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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2A.627/2006 
 
Arrêt du 28 novembre 2006 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Merkli, Président, 
Wurzburger et Meylan, Juge suppléant. 
Greffière: Mme Dupraz. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Alexandre Curchod, 
avocat, 
 
contre 
 
Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. 
 
Objet 
Exception aux mesures de limitation, 
 
recours de droit administratif contre la décision 
du Département fédéral de justice et police 
du 18 septembre 2006. 
 
Faits : 
A. 
Ressortissante algérienne née le 11 octobre 1972, X.________ est arrivée en Suisse le 18 août 1998, en provenance du Maroc où elle avait alors son domicile et où elle a obtenu un diplôme de tourisme. Elle était au bénéfice d'un certificat d'hébergement signé par sa tante A.________, domiciliée à Lausanne, en qualité de personne garante. Selon ce document, le séjour avait pour but des vacances d'été et devait durer un mois. 
 
En fait, X.________ n'a plus quitté le canton de Vaud. Le 31 juillet 2002, elle a sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour avec prise d'activité lucrative, subsidiairement d'une autorisation de séjour fondée sur l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21). Elle prétendait être venue en Suisse initialement pour y passer des vacances et avoir décidé d'y rester pour s'occuper de sa tante, tombée gravement malade, et des deux enfants de celle-ci. Sa tante était décédée le 16 juillet 2002. Elle-même avait noué avec ses deux cousines, Y.________ et Z.________ - nées respectivement le 1er septembre 1991 et le 11 septembre 1993 -, des liens très profonds, au point que l'une ne pouvait plus vivre sans les autres et vice versa. 
 
Le 6 août 2003, le Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) a informé la requérante qu'il était disposé à soumettre son cas à l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration, actuellement l'Office fédéral des migrations, (ci-après: l'Office fédéral) compétent pour l'application des art. 13 lettre f et 36 OLE. 
 
Par décision du 5 mai 2004, l'Office fédéral a refusé de faire bénéficier X.________ d'une exception aux mesures de limitation, au sens de l'art. 13 lettre f OLE. 
B. 
X.________ a alors porté sa cause devant le Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département fédéral) qui a rejeté le recours, par décision du 18 septembre 2006. Le Département fédéral a relativisé l'argument tiré de la durée du séjour en Suisse de l'intéressée, dans la mesure où ce séjour s'était effectué en partie de manière illégale; au demeurant, même un séjour de huit ans n'était pas décisif, compte tenu des nombreuses années que X.________ avait passées à l'étranger, soit au Maroc, soit en Algérie. La relation que l'intéressée avait établie avec la Suisse n'était pas exceptionnelle au point de pouvoir fonder un cas personnel d'extrême gravité; en particulier, l'intégration socio-professionnelle de X.________ était pratiquement inexistante. Le cas personnel d'extrême gravité devant être réalisé dans la personne du requérant, les difficultés que le départ de X.________ pourrait entraîner pour ses cousines n'étaient pas déterminantes au regard de l'art. 13 lettre f OLE; au surplus, les deux enfants ne se trouvaient pas dans une situation de dépendance par rapport à X.________. De plus, cette séparation ne mettrait pas l'intéressée elle-même dans une situation de détresse personnelle grave; âgée de trente-quatre ans et ayant vécu plus de vingt-cinq ans à l'étranger, X.________ conservait les attaches les plus importantes soit avec sa patrie, soit avec le Maroc. Quand bien même elle rencontrerait des difficultés en cas de retour dans l'un de ces deux pays, en particulier en tant que femme seule, elle était d'âge à mener une existence parfaitement indépendante; elle pourrait d'ailleurs continuer à bénéficier de l'aide financière de son frère et de sa soeur. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision du Département fédéral du 18 septembre 2006 ainsi que de dire qu'elle n'est pas assujettie aux mesures de limitation des étrangers et bénéficie de l'application de l'art. 13 lettre f OLE. Elle se plaint d'une fausse application de cette disposition et produit différentes pièces à l'appui de son recours. Elle requiert l'assistance judiciaire. 
 
Le Département fédéral conclut au rejet du recours. 
D. 
Le 7 novembre 2006, la recourante a encore produit diverses pièces selon lesquelles C.________, le tuteur de Y.________ et Z.________ - qui est aussi son propre beau-frère -, les aurait toutes trois expulsées du domicile qu'elles partageaient jusqu'alors avec lui et s'était vu retirer son droit de garde sur ses pupilles, par mesures préprovisionnelles du Juge de paix du district de Lausanne du 3 novembre 2006. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 571 consid. 1 p. 573). 
 
La voie du recours de droit administratif étant en principe ouverte contre les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation prévues par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 Il 403 consid. 1 p. 404/405) et les autres conditions formelles des art. 97 ss OJ étant remplies, le présent recours est recevable. 
2. 
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision qui n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le cas échéant d'office, les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105 al. 1 OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des citoyens ainsi que les traités internationaux (cf. ATF 130 I 312 consid. 1.2 p. 318) - en examinant notamment s'il y a eu excès ou abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ) -, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la décision attaquée, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen dans ce domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ). 
 
En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droit existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a p. 365; 122 II 1 consid. 1b p. 4). 
 
Les pièces produites pour la première fois céans avec le présent recours sont donc recevables. Il en va de même des pièces produites après l'expiration du délai de recours, qui portent sur des faits postérieurs à cette date. 
3. 
Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation "les étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas personnel d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique générale". Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou pas souhaitable du point de vue politique. 
 
II découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions auxquelles la reconnaissance d'un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées restrictivement. II est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas personnel d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré, socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas personnel d'extrême gravité; il faut encore que la relation du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse pas exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exemption des mesures de limitation du nombre des étrangers (ATF 130 II 39 consid. 3 p. 41/42 et la jurisprudence citée). 
 
Le Tribunal fédéral a précisé que les séjours illégaux en Suisse n'étaient en principe pas pris en compte dans l'examen d'un cas de rigueur. La longue durée d'un séjour en Suisse n'est pas, à elle seule, un élément constitutif d'un cas personnel d'extrême gravité dans la mesure où ce séjour est illégal. Sinon, l'obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée. Dès lors, il appartient à l'autorité compétente d'examiner si l'intéressé se trouve pour d'autres raisons dans un état de détresse justifiant de l'excepter des mesures de limitation du nombre des étrangers. Pour cela, il y a lieu de se fonder sur les relations familiales de l'intéressé en Suisse et dans sa patrie, sur son état de santé, sur sa situation professionnelle, sur son intégration sociale, etc. (ATF 130 II 39 consid. 3 p. 42). 
4. 
4.1 Dans l'hypothèse qui lui est la plus favorable, la recourante ne peut se prévaloir d'un séjour régulier en Suisse que durant un mois en 1998. En outre, depuis la fin du mois de juillet 2002, elle est au bénéfice d'une simple tolérance. Il ne saurait donc être question dans son cas d'un séjour régulier particulièrement long. 
 
Dans sa demande d'autorisation de séjour du 31 juillet 2002, la recourante affirmait être venue en Suisse, dans un premier temps, pour y passer des vacances, puis avoir décidé d'y rester, sa tante étant rapidement tombée gravement malade. Cette version des faits est démentie par certaines pièces du dossier (cf. courrier explicatif de la Ligue vaudoise contre le cancer du 30 juillet 2002 et certificat médical du 6 août 2002), d'où il résulte qu'en 1997, la tante de l'intéressée était déjà atteinte de l'affection qui devait l'emporter cinq ans plus tard et qu'elle avait souhaité que sa nièce puisse venir l'épauler pour les tâches quotidiennes (repas, courses ...) et apporter un soutien aux enfants (école, sorties, présence pendant ses hospitalisations ...). Tout porte donc à croire que la démarche était planifiée dès l'abord et que, partant, la recourante n'a pas hésité à donner de fausses indications à l'appui de sa demande d'autorisation de séjour. Même si l'on fait abstraction de l'illégalité de son séjour du 18 septembre 1998 à la fin du mois de juillet 2002, la recourante ne saurait donc se prévaloir d'un comportement entièrement irréprochable. 
 
A l'exception des liens qu'elle a noués avec ses cousines, la recourante n'a pas établi avec la Suisse des relations si profondes qu'elles justifieraient à elles seules l'octroi d'une exception aux mesures de limitation. Comme l'a justement relevé le Département fédéral, l'intégration socio-professionnelle de l'intéressée est pratiquement inexistante. Que cela soit dû à sa situation de clandestinité ou au fait qu'elle a consacré le plus clair de son temps à s'occuper de sa tante et de ses cousines ne peut être d'aucun secours à la recourante: il s'agit, en effet, dans l'un et l'autre cas, de situations qu'elle a délibérément choisies et dont elle doit dès lors assumer les conséquences négatives. 
4.2 En fait, l'argumentation développée par la recourante est, pour l'essentiel, axée sur les liens extrêmement étroits qui se sont noués entre elle et ses cousines et sur le traumatisme psychique qu'une séparation représenterait pour ces dernières. 
4.2.1 A ce propos, il convient de rappeler tout d'abord que, comme l'indique la formulation de l'art. 13 lettre f OLE, le cas d'extrême gravité doit, en principe, être réalisé dans la personne du requérant, et non dans celle d'un tiers (arrêt 2A.89/2000 du 21 mars 2000, consid. 1a). Dans des cas tout à fait exceptionnels, une dérogation à cette règle pourrait toutefois être envisagée à partir de critères tirés de l'art. 8 CEDH. Cette disposition ne saurait, certes, être directement invoquée dans la procédure relative à l'assujettissement aux mesures de limitation, puisque la décision qui y est prise ne porte pas sur le droit de séjourner en Suisse; en revanche, les critères découlant de l'art. 8 CEDH peuvent être pris en considération pour examiner si l'on est en présence d'un cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE, dans la mesure où des motifs d'ordre familial seraient liés à cette situation (arrêt 2A.474/2001 du 15 février 2002, consid. 4.2). L'un des critères susceptibles ainsi d'être pris en compte dans cette perspective pourrait être l'état de dépendance où un membre de la famille du requérant se trouverait à l'égard de ce dernier. 
4.2.2 Dans le cas particulier, il est établi de manière convaincante qu'il s'est créé entre la recourante et ses deux cousines des liens très profonds. Cet attachement a été favorisé par les soins que la recourante a dispensés sans compter et de manière constante à sa tante et aux enfants de celle-ci, d'autant plus qu'ils intervenaient dans un contexte particulièrement traumatisant pour les enfants: lente et inexorable dégradation de la santé de leur mère, décès de leur père, puis décès de leur mère, deux ans plus tard. 
 
Toutefois, Y.________ et Z.________ ont maintenant treize et quinze ans et elles ont perdu leur mère depuis plus de quatre ans. Or, le dossier manque d'informations sur l'évolution récente de leur relation avec la recourante. En effet, il contient certes des certificats établis par la psychologue qui les a suivies, mais ces documents remontent à plus de deux ans déjà, puisque l'un date du 30 juin 2003 et l'autre du 2 juin 2004. On peut dès lors se demander si les cousines de la recourante, qui sont en pleine adolescence, ont encore besoin en quelque sorte d'une mère de substitution ou si la présence de la recourante est moins indispensable. En outre, les événements récents montrent que l'avenir des deux jeunes filles est incertain dans la mesure où le droit de garde sur elles a été provisoirement retiré à C.________ pour être confié au Service de protection de la jeunesse du canton de Vaud, par décision du 3 novembre 2006. Dans cette nouvelle situation, on ne voit d'ailleurs pas quel rôle est imparti à la recourante en ce qui concerne Y.________ et Z.________. Enfin, il faudrait vérifier que la recourante soit en mesure de s'assumer financièrement et ne risque pas de tomber durablement à l'assistance publique, une fois que Y.________ et Z.________ seront adultes. 
 
Ainsi, il apparaît qu'en l'état du dossier, il n'est pas possible de juger si l'intéressée doit être exemptée des mesures de limitation. Il y a donc lieu d'annuler la décision entreprise, en précisant qu'une nouvelle décision ne pourra intervenir qu'après une instruction complémentaire. 
5. 
Vu ce qui précède, le recours doit être admis et la décision attaquée annulée. Il convient en outre de renvoyer la cause à l'autorité intimée pour qu'elle prenne une nouvelle décision après avoir complété l'instruction sur les points mentionnés ci-dessus (cf. consid. 4.2.2). 
 
Bien qu'elle succombe, la Confédération, dont l'intérêt pécuniaire n'est pas en cause, n'a pas à supporter de frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). 
 
Obtenant gain de cause, la recourante, qui a consulté un homme de loi, n'a pas à supporter de frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ), ce qui rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et la décision du Département fédéral de justice et police du 18 septembre 2006 est annulée, la cause lui étant renvoyée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
2. 
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire. 
3. 
La Confédération versera à la recourante un montant de 2'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
La demande d'assistance judiciaire est devenue sans objet. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et au Département fédéral de justice et police ainsi qu'au Service de la population du canton de Vaud. 
Lausanne, le 28 novembre 2006 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: