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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.416/2004/col 
 
Arrêt du 28 septembre 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Féraud et Fonjallaz. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, 
 
contre 
 
Tribunal administratif du canton de Genève, 
case postale 1956, 1211 Genève 1, 
 
B.________ et consorts, 
représentés par Me Grégoire Mangeat, avocat, 
Ville de Carouge, 1227 Carouge, 
représentée par Me Christian Buonomo, avocat, 
 
Objet 
refus de reconnaître la qualité de mandataire professionnellement qualifié, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 18 mai 2004. 
 
Faits: 
A. 
Le 16 février 2004, la Ville de Carouge a adressé un formulaire de demande d'autorisation pour l'installation d'une terrasse sur le domaine public ou privé communal pour l'année 2004 aux établissements publics qui en faisaient habituellement la demande, en les invitant à le retourner au plus vite. 
Le 10 mars 2004, elle leur a communiqué un projet de convention réglant l'utilisation des terrasses saisonnières sur le domaine public ou privé communal en les invitant à le renvoyer dûment signé. Cette convention comportait notamment un article consacré aux horaires d'exploitation, suivant lequel le titulaire de la patente s'engageait à exploiter la terrasse jusqu'à 24h00 au plus tard, la Ville de Carouge pouvant accorder une dérogation jusqu'à 02h00 du matin, pour les nuits du vendredi au samedi et du samedi au dimanche. 
Le 2 avril 2004, B.________ et C.________, en leur qualité de propriétaire et de gérant, respectivement de titulaire de la patente du bar "X.________", à Carouge, ainsi que neuf autres exploitants et propriétaires d'établissements publics de la Ville de Carouge (ci-après: B.________ et consorts), ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) par l'intermédiaire de A.________, économiste et juriste, à Vessy, en concluant à son annulation en tant qu'elle vise à restreindre les horaires d'exploitation des terrasses saisonnières. 
Le 7 avril 2004, le juge délégué à l'instruction de la cause a invité A.________ à se déterminer sur sa qualité de "mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s'agit", au sens de l'art. 9 al. 1 de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA), en le rendant attentif aux conséquences d'un éventuel refus sur la recevabilité du recours déposé en son nom. 
Le 13 avril 2004, Me Grégoire Mangeat, avocat à Genève, a déclaré se constituer pour la défense des intérêts de B.________ et consorts et faire sien l'acte de recours déposé le 2 avril 2004 par A.________. 
Ce dernier a répondu au juge délégué par courrier du 20 avril 2004; il exposait en substance avoir fait un apprentissage de dessinateur en constructions métalliques et travaillé dans ce domaine, avant de faire une licence en économie d'entreprise, option juridique, à l'Université de Genève. Il expliquait en outre être actuellement graduant en faculté de droit sur un programme court de deux ans. Dès février 2000, il a eu la charge du service juridique du Syndicat Industrie & Bâtiment, pour lequel il est régulièrement intervenu comme mandataire devant la juridiction des prud'hommes et devant le Tribunal administratif agissant comme tribunal des assurances, sans que sa qualité à intervenir ne fasse l'objet d'une quelconque réserve. Il a mis fin à cette charge en automne 2003 pour assurer des mandats privés et pour le compte du Syndicat Sans Frontières, se rapportant pour l'essentiel à des conflits de droit du travail et de droit des assurances et à des conseils juridiques en matière de droit des sociétés. 
Par arrêt sur partie rendu le 18 mai 2004, le Tribunal administratif a déclaré recevable le recours interjeté par B.________ et consorts contre la décision de la Ville de Carouge du 10 mars 2004, mais il n'a pas autorisé A.________ à agir en qualité de mandataire professionnellement qualifié au sens de l'art. 9 al. 1 LPA, faute pour celui-ci de disposer d'une formation juridique complète ou de connaissances spécifiques en matière de débits de boissons ou autres établissements analogues, en relation avec les heures d'ouverture. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, en tant qu'il lui dénie la qualité de mandataire professionnellement qualifié au sens de l'art. 9 al. 1 LPA pour la présente cause, et de lui reconnaître cette qualité. Il se plaint d'une atteinte à sa liberté économique garantie à l'art. 27 Cst., d'une interprétation et d'une application arbitraires de l'art. 9 al. 1 LPA et d'inégalité de traitement. 
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. La Ville de Carouge s'en remet à justice. Me Grégoire Mangeat s'est brièvement déterminé. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
L'arrêt attaqué, qui interdit au recourant de représenter et d'assister B.________ et consorts en tant que mandataire professionnellement qualifié dans la procédure de recours pendante devant le Tribunal administratif, est fondé sur le droit cantonal de procédure, dont la violation ne peut être dénoncée qu'à l'appui du recours de droit public. 
L'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure de recours ouverte devant le Tribunal administratif contre la décision de la Ville de Carouge du 10 mars 2004, limitant les horaires d'exploitation des terrasses sur le domaine public; il présente cependant les traits d'une décision finale pour le recourant qui s'est vu dénier le droit de représenter les gérants et propriétaires des établissements publics touchés par cette décision en tant que mandataire professionnellement qualifié dans ladite procédure. Le recours est ainsi recevable au regard de l'art. 87 OJ. Formé au surplus en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 88 et 89 al. 1 OJ. 
2. 
Le recourant reproche au Tribunal administratif de lui avoir dénié arbitrairement la qualité de mandataire professionnellement qualifié, au sens de l'art. 9 al. 1 LPA, dans la cause divisant B.________ et consorts d'avec la Ville de Carouge. 
2.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire (ATF 128 II 311 consid. 2.1 p. 315 et les arrêts cités). Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178), ce qu'il appartient au recourant de démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250). 
2.2 L'art. 9 al. 1 LPA dispose que les parties, à moins qu'elles ne doivent agir personnellement ou que l'urgence ne le permette pas, peuvent se faire représenter par un conjoint, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s'agit. 
Par cette disposition, reprise de la loi genevoise instituant un code de procédure administrative du 6 décembre 1968, le législateur cantonal a manifesté clairement son intention de ne pas réserver le monopole de représentation aux avocats en matière administrative, dans la mesure où un nombre important de recours exigent moins de connaissances juridiques que de qualifications techniques (Mémorial des séances du Grand Conseil 1968 p. 3027). Suivant la jurisprudence cantonale, entérinée par le Tribunal fédéral, l'aptitude à agir comme mandataire professionnellement qualifié devant le Tribunal administratif doit être examinée de cas en cas, au regard de la cause dont il s'agit, ainsi que de la formation et de la pratique de celui qui entend représenter une partie à la procédure (ATF 125 I 166 consid. 2b/bb p. 169). Dans cet arrêt, la cour cantonale avait dénié la qualité de mandataire professionnellement qualifié dans une cause relevant de la police des constructions et de l'aménagement du territoire à un agent d'affaires breveté qui ne bénéficiait d'aucune formation ou pratique quelconque dans ce domaine. Le Tribunal fédéral a confirmé cette décision en relevant qu'il convenait de se montrer exigeant quant à la preuve de la qualification requise d'un mandataire aux fins de représenter une partie devant le Tribunal administratif, dans l'intérêt bien compris de celle-ci et de la bonne administration de la justice. 
2.3 En l'occurrence, le litige a trait à la validité d'une disposition d'une convention qui limite les heures d'exploitation des terrasses sur le domaine public ou privé communal en raison des nuisances sonores causées au voisinage. D'un point de vue technique, la question à résoudre n'exige pas de connaissances particulières de la part du mandataire qu'un professionnel de la branche maîtriserait mieux qu'un avocat ou un juriste indépendant. Sur le plan juridique en revanche, elle requiert de bonnes connaissances du droit public de la protection de l'environnement et de la protection contre le bruit, et des principes généraux régissant toute activité administrative et, en particulier, la gestion et l'utilisation du domaine public. Or, le recourant ne dispose pas d'une formation juridique complète. Il ne bénéficie ainsi pas de la présomption de fait reconnue par la loi aux avocats quant à leur aptitude à représenter efficacement les intérêts des parties dans les procédures administratives (ATF 125 I 166 consid. 2b/aa p. 169); pour se voir reconnaître la qualité de mandataire professionnellement qualifié, il doit donc pouvoir faire état de solides connaissances dans le domaine considéré. Le recourant peut assurément se prévaloir d'une expérience pratique certaine en matière de droit du travail, de droit des sociétés ou encore de droit des assurances, grâce à sa formation en économie d'entreprise avec option juridique et son expérience acquise au sein du service juridique du Syndicat Industrie & Bâtiment, puis du Syndicat Sans Frontières, et dans le cadre de divers mandats privés. Si cette pratique est peut-être suffisante pour lui reconnaître la qualité de mandataire professionnellement qualifié dans les causes portées sur recours devant la juridiction des prud'hommes ou devant le Tribunal cantonal des assurances sociales, elle ne fait pas pour autant de lui un mandataire professionnellement qualifié dans des litiges nécessitant, comme en l'espèce, des connaissances particulières du droit administratif en général et du droit public de la protection de l'environnement et de la protection contre le bruit, en particulier; le recourant ne prétend pas avoir suivi une formation particulière dans ce domaine ou avoir déjà soutenu des recours devant le Tribunal administratif, portant sur une problématique analogue. Il importe peu à cet égard que le recours ait été repris tel quel par l'actuel mandataire de B.________ et consorts et ait été jugé recevable à la forme par le Tribunal administratif dans l'arrêt attaqué. La qualité de mandataire professionnellement qualifié ne doit pas être examinée selon la qualité intrinsèque du recours, mais d'après les connaissances dont son auteur peut se prévaloir dans le domaine considéré. Or, de ce point de vue, la cour cantonale pouvait sans arbitraire admettre que les questions juridiques soulevées n'avaient aucune relation avec celles relevant du droit du travail ou des assurances sociales, dont le recourant avait eu à traiter précédemment dans le cadre de ses précédents mandats. Le recourant ne peut donc rien tirer en sa faveur du fait que le Tribunal administratif, fonctionnant alors comme tribunal des assurances, aurait admis qu'il agisse devant lui en tant que représentant du Syndicat Industrie & Bâtiment dans le cadre d'un conflit relevant du droit des assurances. Une éventuelle constatation arbitraire des faits à ce sujet ne saurait donc avoir une quelconque influence sur l'issue du recours, de sorte que cette question peut demeurer indécise. 
Enfin, le recourant se prévaut en vain de l'art. 27 Cst., tant il est vrai qu'une disposition qui vise, à l'instar de l'art. 9 al. 1 LPA, à garantir aux parties une défense efficace de leurs droits en réservant l'assistance professionnelle aux personnes justifiant de connaissances juridiques suffisantes ne saurait être tenue pour contraire à la liberté économique (cf. ATF 111 Ib 201 consid. 4c p. 207, concernant une disposition du droit cantonal de procédure, jugée conforme à la Constitution fédérale, qui restreint aux seuls avocats brevetés le droit de représenter des contribuables en procédure de recours devant le Tribunal administratif). 
3. 
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à la Ville de Carouge, qui s'en est remise à justice et qui est censée disposer de l'infrastructure nécessaire pour procéder sans l'assistance d'un mandataire extérieur. De même, B.________ et consorts, qui ont pris fait et cause pour le recourant, n'ont pas droit à des dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Tribunal administratif du canton de Genève ainsi qu'aux mandataires de la Ville de Carouge et de B.________ et consorts. 
Lausanne, le 28 septembre 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: