause ni la base légale de sa détention, ni l'existence de charges suffisantes à son encontre, ni le risque de fuite. Il ne prétend pas non plus que le principe de la proportionnalité serait violé. Il affirme en revanche qu'il est contraire au principe de célérité de fixer l'audience de jugement huit mois et demi après son renvoi en jugement. 
 
2.1 En vertu du principe de célérité, une incarcération peut être disproportionnée lors d'un retard injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151; 123 I 268 consid. 3a p. 273; 116 Ia 147 consid. 5a; 107 Ia 257 consid. 2 et 3). Il doit toutefois s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151 s.). Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281 et les arrêts cités). La célérité particulière à laquelle un détenu a droit dans l'examen de son cas ne doit pas nuire aux efforts des magistrats pour accomplir leur tâche avec un soin voulu (arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme [CEDH] du 5 novembre 2009, Shabani contre Suisse, n° 29044 § 65; du 11 décembre 2007, Pêcheur contre Luxembourg, n° 16308/02 § 62). 
Après la clôture de l'instruction, le prévenu doit en principe être renvoyé devant le juge du fond dans un délai qui, pour être conforme aux exigences des art. 10 Cst. et 5 par. 3 CEDH, ne devrait pas excéder quelques semaines, voire quelques mois (arrêt 1P.540/2002 du 4 novembre 2002 consid. 4.3). Ainsi, en l'absence de circonstances particulières, un délai de sept mois, uniquement justifié par la surcharge de l'autorité de jugement, est incompatible avec le principe de célérité (arrêt 1P.750/1999 du 23 décembre 1999 consid. 2d/ee). En revanche, un délai de quatre mois entre le renvoi et le jugement peut encore être considéré comme admissible, à quelques semaines de la date de l'audience de jugement, même s'il n'est pas justifié par les difficultés particulières de la cause (arrêt 1B_97/2007 du 20 juin 2007 consid. 3.2). Un délai de quatre mois et demi a également été considéré comme conforme au principe de célérité dans une affaire relativement complexe (arrêt 1B_115/2008 du 6 juin 2008 consid. 4.2). Un délai de plusieurs mois peut aussi se révéler nécessaire dans des procès particulièrement complexes, aux multiples ramifications, impliquant plusieurs inculpés et nécessitant une préparation méticuleuse des débats et de nombreux actes d'instruction; ainsi, on peut tolérer un délai de six mois entre la mise en accusation et l'ouverture des débats s'agissant d'une affaire de criminalité économique à grande échelle revêtant une complexité particulière et impliquant plusieurs intervenants (arrêt 1B_295/2007 du 22 janvier 2008 consid. 2.3). De même, dans une affaire d'une ampleur exceptionnelle, impliquant en outre des mesures de sécurité importantes durant les débats, un délai d'environ huit mois est encore tout juste compatible avec le principe de célérité (arrêt 1B_95/2008 du 14 mai 2008 consid. 5.4 non publié dans l'ATF 134 IV 237 et confirmé par l'arrêt de la CEDH précité, Shabani contre Suisse). 
 
2.2 Un délai de plus de huit mois entre l'ordonnance de renvoi et l'audience de jugement d'une personne en détention préventive n'est en principe pas admissible. L'arrêt attaqué fait état de deux éléments exceptionnels pouvant justifier un tel report de l'audience de jugement. Le premier est l'indisponibilité de l'avocat en raison de sa participation à un autre procès du 10 octobre au 26 novembre 2010. Le conseil précité aurait, selon la Chambre d'accusation, expressément sollicité qu'aucune audience de jugement dans une autre affaire ne soit fixée durant ce délai. 
Ce motif justificatif ne peut être retenu. En effet, selon une jurisprudence constante (cf. consid. 2.1 ci-dessus), la juridiction de jugement ne peut invoquer une surcharge de travail pour reporter de plusieurs mois les débats. L'Etat est en effet tenu par une obligation de résultat, et il ne saurait arguer des difficultés de son organisation judiciaire pour faire échec aux prérogatives découlant de la liberté personnelle et de l'art. 5 par. 3 CEDH. A fortiori, la prise en compte des disponibilités de l'avocat ne saurait être un motif exceptionnel justifiant le report d'une audience. Ce d'autant moins qu'en l'espèce l'avocat conteste avoir avancé ses engagements dans un autre procès pour retarder l'audience de jugement de l'inculpé. Il n'aurait au contraire entrepris que des démarches visant à ce que l'audience de jugement soit fixée le plus rapidement possible et fait référence à cet égard à ses courriers datés du 20 mai 2010 et du 1er juin 2010. 
Le second motif invoqué par l'instance précédente tient en ce que les formalités à remplir en vue de l'audition d'un témoin détenu aux Etats-Unis ont engendré du retard dans la fixation de l'audience. En effet, une telle audition a nécessité la mise en oeuvre d'une procédure d'entraide judiciaire avec les Etats-Unis et l'autorité de jugement n'a reçu une réponse favorable des autorités américaines pour l'audition par vidéoconférence dudit témoin que le 19 août 2010. Ce motif peut donc expliquer le retard pris dans la procédure de fixation de l'audience de jugement. Dans ces conditions, vu également la gravité de l'affaire, on peut encore admettre que ce retard n'est pas particulièrement grave au sens de la jurisprudence précitée, le délai de trois mois jusqu'à l'ouverture des débats pouvant encore être considéré comme acceptable. Ce d'autant plus que le recourant ne prétend ni que la durée de la détention préventive serait excessive au regard de la peine encourue, ni que le principe de la proportionnalité serait violé. Il peut donc être admis que le principe de célérité est encore respecté, à son extrême limite. 
 
3. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert la désignation de Me Robert Assaël en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu de faire droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Robert Assaël est désigné comme défenseur d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs. 
 
3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 24 septembre 2010 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Féraud Tornay Schaller