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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.739/2003 /svc 
 
Arrêt du 26 mars 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Thélin. 
 
Parties 
A.C.________, 
B.C.________, 
recourants, représentés par Me Georges Reymond, avocat, 
 
contre 
 
Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de Couvaloup 6, 1014 Lausanne, 
Ministère public du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Tribunal d'accusation, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
procédure pénale; non-lieu 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du 6 juin 2003. 
 
Faits: 
A. 
L'esplanade de Montbenon, à Lausanne, est une promenade publique qui occupe le sommet d'une colline et la dalle supérieure d'un édifice - il s'agit d'un grand garage à voitures - adjacent. La surface aménagée sur la dalle constitue une terrasse. Là où elle n'est pas accessible de plain-pied, elle est entourée par le vide, avec une barrière pour prévenir les chutes. 
Dans la nuit du 17 au 18 novembre 2001, sur le sol à côté de l'édifice, des passants ont découvert le corps de C.C.________, âgée de vingt-et-un ans. Elle était décédée et semblait tombée de la terrasse, haute d'environ dix-huit mètres à cet endroit. 
B. 
Le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a ouvert une enquête pénale et a ordonné diverses recherches, dont une autopsie. Ces investigations ont révélé que la défunte consommait régulièrement du cannabis et qu'elle se trouvait sous l'effet de ce stupéfiant au moment de son décès; pour le surplus, elle ne paraissait pas avoir subi de violences autres que celles inhérentes à une chute depuis la terrasse. Aucune trace de lutte ou violence n'a été trouvée sur la terrasse. 
Les enquêteurs ont interrogé X.________, un ami de la défunte. Selon sa déclaration, tous deux se sont rendus ensemble sur l'esplanade, pendant la nuit du décès, et ont commencé un jeu de cache-cache. X.________ a alors perdu la trace de son amie. Il l'a cherchée sans succès, puis a quitté les lieux sans savoir ce qu'elle était devenue. Il est allé voir si elle était retournée à son domicile; là, il a parlé à une colocataire, mais sans lui dire que C.C.________ avait disparu. D'autres personnes furent interrogées au sujet de X.________ et de sa relation avec la défunte; on apprit ainsi qu'ils avaient parfois pratiqué un jeu où elle marchait à l'aveugle, en se laissant guider par des instructions qu'il lui donnait de vive voix. 
Les parents de la défunte, soit A.C.________ et B.C.________, se sont constitués parties civiles dans l'enquête pénale. Ils ont soulevé diverses questions et requis les mesures d'instruction correspondantes. En particulier, avec insistance, ils ont demandé une reconstitution de la scène décrite par X.________, sur les lieux et en sa présence. Le Juge d'instruction n'a pas donné suite à cette requête et il n'a pas non plus indiqué les motifs de son refus; il a clos l'enquête par une ordonnance de non-lieu, le 2 mai 2003. 
C. 
Sans succès, les parties civiles ont déféré ce prononcé au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois. Statuant le 6 juin 2003, cette juridiction a rejeté le recours et confirmé l'ordonnance. Le tribunal a jugé qu'aucune mesure d'instruction supplémentaire ne paraissait apte à révéler les circonstances exactes du décès. En particulier, l'instruction à effectuer sur place paraissait superflue faute "de tout autre élément en relation directe avec les circonstances du décès et au vu de la configuration des lieux". 
D. 
Agissant conjointement par la voie du recours de droit public, A.C.________ et B.C.________ requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal d'accusation. A leur avis, le rôle éventuel de X.________ dans le décès de leur fille n'a pas été suffisamment élucidé et il s'imposait de donner suite aux réquisitions qu'ils ont présentées à ce sujet. Invoquant les art. 9 et 29 Cst., ils tiennent l'enquête pour incomplète et l'ordonnance de non-lieu pour arbitraire et insuffisamment motivée. 
Invités à répondre, le Ministère public cantonal, la juridiction intimée et le Juge d'instruction ont proposé le rejet du recours, sans déposer d'observations. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, celui qui se prétend lésé par une infraction n'a en principe pas qualité pour former un recours de droit public contre les ordonnances ayant pour objet de mettre fin à l'enquête par classement ou non-lieu. En effet, l'action pénale appartient exclusivement à la collectivité publique et, en règle générale, le plaignant n'a qu'un simple intérêt de fait à obtenir que cette action soit effectivement mise en oeuvre. Un intérêt juridiquement protégé, propre à conférer la qualité pour recourir, est reconnu seulement à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, au sens de l'art. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), lorsque la décision de classement ou de non-lieu peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles contre le prévenu (ATF 128 I 218 consid. 1.1 p. 219; 121 IV 317 consid. 3 p. 323, 120 Ia 101 consid. 2f p. 109). 
S'il se révélait que le décès de C.C.________ soit le résultat d'une infraction, ses père et mère pourraient vraisemblablement élever des prétentions civiles contre l'auteur. Ils jouissent donc, dans le procès pénal, de droits semblables à ceux qui appartiendraient à la victime elle-même (art. 2 al. 2 let. b LAVI). Ils peuvent notamment contester l'ordonnance de non-lieu par la voie du recours de droit public. 
2. 
Dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère aux parties le droit d'obtenir l'administration des preuves qu'elles ont valablement offertes, à moins que celles-ci ne portent sur un fait dépourvu de pertinence ou qu'elles soient manifestement inaptes à faire apparaître la vérité quant au fait en cause. L'autorité est toutefois autorisée à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, si elle peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211, 122 V 157 consid. 1 d p. 162, 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505). Dans une enquête pénale, ces principes concernent aussi les réquisitions ou offres d'une partie qui, sans porter directement sur la preuve d'un fait spécifique et déjà allégué, tendent seulement à orienter la suite des recherches (Hauser/Schweri, Schweizerisches Strafprozessrecht, 5e éd., ch. 7a p. 235). 
Le droit d'être entendu confère aussi le droit d'exiger qu'un jugement ou une décision défavorable soit motivé. Cette garantie tend à donner au plaideur les moyens d'apprécier la portée du prononcé et de le contester efficacement, s'il y a lieu, dans une instance supérieure. Elle tend aussi à éviter que l'autorité ne se laisse guider par des considérations subjectives ou dépourvues de pertinence; elle contribue, par là, à prévenir une décision arbitraire. L'objet et la précision des indications à fournir dépendent de la nature de l'affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en règle générale, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussi ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 125 II 369 consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a p. 149). 
3. 
X.________ est, semble-t-il, la dernière personne à avoir rencontré C.C.________. Selon ses propres dires, il a perdu contact avec elle d'une façon singulière, dans le voisinage du lieu où elle est morte mais sans que l'on sache exactement où. Le jeu de cache-cache décrit par lui n'est pas non plus connu de manière concrète. Au regard des quelques éléments déjà apportés par les recherches et compte tenu que la chute subie par la défunte demeure entièrement inexpliquée, l'enquête sur place requise par les père et mère pouvait donc présenter une certaine pertinence. S'il existe des motifs valables de refuser cette mesure d'instruction, ce que l'on ne saurait exclure, ils n'apparaissent pas d'emblée et ils peuvent certainement prêter à discussion. Ces motifs ne sont pas indiqués dans les actes du Juge d'instruction, tels que l'ordonnance de non-lieu, et l'arrêt attaqué n'apporte non plus aucune information consistante à leur sujet. Dans ces conditions, les recourants sont fondés à se plaindre d'une motivation insuffisante de ce dernier prononcé, ce qui entraîne son annulation. 
4. 
Obtenant gain de cause, les recourants ont droit aux dépens, à la charge du canton de Vaud (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
3. 
Le canton de Vaud versera une indemnité de 1'500 fr. aux recourants, créanciers solidaires, à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal de ce canton. 
Lausanne, le 26 mars 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: