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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_218/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 28 octobre 2015  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges Kiss, présidente, Hohl et Niquille. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B._______, 
3. C.________, 
4. D.________, 
recourants, 
 
contre  
 
X.________, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 19 mars 2015 par le Tribunal arbitral statuant sous l'égide de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG). 
 
 
Faits:  
 
A.   
Y.________est décédé en ..., laissant pour héritiers son épouse A.________, sa fille X.________ et ses trois fils B.________, C.________ et D.________. La liquidation de sa succession a fait naître un différend entre sa fille, d'une part, et ses quatre autres héritiers, d'autre part. 
Le 8 mars 2011, les héritiers de feu Y.________ ont signé une transaction extrajudiciaire afin de régler la répartition des actifs du défunt ... Soumise au droit ..., cette convention prévoyait que les litiges s'y rapportant seraient tranchés par un tribunal arbitral de trois membres, le siège de l'arbitrage étant fixé à Genève et la procédure à conduire en français. Un avenant à ladite convention a été signé le 27 juin 2011. 
Par lettre de son conseil du 9 janvier 2012, X.________ a résolu partiellement la transaction. Les quatre autres héritiers ont invalidé celle-ci par lettre de leur nouvel avocat du 7 mars 2012. 
 
B.   
Le 6 mars 2013, A.________, B.________, C.________ et D.________ (ci-après: les consorts A.________) ont introduit une procédure arbitrale à l'encontre de X.________ devant la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG), laquelle a constitué un Tribunal arbitral composé de trois membres. 
Dans leurs dernières conclusions, les consorts A.________ ont, en substance, demandé au Tribunal arbitral de constater qu'ils avaient valablement invalidé la transaction extrajudiciaire le 7 mars 2012, avec effet ex tunc au 8 mars 2011, d'ordonner à X.________ de rapporter ... euros à la succession de feu Y.________ et de condamner la défenderesse à leur payer un total de ... euros selon une clé de répartition conforme au droit ... A titre subsidiaire, ils ont invité le Tribunal arbitral à constater la nullité de plein droit des art. 2, 3, 4 et 11 de la transaction extrajudiciaire et à leur allouer les mêmes montants que ceux qui formaient l'objet de leurs conclusions principales. Plus subsidiairement, ils ont repris leurs conclusions principales et subsidiaires, mais ont formulé leurs prétentions pécuniaires en francs suisses et non pas en euros.  
X.________ a requis le rejet intégral des conclusions prises par les consorts A.________ à son encontre. Reconventionnellement, elle a invité le Tribunal arbitral à condamner solidairement ceux-ci à lui verser une pénalité de ... euros avec intérêts à 5% l'an dès le 9 janvier 2012, à constater la validité de la résolution, respectivement de l'invalidation, de la transaction extrajudiciaire et à ordonner aux consorts A.________, sous astreinte de ... fr. par jour d'infraction, de se désister d'une procédure qu'ils avaient introduite le 24 octobre 2013 devant un tribunal étatique ... 
Les consorts A.________ ont conclu à l'irrecevabilité, voire au rejet de la demande reconventionnelle. 
Par sentence finale du 19 mars 2015, le Tribunal arbitral a débouté les consorts A.________ de toutes leurs conclusions. Admettant partiellement la demande reconventionnelle, il a condamné solidairement les quatre consorts à payer ... euros à X.________ et a rejeté toutes autres conclusions de cette partie. 
 
C.   
Le 23 avril 2015, les consorts A.________ (ci-après: les recourants) ont formé un recours en matière civile pour violation de l'art. 190 al. 2 let. c LDIP en vue d'obtenir l'annulation de la sentence du 19 mars 2015. 
Sur requête de X.________ (ci-après: l'intimée), les recourants ont été invités à verser la somme de ... fr. à titre de sûretés en garantie des dépens de l'intimée, par ordonnance présidentielle du 17 juin 2015, ce qu'ils ont fait en temps utile. 
Dans sa réponse du 25 août 2015, l'intimée a conclu au rejet du recours et à l'octroi de dépens à prélever sur les sûretés déposées à la caisse du Tribunal fédéral. 
Le Tribunal arbitral, qui a produit son dossier, a contesté, dans sa lettre d'accompagnement du 21 juillet 2015, le bien-fondé des griefs formulés dans le recours. 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.   
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 let. a LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par les recourants ou encore des moyens soulevés dans le mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. 
 
2.   
Dans un premier moyen, les recourants reprochent au Tribunal arbitral d'avoir omis de se prononcer sur les conclusions subsidiaires de leur demande. 
 
2.1. Selon l'art. 190 al. 2 let. c, seconde hypothèse, LDIP, la sentence peut être attaquée lorsque le tribunal arbitral a omis de se prononcer sur un des chefs de la demande. L'omission de se prononcer vise un déni de justice formel. La loi fédérale a repris ici le second motif de recours que prévoyait l'art. 36 let. c du Concordat suisse sur l'arbitrage. Par "chefs de la demande" ("Rechtsbegehren", "determinate conclusioni", "claims"), on entend les demandes ou conclusions des parties. Ce qui est visé ici, c'est la sentence incomplète, soit l'hypothèse dans laquelle le tribunal arbitral n'a pas statué sur l'une des conclusions que lui avaient soumises les parties. Lorsque la sentence rejette toutes autres ou plus amples conclusions, ce grief est exclu. Il ne permet pas non plus de faire valoir que le tribunal arbitral a omis de trancher une question importante pour la solution du litige (ATF 128 III 234 consid. 4a p. 242 et les références; voir aussi l'arrêt 4A_246/2014 du 15 juillet 2015 consid. 5.1 et l'arrêt 4A_446/2013 du 5 février 2014 consid. 6.2.2.2).  
 
2.2. Par de longs développements, les recourants tentent de démontrer que le Tribunal arbitral ne se serait pas prononcé sur leur conclusion subsidiaire tendant à faire constater la nullité partielle de la transaction extrajudiciaire du 8 mars 2011, plus précisément de ses art. 2, 3, 4 et 11. Semblable tentative est d'emblée vouée à l'échec car elle fait fi de la jurisprudence précitée.  
Le Tribunal arbitral a formellement rejeté toutes les conclusions des recourants (sentence, p. 66, ch. IV, n. 1), si bien que le sort du grief s'en trouve scellé. Ce que lui reprochent, en réalité, les recourants, c'est de ne pas avoir traité la question, soulevée par eux, de la nullité partielle de la transaction extrajudiciaire incriminée. Il s'agit là d'un problème qui relève du droit d'être entendu (ATF 133 III 235 consid. 5.2), grief que les intéressés ne formulent pas dans leur mémoire. Du reste, comme le Tribunal arbitral le relève à juste titre, les recourants eux-mêmes concèdent que les arbitres ont implicitement confirmé la validité des clauses 2 à 4 de la transaction extrajudiciaire dans la sentence attaquée (recours, n. 72). Le Tribunal arbitral souligne aussi, avec raison d'ailleurs, qu'il a admis la validité de la clause 11 de ladite convention puisqu'il s'est fondé sur cette clause pour infliger une peine conventionnelle aux recourants (sentence, n. 170 à 173) et qu'il l'aurait fait également en faveur de ceux-ci s'ils lui avaient soumis une conclusion ad hoc (sentence, n. 174). 
Dès lors, le grief fait au Tribunal arbitral d'avoir statué  infra petita tombe manifestement à faux.  
 
3.   
En second lieu, les recourants font grief au Tribunal arbitral d'avoir statué  ultra petita.  
 
3.1. L'art. 190 al. 2 let. c, première hypothèse, LDIP permet d'attaquer une sentence lorsque le tribunal arbitral a statué au-delà des demandes dont il était saisi. Tombent sous le coup de cette disposition les sentences qui allouent plus ou autre chose que ce qui a été demandé (  ultra ou extra petita ). Cependant, selon la jurisprudence, le tribunal arbitral ne statue pas au-delà des demandes s'il n'alloue en définitive pas plus que le montant total réclamé par la partie demanderesse, mais apprécie certains des éléments de la réclamation autrement que ne l'a fait cette partie ou encore lorsque, étant saisi d'une action négatoire de droit qu'il estime infondée, il constate l'existence du rapport juridique litigieux dans le dispositif de sa sentence plutôt que d'y rejeter cette action. Le tribunal arbitral ne viole pas non plus le principe  ne eat iudex ultra petita partium s'il donne à une demande une autre qualification juridique que celle qui a été présentée par le demandeur. Le principe  jura novit curia, qui est applicable à la procédure arbitrale, impose en effet aux arbitres d'appliquer le droit d'office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties. Il leur est donc loisible de retenir des moyens qui n'ont pas été invoqués, car on n'est pas en présence d'une nouvelle demande ou d'une demande différente, mais seulement d'une nouvelle qualification des faits de la cause. Le tribunal arbitral est toutefois lié par l'objet et le montant des conclusions qui lui sont soumises, en particulier lorsque l'intéressé qualifie ou limite ses prétentions dans les conclusions elles-mêmes (arrêt 4A_709/2014 du 21 mai 2015 consid. 4.1 et le précédent cité).  
 
3.2. A son art. 11.1, la transaction extrajudiciaire du 8 mars 2011, prévoyait qu'en cas d'inexécution ou d'exécution imparfaite de l'une de ses clauses, en dépit d'un avertissement assorti d'un délai de grâce, la partie défaillante devrait payer à l'autre la somme de ... euros à titre de peine conventionnelle, le créancier pouvant d'ailleurs demander à la fois que la convention soit exécutée et la peine conventionnelle acquittée (art. 11.2). En outre, au cas où le Tribunal arbitral serait saisi, la partie demanderesse qui succomberait, fût-ce partiellement, devrait verser à la partie défenderesse un montant identique à titre de pénalité.  
Sous chiffre 1 des conclusions de sa demande reconventionnelle prises à la page 107 de son écriture finale du 11 novembre 2014, l'intimée a invité le Tribunal arbitral à condamner solidairement les recourants à lui verser "une pénalité de ... avec intérêts à 5% l'an dès le 9 janvier 2012". 
Dans le dispositif de sa sentence, le Tribunal arbitral a condamné solidairement les recourants à payer ... euros à l'intimée (sentence, p. 66, ch. IV, n. 4). Ce faisant, il est resté bien en deçà de la conclusion ad hoc formulée dans le cadre de la demande reconventionnelle, dès lors que le montant alloué est inférieur au montant réclamé et qu'il n'est de surcroît pas assorti d'un quelconque intérêt. 
Toutefois, à suivre les recourants, la fixation du point de départ des intérêts au 9 janvier 2012 dans la conclusion reconventionnelle topique exclurait de comprendre cette conclusion en ce sens qu'elle concernait aussi les deux violations de la transaction extrajudiciaire prétendument commises par eux après ladite date, à savoir la saisine du tribunal étatique ... et le fait d'avoir succombé dans la procédure arbitrale en cause. Il fallait en inférer, bien plutôt, que cette conclusion était limitée à la troisième violation, intervenue avant le 9 janvier 2012. Or, le Tribunal arbitral en avait rejeté l'existence, faute de preuve suffisante. Aussi, toujours selon les recourants, ne pouvait-il fonder leur condamnation sur les deux autres violations sans statuer  ultra petita. Il n'en est rien. D'une part, il ne ressort nullement du libellé de la conclusion reconventionnelle en question que l'intimée aurait qualifié ou limité ses prétentions dans cette conclusion même. D'autre part, c'est le contraire qui résulte du passage pertinent de la dernière écriture de l'intéressée, ainsi que le Tribunal arbitral le souligne à juste titre, références à l'appui, sous chiffre 2 de sa réponse au recours.  
Par conséquent, le second moyen soulevé par les recourants apparaît, lui aussi, dénué de tout fondement. 
 
4.   
Au terme de cet examen, il y a lieu de rejeter le recours. Les recourants, qui succombent, seront condamnés solidairement à payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 et 5 LTF) et à verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). L'indemnité allouée à cette partie sera prélevée sur les sûretés fournies par les recourants. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à ... fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une indemnité de ... fr. à titre de dépens; cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral. 
 
 
Lausanne, le 28 octobre 2015 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Kiss 
 
Le Greffier: Carruzzo