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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.30/2007 /col 
 
Arrêt du 27 mars 2007 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Féraud, Président, 
Fonjallaz et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière: Mme Truttmann. 
 
Parties 
A.________, 
recourante, représentée par Me Thomas Barth, avocat, 
 
contre 
 
B.________, 
intimé, représenté par Me Pierre Ochsner, avocat, 
Procureur général de la République et canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3, 
Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
procédure pénale, 
 
recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 5 décembre 2006. 
 
Faits: 
A. 
A.________ a porté plainte le 3 avril 2006 en exposant qu'après avoir pris un taxi avec B.________ le 30 mars 2006 au soir jusqu'au domicile de ce dernier, celui-ci l'aurait contrainte à entretenir des relations sexuelles complètes sous la menace d'un couteau. 
Le 6 avril 2006, B.________ a été inculpé de viol aggravé et, subsidiairement, de blanchiment d'argent. 
B. 
Lors de son audition le 15 septembre 2006, A.________ a confirmé avoir appelé deux taxis le soir des faits incriminés, l'un depuis le bar Y.________, sis boulevard du Pont-d'Arve 11 à Genève, l'autre, plus loin, dans la rue. 
D'un rapport de police du 9 août 2006 ressortait cependant qu'aucun appel en provenance du bar n'était parvenu le 30 mars 2006 à la centrale de Taxi-Phone. Un appel avait en revanche été enregistré à 20h43, provenant du téléphone portable de A.________ pour une prise en charge au 11, boulevard du Pont-d'Arve en direction de la Servette. 
Vu la contradiction évidente, le juge d'instruction, dans le cadre d'une procédure séparée, a inculpé A.________ d'induction de la justice en erreur et de dénonciation calomnieuse. 
C. 
Par ordonnance du 18 octobre 2006, le Procureur général de la République et canton de Genève (ci-après: le Procureur général) a classé la procédure en tant qu'elle concernait l'inculpation de viol aggravé. 
Le 5 décembre 2006, la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) a rejeté le recours interjeté par A.________ et a confirmé la décision de classement partiel. 
D. 
Par ordonnance de condamnation du 28 décembre 2006, le Procureur général a déclaré B.________ coupable de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP) et d'infraction à l'art. 23 al. 1 LFSEE et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive subie. 
E. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance rendue par la Chambre d'accusation le 5 décembre 2006. Elle se plaint d'une violation de son droit d'être entendue et invoque l'interdiction de l'arbitraire. Elle sollicite en outre l'assistance judiciaire. 
Le Ministère public s'en rapporte à l'appréciation du Tribunal fédéral quant à la recevabilité du recours. Sur le fond, il conclut à la confirmation de la décision attaquée. B.________ conclut au rejet du recours et sollicite l'assistance judiciaire. Son mandataire informe également le Tribunal fédéral que ce dernier a dû quitter la Suisse suite à une mesure d'expulsion. B.________ n'aurait toujours pas de domicile fixe, de sorte qu'il ne serait en l'état pas possible de lui faire signer une procuration. La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. 
Le 16 février 2007, la Chambre d'accusation a fait parvenir au Tribunal fédéral un rapport de la police judiciaire du 7 février 2007, qui mentionne une conversation entre B.________ et la mère de A.________, enregistrée par les soins de cette dernière. Il en ressortirait que B.________ reconnaîtrait avoir abusé de A.________ et faussement accusé la mère de cette dernière de recel, afin d'éviter une lourde condamnation pour viol. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF). 
2. 
Indépendamment des conditions de l'art. 88 OJ, le lésé qui revêt la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI peut former un recours de droit public sur la base de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, aux conditions prévues par cette disposition. Il peut donc contester sur le fond une décision d'acquittement, de non-lieu, de classement ou de refus de suivre, s'il était déjà partie à la procédure cantonale et si la sentence attaquée touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le jugement de celles-ci (ATF 131 I 455 consid. 1.1.1 p. 459; 128 I 218 consid. 1.1 p. 220). Cette dernière condition implique qu'il ait pris des conclusions civiles sur le fond dans le cadre de la procédure pénale, pour autant que cela pouvait raisonnablement être exigé de lui (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). A ce défaut, il doit indiquer quelles conclusions civiles il entendrait faire valoir et en quoi la décision attaquée pourrait avoir une incidence négative sur le jugement de celles-ci; il est cependant renoncé à cette exigence si, compte tenu notamment de la nature de l'infraction dénoncée, on peut discerner d'emblée et sans ambiguïté, quelles prétentions civiles il pourrait élever et en quoi la décision attaquée est susceptible de les influencer négativement (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). 
En l'occurrence, ces conditions sont réalisées. La recourante a la qualité de victime LAVI au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, étant directement touchée dans son intégrité sexuelle par les faits dénoncés, indépendamment de leur réalité. Lorsque comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une ordonnance de classement, il convient en effet de se fonder sur les allégués du lésé et sur la vraisemblance de l'atteinte pour déterminer si celui-ci revêt la qualité de victime (ATF 126 IV 147 consid. 1 p. 149). Certes, la recourante n'indique pas quelles prétentions elle entend faire valoir et en quoi la décision attaquée pourrait avoir une influence négative sur le jugement de celles-ci. Cette omission n'entraîne toutefois pas l'irrecevabilité du recours dès lors que ces prétentions sont évidentes. 
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, le recours répond au surplus aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière. Statuant sur un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut cependant entrer en matière que sur les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans le recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189). Sous peine d'irrecevabilité, le recourant doit donc non seulement indiquer quels droits constitutionnels auraient, selon lui, été violés, mais démontrer en quoi consiste cette violation. 
3. 
La décision attaquée relève que les investigations menées n'ont révélé aucun indice corroborant les dires de la recourante. Ces derniers étaient au demeurant contradictoires, ce qui diminuait leur crédibilité. L'arme n'avait au surplus pas été retrouvée, alors que l'intimé avait été interpellé et fouillé immédiatement après les faits incriminés, à l'occasion d'un contrôle d'identité fortuit effectué par la police dans le bar. Il en résultait que la prévention de viol aggravé à l'encontre de l'intimé n'apparaissait pas suffisamment établie, au stade du renvoi en jugement, après l'instruction préparatoire. 
4. 
La recourante reproche à la Chambre d'accusation d'avoir violé son droit d'être entendue en ne se prononçant pas sur son offre de preuves concernant les détails de la commande des taxis. 
A l'appui de son recours à la Chambre d'accusation, la recourante avait exposé que le raccordement du bar faisait l'objet d'une présélection "Talk Talk" auprès de Phone House, ce qui avait pour conséquence que l'identification de l'appelant n'apparaissait pas sur l'appareil du destinataire. Cela expliquait pourquoi Taxi-Phone avait indiqué qu'aucun appel effectué depuis le raccordement du bar n'était parvenu à la centrale entre 20h00 et 21h30. L'annexe produite par Swisscom ne comprendrait par ailleurs que les appels entrants. Enfin, lorsqu'un chauffeur ne trouve personne sur les lieux, aucune fiche n'est rédigée, ce qui ne permet donc pas de retracer rétroactivement la commande. 
Ce point serait selon la recourante au centre des débats de la procédure, puisqu'il aurait conduit les autorités cantonales à mettre en doute ses déclarations. 
4.1 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé premièrement par les dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire. Dans tous les cas, l'autorité cantonale doit cependant respecter les garanties minimales de l'art. 29 al. 2 Cst., dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; 125 I 257 consid. 3a p. 259). En l'espèce, la recourante n'invoquant pas la violation d'une disposition cantonale relative au droit d'être entendu, les griefs soulevés doivent être examinés exclusivement à la lumière des principes déduits directement de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 125 I 257 consid. 3a p. 259). 
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend le droit pour le justiciable d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 127 III 576 consid. 2c p. 578). Le juge peut cependant renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, que la preuve résulte déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il parvient à la conclusion que ces preuves ne sont pas décisives pour la solution du litige, voire qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (cf. ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2.1 p. 428; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211 et les arrêts cités). 
4.2 A titre préalable, il convient de souligner que contrairement à ce qu'affirme la recourante, ce n'est pas la seule existence de contradictions sur la commande des taxis qui a conduit les autorités cantonales à mettre en doute ses déclarations. En effet, la recourante n'a cessé de varier dans sa description du déroulement des faits. Il suffit de se référer à la partie en fait de l'arrêt attaqué pour s'en convaincre. Par ailleurs, on ne saurait considérer que les variations sont anodines. A titre d'exemple, on se contentera de mentionner que la recourante a expliqué n'avoir pas parlé du fait que l'intimé s'était servi du couteau dans le taxi déjà, car il ne s'agissait selon elle que d'un détail. 
4.3 Cela dit, la recourante n'explique pas en quoi cet élément serait pertinent pour l'issue du litige. En effet, selon ses déclarations du 26 avril 2006, elle a admis avoir menti, en ce sens qu'elle n'aurait pas été contrainte à monter dans le taxi. Il n'apparaît pas qu'elle soit revenue sur ce point par la suite. On ne discerne donc pas en quoi le fait qu'elle ait commandé deux taxis serait susceptible de prouver la commission du viol. 
4.4 En outre, l'offre de preuve n'apparaît pas très sérieuse, dans la mesure où la recourante se contredit également à cet égard. Lors de son audition du 24 mai 2006, cette dernière a en effet expliqué qu'elle avait appelé un premier taxi depuis le téléphone fixe du bar, pour rejoindre son domicile et un second, dans la rue, au moyen de son téléphone portable, à la demande de l'intimé. Toutefois, cette seconde voiture était venue pour rien puisqu'ils avaient quitté les lieux à bord du premier véhicule commandé. Or, il ressort des listings fournis par Taxi-Phone, que la prise en charge a eu lieu suite à l'appel du téléphone portable de la recourante, soit le second appel. Sans expliquer son revirement, elle soutient en revanche dans son recours à la Chambre d'accusation, qu'ils sont montés dans le second taxi. 
4.5 Dans ces conditions, le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu doit être rejeté. La question de la commande des taxis a certes eu pour conséquence l'inculpation de la recourante pour induction de la justice en erreur et pour dénonciation calomnieuse. Or, il s'agit d'une procédure distincte, dont le bien-fondé n'a pas à être examiné ici. 
5. 
La recourante voit également une violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire dans l'absence de traitement de son offre de preuve. Pour le surplus, la décision attaquée serait arbitraire, car s'il est vrai que le couteau n'avait pas été retrouvé, il fallait relever qu'aucune perquisition n'avait été effectuée le soir même des faits au domicile de l'intimé. Pour le reste, les variations mentionnées par la Chambre d'accusation ne concerneraient que des détails. 
5.1 Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 II 259 consid. 5 p. 280 s.). 
5.2 En l'espèce, même à considérer que la recourante n'ait pas menti s'agissant de la commande des taxis, il n'en demeure pas moins que les déclarations de cette dernière sont émaillées de contradictions, qui, comme on l'a vu, ne sont pas négligeables. Il n'a du reste pas été possible de découvrir le moindre élément de nature à établir la réalité des faits dénoncés, de sorte qu'un classement apparaît justifié. La recourante ne démontre au demeurant pas en quoi cette conclusion serait arbitraire, de sorte que le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable (art. 90 al. 1 let. b OJ). 
6. 
Pour le surplus, il appartiendra au Procureur général de décider si le rapport de la police judiciaire du 7 février 2007 est susceptible de constituer une circonstance nouvelle justifiant la reprise de l'information. 
7. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La demande d'assistance judiciaire doit également être rejetée, car les conclusions de la recourante paraissaient d'emblée vouées à l'échec. 
La recourante, qui succombe, doit supporter l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). L'intimé, qui a procédé avec le concours d'un avocat, a droit à des dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
3. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
4. 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice de la République et canton de Genève,. 
Lausanne, le 27 mars 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: