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[AZA] 
P 24/98 Bn 
 
IIe Chambre  
 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président et 
Spira, Ribaux, suppléant; Berset, Greffière 
 
Arrêt du 26 janvier 2000  
 
dans la cause 
 
M.________, recourante, représentée par Maître B.________, 
avocat, 
 
contre 
 
Caisse de compensation du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 
Saignelégier, intimée, 
 
et 
 
Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy 
 
    A.- Née en 1916, M.________ s'est mariée en 1938 sous 
le régime matrimonial légal de l'union des biens. Les époux 
ont eu cinq enfants. Le mari est décédé ab intestat le 
20 décembre 1981. 
    Les enfants du défunt ont laissé l'usufruit viager de 
leur part à leur mère, laquelle a ainsi, en particulier, 
habité l'immeuble entrant dans la succession. 
    M.________ a renoncé à ce droit d'usufruit le 20 dé- 
cembre 1996 et l'immeuble a été vendu le 23 décembre 
suivant pour un montant de 448 720 fr. 
    La Caisse de compensation du canton du Jura (ci- 
après : la caisse) a rendu deux décisions le 28 février 
1997, déniant dans la première à M.________ le droit aux 
prestations complémentaires qu'elle percevait jusque-là, à 
partir du 1er février 1997, et ordonnant dans la seconde la 
restitution des prestations complémentaires versées à tort 
en février 1997 (432 fr.). La caisse se fondait sur 
l'augmentation de fortune résultant de la vente de la 
maison. 
    Le partage des biens dépendant de la succession de feu 
G. M.________ a fait l'objet d'une convention entre héri- 
tiers du 9 mai 1997, aux termes de laquelle M.________ 
était en définitive redevable d'un montant de 66 444 fr. 70 
auquel les enfants renonçaient. 
    Après diverses péripéties procédurales, la caisse a 
rendu une nouvelle décision le 15 juillet 1997, retenant de 
nouveaux chiffres, mais confirmant que Dame M.________ 
n'avait plus droit aux prestations complémentaires. 
 
    B.- Par jugement du 22 avril 1998, la Chambre des 
assurances du Tribunal cantonal jurassien a très partiel- 
lement admis les recours interjetés contre les deux 
décisions de la caisse du 28 février 1998 par la prénommée. 
A l'issue de nouveaux calculs, l'autorité cantonale a 
considéré que cette dernière avait droit à une prestation 
complémentaire annuelle de 53 fr. 50 alors que la resti- 
tution ne devait porter que sur 427 fr. 50. 
 
    C.- M.________ interjette recours de droit administra- 
tif contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle 
conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à ce 
que la Cour de céans fixe le montant des prestations com- 
plémentaires auxquelles elle a droit et, subsidiairement, 
au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau 
jugement. 
    Le 3 juin 1998, le Président de la Chambre des assu- 
rances du Tribunal cantonal jurassien a expliqué, notam- 
ment, que la valeur de l'usufruit pour la période de 1982 
au 23 décembre 1996 doit être déterminée selon la valeur 
officielle valable en 1996 et que l'indexation n'était pas 
prévue dans le régime des prestations complémentaires. 
    La caisse conclut implicitement au rejet du recours, 
en indiquant que les intérêts hypothécaires et frais 
d'entretien de l'immeuble litigieux, payés par M.________ 
en sa qualité d'usufruitière, devraient être déduits de la 
valeur locative de l'immeuble. 
    L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas 
déterminé. 
 
    D.- Par lettre du 5 octobre 1999, M.________ a été 
informée du risque de réforme à son détriment du jugement 
cantonal entrepris. Elle a été invitée à se déterminer sur 
cette question et rendue attentive à la faculté de retirer 
son recours. 
    Par lettres des 27 octobre et 17 novembre 1999, la 
recourante a déclaré qu'elle maintenait les conclusions, 
faits et moyens de son recours. Selon elle, quelle que soit 
la façon dont on calcule la valeur de l'usufruit, le prin- 
cipe même de l'imputation de la valeur de ce droit réel ne 
fait aucun doute. 
 
Considérant en droit  
:  
 
    1.- D'après l'art. 2 al. 1 et 5 LPC, dans la teneur en 
vigueur jusqu'au 31 décembre 1997, les ressortissants 
suisses domiciliés en Suisse qui peuvent prétendre une 
rente de l'assurance-vieillesse et survivants, une demi- 
rente au moins ou une allocation pour impotents de l'assu- 
rance-invalidité, doivent bénéficier de prestations complé- 
mentaires si leur revenu déterminant n'atteint pas un 
montant déterminé. A cet égard, le montant de la prestation 
complémentaire annuelle correspond à la différence entre la 
limite de revenu applicable et le revenu annuel déterminant 
(art. 5 al. 1 aLPC). Ce dernier est calculé selon les 
art. 3 ss aLPC. Sont notamment compris dans le revenu dé- 
terminant les ressources et parts de fortune dont un ayant- 
droit s'est dessaisi (art. 3 al. 1 lit. f aLPC). Lorsqu'une 
personne seule vit définitivement ou pour une longue 
période dans un home ou dans un établissement hospitalier, 
la prestation complémentaire correspond à la différence 
entre les dépenses (taxe journalière, montant pour les 
dépenses personnelles, déductions prévues dans la LPC) et 
les éléments de revenu à prendre en considération con- 
formément à la LPC (art. 1a al. 1 première phrase aOPC). 
 
    2.- a) La caisse a considéré que M.________ avait 
renoncé, sans obligation juridique ni contre-prestation, à 
l'usufruit viager accordé par ses enfants au décès de son 
mari et, en conséquence, a tenu compte dans ses calculs de 
l'intérêt sur la part des enfants (2,5 % de 273 997 fr.). 
En outre, elle n'a pas pris en considération les 3/4 de la 
valeur de l'usufruit entre le 20 décembre 1981 et le 20 dé- 
cembre 1996, tels que résultant de l'acte de partage du 
9 mai 1997 (198 774 fr. dont la prénommée serait redevable 
aux autres héritiers selon les signataires de l'acte). 
 
    b) De son côté, M.________ invoque les chiffres con- 
tenus dans l'acte de partage en soulignant que l'usufruit a 
été concédé "à titre de partage" selon le chiffre 3 de la 
réquisition d'inscription de l'immeuble du 7 mai 1982 
signée par tous les héritiers, et qu'elle "a eu la jouis- 
sance durant quinze ans de l'immeuble entier, sans l'en- 
tretenir, et en ne payant à titre de loyer que les intérêts 
hypothécaires d'une dette dérisoire (7000 fr.) ". De cela, 
elle déduit que "le calcul figurant au haut de la page 2 du 
partage successoral du 9 mai 1997 par 198 774 fr. vise à 
rétablir la réalité" (4 % sur 441 720 fr. [prix de vente de 
l'immeuble après déduction de la dette hypothécaire au 
moment du décès de G. M.________] x 15 ans x 3/4). En 
d'autres termes, elle soutient que l'usufruit qui lui a été 
accordé était "un acompte dans le futur partage à 
intervenir, acompte calculé dans l'acte du 9 mai 1997". 
 
    c) Les premiers juges ont admis que la recourante 
était redevable, au moment du partage, de la valeur de 
l'usufruit calculé sur 15 ans, dès lors qu'il avait été 
accordé par les autres héritiers "à titre de partage". Ils 
ont toutefois procédé à d'autres calculs, se fondant non 
sur un taux d'intérêt moyen, mais sur la valeur locative du 
logement occupé par l'usufruitière. En ce qui concerne 
l'immeuble, M.________ était ainsi redevable d'un montant 
de 61 650 fr. (3/4 de 82 200 fr.). 
    Passant du calcul de la fortune nette à celui du 
revenu déterminant, les juges cantonaux ont tenu compte de 
l'usufruit auquel l'intéressée avait renoncé, se fondant là 
encore sur la valeur locative de l'immeuble (en forte 
augmentation dans le canton du Jura dès le 1er janvier 
1997) et non sur un intérêt hypothétique comme l'avait fait 
la caisse. 
 
    d) A ce stade, il peut être noté qu'il paraît assez 
peu logique d'un côté de considérer que l'usufruit obtenu 
en 1982 et cédé en 1996 a une contre-valeur dont M.________ 
est aujourd'hui redevable, puis, d'un autre côté, de 
retenir que la renonciation de 1996 est intervenue sans 
contre-prestation. 
 
    3.- a) Selon l'art. 462 al. 1 CC dans sa teneur en 
vigueur au moment du décès, le conjoint survivant peut 
réclamer à son choix, si le défunt laisse des descendants, 
l'usufruit de la moitié ou la propriété du quart de la 
succession. 
    D'après l'art. 473 al. 1 CC, l'un des conjoints peut, 
par disposition pour cause de mort, laisser aux survivants 
l'usufruit de toute la part dévolue à leurs enfants communs 
et aux enfants du seul disposant, conçus pendant le ma- 
riage, ainsi qu'à leurs descendants. 
    b) De l'inventaire fiscal dressé le 7 mai 1982, signé 
des héritiers, il ressort que l'épouse a opté pour le 
second terme prévu à l'art. 462 al. 1 aCC. 
    Le même document porte la mention suivante : "d'un 
commun accord, les soussignés laissent l'usufruit viager de 
leur part à leur mère, Madame M.________". D'autre part, la 
réquisition d'inscription établie le même jour et annexée 
au certificat d'hérédité stipule notamment ce qui suit : "A 
titre de partage, les soussignés concèdent, conformément à 
l'art. 473 CC, un droit d'usufruit viager sur la part des 
enfants du défunt au profit de Madame M.________, nommée 
dans le certificat d'hérédité qui précède". 
 
    c) Il faut déduire de ce qui précède que les enfants 
du défunt ont entendu procéder comme si ce dernier avait 
utilisé la possibilité offerte par l'art. 473 CC. Ils se 
sont ainsi contentés de la nue-propriété des 3/4, laissant 
le 1/4 en propriété et l'usufruit de toute leur part à leur 
mère. La renonciation à une partie des droits n'était ni 
conditionnelle, ni révocable et rien n'indique qu'elle 
devait être prise en compte ultérieurement pour le partage 
définitif de la succession. Comme cela arrive souvent dans 
les familles unies - et tout particulièrement quand la 
succession comprend l'habitation familiale - il était prévu 
selon toute vraisemblance que la succession du défunt ne 
serait pas définitivement réglée du vivant du conjoint. 
 
    d) Cela étant, il n'y a aucune raison d'admettre que 
la recourante était redevable aux autres héritiers d'un 
montant quelconque du chef de l'usufruit dont elle a 
bénéficié. Il en découle que la somme de 61 650 fr. 
- déduite par les premiers juges de la fortune de l'as- 
surée - doit en réalité s'ajouter à la fortune nette de 
M.________ qui atteint ainsi 102 935 fr. 90, en lieu et 
place du montant de 41 285 fr. 90 retenu par la cour 
cantonale. 
    Bien plus, il faut considérer que la recourante a cédé 
à titre gratuit un droit qu'elle avait acquis 15 ans plus 
tôt. 
 
    4.- a) En cas de renonciation à un usufruit, le revenu 
hypothétique doit être considéré comme un dessaisissement 
de revenu et non - après capitalisation correspondante - 
comme un dessaisissement de fortune (ATF 122 V 401 sv. con- 
sid. 6, VSI 1997 p. 148). 
 
    b) Pour calculer la valeur de l'usufruit en ce qui 
concerne l'immeuble, il faut prendre en considération non 
la valeur locative (art. 12 OPC), comme l'ont fait les 
premiers juges, mais les intérêts sur la valeur vénale (cf. 
art. 17 al. 1 et 4 OPC), dès lors que la recourante n'y 
habite plus et qu'il a été vendu (cf. ATF 122 V 397 ss 
consid. 3). 
 
    c) L'immeuble a été vendu au prix de 448 720 fr., 
montant dont il faut déduire la dette hypothécaire par 
7000 fr. Les 3/4 du solde représentent 331 290 fr. Le taux 
d'épargne moyen accordé en 1996 était de 2,5 % (annuaire 
statistique de la Suisse 1999 p. 295 T 12.5; cf. ATF 
120 V 186 consid. 4e). 
    On arrive ainsi à 8282 fr. 25 qui s'ajoutent aux 
revenus de M.________ (en lieu et place des 6850 fr. et des 
11 550 fr. retenus respectivement par l'intimée et par 
l'autorité cantonale, au titre de renonciation à l'usu- 
fruit). 
 
    5.- L'accroissement de la fortune de la recourante de 
61 650 fr. suffit à considérer que M.________ n'avait pas 
droit à des prestations complémentaires en 1997. Il n'est 
pas utile de se pencher sur les nombreux autres éléments du 
calcul, tels qu'ils ressortent des décisions et courriers 
de la caisse, ainsi que du jugement cantonal, ou encore de 
l'acte de partage. Il n'est pas nécessaire non plus de 
renvoyer la cause à la caisse pour nouveau calcul, le 
revenu déterminant (comprenant, notamment, 1/5 de la 
fortune nette, soit 20 587 fr. 20 + une rente AVS de 
21 396 fr. + 8282 fr. 25 au titre de renonciation à l'usu- 
fruit) dépassant clairement la limite de revenu applicable. 
Le revenu déterminant est d'ailleurs supérieur de plus de 
15 000 fr. aux dépenses de la recourante qui consistent en 
des frais de home de 33 965 fr. par an. 
    Le recours se révèle dès lors mal fondé. Conformément 
à la lettre du 5 octobre 1999 qui informait la recourante 
du risque de réforme du jugement cantonal à son détriment, 
le jugement du 22 avril 1998 du Tribunal cantonal jurassien 
doit être annulé. 
 
    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e  
:  
 
I. Le recours est rejeté et le jugement du 22 avril 1998  
    du Tribunal cantonal jurassien, Chambre des 
    assurances, est annulé. 
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.  
 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au  
    Tribunal cantonal jurassien, Chambre des assurances, 
    et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 26 janvier 2000 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre : 
 
La Greffière :