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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
8C_1034/2009 
 
Arrêt du 28 juillet 2010 
Ire Cour de droit social 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, 
Frésard et Niquille. 
Greffière: Mme Berset. 
 
Participants à la procédure 
Compagnie d'Assurances Nationale Suisse SA, Steinengraben 41, 4003 Bâle, 
c/o Service juridique, Wuhrmattstrasse 21, 4103 Bottmingen, 
recourante, 
 
contre 
 
D.________, 
représentée par Me Jean-Marie Crettaz, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (notion d'accident), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 3 novembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
D.________, née en 1949, enseignante, est assurée auprès de la compagnie d'assurances Nationale Suisse (ci-après: Nationale Suisse) contre le risque d'accidents. 
Par déclaration de sinistre LAA du 9 février 2009, l'employeur a informé la Nationale Suisse que l'assurée s'était cassé une dent, le 26 janvier 2009, lors d'un repas. Il a précisé ce qui suit: "En mangeant un risotto, gros craquement sous la dent, puis fortes douleurs jusqu'à la racine, mais rien de visible à l'oeil nu". La Nationale Suisse a soumis un questionnaire à l'intéressée. A la question de savoir à quelle cause elle attribuait la lésion, D.________ a répondu, le 23 février 2009: "Sans doute un petit caillou dans le riz, mais j'ai craché ce que j'avais dans la bouche". Elle a également indiqué que le produit était du "riz avec lequel elle avait confectionné un risotto (+ beurre et oignons hachés)". Par ailleurs, elle a précisé que la doctoresse L.________, médecin-dentiste, avait pris des photos et pouvait établir un rapport. 
Par décision du 9 mars 2009, la Nationale Suisse a refusé de prendre en charge le traitement prévu pour la lésion dentaire. 
D.________ a fait opposition à cette décision en se prévalant d'une déclaration du 17 mars 2009 de son médecin-dentiste. Cette dernière a précisé le type de fracture concernée. Elle a attesté que la dent en question était exempte de carie et d'obturation et n'avait jamais présenté de signe pathologique quelconque. L'assurée effectuait régulièrement des contrôles annuels; elle-même la suivait depuis 1999. 
Par décision sur opposition du 12 mai 2009, la Nationale Suisse a confirmé sa décision précédente, motif pris que l'assurée n'avait pu identifier précisément la nature d'un éventuel corps étranger dans le riz, si bien qu'il n'était pas prouvé qu'une cause extérieure extraordinaire avait été à l'origine de la lésion. 
 
B. 
D.________ a recouru devant le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève contre la décision sur opposition de la Nationale Suisse. Elle a exposé que la dent, fendue jusqu'à la racine, a dû être extraite en urgence par opération chirurgicale. Elle a produit une attestation complémentaire du 10 juin 2009 de son médecin-dentiste, à laquelle étaient jointes une radiographie ainsi qu'une photo de la dent prise lors de l'intervention. Le 14 octobre 2009, l'assurée a également transmis à la juridiction cantonale un rapport de consultation du 28 septembre 2009 émanant du docteur H.________, spécialiste en chirurgie maxillo-faciale, selon lequel il était fort probable que cette dent avait subi un traumatisme qui avait mené à sa perte. 
Statuant le 3 novembre 2009, le Tribunal cantonal a admis le recours et condamné la Nationale Suisse à prendre en charge les frais de traitement relatif à la lésion dentaire subie par l'assurée le 26 janvier 2009. 
 
C. 
La Nationale Suisse interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Elle demande, en premier lieu, que le Tribunal fédéral accorde l'effet suspensif à son recours. Elle conclut à l'annulation du jugement entrepris et à la confirmation de sa décision sur opposition. 
D.________ conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
 
D. 
Par ordonnance du 4 février 2010, le juge instructeur a rejeté la requête d'effet suspensif. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le litige porte sur la prise en charge d'un traitement dentaire, soit une prestation en nature de l'assurance-accidents (cf. art. 15 LPGA), de sorte que le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
2. 
Le jugement entrepris expose correctement la notion d'accident (art. 4 LPGA), ainsi que les conditions auxquelles la jurisprudence admet le caractère accidentel d'un dommage dentaire à la suite d'un acte de mastication normal (notamment RAMA 2006 no U 572 p. 84 consid. 3, arrêt U 367/04). Il suffit d'y renvoyer. 
 
3. 
Les premiers juges ont considéré qu'au vu des divers éléments du dossier, il était hautement vraisemblable que la lésion dentaire subie par l'assurée provenait du contact avec un élément dur extérieur à l'aliment consommé. Tout d'abord, le caractère sain de la dent était établi. Par ailleurs, selon l'attestation du médecin-dentiste, il était difficile d'expliquer la lésion par l'ingestion d'un ingrédient usuel ou par la seule mastication. Le plat lui-même n'était pas censé contenir d'ingrédients pouvant expliquer le bris d'une dent puisqu'il consistait uniquement en du riz, transformé en risotto par l'ajout de beurre et d'oignons. En outre, ce type de plat ne supposait pas une forte mastication, bien au contraire. De plus, la survenance d'un gros craquement suivi d'une forte douleur, telle que relatée par l'assurée ne s'expliquait pas sans la présence d'un corps étranger. 
 
4. 
4.1 La recourante reproche aux premiers juges de s'être livrés à une appréciation arbitraire des preuves en considérant que l'assurée avait rendu plausible que son atteinte dentaire avait été causée par un élément extérieur à l'aliment consommé. 
 
4.2 Selon l'art. 61 let. c LPGA, le tribunal établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement. 
Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 p. 195; cf. ATF 130 I 180 consid. 3.2 p. 183). 
En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b p. 360; 125 V 193 consid. 2 p. 195; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 p. 324 s.). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a p. 322). 
 
4.3 Par ailleurs, il incombe à celui qui réclame des prestations de l'assurance-accidents de rendre plausible que les éléments d'un accident sont réunis. S'il ne satisfait pas à cette exigence, en donnant des indications incomplètes, imprécises ou contradictoires, qui ne rendent pas vraisemblable l'existence d'un accident, l'assurance n'est pas tenue de prendre en charge le cas (ATF 116 V 136 consid. 4b p. 140 et les références). En cas de bris d'une dent, l'ancien Tribunal fédéral des assurances a considéré que la simple présomption que le dommage dentaire se soit produit après avoir mordu sur un corps étranger dur ne suffit pas pour admettre l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire (RAMA 2004 n° U 515 p. 421 consid. 2.2, arrêt U 64/02). Cette conclusion est valable non seulement lorsque la personne déclare avoir mordu sur "un corps étranger" ou "quelque chose de dur", mais encore lorsqu'elle croit avoir identifié l'objet. Lorsque les indications de la personne assurée ne permettent pas de décrire de manière précise et détaillée le "corpus delicti", l'autorité administrative (ou le juge, s'il y a eu un recours) n'est en effet pas en mesure de porter un jugement fiable sur la nature du facteur en cause, et encore moins sur le caractère extraordinaire de celui-ci (cf. parmi d'autres, arrêts U 67/05 du 24 mai 2006, consid. 3.2, U 202/05 du 3 avril 2006, consid. 2.2). On notera encore que dans le cadre de la mise en consultation du projet de loi modifiant la LAA, il était proposé que l'assurance-accidents n'alloue plus de prestations pour les lésions dentaires qui se produisent lors de la mastication afin de prévenir les abus. Cette modification n'a finalement pas été retenue dans le message du Conseil fédéral mais il a été rappelé que la prévention des abus devait passer par un examen approfondi du droit aux prestations dans le cas concret (FF 2008 V 4891). 
 
4.4 Il y a lieu de donner raison à la recourante. En effet, il ressort des pièces du dossier qu'à aucun moment l'intimée n'a indiqué clairement la nature d'un éventuel corps étranger se trouvant dans le risotto. Bien au contraire, la déclaration d'accident mentionne qu'elle n'a rien noté de "visible à l'oeil nu". L'assurée a répété, dans le questionnaire reçu de l'intimée, qu'elle n'avait pu "rien voir de visible". Elle n'a jamais été en mesure de fournir des explications concernant la nature de l'objet en question, ni d'en faire une description. 
 
4.5 Les indications de l'assurée ne permettaient ainsi pas de décrire de manière précise et détaillée le "corpus delicti". La juridiction cantonale n'était donc pas en mesure de porter un jugement fiable sur la nature du facteur dommageable en cause. Il n'apparaît pas, au degré de vraisemblance prépondérante, que la dent s'est fendue sur un petit caillou (ou sur un autre corps étranger) plutôt que sur un élément constitutif du risotto (grain de riz mal cuit ou grain de riz non décortiqué). On ajoutera que les avis des médecins-dentistes, selon lesquels la lésion serait d'origine traumatique, ne changent rien à cette appréciation. En effet, ils ne permettent de tirer aucune conclusion décisive au sujet de l'existence d'un corps exogène sur lequel se serait brisée la dent (pour des cas comparables RAMA 1993 n° K 921 p. 156 consid. 4 p. 159 s. ainsi que les arrêts U 67/05 du 24 mai 2006 consid. 4 et U 202/05 du 3 avril 2006 consid. 3). En conclusion, il est certes possible, mais nullement établi au degré de vraisemblance requis que la lésion dentaire soit la conséquence d'un accident au sens juridique du terme. 
 
5. 
Vu ce qui précède, le recours est bien fondé. L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Pour le même motif, elle n'a pas droit à des dépens (art. 68 al 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et le jugement du 3 novembre 2009 du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève est annulé. 
 
2. 
Les frais de justice, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
Lucerne, le 28 juillet 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Ursprung Berset